Auferstehung Emanuel Geibel
Emanuel Geibel
1815-1884
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Wenn einer starb, den du geliebt hienieden,
Quand la mort dérobe l’être aimé,
So trag hinaus zur Einsamkeit dein Wehe,
Pour supporter la solitude de votre malheur,
Dass ernst und still es sich mit dir ergehe
Partez, grave et calme,
Im Wald, am Meer, auf Steigen längst gemieden.
Dans la forêt, au bord de mer, marchez lentement.
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Da fühlst du bald, dass jener, der geschieden,
Là vous sentirez vos premiers souvenirs
Lebendig dir im Herzen auferstehe;
Vivants ressusciter dans votre cœur ;
In Luft und Schatten spürst du seine Nähe,
Dans l’air et les ombres, vous sentirez sa proximité,
Und aus den Tränen blüht ein tiefer Frieden.
Et des larmes fleuriront une profonde paix.
*
Ja, schöner muss der Tote dich begleiten,
Oui, votre mort adoré vous accompagnera,
Ums Haupt der Schmerzverklärung lichten Schein,
La douleur se transfigurera en une lueur brillante,
Und treuer – denn du hast ihn alle Zeiten.
Et fidèle – avec vous pour toujours.
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Das Herz auch hat sein Ostern, wo der Stein
Le cœur a aussi ses Pâques où la pierre
Vom Grabe springt, dem wir den Staub nur weihten;
S’écarte de la tombe et où nous consacrons la poussière ;
Und was du ewig liebst, ist ewig dein.
Et ce que vous aimez pour toujours, est à jamais éternel.
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LA POESIE D’EMANUEL GEIBEL
par
Saint-René Taillandier
1847
Il ne faut pas demander à M. Emmanuel Geibel la forte et vivace inspiration de M. Hartmann : M. Geibel est un poète aimable, d’une humeur facile, d’une verve brillante et légère. Né dans l’Allemagne du nord, aux bords de la mer, il a écouté de bonne heure les invitations des flots voyageurs qui l’ont porté vers des régions plus douces ; c’est en Grèce et en Espagne que s’est épanouie sa muse. Quand il vivait à Lubeck, il chantait bien çà et là, comme il convient à tout poète allemand, le Rhin et ses légendes : mais ce qui le frappait surtout, c’étaient les tableaux des contrées méridionales ; le bohémien aux cheveux noirs, le petit joueur de castagnettes, tous les frères errans de Mignon qu’il rencontrait sur sa route, lui faisaient voir en rêve les pays du soleil. Il avait d’ailleurs tous les instincts d’une autre patrie ; nul n’était plus insouciant ; paresseux avec délices, ainsi que Figaro, il célébrait la fainéantise d’une façon assez avenante, avec toute sorte de bonnes raisons et de gracieux argumens, à peu près comme l’a fait M. Théophile Gautier dans sa jolie pièce à un jeune Tribun. Aussi, quand il aura vu l’Espagne, quand il se sera couché sous les lauriers-roses de l’Ilyssus, il se sentira plus à l’aise, et de charmans motifs abonderont sous sa plume. Jusque-là, de Lubeck à Berlin, et en attendant mieux, il jettera par centaines des chansons amoureuses, sans trop se soucier de la fidélité promise et des plus simples vertus du foyer. L’éternelle fiancée, que chantent depuis cinquante ans toutes les lyres germaniques, n’importunera guère ici ceux qui trouvaient cet épithalame un peu trop long ; la fiancée classique a disparu ; M. Geibel en a mille, mille e tre, comme don Juan. Je n’affirmerai pas que cette légèreté soit toujours de très bon goût, ni surtout qu’elle ait l’excuse de l’entraînement naïf et de la verve sincère. Je crois entrevoir bien des imitations, médiocrement dissimulées, dans les meilleures fantaisies de M. Geibel. Je citais tout à l’heure M. Gautier ; l’auteur de la Comédie de la Mort n’est pas le seul à qui l’écrivain allemand ait emprunté ses capricieuses folies. M. Geibel a lu tous nos poètes, il les connaît très bien et les aime, si je ne me trompe, un peu plus qu’il ne conviendrait. Il a écrit un récit fort gai, assez spirituel, qui n’existerait pas si M. Alfred de Musset n’avait raconté les aventures de Mardoche :
« Aux bords de la Sprée, en Prusse, s’élève la ville de Berlin, célébrée dans tous les journaux, fameuse par son grand Frédéric, par sa poussière de sable et par ses milliers de poètes, dont personne ne sait le nom. C’est là que vivait récemment, fort inconnu, mais bien digne que vous fassiez connaissance avec lui, un jeune étudiant ; et, puisque je n’ai pas d’autre héros sous la main, je vais vous conter l’histoire de mon ami Clotaire.
« Singulier personnage ! à moitié homme, à moitié enfant. Je croirais volontiers qu’il était le fils aîné du mois d’avril. Tantôt hardi comme un héros, plein d’entrain, prompt à agir ; tantôt rêvant à l’aventure et perdu dans le monde des songes ; aujourd’hui, mélancolique, inquiet ; demain, inaccessible aux moindres soucis ; parfois languissant et sentimental, une heure après ferme et résolu ; jamais le même ; enfin, d’un seul mot, un fragment de poète.
L’auteur continue ainsi avec beaucoup de gaieté, sa plume court légèrement, finement ; mais il est trop visible que Mardoche a passé par là. Une autre fois, il dérobera sans façon M. Victor Hugo ; cette belle captive, ravie par le spectacle des contrées splendides où elle est emprisonnée, et qui n’ose admirer pourtant, car elle voit dans l’ombre le sabre des spahis, la captive des Orientales est devenue chez M. Geibel ce jeune esclave qui rêve en de très beaux vers et se croit le maître du palais des rois maures. Je signale au hasard quelques emprunts de M. Geibel ; j’en pourrais citer beaucoup d’autres. Pardonnons-lui : jusqu’au jour où il ira s’inspirer au soleil, il a voulu connaître au moins par ses confrères ces plages étincelantes, et il a pris le souvenir de ses lectures pour l’impression des lieux qu’il invoquait en songe.
Rien n’est plus charmant que l’impression du Midi sur les hommes du Nord, mais il la faut sincère et née spontanément sous l’influence de ces contrées heureuses. L’Espagne, la Grèce surtout, dès qu’il les eut visitées, inspirèrent à M. Geibel des compositions plus franches que tous ses vers datés d’Allemagne. C’est une bonne fortune pour le jeune poète de Lubeck d’avoir habité Athènes pendant une année entière. Cette mer divine dont parle l’Iliade, les rossignols de l’OEdipe à Colonne, les dieux de Phidias, le chœur des Grace : entrevu au penchant des collines sacrées, et particulièrement tout ce qu’il y a de plus léger, de plus indulgent, de plus abandonné dans les mœurs antiques, tout cela se joue avec un charme vrai dans les poésies de M. Geibel. Ce n’est pas sans doute la grace suprême d’André Chénier, la pure inspiration grecque miraculeusement retrouvée ; l’auteur, qui ne pouvait lutter avec le poète de l’Aveugle, a cherché plutôt un mélange très habile de la simplicité athénienne et de toutes les coquetteries, de toutes les subtilités modernes. De là un composé qui ne manque pas d’une certaine saveur. On pouvait craindre, je l’avoue, que le jeune écrivain, une fois descendu sur ces terres païennes, ne s’abandonnât trop aisément aux déesses effrénées, mais il s’est placé dès le premier pas sous la protection de Minerve.
« Toi qui habites les hauteurs de ces monts, Pallas aux yeux bleus, jette un regard ami sur le poète. Eros m’a bien accueilli sans doute, et le rouge Bacchus me sourit gaiement ; mais toi, ô déesse ! donne au plaisir la mesure, la sagesse ; rends mon humeur paisible, et règle la jouissance. Quand la jeunesse se livre à ses transports de feu, elle paie cher, hélas ! ses fugitives voluptés. Au contraire, si tu apaises le tumulte de ton regard à la fois sévère et souriant, comme Orphée, avec la lyre bénie, domptait les lions farouches, jamais alors, jamais la coupe renversée ne déshonore le festin, jamais la jeune fille, rouge de honte, ne détourne les yeux ; Vénus, parée de fleurs, se promène au milieu de l’assemblée, et la danse des Graces se déroule autour de la fête charmante. »
C’est aussi Minerve, je pense, qui a révélé à M. Geibel la grace de ces poètes anciens qu’il célèbre avec des impressions toutes neuves, et sans rien emprunter à l’enthousiasme convenu des commentateurs. J’aime que dans l’un de ses plus vifs sonnets il interpelle brusquement tous les philologues, tous les faiseurs de notes, tous les lexicographes de son pays, et les invite à venir fouler le sol de la Grèce moderne. Une matinée aux bords de la mer, une soirée sur la place publique, leur expliqueront mieux Sophocle et Aristophane que tout l’indigeste fatras des érudits allemands. M. Geibel aurait pu même consacrer plus de quatorze vers à ce sujet ; je m’assure qu’il y a là matière pour une belle et bonne satire. Cette répétition éternelle de choses cent fois redites, cette accumulation de notes inutiles, ces surcharges épaisses qui déshonorent les plus beaux livres, c’est bien certainement une des plus grandes plaies de l’Allemagne lettrée ; et, pour un Heyne, pour un Ottfried Muller, pour un Welcker, on sait quelle est la formidable armée de ces travailleurs acharnés à défigurer les maîtres. M. Geibel pouvait écrire cette satire de ce ton vif et ingénieux qui lui sied, et il s’y serait joué avec esprit. Il comprend avec un rare bonheur tout le mérite de la forme, et il est vraiment homme du sud par bien des côtés ; il craint les nuages, il a horreur des inventions pénibles ; la clarté élégante de l’art grec le jette dans des ravissemens sans fin. Quand son ame est plus tournée aux choses mystiques, ce n’est pas en Allemagne, ce n’est pas chez Goethe, chez Jean-Paul, qu’il va chercher ses plaisirs ; il s’adresse, comme Schlegel, aux drames sacrés de Calderon.
« Les alouettes babillent dès le matin, et le ciel étend sa belle clarté bleue sur les cimes de la riche vallée. Oh ! que l’aimable limpidité d’Homère me réjouit alors ! comme la majesté de Sophocle touche mon cœur ! Mais si, dans la nuit, bien tard, la lune parait au milieu des nuages et que la flamme de mon imagination s’agite, alors, oh ! je salue Arioste, le poète des contes aux couleurs brillantes, et Calderon me berce de ses rêves fantastiques. »
Tout cela est dit avec une finesse et une grace assez rares en Allemagne, et qui font de ce recueil une lecture piquante. Par malheur, le livre ne finit pas là, M. Geibel revient à Berlin, et la Prusse lui sera aussi funeste que la Grèce lui a été favorable. On conçoit, en effet, que ce poète aimable, que cet insouciant dilettante, sera fort dépaysé quand il reviendra sur la terre natale. Il trouvera une transformation déjà bien sérieuse, des émotions nouvelles et profondes, de graves problèmes bruyamment agités ; or, paresseux comme il l’est, je crains bien qu’il ne sache guère prendre sa place au milieu de cette foule tumultueuse. Je conçois le rôle d’un poète qui maintiendrait fermement l’indépendance de l’art, et qui tâcherait de s’élever au-dessus des questions du jour par le culte passionné de l’idéal ou les ravissemens gracieux de la fantaisie. Ce que je ne puis admettre, c’est l’indécision, l’embarras, la gaucherie provinciale de M. Geibel, quand il revient en Allemagne. Il ne sait que faire, il n’ose se décider. Rien ne l’obligeait sans doute à prendre parti dans le grand débat politique de son pays ; son rôle, au contraire, était tracé d’avance ; il devait continuer à prodiguer sans souci ses élégantes chansons et tout au plus à railler doucement les tribuns, comme l’a fait M. Gautier dans maintes pièces épicuriennes et sceptiques. Mais non, M. Geibel se laisse entraîner partout où souffle le vent : tantôt il enfle sa voix, il s’efforce d’être bien noir, bien lugubre, et, voulant donner un vigoureux symbole du temps où nous sommes, il chante les trois forgerons qui forgent, à l’endroit le plus sombre de la forêt, la formidable épée du peuple. Vous croyez que M. Geibel s’est rallié à la phalange de M. Herwegh ? Tournez la page, vous trouverez M. Geibel dans des dispositions toutes différentes. Le voilà qui fait reparaître, pour la centième fois, l’inévitable héros de la poésie allemande, Frédéric Barberousse en personne ! et pourquoi, je vous prie ? Jusqu’ici, lorsque le grand empereur souabe, interprété par les poètes, se réveillait dans les cavernes du mont Kyffhaeuser, c’était pour encourager l’Allemagne, pour exciter les vieux sentimens teutoniques, pour exalter la loyauté et l’héroïsme ; M. Geibel lui a donné un rôle nouveau. Il le force à débiter une déclamation, un sermon méthodiste qui pourrait trouver place dans le moniteur officiel de Berlin ou dans la Gazette évangélique. Décidément, les poètes allemands feraient bien de s’interdire pendant long-temps cette solennelle figure de Barberousse ; ils n’en ont que trop abusé. Quand M. Henri Heine, il y a deux ans, renvoyait si plaisamment le vieil empereur barbu au fond de sa caverne, la satire ne s’adressait pas au puissant héros de la maison de Souabe ; elle frappait les rimeurs ou les tribuns dont la lourde emphase évoquait ridiculement ces gothiques souvenirs. Je regrette que M. Geibel ne se soit pas rappelé cette vive et spirituelle leçon ; il aurait pu s’épargner des vers médiocres et de fâcheuses palinodies. En vérité, on ne comprend pas que le jeune poète se soit laissé entraîner à de pareilles fautes ! Comment expliquer ces doubles déclamations, cette double emphase en sens contraire, chez un écrivain qui fait profession de scepticisme et qui doit au far niente de la fantaisie ses œuvres les plus aimables ? Voilà un gracieux livre gâté comme à plaisir et de propos délibéré. M. Geibel est digne toutefois de prendre une belle revanche, et j’espère qu’il ne tardera pas ; il abandonnera à de plus forts que lui les dangereuses arènes, il relira Théocrite et Calderon, et, dans le cadre qu’il s’est choisi, viendront se ranger sans prétention les ébauches légères, les dessins vivement enlevés, les fines et brillantes aquarelles.
Saint-René Taillandier
De l’état de la poésie en Allemagne
Revue des Deux Mondes
Période Initiale, tome 17
1847
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