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ERNEST RENAN par JULES LEMAÎTRE

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LITTÉRATURE FRANÇAISE

 

JULES LEMAÎTRE

 né le  à Vennecy et mort le  à Tavers

 

_______________

 

LES CRITIQUES 
DE 
JULES LEMAÎTRE

 

ERNEST RENAN

Les Contemporains
(1886)
Etudes & Portraits Littéraires

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Jules Lemaître
Portrait d’Ernest Renan dans son bureau, par Auguste Renan.

INTRODUCTION

Nul écrivain peut-être n’a tant occupé, hanté, troublé ou ravi les plus
délicats de ses contemporains. Qu’on cède ou qu’on résiste à sa séduction, nul ne s’est mieux emparé de la pensée, ni de façon plus enlaçante. Ce grand sceptique a dans la jeunesse d’aujourd’hui des fervents comme en aurait un apôtre et un homme de doctrine. Et quand on aime les gens, on veut les voir.
Les Parisiens excuseront l’ignorance et la naïveté d’un provincial
fraîchement débarqué de sa province, qui est curieux de voir des hommes illustres et qui va faisant des découvertes. Je suis un peu comme ces deux bons Espagnols venus du fin fond de l’Ibérie pour voir Tite-Live et «cherchant dans Rome autre chose que Rome même». Le sentiment qui les amenait était naturel et touchant, enfantin si l’on veut, c’est-à-dire doublement humain. Je suis donc entré au Collège de France, dans la petite salle des langues sémitiques.

I



À quoi bon pourtant ? N’est-ce point par leurs livres, et par leurs livres
seuls, qu’on connaît les écrivains et surtout les philosophes et les
critiques, ceux qui nous livrent directement leur pensée, leur conception du monde et, par là, tout leur esprit et toute leur âme ? Que peuvent ajouter les traits de leur visage et le son de leur voix à la connaissance que nous avons d’eux ? Qu’importe de savoir comment ils ont le nez fait ? Et s’ils l’avaient mal fait, par hasard ? ou seulement fait comme tout le monde ?
Mais non, nous voulons voir. Combien de pieux jeunes gens ont accompli leur pèlerinage au sanctuaire de l’avenue d’Eylau pour y contempler ne fût-ce que la momie solennelle du dieu qui se survit ! Heureusement on voit ce qu’on veut, quand on regarde avec les yeux de la foi ; et la pauvre humanité a, quoi qu’elle fasse, la bosse irréductible de la vénération.
Au reste, il n’est pas sûr que l’amour soit incompatible avec un petit
reste au moins de sens critique. Avez-vous remarqué ? Quand on est pris, bien pris et touché à fond, on peut néanmoins saisir très nettement les défauts ou les infirmités de ce que nos pères appelaient l’objet aimé et, comme on est peiné de ne le voir point parfait et qu’on s’en irrite (non contre lui), cette pitié et ce dépit redoublent encore notre tendresse. Nous voulons oublier et nous lui cachons (tout en le connaissant bien) ce qui peut se rencontrer chez lui de fâcheux, comme nous nous cachons à nous-mêmes nos propres défauts, et ce soin délicat tient notre amour en haleine et nous le rend plus intime en le faisant plus méritoire et en lui donnant un air de défi. La critique peut donc fournir à la passion de nouveaux aliments, bien loin de l’éteindre.
Conclusion : ce n’est que pour les tièdes que les grands artistes perdent parfois à être vus de près ; mais cette épreuve ne saurait les entamer aux yeux de celui qui est véritablement épris. Et ils y gagnent d’être mieux connus sans être moins aimés.

II


C’est, je crois, le cas pour M. Renan. Une chose me tracassait. Est-il
triste décidément, ou est-il gai, cet homme extraordinaire ? On peut hésiter si l’on s’en tient à ses livres. Car, s’il conclut presque toujours par un optimisme déclaré, il n’en est pas moins vrai que sa conception du monde et de l’histoire, ses idées sur la société contemporaine et sur son avenir prêtent tout aussi aisément à des conclusions désolées. Le vieux mot : «Tout est vanité», tant et si richement commenté par lui, peut avoir aussi bien pour complément : «À quoi bon vivre ?» que: «Buvons, mes frères, et tenons-nous en joie.» Que le but de l’univers nous soit profondément caché ; que ce monde ait tout l’air d’un spectacle que se donne un Dieu qui sans doute n’existe pas, mais qui existera et qui est en train de se faire ; que la vertu soit pour l’individu une duperie, mais qu’il soit pourtant élégant d’être vertueux en se sachant dupé ; que l’art, la poésie et même la vertu soient de jolies choses, mais qui auront bientôt fait leur temps, et que le monde doive être un jour gouverné par l’Académie des sciences, etc., tout
cela est amusant d’un côté et navrant de l’autre. C’est par des arguments funèbres que M. Renan, dans son petit discours de Tréguier, conseillait la joie à ses contemporains. Sa gaîté paraissait bien, ce jour-là, celle d’un croque-mort très distingué et très instruit.
M. Sarcey, qui voit gros et qui n’y va jamais par quatre chemins, se tire
d’affaire en traitant M. Renan de «fumiste», de fumiste supérieur et
transcendant (XIXe Siècle, article du mois d’octobre 1884). Eh ! oui,
M. Renan se moque de nous. Mais se moque-t-il toujours ? et jusqu’à quel point se moque-t-il ? Et d’ailleurs il y a des «fumistes» fort à plaindre. Souvent le railleur souffre et se meurt de sa propre ironie. Encore un coup, est-il gai, ce sage, ou est-il triste ? L’impression que laisse la lecture de ses ouvrages est complexe et ambiguë. On s’est fort amusé ; on se sait bon gré de l’avoir compris ; mais en même temps on se sent troublé, désorienté, détaché de toute croyance positive, dédaigneux de la foule, supérieur à l’ordinaire et banale conception du devoir, et comme redressé dans une attitude ironique à l’égard de la sotte réalité. La superbe du magicien, passant en nous naïfs, s’y fait grossière et s’y assombrit. Et comment serait-il gai, quand nous sommes si tristes un peu après l’avoir lu ?
Allons donc le voir et l’entendre. L’accent de sa voix, l’expression de son visage et de toute son enveloppe mortelle nous renseignera sans doute sur ce que nous cherchons. Que risquons-nous ? Il ne se doutera pas que nous sommes là ; il ne verra en nous que des têtes quelconques de curieux ; il ne nous accablera pas de sa politesse ecclésiastique devant qui les hommes d’esprit et les imbéciles sont égaux ; il ne saura pas que nous sommes des niais et ne nous fera pas sentir que nous sommes des importuns.
J’ai fait l’épreuve. Eh bien, je sais ce que je voulais savoir. M. Renan
est gai, très gai, et, qui plus est, d’une gaîté comique.

III

L’auditoire du «grand cours» n’a rien de particulier. Beaucoup de vieux
messieurs qui ressemblent à tous les vieux messieurs, des étudiants,
quelques dames, parfois des Anglaises qui sont venues là parce que M. Renan fait partie des curiosités de Paris.
Il entre, on applaudit. Il remercie d’un petit signe de tête en souriant
d’un air bonhomme. Il est gros, court, gras, rose ; de grands traits, de
longs cheveux gris, un gros nez, une bouche fine ; d’ailleurs tout rond,
se mouvant tout d’une pièce, sa large tête dans les épaules. Il a l’air
content de vivre, et il nous expose avec gaîté la formation de ce Corpus historique qui comprend le Pentateuque et le livre de Josué et qui serait mieux nommé l’Hexateuque.
Il explique comment cette Torah a d’abord été écrite sous deux formes à peu près en même temps, et comment nous saisissons dans la rédaction actuelle les deux rédactions primitives, jéhoviste et élohiste; qu’il y a donc eu deux types de l’histoire sainte comme il y a eu plus tard deux Talmuds, celui de Babylone et celui de Jérusalem ; que la fusion des deux histoires eut lieu probablement sous Ézéchias, c’est-à-dire au temps d’Esaïe, après la destruction du royaume du Nord ; que c’est alors que fut constitué le Pentateuque, moins le Deutéronome et le Lévitique ; que le Deutéronome vint s’y ajouter au temps de Josias, et le Lévitique un peu après.
L’exposition est claire, simple, animée. La voix est un peu enrouée et un peu grasse, la diction très appuyée et très scandée, la mimique familière et presque excessive. Quant à la forme, pas la moindre recherche ni même la moindre élégance ; rien de la grâce ni de la finesse de son style écrit. Il parle pour se faire comprendre, voilà tout ; et va comme je te pousse ! Il ne fait pas les «liaisons». Il s’exprime absolument comme au coin du feu avec des «Oh !», des «Ah !», des «En plein !», des «Pour ça, non !». Il a, comme tous les professeurs, deux ou trois mots ou tournures qui reviennent souvent. Il fait une grande consommation de «en quelque sorte», locution prudente, et dit volontiers : «N’en doutez pas», ce qui est peut-être la plus douce formule d’affirmation, puisqu’elle nous reconnaît implicitement
le droit de douter. Voici d’ailleurs quelques spécimens de sa manière.
J’espère qu’ils amuseront, étant exactement pris sur le vif.
À propos de la rédaction de la Torah, qui n’a fait aucun bruit, qui est
restée anonyme, dont on ne sait même pas la date précise parce que tout ce qui est écrit là était déjà connu, existait déjà dans la tradition orale : Comme ça est différent, n’est-ce pas ? de ce qui se passe de nos jours ! La rédaction d’un code, d’une législation, on discuterait ça
publiquement, les journaux en parleraient, ça serait un événement.
Eh bien, la rédaction définitive du Pentateuque, ç’a pa’été un
événement du tout !… À propos des historiens orientaux comparés à ceux d’Occident :
Chez les Grecs, chez les Romains, l’histoire est une Muse. Oh ! i’ sont
artistes, ces Grecs et ces Romains ! Tite-Live, par exemple, fait une
oeuvre d’art ; il digère ses documents et se les assimile au point
qu’on ne les distingue plus. Aussi on ne peut jamais le critiquer avec
lui-même ; son art efface la trace de ses méprises. Eh bien ! vous n’avez pas ça en Orient, oh ! non, vous n’avez pas ça ! En Orient, rien que des compilateurs ; ils juxtaposent, mêlent, entassent. Ils dévorent les documents antérieurs, ils ne les digèrent pas. Ce qu’ils dévorent
reste tout entier dans leurs estomac: vous pouvez retirer les morceaux.
À propos de la date du Lévitique :
Ah ! je fais bien mes compliments à ceux qui sont sûrs de ces choses-là ! Le mieux est de ne rien affirmer, ou bien de changer d’avis de temps en temps. Comme ça, on a des chances d’avoir été au moins une fois dans le vrai.
À propos des lévites :
Oh ! le lévitisme, ça n’a pas toujours été ce que c’était du temps de
Josias. Dans les premiers temps, comme le culte était très compliqué, il fallait des espèces de sacristains très forts, connaissant très bien leur affaire : c’étaient les lévites. Mais le lévitisme organisé en corps sacerdotal, c’est de l’époque de la reconstruction du temple.
Enfin je recueille au hasard des bouts de phrase : «Bien oui ! c’est
compliqué, mais c’est pas, encore assez compliqué.
»-«Cette rédaction du Lévitique, ça a-t-i’ été fini ? Non, ça a cessé.»-«Ah ! parfait, le
Deutéronome ! Ça forme un tout. Ah ! celui-là a pa’ été coupé !
»
J’ai peur, ici, de trahir M. Renan sous prétexte de reproduire exactement sa parole vivante. Je sens très bien que, détachés de la personne même de l’orateur, de tout ce qui les accompagne, les relève et les sauve, ces fragments un peu heurtés prennent un air quasi grotesque. Cela fait songer à je ne sais quel Labiche exégète, à une critique des Écritures exposée par Lhéritier, devant le trou du souffleur, dans quelque monologue fantastique.
J’ai peur, ici, de trahir M. Renan sous prétexte de reproduire exactement sa parole vivante. Je sens très bien que, détachés de la personne même de l’orateur, de tout ce qui les accompagne, les relève et les sauve, ces fragments un peu heurtés prennent un air quasi grotesque. Cela fait songer à je ne sais quel Labiche exégète, à une critique des Écritures exposée par Lhéritier, devant le trou du souffleur, dans quelque monologue fantastique. Eh bien ! non, ce n’est pas cela, ma loyauté me force d’en avertir le lecteur. Assurément je ne pense pas que Ramus, Vatable ou Budé aient professé sur ce ton ; et c’est un signe des temps que cette absence de tout appareil et cette savoureuse bonhomie dans une des chaires les plus relevées du Collège de France. Mais il n’est que juste d’ajouter que M. Renan s’en tient à la bonhomie. Les familiarités de la phrase ou même de la prononciation sont sauvées par la cordialité du timbre et par la
bonne grâce du sourire. Les «Oh !», les «Ah !», les «Pour ça, non !», les
«J’sais pas» et les «Ça, c’est vrai», peuvent être risibles, ou vulgaires,
ou simplement aimables. Les «négligences» de M. Renan sont dans le dernier cas. Il cause, voilà tout, avec un bon vieil auditoire bien fidèle et devant qui il se sent à l’aise.
Vous saisissez maintenant le ton, l’accent, l’allure de ces conférences.
C’est quelque chose de très vivant. M. Renan paraît prendre un intérêt
prodigieux à ce qu’il explique et s’amuser énormément. Ne croyez pas ce qu’il nous dit quelque part des sciences historiques, de «ces pauvres petites sciences conjecturales». Il les aime, quoi qu’il dise, et les trouve divertissantes. On n’a jamais vu un exégète aussi jovial. Il éprouve un visible plaisir à louer ou à contredire MM. Reuss, Graff, Kuenen, Welhausen, des hommes très forts, mais entêtés ou naïfs. Le Jéhoviste et l’Élohiste, mêlés «comme deux jeux de cartes», c’est cela qui est amusant à débrouiller ! Et lorsque le grand-prêtre Helkia, très malin, vient dire au roi Josias : «Nous avons trouvé dans le temple la loi d’Iaveh», et nous fournit par là la date exacte du Deutéronome, 622, M. Renan ne se sent pas de joie !
Mais c’est surtout quand il rencontre (sans la chercher) quelque bonne drôlerie qu’il faut le voir ! La tête puissante, inclinée sur une épaule et rejetée en arrière, s’illumine et rayonne ; les yeux pétillent, et le contraste est impayable de la bouche très fine qui, entrouverte, laisse voir des dents très petites, avec les joues et les bajoues opulentes, épiscopales, largement et même grassement taillées. Cela fait songer à ces faces succulentes et d’un relief merveilleux que Gustave Doré a semées dans ses illustrations de Rabelais ou des Contes drolatiques et qu’il suffit de regarder pour éclater de rire. Ou plutôt on pressent là tout un poème d’ironie, une âme très fine et très alerte empêtrée dans trop de matière, et qui s’en accommode, et qui même en tire un fort bon parti en faisant rayonner sur tous les points de ce masque large la malice du sourire, comme si c’était se moquer mieux et plus complètement du monde que de s’en moquer avec un plus vaste visage !

IV

C’est égal, on éprouve un mécompte, sinon une déception. M. Renan n’a pas tout à fait la figure que ses livres et sa vie auraient dû lui faire.
Ce visage qu’on rêvait pétri par le scepticisme transcendantal, on y
discernerait plutôt le coup de pouce de la Théologie de Béranger, qu’il a si délicieusement raillée. J’imagine qu’un artiste en mouvements oratoires aurait ici une belle occasion d’exercer son talent.
-Cet homme, dirait-il, a passé par la plus terrible crise morale qu’une
âme puisse traverser. Il a dû, à vingt ans, et dans des conditions qui
rendaient le choix particulièrement douloureux et dramatique, opter entre la foi et la science, rompre les liens les plus forts et les plus doux et, comme il était plus engagé qu’un autre, la déchirure a sans doute été d’autant plus profonde. Et il est gai !
Pour une déchirure moins intime (car il n’était peut-être qu’un rhéteur),
Lamennais est mort dans la désespérance finale. Pour beaucoup moins que cela, le candide Jouffroy est resté incurablement triste. Pour moins encore, pour avoir non pas douté, mais seulement craint de douter, Pascal est devenu fou. Et M. Renan est gai !
Passe encore s’il avait changé de foi : il pourrait avoir la sérénité que
donnent souvent les convictions fortes. Mais ce philosophe a gardé
l’imagination d’un catholique. Il aime toujours ce qu’il a renié. Il est
resté prêtre; il donne à la négation même le tour du mysticisme chrétien. Son cerveau est une cathédrale désaffectée. On y met du foin; on y fait des conférences: c’est toujours une église. Et il rit! et il se dilate ! et il est gai !
Cet homme a passé vingt ans de sa vie à étudier l’événement le plus
considérable et le plus mystérieux de l’histoire. Il a vu comment naissent les religions ; il est descendu jusqu’au fond de la conscience des simples et des illuminés ; il a vu comme il faut que les hommes soient malheureux pour faire de tels rêves, comme il faut qu’ils soient naïfs pour se consoler avec cela. Et il est gai !
Cet homme a, dans sa Lettre à M. Berthelot, magnifiquement tracé le
programme formidable et établi en regard le bilan modeste de la science.
Il a eu, ce jour-là, et nous a communiqué la sensation de l’infini. Il a
éprouvé mieux que personne combien nos efforts sont vains et notre destinée indéchiffrable. Et il est gai !
Cet homme, ayant à parler dernièrement de ce pauvre Amiel qui a tant pâti de sa pensée, qui est mort lentement du mal métaphysique, s’amusait à soutenir, avec une insolence de page, une logique fuyante de femme et de jolies pichenettes à l’adresse de Dieu, que ce monde n’est point, après tout, si triste pour qui ne le prend pas trop au sérieux, qu’il y a mille façons d’être heureux et que ceux à qui il n’a pas été donné de «faire leur salut» par la vertu ou par la science peuvent le faire par les voyages, les femmes, le sport ou l’ivrognerie. (Je trahis peut-être sa pensée en la traduisant; tant pis ! Pourquoi a-t-il des finesses qui ne tiennent qu’à l’arrangement des mots ?) Je sais bien que le pessimisme n’est point, malgré ses airs, une philosophie, n’est qu’un sentiment déraisonnable né d’une vue incomplète des choses ; mais on rencontre tout de même des optimismes bien impertinents ! Quoi ! ce sage reconnaissait lui-même un peu auparavant qu’il y a, quoi qu’on fasse, des souffrances inutiles et inexplicables ; le grand
cri de l’universelle douleur montait malgré lui jusqu’à ses oreilles :
et tout de suite après il est gai ! Malheur à ceux qui rient ! comme dit
l’Écriture. Ce rire, je l’ai déjà entendu dans l’Odyssée : c’est le rire
involontaire et lugubre des prétendants qui vont mourir.
Non, non, M. Renan n’a pas le droit d’être gai. Il ne peut l’être que par
l’inconséquence la plus audacieuse ou la plus aveugle. Comme Macbeth avait tué le sommeil, M. Renan, vingt fois, cent fois dans chacun de ses livres, a tué la joie, a tué l’action, a tué la paix de l’âme et la sécurité de la vie morale. Pratiquer la vertu avec cette arrière-pensée que l’homme vertueux est peut-être un sot ; se faire «une sagesse à deux tranchants»; se dire que «nous devons la vertu à l’Éternel, mais que nous avons droit d’y joindre, comme reprise personnelle, l’ironie ; que nous rendons par là à qui de droit plaisanterie pour plaisanterie», etc., cela est joli, très joli ; c’est, un raisonnement délicieux et absurde, et ce «bon Dieu», conçu comme un grec émérite qui pipe les dés, est une invention tout à fait réjouissante. Mais ne jamais faire le bien bonnement, ne le faire que par élégance et avec ce luxe de malices, mettre tant d’esprit à être bon quand il vous arrive de l’être, apporter toujours à la pratique de la vertu la méfiance et la sagacité d’un monsieur qu’on ne prend pas sans vert et qui n’est dupe que parce qu’il le veut bien,-est-ce que cela, à supposer que ce soit possible, ne vous paraît pas lamentable ? Dire que Dieu n’existe pas, mais qu’il existera peut-être un jour et qu’il sera la conscience de l’univers quand l’univers sera devenu conscient ; dire ailleurs que «Dieu est déjà bon, qu’il n’est pas encore tout-puissant, mais qu’il le sera sans doute un jour» ; que «l’immortalité n’est pas un don inhérent à l’homme, une conséquence de sa nature, mais sans doute un don réservé par l’Être, devenu absolu, parfait, omniscient, tout-puissant, à ceux qui auront contribué à son développement» ; «qu’il y a du reste presque autant de chances pour que le contraire de tout cela soit vrai» et «qu’une complète obscurité nous cache les fins de l’univers» : ne sont-ce pas là, à qui va au fond, de belles et bonnes négations enveloppées de railleries subtiles ? Ne craignons point de passer pour un esprit grossier, absolu, ignorant des nuances. Il n’y a pas de nuances qui tiennent. Douter et railler ainsi, c’est simplement nier ; et ce nihilisme, si élégant qu’il soit, ne saurait être qu’un abîme de mélancolie noire et de désespérance. Notez que je ne conteste point la vérité de cette philosophie (ce n’est pas mon affaire) : j’en constate la profonde tristesse. Rien, rien, il n’y a rien que des phénomènes. M. Renan ne recule d’ailleurs devant aucune des conséquences de sa pensée. Il a une phrase surprenante où «faire son salut» devient exactement synonyme de «prendre son plaisir où on le trouve», et où il admet des saints de la luxure, de la morphine et de l’alcool. Et avec cela il est gai ! Comment fait-il donc ?
Quelqu’un pourrait répondre :
-Vous avez l’étonnement facile, monsieur l’ingénu. C’est comme si vous disiez : «Cet homme est un homme, et il a l’audace d’être gai !». Et ne vous récriez point que sa gaieté est sinistre, car je vous montrerais qu’elle est héroïque. Ce sage a eu une jeunesse austère ; il reconnaît, après trente ans d’études, que cette austérité même fut une vanité, qu’il a été sa propre dupe, que ce sont les simples et les frivoles qui ont raison, mais qu’il n’est plus temps aujourd’hui de manger sa part du gâteau. Il le sait, il l’a dit cent fois, il est gai pourtant. C’est admirable !

V

Eh bien ! non. Je soupçonne cette gaieté de n’être ni sinistre ni héroïque. Il reste donc qu’elle soit naturelle et que M. Renan se contente de l’entretenir par tout ce qu’il sait des hommes et des choses. Et cela certes est bien permis ; car, si ce monde est affligeant comme énigme, il est encore assez divertissant comme spectacle.
On peut pousser plus loin l’explication. Il n’y a pas de raison pour que le pyrrhonien ou le négateur le plus hardi ne soit pas un homme gai, et cela même en supposant que la négation ou le doute universel comporte une vue du monde et de la vie humaine nécessairement et irrémédiablement triste, ce qui n’est point démontré. Dans tous les cas, cela ne serait vrai que pour les hommes de culture raffinée et de coeur tendre, car les gredins ne sont point gênés d’être à la fois de parfaits négateurs et de joyeux compagnons. Mais en réalité il n’est point nécessaire d’être un coquin pour être gai avec une philosophie triste. Sceptique, pessimiste, nihiliste, on l’est quand on y pense : le reste du temps (et ce reste est presque toute la vie), eh bien ! on vit, on va, on vient, on cause, on voyage, on a ses travaux, ses plaisirs, ses petites occupations de toute sorte.-Vous vous rappelez ce que dit Pascal des «preuves de Dieu métaphysiques»: ces démonstrations
ne frappent que pendant l’instant qu’on les saisit; une heure après, elles sont oubliées. Il peut donc fort bien y avoir contraste entre les idées et le caractère d’un homme, surtout s’il est très cultivé. «Le jugement, dit Montaigne, tient chez moi un siège magistral… Il laisse mes appétits aller leur train… Il fait son jeu à part.» Pourquoi ne ferait-il pas aussi son jeu à part chez le décevant écrivain des Dialogues
philosophiques? Essayons donc de voir par où et comment il peut être
heureux.
D’abord son optimisme est un parti pris hautement affiché, à tout propos et même hors de propos et aux moments les plus imprévus. Il est heureux parce qu’il veut être heureux : ce qui est encore la meilleure façon qu’on ait trouvé de l’être. Il donne là un exemple que beaucoup de ses contemporains devraient suivre. À force de nous plaindre, nous deviendrons vraiment malheureux. Le meilleur remède contre la douleur est peut-être de la nier tant qu’on peut. Une sensibilité nous envahit, très humaine, très généreuse même, mais très dangereuse aussi. Il faut agir sans se lamenter, et aider
le prochain sans le baigner de larmes. Je ne sais, mais peut-être le
«pauvre peuple» est-il moins heureux encore depuis qu’on le plaint
davantage. Sa misère était plus grande autrefois, et cependant je crois qu’il était peut-être moins à plaindre, précisément parce qu’on le
plaignait moins.
Je veux bien, du reste, accorder aux âmes faibles qu’il ne suffit pas
toujours de vouloir pour être heureux. La vie, en somme, n’a pas trop mal servi M. Renan, l’a passablement aidé à soutenir sa gageure; et il en remercie gracieusement l’obscure «cause première» à la fin de ses
Souvenirs. Tous ses rêves se sont réalisés. Il est de deux Académies;
il est administrateur du Collège de France; il a été aimé, nous dit-il,
des trois femmes dont l’affection lui importait: sa soeur, sa femme et sa fille ; il a enfin une honnête aisance, non en biens-fonds, qui sont chose trop matérielle et trop attachante, mais en actions et obligations, choses légères et qui lui agréent mieux, étant des espèces de fictions, et même de jolies fictions.-Il a des rhumatismes. Mais il met sa coquetterie à ce qu’on ne s’en aperçoive point; et puis il ne les a pas toujours.-Sa plus grande douleur a été la mort de sa soeur Henriette; mais le spectacle au moins lui en a été épargné et la longue et terrible angoisse, puisqu’il était lui-même fort malade à ce moment-là. Elle s’en est allée son oeuvre faite et quand son frère n’avait presque plus besoin d’elle. Et qui sait si la mémoire de cette personne accomplie ne lui est pas aussi douce que le serait aujourd’hui sa présence? Et puis cette mort lui a inspiré de si belles pages, si tendres, si harmonieuses! Au reste, s’il est vrai que le bonheur est souvent la récompense des cœurs simples, il me paraît qu’une intelligence supérieure et tout ce qu’elle apporte avec soi n’est point pour empêcher d’être heureux. Elle est aux hommes ce que la grande beauté est aux femmes. Une femme vraiment belle jouit continuellement de sa beauté, elle ne saurait l’oublier un moment, elle la lit dans tous les yeux. Avec cela la vie est supportable ou le redevient vite, à moins d’être une passionnée, une enragée, une gâcheuse de bonheur comme il s’en trouve. M. Renan se sent souverainement intelligent comme Cléopâtre se sentait souverainement belle. Il a les plaisirs de l’extrême célébrité, qui sont de presque tous les instants et qui ne sont point tant à dédaigner, du moins je l’imagine. Sa gloire lui rit dans tous les regards. Il se sent supérieur à presque tous ses contemporains par la quantité de choses qu’il comprend, par l’interprétation qu’il en donne, par les finesses de cette interprétation. Il se sent l’inventeur d’une certaine philosophie très raffinée, d’une certaine façon de concevoir le monde et de prendre la vie, et il surprend tout autour de lui l’influence exercée sur beaucoup d’âmes
par ses aristocratiques théories. (Et je ne parle pas des joies régulières et assurées du travail quotidien, des plaisirs de la recherche et, parfois, de la découverte.)-M. Renan jouit de son génie et de son esprit. M. Renan jouit le premier du renanisme.
Il serait intéressant-et assez inutile d’ailleurs-de dresser la liste des
contradictions de M. Renan. Son Dieu tour à tour existe ou n’existe pas, est personnel ou impersonnel. L’immortalité dont il rêve quelquefois est tour à tour individuelle et collective. Il croit et ne croit pas au progrès. Il a la pensée triste et l’esprit plaisant. Il aime les sciences historiques et les dédaigne. Il est pieusement impie. Il est très chaste et il éveille assez souvent des images sensuelles. C’est un mystique et un pince-sans-rire. Il a des naïvetés et d’inextricables malices. Il est Breton et Gascon. Il est artiste, et son style est pourtant le moins plastique qui se puisse voir. Ce style paraît précis et en réalité fuit comme l’eau entre les doigts. Souvent la pensée est claire et l’expression obscure, à moins que ce ne soit le contraire. Sous une apparence de liaison, il a des sautes d’idées incroyables, et ce sont continuellement des abus de mots, des équivoques imperceptibles, parfois un ravissant galimatias. Il nie dans le même temps qu’il affirme. Il est si préoccupé de n’être point dupe de sa pensée qu’il ne saurait rien avancer d’un peu sérieux sans sourire et railler tout de suite après. Il a des affirmations auxquelles, au bout d’un instant, il n’a plus l’air de croire, ou, par une marche opposée, des paradoxes ironiques auxquels on dirait qu’il se laisse prendre. Mais sait-il exactement lui-même où commence et où finit son ironie ? Ses opinions exotériques s’embrouillent si bien avec ses «pensées de derrière la tête» que lui-même, je pense, ne s’y retrouve plus et se perd avant nous dans le mystère de ces «nuances».
Toutes les fées avaient richement doté le petit Armoricain. Elles lui
avaient donné le génie, l’imagination, la finesse, la persévérance, la
gaieté, la bonté. La fée Ironie est venue à son tour et lui a dit: «Je
t’apporte un don charmant ; mais je te l’apporte en si grande abondance qu’il envahira et altérera tous les autres. On t’aimera ; mais, comme on aura toujours peur de passer à tes yeux pour un sot, on n’osera pas te le dire. Tu te moqueras des hommes, de l’univers et de Dieu, tu te moqueras de toi-même, et tu finiras par perdre le souci et le goût de la vérité. Tu mêleras l’ironie aux pensers les plus graves, aux actions les plus naturelles et les meilleures, et l’ironie rendra toutes les écritures infiniment séduisantes, mais inconsistantes et fragiles. En revanche, jamais personne ne se sera diverti autant que toi d’être au monde.
» Ainsi parla la fée et, tout compte fait, elle fut assez bonne personne. Si M. Renan est une énigme, M. Renan en jouit tout le premier et s’étudie peut-être à la compliquer encore.
Il écrivait, il y a quatorze ans : «Cet univers est un spectacle que Dieu
se donne à lui-même ; servons les intentions du grand chorège en contribuant à rendre le spectacle aussi brillant, aussi varié que possible.
» Il faut rendre cette justice à l’auteur de la Vie de Jésus qu’il les sert joliment, «les intentions du grand chorège» ! Il est certainement un des «compères» les plus originaux et les plus fins de l’éternelle féerie. Lui reprocherons-nous de s’amuser pour son compte tout en divertissant le divin imprésario ? Ce serait de l’ingratitude, car nous jouissons aussi de la comédie selon notre petite mesure ; et vraiment le monde serait plus ennuyeux si M. Renan n’y était pas.

APPENDICE
Fragment d’un discours prononcé par
M. Renan à Quimper
Le 17 Août 1885

… Moi aussi, j’ai détruit quelques bêtes souterraines assez malfaisantes. J’ai été un bon torpilleur à ma manière ; j’ai donné quelques secousses électriques à des gens qui auraient mieux aimé dormir. Je n’ai pas manqué à la tradition des bonnes gens de Goëlo.
Voilà pourquoi, bien que fatigué de corps avant l’âge, j’ai gardé jusqu’à
la vieillesse une gaieté d’enfant, comme les marins, une facilité étrange à me contenter.
Un critique me soutenait dernièrement que ma philosophie m’obligeait à être toujours éploré. Il me reprochait comme une hypocrisie ma bonne humeur, dont il ne voyait pas les vraies causes.
Eh bien ! je vais vous les dire.
Je suis très gai, d’abord parce que, m’étant très peu amusé quand j’étais jeune, j’ai gardé, à cet égard, toute ma fraîcheur d’illusions ; puis, voici qui est plus sérieux : je suis gai, parce que je suis sûr d’avoir fait en ma vie une bonne action ; j’en suis sûr. Je ne demanderais pour récompense que de recommencer. Je me plains d’une seule chose, c’est d’être vieux dix ans trop tôt.
Je ne suis pas un homme de lettres, je suis un homme du peuple ; je suis l’aboutissant de longues files obscures de paysans et de marins. Je jouis de leurs économies de pensée ; je suis reconnaissant à ces pauvres gens qui m’ont procuré, par leur sobriété intellectuelle, de si vives jouissances.
Là est le secret de notre jeunesse.
Nous sommes prêts à vivre quand tout le monde ne parle plus que de mourir.
Le groupe humain auquel nous ressemblons le plus, et qui nous comprend le mieux, ce sont les Slaves ; car ils sont dans une position analogue à la nôtre, neufs dans la vie et antiques à la fois…



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VIENDRA-T-IL ? de Ivan VAZOV – ИДЕ ЛИ? – Nouvelle Bulgare de 1886

MONUMENT SHOTA RUSTAVELI TBILISSI შოთა რუსთაველი
Ivan Milev, Иван Милев Лалев, Septembre 1923, 1925

България – Български – Bulgarie
Ivan Vazov
Иван Вазов

Traduction – Texte Bilingue
Превод – показване на два текста


LITTERATURE BULGARE
POESIE BULGARE
Ivan Vazov Les poèmes d'Ivan Vazov Poésie d'Ivan Vazov

българската поезия
българска литература

IvanVazovIvanVazovIvanVazovIvanVazovIvanVazovIvanVazov

Иван Вазов
IVAN VAZOV
1850-1921

български поет
Poète Bulgare

ИДЕ ЛИ? 
VIENDRA-T-IL ?

Nouvelle de 1886

 

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Каква мъгла, какъв гъстък думан беше паднал оная есен във Ветрен!
Quel brouillard ! quel temps s’abattait cet automne sur le village de Vetren !
Влажно, мокро;
Humide ! comme le temps de ce jour était humide ;
ситен дъжд пръска, небето се разтопило на студена пара и премазало ниските къщици на селото.
une pluie légère tombait sans cesse, le ciel fondait en une vapeur froide qui écrasait les maisons basses du village.
А из разкаляната улица глъчка, шум, върволяк.
Et dans la rue animée, un bruit de plus en plus fort.
Файтони, запрегнати с дръгливи коне, волски кола, натоварени с военни потреби, селяни, возачи, добитък – заприщят улицата между двете ханчета.
Des phaétons attelés à des chevaux affaiblis, des bœufs, du matériel militaire, des paysans, des charrettes, du bétail – tout encombrait la rue entre les deux auberges.
Из тая бъркотия промушва се войска от новобранци, едни облечени в солдатски шинели, други – в кожуси с кожи, обърнати отвън, повечето наметнати с дрипави черги, преправени на ямурлуци, с подгизнали цървули, препасани с редове патрони, с пушки на рамо, окичени със стръкове чимшир, на които висят натъпкани торби…
Une armée de recrues traversait ce capharnaüm, certaines vêtues de manteaux de soldats, d’autres de peaux en fourrure, la plupart de vêtements en lambeaux, des capotes trempées, des cartouchières et des fusils à l’épaule. avec des branches de buis sur lesquelles pendaient des sacs …
Студено, кал до колене, лапавица, поразия, а те пеят ли – пеят… Весели « печенеги »!
Ni le froid, ni la boue jusqu’aux genoux n’empêchaient ces soldats de chanter … Voici les joyeux « Petchenègues « ! »
– Тъй наричаха румелийската милиция.
comme on appelait alors la milice de la Roumélie.
На вратата на едната кръчма куп офицери, пътници и зачудени селяни зяпат любопитно на измокрените юнаци.
À la porte d’une taverne, un groupe d’officiers, de voyageurs et de villageois restaient éberlués devant le spectacle de ces héros épuisés.

Пред средното ханче наредили се купове-купове жени, девойки, деца, дрипави, разтреперани, зачервени от студ.
Devant l’autre auberge, un groupe de femmes, de filles, de jeunes enfants, en lambeaux, tremblant et rougis par le froid.
Те сега срещат и изпращат за сетен път ветренските войници, които идат с полка от Харманли, дето бяха отишли с турци да се бият, и бързо минуват за София, а оттам – за бойното поле – със сърби да се бият.
Ils se réunissaient à nouveau et voyaient pour la seconde fois les soldats de Vetren, partis d’abord rejoindre Harmanli, ville du sud de la Bulgarie, située dans l’oblast de Haskovo combattre les Turcs, et qui désormais partaient rapidement sur Sofia et, de là, vers le champ de bataille, pour combattre les Serbes.

– Ето го Гергевия син! Добър час, Цвятко!
– Voici le fils de Gergiev ! Bonne chance à toi, Tsvétko !

– У, я го виж, Рангел минува.
– Hé, regarde-le, c’est Rangel que voilà !

– У, ето и Неделкиния! Брей, Иване, ето тука майка ти!
– Et là, voici le fils de Nédelka ! Hé ! Ivan, voici ta mère !

И китки се подават бързешката, и сълзи се ронят по бузите, и думи се изговарят наполовина… и войската все отива,отива.
Et on apportait des bouquets de fleurs, les larmes coulaient sur les joues et les mots restaient souvent inachevés … et l’armée défilait, défilait encore.

– Мамо? Ето батя! – извика там червенобузо русо момиче.
– Maman ? Voici mon frère ! cria une jeune fille blonde aux joues rouges.

– Бачо Стоене! – крещи осемгодишното дете до момичето и простира ръце към войската.
– Stoyan ! cria un enfant de huit ans à côté de cette fille, qui tendait ses bras aux troupes.

– Синко! Синко! – вика плачливо майката.
– Fils ! Mon Fils ! cria la mère en pleurant.

Зададе се черноок, напет, здрав юнак, отби се от строя, целуна на майка си ръката, сестричето и братчето си по челото, забоде една китка на гърди, друга – над лявото ухо, които му подаде една там мома, рипна тичешката да стигне войската и песента.
Un jeune gaillard aux yeux noirs sortit de la troupe, et alla embrasser la main de sa mère, le front de sa sœur et celui de son frère, en accrochant une fleur sur sa poitrine, et une autre derrière son oreille gauche, que lui avait tendues une jeune fille, puis se dépêcha pour rejoindre son unité tout en reprenant son chant.

– Синко, добър час! – пищи майката.
– Fils, bonne chance! cria une mère.

– Стоене! – вика премаляла девойката.
– Allez ! cria la fille.

Но гласът им заглъхва в шумотевицата, Стоян се изгуби във войската, а войската в мъглата.
Mais leurs voix étaient comme étouffées, Stoyan déjà disparaissait au sein de l’armée et l’armée dans le brouillard.

Майката гледа все нататък и нищо не види.
La mère scrutait encore mais ne le voyait plus.

Девойката дигна пъстрата пола на престилката си и си закри лицето…
La fille souleva la jupe colorée de son tablier et essuya son visage …

Кога влезе у дома си, Стояновата майка се разхълца, отвори вехтата попукана ракла, подигна ризи и сукмани и взема от дъното и вощеница, залепя я пред куностаса и зачини ниски метани.
Quand elle rentra chez elle, la mère de Stoyan avait le souffle coupé, elle pleurait à gros sanglots, ramassa son linge, ses chemises et ses robes, et prit une bougie qu’elle alluma, la posa devant les icônes et pria.

А в това време топовете при Драгоман ехтяха.
À cet instant, sur les sommets du Dragoman, on entendait le son du canon.
Беше 4 ноември 1885 година.
C’était le 4 novembre 1885.

***

Тая нощ баба Цена сънува сън.
Cette nuit-là, Tséna, la mère de Stoyan, fit un rêve.

Голям облак, а войската отива в облака и Стоян там.
Un gros nuage, et les troupes marchaient dans ce nuage où se trouvait son fils.
Света Богородичке!
Sainte Vierge Marie !
Каква страхотия!
Quelle peur !
Облакът бучи, небето трещи, земята се търси – ето какво било битката.
Le nuage rugit, le ciel et la terre tremble – c’était la bataille.
Стоян се изгуби в облака, няма го вече, ами сега! . .
Stoyan se perdait dans le nuage, il était parti, désormais ! . .
Тя се сепна, разбуди се.
Elle grimaça et se réveilla.
Вътре тъмно, чер мрак.
À l’intérieur, tout était si sombre.
Само вятърът пищи навън.
Seul le vent hurlait dehors.
Това е битката.
C’était la bataille.
Боже господи Исусе Христе, закриляй го!. .
Seigneur Jésus-Christ, protège-le ! .
Света Богородичке, помилувай го Стоенча!
Sainte Mère de Dieu, aie pitié de mon Stoyan !

Тя не заспа до зори.
Elle ne dormit pas avant l’aube.

– Чичо Петре, какво казва облак? – попита тя заранта.
– Oncle Pètre, que signifie ce nuage ? demanda-t-elle ce matin-là.

– Облаци, Цено, има два:
– Les nuages, Tséna, il y en a de deux sortes :
има облак, дето става на дъжд, има облак, дето се разнася.
il y a le nuage qui donne la pluie et il y a le nuage qui part avec le vent.
Ти какъв облак сънува?
De quel type de nuage as-tu rêvé ?

Тя му разказа съня си.
Elle lui parla de son rêve.
Дядо Петър помисли.
Pètre resta un instant pensif.
Той не помнеше да има в съновника му досущ такъв облак.
Il ne se souvenait pas d’avoir de tel nuage dans ses rêves.
Но като видя уплашеното лице на Цена, която го гледаше запъхтяна, той от милост и каза:
Mais quand il vit le visage effrayé de Tséna qui le regardait, il dit gracieusement :

– Не грижи се, Цено, сънят е добър.
– Ne t’inquiète pas, Tséna, ce rêve est de bon augure.
Облакът показва и хабер:
Le nuage t’apporte également des nouvelles :
ще имаш книга от Стоенча.
bientôt tu recevras un pli de Stoyan.

Лицето на бабичката светна.
Le visage de la mère alors s’éclaira.

Подир шест деня тя прие писмо по един доброволец, Стоенчов приятел, който караше пленени сръбски войници.
Six jours plus tard, elle reçu une lettre d’un volontaire, un ami de Stoyan, qui conduisait des soldats serbes captifs.
Писмото беше от Стоенча и тя се затече при попа да й го прочете.
La lettre venait de Stoyan lui-même et elle courut chez le prêtre pour qu’il la lui lise.

Ето що казваше писмото:
Voici ce que disait la lettre :
« Мале, пиша ти това писмо, че съм живо и здраво и че победихме сърбите.
« Maman, je t’écris cette lettre pour te dire que je suis en vie et que nous avons vaincu les Serbes.
Слава, да живей България!
Gloire à la Bulgarie!
Аз съм здрав и Рангел Стойнов е здрав, и вуйчов Димитър е здрав и праща много здраве на майка си.
Je suis en bonne santé et Rangel Stoynov et mon cousin Dimitar sont aussi en bonne santé qui en profite pour envoyer un bonjour à sa mère.
Сърбите все стрелят в плутон и в залпове, ама се плашат много от « ура ».
Les Serbes tirent sur nous par salves groupées, mais ils ont très peur de nos « hourras ».
Прибери ми от Цветанови новия ремик, дето го забравих, че може да го поразят децата.
Prends-moi chez Tsvetan ma nouvelle ceinture que j’avais oubliée et que les enfants risquent d’abimer.
Утре ще гоним през драгоманските проходи и като се върна, ще донеса на Кина армаган от Ниш;
Demain, nous les poursuivrons sur les cimes de Dragoman et, à mon retour, j’apporterai un présent à Nitch ;
а тебе пращам един лев, да си го харчиш, а Радулча ще науча как свирят гранатите.
et je t’envoie un lev à dépenser, et à Radoul j’apprendrai comment explosent les grenades.
И те поздравлявам.
Et je t’embrasse.
Твой покорен син Стоян Добров.
Ton fils obéissant, Stoyan.
Много здраве и на дяда Петра.
Beaucoup de santé à oncle Pètre.
Щях да му пратя една сръбска пушка, ама сега нямаше как.
Je lui aurais bien envoyé un fusil serbe, mais maintenant, ce n’est malheureusement pas possible.
Много надалеч бият, но не мерят добре.
Ils tirent de très loin, mais ils ne sont vraiment pas précis.
Мамо, па много здраве и на Стоянка. »
Maman, bonne santé et le bonjour à Stoyanka ».

Зарадва се Цениното тъжно сърце, завтече се със старите си кокали у Стоенкини, с писмото.
Cette lettre venait de soulager le cœur triste de Tséna, qui, avec sa lettre dans les mains, courait déjà chez Stoyanka.
Радост голяма.
Comme elle était enjouée.
Но най-много се радва Радулчо за новата свирня, на която бачому ще го научи.
Mais surtout, Radoul était plus heureux encore d’apprendre comment explosent les grenades.

Току-що излезе на улицата, баба Цена видя нов куп пленници и зад тях един български войник.
En sortant de la rue, Tséna aperçut un nouveau groupe de prisonniers et un soldat bulgare qui les surveillait derrière eux.
Стори и се, че това е сам Стоенчо, тъй приличаше на него.
Il lui semblait voir Stoyan tant il ressemblait à ce soldat.
Не, не е той.
Mais non ce n’était pas lui.
Тя зина и него да попита не носи ли много здраве от сина и;
Elle voulait lui demander s’il avait des nouvelles de son fils ;
но вниманието и отвлякоха пленниците, които за първи път виждаше.
mais son attention fut distraite par ces captifs qu’elle voyait pour la première fois.

– Боже мили – пришушна си тя, – та тия ли са сърбите?
– Bon Dieu, dit-elle doucement, voilà donc des Serbes ?
Та те добри хора… Клетите им майки… дали ги знаят. Момчета бре, я почакайте!
Eh bien, ce sont apparemment de braves gens … leurs pauvres mères … savent-elles qu’ils sont prisonniers ? Les gars, eh ! attendez, attendez !

И тя се втурна у тях си и тозчас излезе пак със стъкло ракийца в ръка и викна към сръбските войници да почакат, за да ги почерпи.
Et elle se précipita vers eux, en sortant de suite avec un verre d’eau-de-vie à la main et demandant aux soldats serbes d’attendre pour les servir.
Солдатинът, който ги пазеше, се усмихна добродушно и ги спря.
Le soldat qui les gardait sourit de bon cœur et arrêta le convoi.

– Фалим, фалим – отговориха признателно уморените пленници, съгрени от благодатната глътка ракийца.
« Merci, Merci, » répondirent les captifs fatigués, réchauffés par ce geste généreux.

– И за мене капчица остая, наздраве, бабо! -извика весело българският войник и гаврътна последната капка в стъклото.
– Et pour moi il reste une goutte, grand-mère ! ajouta joyeusement le soldat bulgare qui avala une dernière goutte dans son verre.

– Все божи христиени… Ама защо ли се биха?… – чуди се баба Цена, като гледа подир дружината, която отмина.
Ce sont tous les chrétiens de Dieu … Mais pourquoi se battent-ils ? …, se demandait la grand-mère Tséna en regardant la troupe qui s’en allait.

Примирието стана.
Puis arriva le cessez-le-feu.
Наближи Коледа и войниците взеха да си идат в отпуск.
Noël approchait et les soldats étaient démobilisés.
И във Ветрен се завърнаха вече неколцина.
Et quelques-uns rentrèrent à Vetren.
Само Стоенча няма – ни него, ни хабер какъв-годе.
Seulement Stoyan n’était pas encore rentré.
Загрижи се баба Цена, разкахъри се тя, нехубави мисли й идат…
Tséna était inquiète et de mauvaises pensées lui venaient …
Минуват дните, тя все по-глежда към вратнята няма ли да се хлопне.
Au fil des jours, elle continuait de regarder par la porte, sans voir personne.
Ето дойде си Рангел Стойнов, ето и Петър, Динковият син, си дойде, ето и Стаматовите братя си дойдоха.
Rangel Stoynov était rentré, Pierre, le fils de Dinko, aussi, ainsi que les frères Stamatov.
Става тя, иде, пита – нищо не знаят.
Elle les questionna – mais ils ne savaient rien.
До едно време виждали Стояна, после го изгубили.
Ils avaient bien vu Stoyan, mais ils l’avaient ensuite perdu de vue.
Примира й сърцето, тя се щура като несвястна из къщи и Стоенча мисли.
Son cœur battait fort, elle marchait sans cesse autour de la maison en faisant les cents pas, obsédée par l’absence de Stoyan.

Мамо, дошел си вуйчов Димитър! – вика дъщеря й Кина, като припна запъхтяна от вратнята.
-Maman, il est de retour, le cousin Dimitre ! cria sa fille, Kina, essoufflée.
Стана пак, отива при Димитра.

Et Tséna partit chez Dimitre de ce pas.

Добре дошел, Димитре, ами Стоян де остана?
-Bienvenue, Dimitre, as-tu donc des nouvelles de Stoyan ?
  Но и Димитър нищо не знае…
Mais même Dimitre n’en savait rien…

-Може да са го пратили къде Видин – добавя Димитър, защото му е мило за майката;
-Ils l’ont peut-être envoyé à Vidine, bredouilla Dimiter, qui avait pitié de la mère ;
– може да си иде отнякъде, от друг път – бъбре смутено войникът.
– peut-être a-t-il pris un autre chemin – ajouta le soldat embarrassé.

-Боже господи, къде ще е останало момчето ми! – въздиша тя.
-Mon Dieu, où est donc resté mon garçon ? soupira-t-elle.

Излиза и отива у Стоенкини.
Elle partit chez Stoyanka.
Още от вратнята сърцето и затреперва.
En arrivant, son cœur battait si fort.
На, сега ще й каже Стоянка, че приела много здраве от Стоенча, че за Коледа си иде.
Maintenant, Stoyanka lui dira sûrement qu’elle a reçu des nouvelles de Stoyan, qu’il arrivera pour Noël.
А Стоянка баре да каже една добра.
C’est sûr, elle va annoncer une bonne nouvelle.
Не, мълчи.
Non, elle se tait.
Само очите й се зачервили.
Seuls ses yeux étaient rouges.

Селото цяло се разшавало.
 Tout le village était en éruption.
Посреща първия полк, който се връща.
Il saluait le retour du premier régiment.
Ето насред улицата, тъкмо срещу бабини Ценини, забиха две греди, една срещу друга;
Ici, au milieu de la rue, juste en face de la demeure de Tséna, deux poutres furent positionnées l’une contre l’autre ;
горните им краеве свързаха с криво дърво, като дъга.
leurs extrémités supérieures étaient attachées à un tronc incurvé comme pour former un arche.
Донесоха миризливи борикови вейки от планината и обвиха с тях гредите и дъгата, на която прилепиха надпис, донесен нарочно от Пазарджик:
Ils apportèrent des branches de pins de la montagne, et enveloppèrent avec les poutres et l’arche, et apposèrent l’inscription suivante :
« Добре дошли, храбри войници! »
« Bienvenue, braves soldats ! »
После окичиха всичко това с народни трицветни знамена.
Ensuite, ils décorèrent le tout avec les drapeaux nationaux.
Триумфалната арка стана!
L’Arc de Triomphe était en place !
Дойде и мина победоносната войска.

L’armée victorieuse arriva et passa sous l’arche.

« Може да иде отдире, може да иска да стигне тъкмо вечерта срещу празника;

  -Il sera sûrement derrière, il peut vouloir venir juste pour être là à Noël ;
той няма защо да прави Коледа на чуждо място;
il n’a pas besoin de passer Noël à l’étranger ;
ето и сега идат войници един по един, до вечерта, край не е, ще си дойде.
ici et tous ces soldats qui arrivent les uns après les autres, le soir…ce n’est pas fini, il viendra.
Той знае, че го чакат с поболени сърца толкова души тука. »
-Il sait que tant d’âmes l’attendent ici avec amour.
Така си мисли горката майка…
  Voilà ce que pensait la pauvre mère Tséna …

***

Заранта баба Цена отиде рано в черква.
Tôt le matin, Tséna se rendit à l’église.
Тя развали лева, пратен от Стоенча, купи вощеници и запали пред всичките икони на олтара.
Elle prit le lev envoyé par Stoyan, acheta des cierges et les alluma devant toutes les icônes de l’autel.
Тя се върна у тях си с прояснено лице.
Elle revint avec un visage rasséréné.
-Как-как, днес е тука, утре Коледа… не е край – шушне си тя.
-Aujourd’hui il sera là, demain c’est Noël … ce n’est pas fini », murmura-t-elle.
– Света Богородичке, доведи ми го ангелчето… Исусе Христе, зарадвай ме.
-Sainte Mère de Dieu, rapportez-moi mon ange… Jésus-Christ, faites-moi ce plaisir.
  Дотърча Кина и обади, че се завърнали и други селяни.
Kina arriva hâtivement et lui dit que d’autres soldats étaient revenus.
Баба Цена се намръщи.
  Tséna fronça les sourcils.

Стига си ми носила мюждета, ами иди, та посрещни бача си, както чинят другите хора – избъбра тя сърдито.
-Ne reste donc pas inactive, eh bien, va à la rencontre de ton frère comme les autres, dit-elle avec un peu de colère.

Мамо, и аз искам да ида с кака! – извика Радулчо.
-Maman, je veux aussi aller avec Kina ! s’écria Radoul.
И двете деца се затекоха нагоре из снежната улица, излязоха на шосето, на къра.
  Les deux enfants coururent sur la rue enneigée, pour rejoindre la route principale, en sortant du village.
А баба Цена остана извън вратнята, да посреща.
  Et Tséna resta dehors pour les accueillir à leur retour.
Вятьрът вее студено из планината.

Le vent soufflait glacial de la montagne.
Върховете, доловете, равнината, побелели от сняг.
Les sommets, les vallées, la plaine, tout était blanc de neige.
Небето навъсено.
Le ciel était chargé.
Черни орляци гарвани прехвръкват над пътя или кацат по оголелите върхове на дърветата.
Les noirs corbeaux planaient au-dessus de la route pour atterrir sur la cime des arbres.
Тук и там по шосето, което се издига към ихтиманската клисура, чернеят се купове посрещачи:
Ici et là, le long de la route qui montait aux gorges d’Ihtiman, de nombreux groupes noircissaient le chemin immaculé :
девойки, деца, бабички…
des filles, des enfants, des grands-mères…
Защото войниците още се връщат, кое сами, кое с дружини.
Ils attendaient impatiemment le retour des troupes.
Кина и Радулчо отминаха първия куп, отминаха втория, отминаха третия и отиват все по-далеко.
Kina et Radoul dépassèrent un premier groupe, puis un second, et à nouveau un troisième et ils continuaient sur leur lancée.
Те искат първи да видят и да посрещнат Стоенча.
Ils voulaient être les premiers à voir et à accueillir Stoyan.
Те ще го познаят из един път, макар че снегът, който прехвръква вече, им замрежва очите.
Ils le reconnaîtraient immédiatement, malgré toute cette neige qui aveuglait déjà leurs yeux.
Пътят се издига и губи зад бърдото.
La route montait pour se perdre derrière la colline.
Нищо се не види.
On ne voyait plus rien.
Кина и Радулчо излязоха на върха, там вятърът е по-силен и ги пронизва.
Kina et Radoul arrivèrent au sommet, où le vent était plus fort encore et les transperçait.
Двама войници се зададоха от завоя, цели засипани със сняг.
Deux soldats passèrent, recouverts de neige.
Не е той.
Non, ce n’était pas lui.

Брей, иде ли война отгоре? – попите Кина войниците.
-Pardon, mais y-a-t-il encore des soldats là-haut ? leur demanda Kina.

Не знаем, девойко; кого чакате?
-Nous ne savons pas, fillette ! qui attendez vous ?

Батя! – отговори Радулчо.
-Mon grand frère ! dit Radoul.
Морните пътници заминаха.
  Les soldats s’en allèrent.
Кина пак гледа нататък.
  Kina regardait droit devant.
Студено им – и тя трепери, и Радулчо зъзне, но батю иде – ще го чакат, че мама може да се кара или да плаче, ако го не доведат.
Ils avaient froid – et elle frissonnait, et Radoul était engourdi mais leur frère ne tarderait pas à arriver – sinon, leur mère se fâcherait.
  Показва се файтон с двама души, закачулени и обвити в топли кожуси.
Un phaéton, avec deux personnes, encapuchonnées et recouvertes d’une pelisse chaude, dévalait au loin.
Когато колата стигна до тях, Кина препречи пътя на конете.
Lorsque la voiture arriva à leur niveau, Kina bloqua la route aux chevaux.

Господине, иде ли война отгоре?
-Monsieur, y a-t-il encore des soldats plus haut ?

Не знаем, гълъбче – отговори единият от пътниците, като подигна качулчето си и погледна учудено почервенялата и посиняла от мраз девойка.

-Nous ne savons pas, ma colombe, répondit l’un des passagers en soulevant sa capuche et en regardant avec stupéfaction la petite fille rouge et glacée.
И каляската хукна надолу.
Et le chariot repartit sur le chemin enneigé.
Двете деца останаха като приковани.

Les deux enfants restèrent cloués là.
Часовете минуват.
Les heures passèrent.
Планинският вятър се усили, брули по лицата, развява им дрехите, снегът хвърчи и се върти на кълбуци, но те не бягат.
La puissante brise de la montagne s’intensifiait, frappant leurs visages, et faisant flotter leurs vêtements, au milieu d’une neige tourbillonnante ; mais leur motivation restait intacte.
Вперили очи все към завоя и гледат да се зачернее нещо живо.
Ils gardaient les yeux fixés sur le virage, cherchant quelque chose de vivant.
Изведнаж Кининото сърце трепна.
Soudain, le cœur de Kino battit.
Подаде се конница и затопурка насам.
La cavalerie était là.
Толкова войници!
Tant de soldats !
Навярно бачо й е там.
Son grand frère était sûrement là.
Тя чака, без да мигне.
Elle attendait sans bouger.
Конницата навали, после се изкачи шумно при тях – и мина.
la cavalerie arriva vers eux, puis grimpa bruyamment – et s’en alla.
Кина махна с ръка на двамата офицери, които яхаха малко отзад.
Kina salua les deux officiers, qui restaient légèrement en retrait.

Капитане, бачо иде ли? – попита тя просълзено.
-Capitaine, est-ce que mon frère arrive ? demanda-t-elle en larmes.
Офицерите спряха и погледаха учудено.
  Les officiers s’arrêtèrent, l’air surpris.

Кой ти е бачо? – попита единият.
-Qui est ton frère ? demanda l’un d’eux.

Бачо Стоян! Наш бачо Стоян! – изкрещя нетърпеливо Радулчо, учуден как може тоя пременен капитанин да не знае, че Стоян им е бачо.

-Mon frère Stoyan ! Notre grand frère Stoyan !, s’écria Radoul, impatient, se demandant pourquoi ce capitaine ne savait pas que Stoyan était leur frère.

Кой Стоян ? – повтори офицеринът слисан.

-Stoyan comment ? compléta l’officier.
Стоянчо из Ветрен! – отговори убедително Кина.

-Stoyan de Vetren ! dit Kina étonnée par cette demande.

  Офицеринът погълча нещо с другаря си и попита пак с участие:
L’officier échangea quelques mots avec son compagnon et à nouveau demanda des précisions.

Бачо ви кавалерист ли е?
-C’est un cavalier ?

Той, той – отговори бедното момиче, което не разбра.

-Oui ! C’est ça ! C’est lui !, répondit la pauvre fille, qui ne comprenait pas.

Няма го при нас, момиче.

-Non, il n’est pas là, fillette.

Хай върнете се в село, че ще измръзнете – каза другият.
-Revenez au village pour vous réchauffer, ajouta l’autre.
И офицерите тупнаха конете и последваха ескадрона си.
 Et les officiers fouettèrent alors les chevaux pour suivre leur escadron.
Кина плачеше и Радулчо се разплака.
 Kina pleurait et Radoul aussi.
Ръцете им и краката им се вкочанясаха, бузите посиняха.
Leurs bras et leurs jambes se raidissaient, leurs joues devenaient bleues.
Цялото шосе до селото се видеше пред тях;
Toute la route menant au village était désormais visible devant eux ; то беше пусто вече.
complètement déserte.
Посрещачите се бяха прибрали, защото наближаваше да мръкне, вятърът режеше все по-остро.
La nuit s’avançait, le vent soufflait de plus en plus fort.
Само конницата се още чернееше и отдалечаваше и вятърът донесе до слуха на децата веселата песен на войниците.
Seuls les cavaliers dessinaient une tache encore noire et distante, et le vent apportait aux oreilles des enfants le joyeux chant des soldats.
Тогава и Кина, и Радулчо потеглиха към село.
Puis Kina et Radoul partirent vers le village.
Нощта падаше.
 La nuit tombait.
С ръце, мушнати в пазви, те вървяха и хленчеха тихо и мислеха за майка си, която ги чака на вратнята.
Les mains blotties sous leurs bras, ils marchaient et gémissaient doucement, pensant à leur mère qui les attendait devant la porte.
Един нов файтон с три коня изгърмя зад тях из стръмнината.
Une autre voiture équipée de trois chevaux arrivait derrière eux sur cette partie pentue.

Господине, война иде ли още?
-Monsieur, y a-t-il encore des soldats ?

Файтонът се стрелна край тях и се не чу, не видя из мрачината.
  Le phaéton les doubla sans réponse et à grande vitesse, pour se perdre dans l’obscurité.
  А снежната виявица страшно вееше.
Et la tempête de neige soufflait toujours terriblement.
Сякаш че тя отговаряше на децата.
Comme si elle répondait aux enfants.
Тя идеше от запад, откъде бойното поле, там, дето в лозята при Пирот сега засипваше гроба на Стояна.
Elle venait de l’ouest, où se trouvait le champ de bataille, où la tombe de Stoyan reposait dans les vignes de Pirot.


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MONUMENT SHOTA RUSTAVELI TBILISSI შოთა რუსთაველი

LA GRÂCE EST DANS MON ÂME – Poème de AFANASSI FET – 1886 – Поэзия Афанасси Фета – Жаждою света горя

*

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__________________________________
LITTÉRATURE RUSSE
POÉSIE RUSSE
Русская литература
Русская поэзия
___________________________________
___________________________________

Poésie d’Afanassi Fet
Поэзия Афанасси Фета


___________________________________

AFANASSI FET
Афана́сий Афана́сьевич Шенши́н
Афана́сий Афана́сьевич Фет

5 décembre 1820 Novosselki, près de Mtsensk – 3 décembre 1892 Moscou
5 декабря 1820 г. Новоселки под Мценском – 3 декабря 1892 г. Москва

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TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE
__________________________________

_______________________________________________

LA GRÂCE EST DANS MON ÂME
1886

_________________________________________________

*

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Жаждою света горя,
Une flamme assoiffée de lumière,
Выйти стыдится заря;
L’aube se dresse honteuse ;
Холодно, ясно, бело,
Froide, claire, blanche,
Дрогнуло птицы крыло.
L’aile flotte dans les vents.
Солнца еще не видать,
Le soleil n’est pas encore levé
А на душе благодать.
Mais la grâce est dans mon âme.

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1 апреля 1886
1er avril 1886

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LES NUITS – POEME DE VLADISLAV KHODASSEVITCH – Ночи – Владисла́в Фелициа́нович Ходасе́вич – 1907

Ivan Aïvazovski, Айвазовский, Иван Константинович, Гнев морей, La Colère des mers, 1886

*Антология русской поэзии
Anthologie de la Poésie Russe
*


LITTERATURE RUSSE
русская литература

стихотворение  – Poèmes

Traduction Jacky Lavauzelle 

Vladislav Khodasevich
Vladislav Khodassevitch

 

 né le 16 mai 1886 Moscou – 14 juin 1939 Billancourt,

 

ПОЭЗИЯ ВЛАДИСЛАВА ХОДАССЕВИЧА

LA POÉSIE DE VLADISLAV KHODASSEVITCH

LES NUITS
1907
Ночи

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Сергею Кречетову
A Sergueï Sokolov-Kretchetov

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Sergueï Sokolov-Kretchetov
Соколов, Сергей Алексеевич
dit Соколов-Кречетов

25 septembre ou 7 octobre 1878 Moscou – 14 mai 1936 Paris
Poète et éditeur russe.

******************

Чуть воют псы сторожевые.
Des lointains hurlements de chiens.
Сегодня там же, где вчера,
Aujourd’hui tout comme hier,
Кочевий скудных дети злые,
Maigres enfants nomades diaboliques,
Мы руки греем у костра.
Nous nous réchauffons les mains au coin du feu.

И дико смотрит исподлобья
Et nos regards noirs sous nos sourcils
Пустых ночей глухая сонь.
Somnolent dans les épaisseurs des nuits vides.
В дыму рубиновые хлопья,
Des flammes rubis tourbillonnent dans la fumée,
Свистя, гремя, кружит огонь.
Sifflement et crépitement, tout autour du feu.

Молчит пустыня. Вдаль без звука
Le désert est silencieux. Au loin
Колючий ветер гонит прах, –
Un vent épineux chasse la poussière,
И наших песен злая скука
Et nous chantons tristement
Язвя кривится на губах…
A nous tordre les lèvres …

Чуть воют псы сторожевые.
Des lointains hurlements de chiens.


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7 мая 1907, Лидино
7 mai 1907, Lidino

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BROUILLARDS – POEME GEORGIEN de VAJA-PCHAVELA ვაჟა ფშაველა – 1886 – ხევზედ მიდიან ნისლები

******

GEORGIE – DECOUVERTE DE LA GEORGIE – საქართველოს აღმოჩენა

***

OTAR CHKHARTISHVILI – ოთარ ჩხარტიშვილი – Ma cour – My Yard – Différentes saisons – Tbilissi

POEME GEORGIEN DE VAJA-PCHAVELA
ვაჟა ფშაველა
LITTERATURE GEORGIENNE
ქართული ლიტერატურა
POESIE GEORGIENNE
ქართული პოეზია

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poème géorgien Vaja-Pchavela
Géorgie
საქართველო

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

poème géorgien vaja-pchavela

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POESIE GEORGIENNE
ქართული პოეზია

VAJA-PCHAVELA
ვაჟა ფშაველა

 26 juillet 1861 – 10 juillet 1915
26 ივლისი, 1861 – 10 ივლისი, 1915

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

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BROUILLARDS
ხევზედ მიდიან ნისლები
1886

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ხევზედ მიდიან ნისლები,
khevzed midian nislebi,
Les brouillards se jettent sur le ravin,
გაჩქარებულნი, მღერითა.
gachkarebulni, mgherita.
Sifflant et chantant…

*****
POEME GEORGIEN DE VAJA-PCHAVELA
ვაჟა ფშაველა
LITTERATURE GEORGIENNE
ქართული ლიტერატურა
POESIE GEORGIENNE
ქართული პოეზია

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poème géorgien Vaja-Pchavela
Géorgie
საქართველო

GEORGIE – DECOUVERTE DE LA GEORGIE – საქართველოს აღმოჩენა

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

Poème de vaja-pchavela

____________________________________________________________

POESIE GEORGIENNE
ქართული პოეზია

POEME GEORGIEN de
VAJA-PCHAVELA
ვაჟა ფშაველა

 26 juillet 1861 – 10 juillet 1915
26 ივლისი, 1861 – 10 ივლისი, 1915

34 POEMES D’EMILY DICKINSON DE 1852 A 1886 – Emily Dickinson’s poems

LITTERATURE AMERICAINE

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EMILY DICKINSON
December 10, 1830 – May 15, 1886
10 décembre 1830 – 15 mai 1886
Amherst, Massachusetts

Traduction – Translation

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

French and English text
texte bilingue français-anglais

 


******




LES POEMES D’EMILY DICKINSON

Emily Dickinson’s poems

 

 




**

1853
ON THIS WONDROUS SEA

On this wondrous sea
Sur cette merveilleuse mer
Sailing silently,
Navigant silencieusement,




**

1858
WHEN ROSES CEASE TO BLOOM

When Roses cease to bloom, dear, 
Quand les Roses finiront de fleurir, mon cher,
And Violets are done, 
Et les V
iolettes seront flétries,

**

1859
WHOSE CHEEK IS THIS ?

Whose cheek is this ?
A qui est cette joue ?
What rosy face
Quel rose visage

**

1860
A LITTLE EAST TO JORDAN

A little East of Jordan,
Un peu à l’est du Jourdain,
Evangelists record,
Les Evangélistes enregistrent,




**

1861
POOR LITTLE HEART !

Poor little heart!
Pauvre petit cœur !
Did they forget thee?
T’ont-ils oublié ?

**

1861
I’VE KNOW A HEAVEN LIKE A TENT

I’ve known a Heaven, like a Tent – 
J’ai connu un Ciel, comme une Tente –
To wrap its shining Yards – 
 A emballer son éclatante Cour-




**

1862
OF BRONZE AND BLAZE

Of Bronze – and Blaze 
De Bronze – et de Feu
The North -tonight! 
Le Nord -ce soir !

**





1863
I GAINED IT SO

I gained it so –
Je l’ai gagnée ainsi,
By Climbing slow –
En Escaladant lentement,

**

1864
THE SPRY ARMS OF THE WIND

The spry Arms of the Wind
Les vaillants Bras du Vent
If I could crawl between
Si je pouvais ramper entre

**

1865
WHAT TWINGS WE HELB BY
LA RIVIERE RAPIDE DE LA VIE

 What Twigs We held by-
Quels Rameaux nous agrippaient ?
Oh the View
Oh cette Vue

**





1866
AFTER THE SUN COMES OUT
LA TRANSFORMATION DU MONDE

After the Sun comes out
Une fois le soleil sorti
How it alters the World —
Comme cela transforme le Monde

*

1867
THE MURMURING OF BEES
LE MURMURE DES ABEILLES

The murmuring of Bees, has ceased
Le murmure des Abeilles a cessé
But murmuring of some
Mais d’autres s’entendent

**





1868
AFTER A HUNDRED YEARS
UN SIECLE APRES

After a hundred years
Un siècle après
Nobody knows the Place
Personne ne connaît le Lieu

**

1869
THE DUTIES OF THE WIND ARE FEW
LES DEVOIRS ET LES PLAISIRS DU VENT

The duties of the Wind are few,
Les devoirs du Vent sont peu nombreux :
To cast the ships, at Sea,
Fracasser les navires, en Mer,

**

1870
A NOT ADMITTING OF THE WOUND
LA BLESSURE

A not admitting of the wound
Ne pas reconnaître la plaie
Until it grew so wide
Jusqu’à ce qu’elle soit si large

**

1870
THAT THIS SHOULD FEEL THE NEAD OF DEATH
LE BESOIN DE LA MORT

That this should feel the need of Death
Que celui qui ressent le besoin de la Mort
 
The same as those that lived
Le même que celui qui vécu

**

1871
THE DAYS THAT WE CAN SPARE

The Days that we can spare
Les Jours que nous avons en trop
Are those a Function die
Ensevelissent une Fonction qui meurt

**

1872
UNTIL THE DESERT KNOWS
AU GALOP DANS NOS RÊVES

Until the Desert knows
Jusqu’à ce que le Désert sache
That Water grows
Que l’Eau jaillit

**

1873
HAD WE OUR SENSES
LA RAISON & LA FOLIE

Had we our senses
Avons-nous notre raison ?
 
But perhaps ’tis well they’re not at Home
Mais peut-être vaut-il mieux que non

**

1874
WONDER IS NOT PRECISLY KNOWING
LE PLAISIR DEVENU DOULEUR

Wonder — is not precisely Knowing
 L’Etonnement- n’est pas précisément la Connaissance
 
And not precisely Knowing not
 Ni précisément l’Ignorance –

**

1875
THAT SHORT POTENTIAL STIR
L’ECLAT DE LA MORT

That short — potential stir
Ce court – et potentiel émoi
 
That each can make but once
Que chacun peut faire juste une seule fois –

**

1876
LONG YEARS APART
L’ABSENCE DE LA SORCIERE

Long Years apart — can make no
Les longues Années d’éloignement- ne peuvent engendrer de
Breach a second cannot fill —
Brèche qu’une seule seconde ne puisse colmater –

**

1877
IT WAS A QUIET SEEMING DAY
LE COQUELICOT DANS LE NUAGE

It was a quiet seeming Day —
C’était un Jour en apparence calme –
There was no harm in earth or sky —
Il n’y avait aucun mal ni sur terre ni dans le ciel –

**

1878
TO MEND EACH TATTERED FAITH
REPARER LA FOI EN LAMBEAUX

To mend each tattered Faith
Pour réparer chaque Foi en lambeaux
There is a needle fair
Il y a une fine aiguille,

**

1879
WE TALKED WITH EACH OTHER
LES SABOTS DE L’HORLOGE

We talked with each other about each other
Nous nous sommes parlés, les uns les autres
Though neither of us spoke —
  Même si aucun de nous n’a parlé –

**

1880
GLASS WAS THE STREET
LA RUE DE VERRE

Glass was the Street – in Tinsel Peril
De verre était la rue – dans un Aventureux Crissement
 
Tree and Traveller stood.
Arbre et Voyageur debout se tenaient.

**

1881
THE THINGS THAT NEVER CAN COME BACK
LES CHOSES QUI JAMAIS NE REVIENNENT

The Things that never can come back, are several —
Les Choses qui jamais ne reviennent sont multiples –
Childhood — some forms of Hope — the Dead —
L’Enfance – certaines formes d’Espoir – les Morts –

**

1882
HE ATE AND DRANK THE PRECIOUS WORDS
LES MOTS PRECIEUX

He ate and drank the precious Words —
Il a mangé et il a bu les Mots précieux –
His Spirit grew robust —
Son Esprit s’est développé –

**

1883
No ladder needs the bird but skies
DONNER DES AILES AUX CHERUBINS

No ladder needs the bird but skies
 L’oiseau n’a pas besoin d’échelle mais des cieux
To situate its wings,
Pour placer ses ailes,

**

1884
Upon his Saddle sprung a Bird
LA NOTE DE L’OISEAU

Upon his Saddle sprung a Bird
Sur sa selle a bondi l’Oiseau
And crossed a thousand Trees
  S’en est allé traverser un milliers d’Arbres

**

1885
Take all away from me, but leave me Ecstasy,
LAISSEZ-MOI L’EXTASE

Take all away from me, but leave me Ecstasy,
Retirez-moi tout, mais laissez-moi l’Extase,
 And I am richer then than all my Fellow Men —
Et plus riche que tous mes Semblables  je deviendrai –

**

LES ULTIMES POEMES

**

1886
THE IMMORTALITY SHE GAVE
LA FORCE DE L’AMOUR HUMAIN

The immortality she gave
L’immortalité qu’elle a donnée
We borrowed at her Grave —
Nous l’avons emprunté à son Tombeau-

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1886
OF GLORY NOT A BEAM IS LEFT
POUR LES ÉTOILES

Of Glory not a Beam is left
De la Gloire, ne reste pas un seul Faisceau
But her Eternal House —
Mais reste sa Maison Éternelle –

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EMILY DICKINSON

EMILY DICKINSON (1852) Sic transit gloria mundi – Ainsi passe la gloire du monde

LITTERATURE AMERICAINE

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EMILY DICKINSON
December 10, 1830 – May 15, 1886
10 décembre 1830 – 15 mai 1886
Amherst, Massachusetts




Traduction – Translation

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

French and English text
texte bilingue français-anglais

 






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Sic transit gloria mundi




Ainsi passe la gloire du monde

1852

 







Peter, put up the sunshine;




Our Fathers being weary,

And farewell, Sir, to thee!
Et adieu, Monsieur, à toi !

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EMILY DICKINSON

关帝庙 GuanDi Temple KUALA LUMPUR

Pelancongan di Malaysia
Voyage en Malaisie
PHOTO JACKY LAVAUZELLE

 




 关帝庙

 

GUANDI TEMPLE
Kuan Ti Temple

 Visiter Kuala Lumpur
Meneroka kota Kuala Lumpur
Melawat Kuala Lumpur
吉隆坡
Куала-Лумпур

*








关帝庙
GuanDi Temple

Jalan Tun H S Lee
Kuala Lumpur
CHINATOWN

Founded in 1886
Fondé en 1886

Le temple (庙 – Miào) chinois principal de Chinatown est dédié à l’un des plus grands guerriers de la Chine. GuanDi (关帝), appelé aussi Kuan Ti ou Guan Yu ou Kwan, de par sa maîtrise de la guerre, de la stratégie, par son comportement, sa maîtrise de soi et son courage a été nommé Dieu de la Guerre. Les fidèles viennent rechercher sa protection.
Il s’agit en fait de Guan Yu divinisé. Il est à l’action, 武聖, le saint militaire, ce que Confucius est à la pensée, 文聖, le saint de la pensée [文-langue].

 Ce  Dieu taoïste de la guerre n’offre sa protection qu’à ceux qui sont droits et justes. Ming Wanli, 萬曆, le treizième empereur de la dynastie Ming, en 1614, lui offrit le titre d’Empereur, Saint Empereur Guan 關聖帝君. Shunzhi  順治蒂, le second empereur mandchou de la dynastie Qing, confirmera le titre en 1644.

Il est représenté comme un géant à face rouge avec une grande barbe et portant une arme d’hast, une lame au bout d’un long manche guandao.
Le rouge symbolise la droiture et la loyauté.












Guan Yu 关羽 est né entre 160 et 162 et décédé en 219 ou 220.
Yunchang 云长 est son nom usuel.

« A la gauche du chemin, Yun-Tchang découvrit une maison de campagne à la porte de laquelle il frappa seul ; le maître du lieu vint le recevoir poliment et, après l’avoir entendu décliner ses noms, répondit : « Je me nomme Kouan-Ting ; depuis bien longtemps, général, vos exploits me sont connus ; aujourd’hui qu’il m’est donné de vous contempler en face, il me semble que le brouillard et les nuées se dissipant, le ciel se montre dans sa sérénité ! » Et l’introduisant sous son toit, il lui présenta ses deux fils. Yun-Tchang fit sur leur compte les questions ordinaires, et le fermier reprit  : « L’aîné, Kouan-Ning, se voue à l’étude ; le cadet, Kouan-Ping, apprend l’art de la guerre ! Déjà Yun-Tchang s’était établi dans cette ferme ; ses compagnons (d’abord laissés en arrière) y avaient également trouvé un asile… »

Luo Guanzhong
Histoire des Trois Royaumes
Chapitre VI
Yun-Tchang retrouve Hiuen-Té
Traduction par Théodore Pavie
Duprat, 1851

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Comme dans tous les temples chinois, c’est ici un festival de couleurs autour du rouge qui prédomine partout.

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The old railway station – Gare de Kuala Lumpur – Stesen keretapi Kuala Lumpur – 吉隆坡火车总站

Pelancongan di Malaysia
Voyage en Malaisie
PHOTO JACKY LAVAUZELLE

 




Gare de Kuala Lumpur

 Visiter Kuala Lumpur
Meneroka kota Kuala Lumpur
Melawat Kuala Lumpur
吉隆坡
Куала-Лумпур

*








Gare de Kuala Lumpur
Stesen keretapi Kuala Lumpur
吉隆坡火车总站
ستيسين كريتاڤي كوالا لومڤور

Commencée en 1886
Achevée en 1910

Gare de Kuala Lumpur Sentral la remplace en 2001 (Kuala Lumpur Sentral)

La vieille gare de KL ressemble de moins en moins au palais dont parlait l’Edition du Tour du Monde de 1968 : « La gare de Kuala Lumpur, qu’on prendrait aisément pour un palais mongol de cinéma  est dotée, à l’étage supérieur, d’un hôtel confortable et, au rez-de-chaussée, d’un restaurant. Les chemins de fer malais sont gérés avec sagesse. L’express du jour vous conduit en dix heures à Singapour ou à Penang. »

Aujourd’hui, l’agitation frénétique des voyageurs s’est transportée plus au sud vers la Sentral KL. Notre vieille gare reste un joyau improbable à proximité de la mosquée nationale – Masjid Negara – où peuvent se retrouver 15000 fidèles.

Le temps marque son emprise sur ses murs et ses colonnades et ressemble de plus en plus à un superbe navire abandonné dans la ville. Ce qui lui donne aussi tout son charme suranné.  

Aussi résonnent encore les vers de (Œuvres de Émile Verhaeren – Mercure de France, 1933 -IX. Toute la Flandre, II
Les Villes à pignons. Les Plaines) dans son poème La Gare.

***

« Du côté du canal, où ronflent et s’exilent
Les trois usines de la ville,
La gare,
Avec ses coups de trompe et de sifflet,
Avec ses signaux verts dans le soir violet,
Luit et s’effare... » (Emile Verhaeren – La Gare)












[Notre Canal est à Kuala Lumpur le Klang qui y coule à proximité – Les coups de sifflet se sont depuis longtemps éteints, mais des empreintes sonores agitent encore les lieux – J Lavauzelle]

« Elle existe, vivant de peu, très à l’écart ;
Où monte son pignon, montait l’ancien rempart.
Les dimanches, à l’heure où l’on sonne les messes,
Elle écoute de loin le lourd bourdon baller,
Et les cloches, une fois l’an, se quereller,
Toutes ensemble, à la Kermesse. »

Emile Verhaeren – La Gare

« …Mais, dès que le jour tombe, et que s’en vont rentrer
Ceux-ci d’Alost, ceux-là de Deynze et de Courtrai,
La gare,
Une dernière fois, tremble et s’effare,
Et se remplit de bruit ;
Puis, doucement s’enfonce et se clôt dans sa nuit ;
Et l’on n’entend plus rien dans la salle d’attente,
Où seul un bec de gaz reste allumé,
Que le grincement dur d’une plume irritante,
Près d’un guichet fermé. »
Emile Verhaeren – La Gare

******************

L’OURS TCHEKHOV 1888 Медведь FARCE EN UN ACTE Шутка

L’OURS TCHEKHOV Медведь

Шутка в одном действии
1888
TCHEKHOV

русская литература
Littérature Russe

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

 

 

Anton Pavlovitch Tchekhov
Антон Павлович Чехов
1860-1904

России театр
Théâtre Russe




——–


L’OURS

Farce en un acte

 

Медведь

Шутка в одном действии
1888

 Ivan Chichkine et Constantin Savitski
Un matin dans une forêt de pins
1886
Moscou, galerie Tretiakov.

**

Действующие лица
Les Personnages

Елена Ивановна Попова, вдовушка с ямочками на щеках, помещица.
Elena Ivanovna Popova, jeune veuve avec des belles fossettes, propriétaire.

Григорий Степанович Смирнов, нестарый помещик.
Grigory Stepanovich Smirnov, propriétaire d’âge mûr.

Лука, лакей Поповой, старик.
Louka, un valet de pied de Popova, vieil homme.

******

Гостиная в усадьбе Поповой.
Dans le salon de la maison de Papova

*****

SCENE 1
сцена 1

Жизнь моя уже кончена.
Ma vie est déjà terminée.
Он лежит в могиле, я погребла себя в четырех стенах…
Il se trouve dans la tombe, et moi, je me suis enterrée entre ces quatre murs …
Мы оба умерли.
Nous sommes tous les deux morts.

**

SCENE 2
сцена 2

…Ты увидишь, Nicolas, как я умею любить и прощать…
 Tu vois, Nicolas, je sais aimer et pardonner …
Любовь моя угаснет вместе со мною, когда перестанет биться мое бедное сердце.
Mon amour disparaîtra avec moi quand s’arrêtera de battre mon pauvre cœur…

**

SCENE 3
сцена 3

…Нет, видно уж и вправду придется уйти в монастырь…
Non, je devrais me retirer plutôt dans un monastère …
(Задумывается)
(Elle réfléchit)

Да, в монастырь…
Oui, un monastère ..

**

SCENE 4
сцена 4

Встречается мне сейчас по дороге акцизный и спрашивает:
J’ai rencontré juste avant le percepteur sur le chemin et qui me disait :
  «Отчего вы всё сердитесь, Григорий Степанович?»
«Pourquoi êtes-vous toujours en colère, Grigory Stepanovich ?« 
Да помилуйте, как же мне не сердиться?
Oui, mais comment pourrais-je ne pas être en colère ?

**

SCENE 5
сцена 5

…Ну, у вас муж умер, настроение там и всякие фокусы…
Eh bien, d’accord, vous avez un mari mort, votre humeur est là et toutes sortes de trucs …
приказчик куда-то уехал, черт его возьми, а мне что прикажете делать?
ce régisseur là-bas qui s’est enfui quelque part, qu’il soit damné, et moi, que dois-je faire ?…

**

SCENE 6
сцена 6

Потому-то вот я никогда не любил и не люблю говорить с женщинами.
C’est pour ça que moi, je n’ai jamais aimé, et que je n’aime pas parler aux femmes.
Для меня легче сидеть на бочке с порохом, чем говорить с женщиной. Брр!..
Je préfère rester sur un baril de poudre que de parler à une femme. Brr !..

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SCENE 7
сцена 7

жара невыносимая, денег никто не платит, плохо ночь спал, а тут еще этот траурный шлейф с настроением…
la chaleur est insupportable, personne ne me donne mon argent, une mauvaise nuit de sommeil, et puis il y a désormais la traîne funéraire avec ses humeurs …

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L’OURS TCHEKHOV
SCENE 8
сцена 8

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SCENE 9
сцена 9

А вы думаете, что если вы поэтическое создание, то имеете право оскорблять безнаказанно?
Pensez-vous, parce que vous êtes une création poétique, avoir le droit de m’insulter en toute impunité ?

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SCENE 10
сцена 10

Вы не можете понять, какое счастие умереть под взглядами этих чудных глаз, умереть от револьвера, который держит эта маленькая бархатная ручка…
Vous ne pouvez pas comprendre quel le bonheur ce serait de mourir sous des yeux si merveilleux, mourir d’un revolver tenu par une petite main de velours …
Я с ума сошел!
je suis fou !

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L’OURS TCHEKHOV
CENE 11

сцена 11

Лука, скажешь там, на конюшне, чтобы сегодня Тоби вовсе не давали овса.
Louka, tu diras aux écuries, qu’aujourd’hui, Toby n’a pas besoin d’avoine.

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Занавес
Rideau

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L’OURS TCHEKHOV Медведь