Вчера был день разлуки шумной,
Hier fut le jour d’une bruyante séparation, Вчера был Вакха буйный пир,
Hier fut le lieu d’une exubérante bacchanale, При кликах юности безумной,
Quand la folle jeunesse trinquait…
LES JUGEMENTS DE Tolstoï
SUR LES POEMES DE POUCHKINE
Ayons donc pleine confiance dans le jugement du comte Tolstoï sur les poèmes de Pouchkine, son compatriote ! Croyons-le, encore, quand il nous parle d’écrivains allemands, anglais, et scandinaves : il a les mêmes droits que nous à se tromper sur eux. Mais ne nous trompons pas avec lui sur des œuvres françaises dont le vrai sens, forcément, lui échappe, comme il échappera toujours à quiconque n’a pas, dès l’enfance, l’habitude de penser et de sentir en français ! Je ne connais rien de plus ridicule que l’admiration des jeunes esthètes anglais ou allemands pour tel poète français. Verlaine, par exemple, ou Villiers de l’Isle-Adam. Ces poètes ne peuvent être compris qu’en France, et ceux qui les admirent à l’étranger les admirent sans pouvoir les comprendre. Mais il ne résulte pas de là, comme le croit le comte Tolstoï, qu’ils soient absolument incompréhensibles. Ils ne le sont que pour lui, comme pour nous Lermontof et Pouchkine. Ce sont des artistes : la valeur artistique de leurs œuvres résulte de l’harmonie de la forme et du fond : et si lettré que soit un lecteur russe, si parfaite que soit sa connaissance de la langue française, la forme de cette langue lui échappe toujours.
Léon Tolstoï Qu’est-ce que l’art ? Traduction par T. de Wyzewa. Perrin, 1918 pp. i-XII
Pouchkine en 1810, alors âgé de 11 ans.
Aquarelle de Serguei Gavrilovich Tchirikoff Сергей Гаврилович Чириков
(1776—1853)
1811
Pouchkine s’inscrit au lycée Tsarskoïe Selo
(25 km de Saint-Pétersbourg).
Царское Село
Porte le nom de Pouchkine
****
1814
La famille Pouchkine emménage à Saint-Pétersbourg après la fin des Guerres napoléoniennes, en 1814.
Pouchkine a consacré son temps libre à la littérature et, en 1814, à quinze ans, il a déjà publié pour la première fois son poème « À un ami poète » dans la revue « Le Messager de l’Europe ». Ces vers, déclamés lors d’un examen de passage, lui valent l’admiration du poète Gavrila Derjavine.
****
1811-1817
Amitié avec les futurs décembristes. L’Insurrection décabriste, ou insurrection décembriste, prendra la forme, une dizaine d’années plus tard environ, d’une tentative de coup d’État militaire (Saint-Pétersbourg, en décembre 1825) afin d’obtenir une constitution du Tsar Nicolas Ier.
«Твой и мой, — говорит Лафонтен —
« Tien et mien, — dit La fontaine — Расторгло узы всего мира». — Du monde a rompu le lien. » — Что до меня, я этому отнюдь не верю.
Quant à moi, je n’en crois rien. Что было бы, моя Климена,
Que serait ce, ma Climène, Если бы ты больше не была моей,
Si tu n’étais plus la mienne, Если б я больше не был твоим?
Si je n’étais plus le tien ?
(Texte en français par Pouchkine et publié en 1884)
**********
Rouslan et Ludmila
Parution en 1820
écrit à la façon d’un conte de fées épique
Par
Prosper Mérimée
« cet essai frisait la témérité«
« Il obtint un succès plus légitime et dont il n’avait pas à rougir, en publiant vers 1820 le poème de Rousslan et Lioudmila. C’est encore une imitation, mais plus habile et d’après un original d’une autorité moins contestable. Il s’inspira de l’Arioste et surtout de Voltaire, dont la langue et l’esprit lui étaient plus familiers. Comme ses maîtres, il est gai, gracieux, élégamment ironique. En faveur de l’imitation, les Aristarques du temps lui montrèrent quelque indulgence ; ils y virent une preuve de modestie digne d’encouragement ; ils eussent été impitoyables peut-être pour une œuvre originale. À Rome autrefois, on n’aurait osé écrire en latin qu’en s’abritant sous l’autorité d’un Grec. À Saint-Pétersbourg, les lettrés exigeaient qu’on copiât un type français ou allemand. Aujourd’hui ce qui nous paraît le plus à remarquer dans Rousslan et Lioudmila, c’est un essai d’emprunter aux croyances populaires de la Russie des ressorts moins usés que ceux de la mythologie grecque, hors lesquels en 1820 il n’y avait pas de salut. Alors cet essai frisait la témérité, tant était grande l’intolérance classique. »
Prosper Mérimée
Portraits historiques et littéraires
Michel Lévy frères
1874
« Nous en trouvons l’explication dans une lettre que Joukowsky lui adressait, à Michailowskoïe, en 1826 : « Tu n’es mêlé à aucune affaire, cela est vrai, mais on a trouvé tes poèmes dans les papiers de tous ceux qui ont agi ; c’est un mauvais moyen de rester en bons termes avec le gouvernement. » Ainsi, pour ne jamais avoir déserté le terrain littéraire et s’être tenu à l’écart de la politique proprement dite, Pouchkine n’en était pas moins un homme dangereux. Il l’était peut-être plus que ceux que l’on avait emprisonnés et envoyés en Sibérie, car son influence était occulte, impalpable et fuyante. S’il n’existait aucune preuve tangible de sa culpabilité, son nom se rattachait cependant indiscutablement au parti libéral et, par-là même, au parti révolutionnaire. Ses poèmes séditieux, souvent mordants et satiriques, passaient sous forme de manuscrits de mains en mains, beaucoup d’inculpés politiques, parmi lesquels se comptaient les plus grands noms de la Russie, avouaient aux juges avoir été fortement influencés par les œuvres de Pouchkine. Nicolas Ier s’en souvint toute sa vie. Il ne cessa d’exercer une surveillance étroite sur le poète et sur ses œuvres. Trop intelligent pour ne point reconnaître la valeur réelle de Pouchkine, il y mit assez de formes pour ne point frapper le s poète, tout en se méfiant de l’homme. Il ne l’exila point comme avait fait son père ; au contraire, il exigea sa présence constante dans la capitale d’où Pouchkine ne put que rarement s’échapper. De cette manière, aucun de ses faits et gestes ne restait inconnu à la police. D’autre part, l’Empereur le délivra dès 1826 du joug officiel de la censure et se constitua son seul et unique censeur. Cette décision, qui avait les apparences d’une grâce » exceptionnelle, n’était, au fond, qu’un suprême moyen de contrôle. »
Le duel et la mort de Pouchkine
Hélène Iswolsky
Revue des Deux Mondes
Tome 56
1920
***********
8 septembre 1826
Pouchkine rentre d’exil par ordre de Nicolas Ier
Il sera reçu par Nicolas Ier.
« Je terminerai par une pièce d’un tout autre caractère qui, de même que l’Antchar, a eu le malheur d’être prise par la censure pour un dithyrambe révolutionnaire. Aujourd’hui l’une et l’autre sont imprimées dans toutes les éditions récentes de Pouchkine. Elle est intitulée le Prophète. « Tourmenté d’une soif spirituelle, j’allais errant dans un sombre désert, et un séraphin à six ailes m’apparut à la croisée d’un sentier. De ses doigts légers comme un songe, il toucha mes prunelles ; mes prunelles s’ouvrirent voyantes comme celles d’un aiglon effarouché ; il toucha mes oreilles, elles se remplirent de bruits et de rumeurs, et je compris l’architecture des cieux et le vol des anges au-dessus des monts, et la voie des essaims d’animaux marins sous les ondes, et le travail souterrain de la plante qui germe. Et l’ange, se penchant vers ma bouche, m’arracha ma langue pécheresse, la diseuse de frivolités et de mensonges, et entre mes lèvres glacées sa main sanglante mit le dard du sage serpent. D’un glaive il fendit ma poitrine et en arracha mon cœur palpitant, et dans ma poitrine entrouverte il enfonça une braise ardente. Tel qu’un cadavre, j’étais gisant dans le désert, et la voix de Dieu m’appela : Lève-toi, prophète, vois, écoute, et parcourant et les mers et les terres, brûle par la Parole les cœurs des humains. »
Prosper Mérimée
Portraits historiques et littéraires
Michel Lévy frères
1874
1829
1er mai 1829 départ pour l’armée active dans le Caucase
Juin 1829 – Pouchkine à Tiflis – Tbilissi (actuellement capitale de la Géorgie)
27 juin 1829 – Pouchkine lors de la prise d’Erzurum.
En 1829, la ville d’Erzurum (aujourd’hui située en Turquie) tombe aux mains des russes qui l’abandonnèrent aussitôt.
1830
карантин – Quarantaine La Russie subit une épidémie de choléra pendant l’automne 1830
(3 mois d’isolement pour Pouchkine du 3 septembre 1830 et le 5 décembre 1830 à Boldino)
Il arrive dans sa propriété pour organiser les affaires immobilières, puis il reste par obligation de quarantaine imposée par les autorités. Cette période correspond à ce que l’on a appelé l’Automne de Boldino, une propriété familiale, (Бо́лдинская о́сень).
Cette période fut très intense pour le poète. Il y terminera Eugène Onéguine. Boldino se trouve à environ 600 kilomètres à l’est de Moscou, aujourd’hui dans l’oblast de Nijni Novgorod (Нижний Новгород).
Il écrira notamment le poème ci-dessous Румяный критик мой, librement renommé ici LA QUARANTAINE AU TEMPS DU CHOLÉRA.
LA PETITE MAISON DE KOLOMNA (La Petite Maison dans la Kolomna) Par Prosper Mérimée
« La Petite Maison dans la Kolomna et le Comte Nouline sont deux charmants petits tableaux du même genre, non moins gracieux que leur devancier. Sauf la forme des vers et le ton général de la composition, Pouchkine n’a rien dérobé à lord Byron. Ses caractères sont bien russes et pris sur la nature. La Petite Maison dans la Kolomna chante les tribulations d’une bonne veuve, mère d’une jolie fille, en quête d’une servante à tout faire. Il s’en présente une, grande, robuste, un peu gauche et maladroite, mais qui prend les gages qu’on lui offre. La fille de la maison est d’ailleurs fort empressée à la mettre au fait et l’aide de son mieux. Un jour, la veuve est prise, pendant la messe, d’un pressentiment que sa bonne fait quelque sottise dans le ménage : elle rentre en hâte, et la trouve devant un miroir en train de se raser. »
Prosper Mérimée
Portraits historiques et littéraires
Michel Lévy frères, 1874
***************
18 février 1831
mariage avec Natalia Gontcharova
Natalia Nikolaïevna Gontcharova Наталья Николаевна Гончарова
( – )
Natalia Gontcharova par Alexandre Brioullov Алекса́ндр Па́влович Брюлло́в
En 1831
Le 25 mai 1831, ils déménagement à Tsarskoïe Selo.
En octobre 1831, ils s’installent à Saint-Pétersbourg
******
LE MARIAGE DE POUCHKINE
AVEC NATALIA
…Telle était la situation de Pouchkine à l’époque de son mariage, qui fut célébré à Moscou le 18 février 1831. Il avait trente-deux ans. Sa fiancée, Nathalie Nicolaievna Goncharowa, en avait dix-huit. Très épris de cette belle et jeune personne, Pouchkine ne restait pas moins sceptique au sujet de son bonheur. Ses fiançailles furent longues et pénibles et la famille Goncharoff ne témoignait que peu d’empressement pour le projet de cette union. Mme Goncharowa, mère, occupée surtout de la dot de sa fille, cherchait sans cesse querelle à son futur gendre. Quant à la jeune fille, elle se montrait aussi passive, aussi indifférente que Pouchkine était ardent et impatient.
« Quel cœur doit-elle donc avoir ? s’écriait Pouchkine ; il est armé d’une écorce plus dure que celle du chêne. » Jamais, dès ses premières rencontres avec Nathalie, Pouchkine ne se sentit aimé ou même apprécié par cette énigmatique et froide fiancée qui, en réponse à ses plus tendres épîtres, lui écrivait des lettres « grandes comme une carte de visite.» Le duel et la mort de Pouchkine Hélène Iswolsky
Revue des Deux Mondes
Tome 56
1920
Georges-Charles de Heeckeren d’Anthès
Beau-frère de Pouchkine
(mariage le 10 janvier 1837 avec la sœur de Natalia, Ekaterina Nikolaïevna Gontcharova Екатерина Николаевна Гончарова (1809 -1843)
Duel le 8 février 1837
Mort le 10 février 1837 à 37 ans
Le duel Pouchkine – d’Anthès
le 8 février au soir
par Alexey Avvakumovich Naumov
*************
LE DUEL ET LA MORT DE POUCHKINE
par
Hélène Iswolsky
Mais il y eut aussi un autre Pouchkine, celui des dernières années, un Pouchkine sombre et triste, déchiré par la vie. Bien avant de recevoir la blessure qui devait l’emporter, il avait été meurtri, frappé mortellement au point le plus sensible de sa libre conscience de poète ; le drame intime de Pouchkine, et c’est ici qu’il s’éloigne de Lensky, ne fut pas essentiellement un drame d’amour ; le mal était plus grave et plus cruel et se rattachait à toutes les fibres de son âme. Son génie, sa fière indépendance, étaient touchés autant et plus peut-être que son cœur. Cette histoire complexe et douloureuse des dernières années du grand poète ne fut jamais complètement déchiffrée ; ses biographes récents s’y sont attachés avec un intérêt croissant. M. Stchegoleff, qui a consacré à Pouchkine plusieurs volumes d’une grande probité historique et de la plus haute valeur, a étudié minutieusement les faits et les documents se rattachant à cette époque. Il a eu, notamment, le privilège de puiser dans les archives d’un Français, le très distingué conservateur du Musée des Arts décoratifs de Paris ; M. Louis Metmann est en effet l’arrière-petit-fils du gentilhomme alsacien, le baron Georges d’Anthès Heckeren, dont la main porta le coup meurtrier à Alexandre Pouchkine…. Le duel et la mort de Pouchkine Hélène Iswolsky
Revue des Deux Mondes
Tome 56
1920
**************
Natalia Gontcharova par Ivan Makarov
Ива́н Кузьми́ч Мака́ров
en 1849
*****
Georges de Heeckeren d’Anthès
Vers 1878
Peint par Carolus-Duran
D’Anthès prit le nom de Georges-Charles de Heeckeren, après accord du roi des Pays-Bas par lettre du
***********
Depuis le 6 février 1837
La tombe de Pouchkine se trouve dans le Monastère Sviatogorski ou Monastère Sviatogorski de la Dormition de la Vierge Marie
Святогорский Свято-Успенский монастырь Oblast de Pskov – Пско́вская о́бласть
(Proche de la Lettonie, de l’Estonie et de la Biélorussie.)
Le monastère a été fondé en 1569, sous ordre d’Ivan le Terrible.
LES JUGEMENTS DE Tolstoï
SUR LES POEMES DE POUCHKINE
Ayons donc pleine confiance dans le jugement du comte Tolstoï sur les poèmes de Pouchkine, son compatriote ! Croyons-le, encore, quand il nous parle d’écrivains allemands, anglais, et scandinaves : il a les mêmes droits que nous à se tromper sur eux. Mais ne nous trompons pas avec lui sur des œuvres françaises dont le vrai sens, forcément, lui échappe, comme il échappera toujours à quiconque n’a pas, dès l’enfance, l’habitude de penser et de sentir en français ! Je ne connais rien de plus ridicule que l’admiration des jeunes esthètes anglais ou allemands pour tel poète français. Verlaine, par exemple, ou Villiers de l’Isle-Adam. Ces poètes ne peuvent être compris qu’en France, et ceux qui les admirent à l’étranger les admirent sans pouvoir les comprendre. Mais il ne résulte pas de là, comme le croit le comte Tolstoï, qu’ils soient absolument incompréhensibles. Ils ne le sont que pour lui, comme pour nous Lermontof et Pouchkine. Ce sont des artistes : la valeur artistique de leurs œuvres résulte de l’harmonie de la forme et du fond : et si lettré que soit un lecteur russe, si parfaite que soit sa connaissance de la langue française, la forme de cette langue lui échappe toujours.
Léon Tolstoï Qu’est-ce que l’art ? Traduction par T. de Wyzewa. Perrin, 1918 pp. i-XII
Merveilleuse entreprise, l’Europe se trouvait sous l’émotion d’un fait plus important encore, et qui est devenu, non sans raison, le point de départ de l’ère des temps modernes. Une dernière invasion définitivement triomphante, effaçant de ce monde les vestiges de l’empire romain, avait assis le barbare aux portes de la civilisation. Depuis la prise de Constantinople, la chrétienté, menacée dans ses foyers, devait s’attendre à la continuité de l’état de guerre religieuse que le Coran impose à ses sectateurs ; dès lors plus d’expédition possible en Orient, plus de rapport facile avec les Échelles, l’Égypte, les Indes, possédées ou parcourues par le mahométan ; la navigation de la Méditerranée devenait des plus dangereuses, et le commerce, sinon la subsistance de l’Europe, était compromis. Un immense besoin d’expansion portait vers l’inconnu une activité, qui, en même temps qu’elle perdait ses anciens débouchés, se trouvait surexcitée par le travail intellectuel précurseur de la Renaissance.
On croyait bien alors que la terre était ronde ; mais, à défaut de moyens exacts d’appréciation, on était loin de se faire une idée de ses dimensions ; et, soit qu’on les réduisît outre mesure, soit qu’on s’exagérât la distance réelle des limites de l’extrême Orient, on s’imaginait retrouver les Indes au delà de l’océan Atlantique, sans se rendre compte de l’étendue possible des grandes mers, dont la Méditerranée n’est qu’une miniature.
Telles sont les pensées qui, après avoir guidé Chr. Colomb, l’ont constamment suivi dans sa carrière, et lui ont même longtemps survécu. Le but de l’amiral génois, c’est de substituer une nouvelle route à celle de l’Égypte et de la mer Rouge, c’est de prendre à revers le pays des épices et de remonter le Gange. Dès la première île qu’il découvre, il se croit aux Indes ; et il impose aux habitants du Nouveau-Monde un nom d’emprunt, qu’ils ne perdront jamais. Á Cuba, il se croit en Chine et s’étonne de ne pas y rencontrer le grand khan des Tartares ; et, quoique son expédition ne lui ait pas fait rencontrer les produits de l’extrême Orient qu’il était venu chercher, il se fait fort d’en envoyer au roi d’Espagne, autant qu’il plaira à ce souverain de lui en demander.
Il est donc bien certain que Colomb ne cherchait pas un nouveau monde, et que les préoccupations scientifiques n’entraient pour rien dans ses visées. Trois objets remplissent ses intentions : la conquête politique, qui s’effectue sans le moindre scrupule, au nom du droit du plus fort ; les relations commerciales et internationales que les gens de l’époque entendaient en vrais forbans, toutes les fois qu’une force suffisante ne les tenait pas en respect ; enfin, le prosélytisme religieux, d’autant plus redoutable qu’il était encore très-naïf. Ceux qui vinrent après Colomb, et qui furent, pour la plupart, des aventuriers de la pire espèce, n’eurent pas d’autres mobiles que ceux qui viennent d’être indiqués ; mais une cupidité sans frein et l’absence de tout sentiment d’humanité leur dictèrent une autre conduite : l’histoire n’aura pas assez d’exécrations pour la raconter.
Si les aventuriers envahisseurs de l’Amérique ne s’étaient montrés que cruels, on les aurait peut-être plus facilement oubliés ; mais ils furent inintelligents, et leur nom revient forcément à la pensée toutes les fois que l’on songe au passé de ce malheureux pays.
En effet, autant par suite de la disparition des monuments qu’on a détruits ou laissé perdre, que par suite de l’état d’ignorance et du défaut de traditions chez un grand nombre des peuples de cette immense contrée, l’Amérique n’a point d’histoire. Il y avait là cependant une civilisation propre, qui s’est malheureusement perdue elle-même, mais dont les vestiges ont été en partie retrouvés : réunir ces éléments, les coordonner, et en tirer les conclusions historiques qu’ils peuvent contenir, telle est la mission que s’est imposée le comité d’archéologie américaine. À peine constituée, cette réunion de savants a donné, dans la Revueaméricaine, des études pleines d’intérêt. Associée à la Société d’Ethnographie, elle espère former aussi une intéressante collection d’objets spéciaux à la science qu’elle cultive ; mais elle a compris en même temps que ce qu’il faut avant tout, dans un pareil ordre de recherches, c’est la multiplication des éléments de travail qui font généralement défaut. À cet effet, le comité compte entreprendre ou favoriser la publication des plus précieux documents qui seront à sa disposition.
On ne pouvait mieux commencer que par la lettre où Christophe Colomb rend compte des premiers rapports du monde ancien avec le monde nouveau. M. Lucien de Rosny, qui a bien voulu se charger de ce travail, l’a exécuté avec tout le soin et l’entente désirables : le texte, en certains points fautif ou douteux, a été comparé et autant que possible amendé ; tout en le serrant de près, la traduction n’y est pas asservie, on n’y oublie point les nécessités de la clarté et de l’intelligence ; enfin, des notes, aussi complètes qu’on peut les souhaiter, donnent non-seulement aux gens du monde, mais aux savants mêmes, des indications indispensables pour posséder complètement l’esprit de la situation. Ce petit ouvrage doit à de pareilles conditions un intérêt des plus vifs ; il sera la base de la collection de tout Américaniste.
ALPHONSE CASTAING Président du Comité
(1822-1888)
Membre du Conseil en 1870
Membre de la Société ethnographique
PREFACE à la LETTRE DECHRISTOPHE COLOMB SUR LA DÉCOUVERTE DU NOUVEAU-MONDE Publiée d’après la rarissime version latine conservée à la Bibliothèque impériale TRADUITE EN FRANÇAIS COMMENTÉE ET ENRICHIE DE NOTES PUISÉES AUX SOURCES ORIGINALES par Lucien de Rosny 1865
VENUS VENITRIX LA VENUS BORGHESE La Venere Vincitrice
拿破伦妹妹的雕像
Paolina Borghese Bonaparte rappresenta come Venere Vincitrice
– Pauline Bonaparte Borghèse Représentée comme Vénus Venitrix
Sœur de Napoléon Bonaparte 1780-1825
peinture de 1808 de François-Joseph Kinson
Marbre Marmo Statuario 1805-1808
LA RENCONTRE DE CANOVA AVEC BONAPARTE
« Antonio Canova était âgé de quarante ans, et commençait déjà à régner sans rival dans l’art italien de son temps lorsque, le 6 août 1797, il entra pour la première fois en rapports avec le futur empereur. Il était né dans un village des environs de Venise, d’une humble famille de paysans ; et sa rapide fortune avait eu comme point de départ un Lion de Saint Marc qu’il avait sculpté dans une motte de beurre, pour décorer la table d’un dîner dans la villa d’un sénateur vénitien, — début auquel l’on serait tenté d’attribuer une portée presque symbolique si l’on ne se rappelait qu’à la mollesse, vraiment un peu « beurrée, » d’un trop grand nombre des gracieuses productions du sculpteur, s’est plus d’une fois substituée, dans son art, la simple et virile beauté de figures du genre du Napoléon milanais ou des admirables lions couchés du monument funéraire du pape Clément XIII… Mais cinq années devaient se passer encore avant que Canova fût admis à connaître personnellement son glorieux admirateur. Celui-ci, du reste, à la date de cette première lettre, n’avait guère eu l’occasion d’apprécier par soi-même les « grands talens » d’un artiste dont la renommée seule était parvenue jusqu’à lui ; et ce n’est sans doute que durant l’été de 1802 que l’œuvre du sculpteur s’est vraiment révélée à lui, sous les espèces de ces deux groupes de Psyché et l’Amour qui, aujourd’hui encore, représentent pour nous au Louvre l’art du maître vénitien, — aussi fidèlement admirés des visiteurs du dimanche qu’ils sont désormais dédaignés du public, plus « raffiné, » des jours de semaine. Les deux groupes, en effet, avaient été rapportés de Rome par le général Murat, qui les avait somptueusement installés dans sa maison de Villiers ; et à peine Napoléon les eut-il aperçus, qu’aussitôt le désir lui vint de s’attacher, en qualité de « sculpteur ordinaire, » l’auteur de compositions où il croyait retrouver la plus pure fleur du génie antique. Au début de septembre 1802, Canova apprit de l’ambassadeur français à Rome, François Cacault, que le Premier Consul voulait bien l’appeler à Paris, afin d’y exécuter à la fois son buste et sa statue. Le pauvre Canova eut beau, à l’extrême étonnement du diplomate, essayer par tous les moyens de se dérober à cet honneur imprévu, qu’il considérait comme incompatible avec ses sentimens de patriote vénitien : force lui fut d’obéir à la volonté formelle de son maître, le pape Pie VII, et d’accepter enfin une tâche qui devait, d’ailleurs ; lui être payée avec une libéralité toute princière, 120 000 francs et le remboursement de tous les frais du voyage. » Théodore de Wyzewa
Revues étrangères A propos d’une nouvelle biographie de Canova Revue des Deux Mondes 6ème période – Tome 2 publication 1911 – Paris (p911-922)
« Si la princesse Pauline Borghèse a posé sans voile devant Canova pour la Vénus Victrix, placée aujourd’hui à la villa Borghèse, pourquoi Diane de Poitiers n’aurait-elle pas posé aussi librement devant Jean Goujon ? Quant à la fidélité de l’imitation, je ne suis pas disposé à l’accepter. »
Peintres et sculpteurs modernes de la France – Jean Goujon
Gustave Planche
Revue des Deux Mondes
Tome 7 – 1850
« Le rais incandescent traversa le centre impressionné du verre par l’ouverture qui lui faisait face, ressortit, coloré, par l’autre jour qu’entourait le cône évasé d’un projectif, ― et, dans un vaste cadre, sur une toile de soie blanche, tendue sur la muraille, apparut alors, en grandeur naturelle, la lumineuse et transparente image d’une jeune femme, ― statue charnelle de la Venus Victrix, en effet, s’il en palpita jamais une sur cette terre d’illusions. » Auguste de Villiers de L’Isle-Adam
L’Eve future – III – Apparition
Bibliothèque-Charpentier
Eugène Fasquelle éditeur, 1909 (nouv. éd.) (pp. 89-93).
« George, qui tout un soir a soudain rajeuni Un parterre de rois qu’on vit tressaillir d’aise ; La reine Caroline et Pauline Borghèse, Ces déesses qu’aimaient dans un siècle fini Les héros disparus, et la Celiani Que Prudhon fait sourire au soleil qui la baise. »
Théodore de Banville
Œuvres de Théodore de Banville
Alphonse Lemerre, éditeur, 1890
(Le Sang de la coupe. Trente-six Ballades joyeuses.
Le Baiser, pp. 3-165).
Dictionnaire Universel d’Histoire et de Géographie Bouillet Chassang 1878 Lettre C Pages 309 à 488
CANOVA (Antoine), sculpteur italien,ne en 1757 à Possagno, dans l’Etat vénitien, mort à Venise en 1822, fut appelé à Rome en 1779, après avoir remporté plusieurs prix à l’Académie des beaux-arts de Venise. Il y donna successivement plusieurs ou-vragesquilemirent bientôt au premier ranç des scui-teurs modernes, et dans lesquels il sut allier limitation de la nature avec les beautés idéales de 1 antique. Ses principaux ouvrages sont : Thésée assis sur le Minotaure vaincu; le mausolée de Clément III, dans la basilique de Saint-Pierre, le mausolée de Clément XIV, en marbre, dans l’église des Saints-Apôtres; Psyché enfant, debout, tenant par les ailes un papillon posé dans sa main ; le mausolée d’Alfieri, dans l’église de Santa-Croce à Florence; Washington, pour le sénat de la Caroline, la Madeleine, Orphée et Eurydice, Dédale et Icare, Adonis et Vénus, Endymion , Vénus victorieuse (Pauline Bonaparte), Polymnie (ÉUsa Bonaparte),etc. Il cultiva aussi la peinture avec succès. Canova avait été appelé plusieurs fois à Paris par Bonaparte : il revint en 1815, chargé par le pape de présider à la reconnaissance et à la translation des monuments enlevés à l’Italie et que réclamait le gouvernement pontifical. Cet artiste se distingue par la pureté des contours, l’élégance des formes, la sagesse de la composition, l’expression des physionomies, l’habileté à donner au marbre le poli et le moelleux de la nature vivante ; quelques-uns lui refusent la vigueur et l’originalité. Il était associé étranger de l’Institut. Son OEuvre a été publiée en 1824 par Réveil et Dela-touche. Quatremère de Quincy a donné une étude sur Canova et ses ouvrages, et le comte de Cico-gnara sa Biographie, Venise, 1825.
LES RELATIONS ENTRE CANOVA ET L’EMPEREUR
La vérité est que ces « dispositions » du tout-puissant Empereur eurent pour effet d’épouvanter le pauvre Canova. ainsi que nous le prouve assez clairement sa réponse affolée à la lettre de Daru. « Sa Majesté, y écrivait-il, peut me commander de consacrer à son service exclusif tout le reste de mes jours : j’obéirai, car ma vie lui appartient. Mais Elle ne saurait, sans contredire son cœur magnanime et sans violer la splendeur de son nom, Elle ne saurait, dis-je, vouloir vraiment que je renonce à moi-même, à mon art, à ma gloire. Si seulement mes travaux ont mérité d’obtenir d’Elle un gracieux égard, Elle daignera consentir à me laisser dans ma pacifique retraite, en songeant que cette retraite m’est indispensable pour me rendre moins indigne de sa protection. » Et peut-être cet homme d’un cœur doux et timide aurait-il trouvé le courage de résister jusqu’au bout à la volonté du vainqueur de l’Europe, sans l’énergique-pression exercée sur lui par tous ses confrères de Rome et de Florence, désireux d’exploiter à leur propre profit l’influence de leur glorieux ami auprès de l’Empereur. Théodore de Wyzewa
Revues étrangères A propos d’une nouvelle biographie de Canova Revue des Deux Mondes 6ème période – Tome 2 publication 1911 – Paris (p911-922)