Archives par mot-clé : 1891

BEATRIZ – POEME DE ANTERO DE QUENTAL

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*

traduction Jacky Lavauzelle
LITTERATURE PORTUGAISE
literatura português

Os Lusiadas Traduction Jacky Lavauzelle Les Lusiades de Luis de Camoes

Antero de Quental

18 avril 1842 – Ponta Delgada (Les Açores)-  11 septembre 1891 Ponta Delgada
 18 de abril de 1842 – Ponta Delgada, 11 de setembro de 1891

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Traduction Jacky Lavauzelle

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BEATRIZ
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Henri Rousseau, Le Douanier Rousseau, Combat de tigre et buffle,1891

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Bandeirante a sonhar com pedrarias
Bandeirante* rêvant de pierres,
Com tesouros e minas fabulosas,
De trésors et de mines fabuleuses,
Do amor entrei, por ínvias e sombrias
Par amour, je suis entré à travers les sombres
Estradas, as florestas tenebrosas.
Routes, et les forêts ténébreuses.

[* aventurier]

*

Tive sonhos de louco, à Fernão Dias…
J’ai fait des rêves fous, ô Fernão Dias Pais …
Vi tesouros sem conta: entre as umbrosas
J’ai vu d’innombrables trésors : dans d’épaisses
Selvas, o outro encontrei, e o ônix, e as frias
Jungles, où j’ai trouvé entre autres l’onyx, les froides
Turquesas, e esmeraldas luminosas…
Turquoise et les lumineuses émeraudes …

*


E por eles passei. Vivi sete anos
Et je les ai parcourus. J’ai vécu sept ans
Na floresta sem fim. Senti ressábios
Dans ces forêts sans fin. J’ai ressenti des moments
De amarguras, de dor, de desenganos.
D’amertume, de douleur, de déceptions.

*


Mas voltei, afinal, vencendo escolhos,
Mais je suis revenu, après tout, surmontant les obstacles,
Com o rubi palpitante dos seus lábios
Avec le rubis lancinant de tes lèvres
E os dois grandes topázios dos seus olhos!
Et les deux grandes topazes de tes yeux !

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DEVANT LES BEAUTES DU MONDE – Poème de AFANASSI FET – 1890 – Поэзия Афанасси Фета – Еще люблю, еще томлюсь…

Vassili Polenov, Василий Поленов, Première neige, Bekhovo, Первый снег, Бехово, 1891

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LITTÉRATURE RUSSE
POÉSIE RUSSE
Русская литература
Русская поэзия
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Poésie d’Afanassi Fet
Поэзия Афанасси Фета


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AFANASSI FET
Афана́сий Афана́сьевич Шенши́н
Афана́сий Афана́сьевич Фет

5 décembre 1820 Novosselki, près de Mtsensk – 3 décembre 1892 Moscou
5 декабря 1820 г. Новоселки под Мценском – 3 декабря 1892 г. Москва

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TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE
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DEVANT LES BEAUTES DU MONDE
Еще люблю, еще томлюсь…
1890

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Еще люблю, еще томлюсь
Toujours amoureux, toujours languissant
Перед всемирной красотою
Devant la beauté du monde
И ни за что не отрекусь
Et je ne me lasserai jamais
От ласк, ниспосланных тобою.
Des caresses que vous m’envoyez.

Покуда на груди земной
Tant que sur cette terre
Хотя с трудом дышать я буду,
Je peux encore respirer,
Весь трепет жизни молодой
Les frissons de la vie nouvelle
Мне будет внятен отовсюду.
De partout, je veux absorber.

Покорны солнечным лучам,
Soumises au soleil
Там сходят корни в глубь могилы
Les racines plongent profondément dans la tombe
И там у смерти ищут силы
Et de là recherchent la force dans la mort
Бежать навстречу вешним дням.
Pour s’abandonner aux jours du printemps.

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1890

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LA POÉSIE DE VIATCHESLAV IVANOV – Поэзия Вячеслава Иванова

Sergueï Svetoslavski,  Сергей Иванович Светославский , Vue de la fenêtre de l’Académie des Beaux-Arts de Moscou, 1878

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LITTÉRATURE RUSSE
POÉSIE RUSSE
Русская литература
Русская поэзия
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VIATCHESLAV IVANOV
Вячеслав Иванович Иванов

16 février 1866 Moscou – 16 juillet 1949 Rome
16 февраля 1866 г. Москва – 16 июля 1949 г. Рим

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TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE
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Poésie de Viatcheslav Ivanov

Поэзия Вячеслава Иванова

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1890

L’ESPRIT RUSSE
Русский ум

Своеначальный, жадный ум, —
L’esprit russe puissant et avide,
Как пламень, русский ум опасен
Dangereux comme une flamme

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Ivan Aïvazovski, Иван Айвазовский, Chaîne du Caucase vue de la mer,Кавказская цепь с моря, 1894

1891

VAGABONDS ET STATUES
Странник и Статуи

« Дети Красоты невинной!
« Enfants à l’innocente beauté !
В снежной Скифии, у нас,
Dans la Scythie enneigée, avec nous,

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Peigne gréco-scythe en or
Kourgane de Soloha
IVe siècle avant J.-C.
Musée de l’Ermitage

**

Панацея
PANACÉE

Кто — скорбит по езуите,
Qui pleurent un Ésus ,
Кто — зовет в страну царей:
Qui appellent le pays des rois :

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Taranis avec roue et foudre
Musée d’Archéologie nationale
Saint-Germain en Laye

1901

Любовь
AMOUR

Мы — два грозой зажженные ствола,
Nous sommes deux troncs éclairés par l’orage,
Два пламени полуночного бора;
Au cœur de la forêt, deux flammes de minuit ;

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1902

L’ESPRIT
Дух

Над бездной ночи Дух, горя,
L’Esprit, au-dessus de l’abîme misérable de la nuit,
Миры водил Любви кормилом;
Sur les mondes laisse conduire l’Amour ;

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1906

LA PÊCHE
Улов

Обнищало листье златое.
Dorée se trouvait la feuille mendiante et appauvrie.
Просквозило в сенях осенних
A travers la canopée d’automne

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Arkhip Kouïndji, Архип Куинджи, Coucher de soleil rouge, Красный закат ou Красный закат на Днепре, 1908

1909

APOLLON
APOLLINI

Когда вспоит ваш корень гробовой
Quand ta racine s’est nourrie
Ключами слез Любовь, и мрак суровый,
De lourdes larmes d’Amour et de sombres ténèbres,

Apollon et Daphné, Piero Pollaiuolo, 1470, 1480, National Gallery, Londre
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Вячеслав Иванов с Лидией Зиновьевой-Аннибал. Фото из Римского архива Вяч. Иванова
Ivanov avec Lydia Zinovieva-Annibal
Photo de l’archive romaine Vyach. Ivanova
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VAGABONDS ET STATUES – 1891 – Poème de Viatcheslav Ivanov – Поэзия Вячеслава Иванова – Странник и Статуи

Peigne gréco-scythe en or
Kourgane de Soloha
IVe siècle avant J.-C.
Musée de l’Ermitage

*

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LITTÉRATURE RUSSE
POÉSIE RUSSE
Русская литература
Русская поэзия
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Poésie de Viatcheslav Ivanov
Поэзия Вячеслава Иванова


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VIATCHESLAV IVANOV
Вячеслав Иванович Иванов

16 février 1866 Moscou – 16 juillet 1949 Rome
16 февраля 1866 г. Москва – 16 июля 1949 г. Рим

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TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE
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VAGABONDS ET STATUES
1891
Странник и Статуи

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Из цикла «Парижские Эпиграммы»
Dans la série « Épigrammes de Paris »

Ивану Михайловичу Гревсу
A Ivan Mikhailovich Grevs

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« Дети Красоты невинной!
« Enfants à l’innocente beauté !
В снежной Скифии, у нас,
Dans la Scythie enneigée, avec nous,
Только вьюги ночи длинной
Seuls les blizzards de la nuit
Долго, долго рушат вас.
Longtemps, longtemps vous épuisent.
Здесь на вас, — бегите Галлов! —
Ici sur vous – courez ô Gaulois ! –
В бунте новом опьянев,
Ivres dans une nouvelle émeute,
Чернь рушителей-вандалов
Les vaillants et mobiles Vandales
Изливает буйный гнев.»
Éliminent leur puissante et violente colère.« 
— «Славны, странник, эти раны:
«Glorieuses, vagabond, sont ces blessures :
На живых то гнев живых!
Sur le vivant s’abat la colère du vivant !
Ах! мы вечно бездыханны
Ah ! Mais nous, nous sommes pour toujours sans vie
В саркофагах снеговых!« 
Dans des sarcophages de neige ! »



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1891

Вячеслав Иванов с Лидией Зиновьевой-Аннибал. Фото из Римского архива Вяч. Иванова
Ivanov avec Lydia Zinovieva-Annibal
Photo de l’archive romaine Vyach. Ivanova
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PANACÉE -Poème de Viatcheslav Ivanov – 1891- Вячеслав Иванов- Панацея

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LITTÉRATURE RUSSE
POÉSIE RUSSE
Русская литература
Русская поэзия
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Poésie de Viatcheslav Ivanov
Поэзия Вячеслава Иванова


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Вячеслав Иванов

VIATCHESLAV IVANOV
Вячеслав Иванович Иванов

16 février 1866 Moscou – 16 juillet 1949 Rome
16 февраля 1866 г. Москва – 16 июля 1949 г. Рим

__________________________________
TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE
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Панацея
PANACEA
PANACÉE
1891

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Taranis avec roue et foudre
Musée d’Archéologie nationale
Saint-Germain en Laye

*****

Панацея
PANACÉE
Из цикла «Парижские Эпиграммы»
De la série « Épigrammes de Paris »

Кто — скорбит по езуите,
Qui pleurent un Ésus ,
Кто — зовет в страну царей:
Qui appellent le pays des rois :
Галлы, Галлы, призовите
Ô Gaulois, Gaulois, appelez
Чужеземных матерей!
Ces mères étranges !


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1891

Вячеслав Иванов с Лидией Зиновьевой-Аннибал. Фото из Римского архива Вяч. Иванова
Ivanov avec Lydia Zinovieva-Annibal
Photo de l’archive romaine Vyach. Ivanova
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CRÉPUSCULE NEIGEUX – VLADISLAV KHODASSEVITCH – Владислав Ходасевич – Сумерки снежные

Ivan Aïvazovski, Айвазовский, Иван Константинович, Ночь в Гурзуфе, 1891

*Антология русской поэзии
Anthologie de la Poésie Russe
*


LITTERATURE RUSSE
русская литература

стихотворение  – Poèmes

Traduction Jacky Lavauzelle 

Vladislav Khodasevich
Vladislav Khodassevitch

 

 né le 16 mai 1886 Moscou – 14 juin 1939 Billancourt,

 

ПОЭЗИЯ ВЛАДИСЛАВА ХОДАССЕВИЧА

LA POÉSIE DE VLADISLAV KHODASSEVITCH

CRÉPUSCULE NEIGEUX
1904
Сумерки снежные

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***************

Сумерки снежные. Дали туманные.
Crépuscule neigeux. Silhouettes brumeuses.
Крыши гребнями бегут.
Les toits sont des crêtes maritimes.
Краски закатные, розово-странные,
Le coucher du soleil, une peinture de rose et d’ocre,
Над куполами плывут.
Flottant au dessus des dômes.

*

Тихо, так тихо, и грустно, и сладостно.
Si calme, si triste et si doux.
Смотрят из окон огни…
Les lumières par les fenêtres m’observent …
Звон колокольный вливается благостно…
La sonnerie retentit gracieusement …
Плачу, что люди одни…
Je pleure pour ceux qui sont seuls …

*

Вечно один с надоевшими муками,
Toujours seul avec l’ennui,
Так же, как я, как и тот,
Tout comme moi, comme celui-là
Кто утешается грустными звуками,
Qui par des sons tristes se réconforte
Там, за стеною, — поет.
Là, derrière les murs, et qui chante…



*************

5 ноября 1904
5 novembre 1904

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FRANK WEDEKIND Frühlings Erwachen I-3 L’EVEIL DU PRINTEMPS 1891

*LITTERATURE ALLEMANDE
Dramatische Werke
Théâtre Allemand

Frank Wedekind

1864 Hannover Hanovre -1918 München Munich

 


L’EVEIL DU PRINTEMPS
Frühlings Erwachen
I-3
1891
Erscheinungsjahr
Année de publication

Franz Marc
Der Traum – Le Rêve
1912
Musée Thyssen-Bornemisza
Madrid

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TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

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Acte 1
Erster Akt
 Scène 3
Dritte Szene

Thea, Wendla und Martha- kommen Arm in Arm die Straße herauf.
Théa, Wendla et Martha arrivent par la rue en se tenant les bras.

MARTHA
Wie einem das Wasser ins Schuhwerk dringt!

Comme l’eau rentre dans ces chaussures !

WENDLA
Wie einem der Wind um die Wangen saust!

Comme le vent souffle sur les joues !

THEA
Wie einem das Herz hämmert!

Comme le cœur bat !

WENDLA
Gehn wir zur Brücke hinaus!

Sortons et allons au pont !
Ilse sagte, der Fluß führe Sträucher und Bäume.
Il se dit que sur la rivière, ils transportent des arbustes et des arbres
Die Jungens haben ein Floß auf dem Wasser.
. Les garçons ont un radeau sur l’eau.
Melchi Gabor soll gestern abend beinah ertrunken sein.
Melchi Gabor s’est presque noyé hier soir.

THEA
O der kann schwimmen!

Il sait nager pourtant !

MARTHA
Das will ich meinen, Kind!

Je le pense aussi, mon enfant !

WENDLA
Wenn der nicht hätte schwimmen können wäre er wohl sicher ertrunken!

S’il n’avait pas su si bien nager, il se serait sûrement noyé !

THEA
Dein Zopf geht auf, Martha; dein Zopf geht auf!

Ta tresse s’en va, Martha, ta tresse s’en va !

MARTHA
Puh – laß ihn aufgehn!

Peuh ! laisse-la donc tranquille !
Er ärgert mich so Tag und Nacht.
Elle me le fait jour et nuit.
Kurze Haare tragen wie du darf ich nicht, das Haar offen tragen wie Wendla darf ich nicht, Ponyhaare tragen darf ich nicht, und zu Hause muß ich mir gar die Frisur machen
Je ne peux ni porter les cheveux courts comme toi ni comme Wendla, je ne peux pas porter les cheveux au vent comme Wendla,  je ne suis pas autorisée à porter une frange et je dois me les coiffer seule
 – alles der Tanten wegen!
– tout ça pour obéir à mes tantes !

WENDLA
Ich bringe morgen eine Schere mit in die Religionsstunde.

J’apporterai demain une paire de ciseaux au cours de religion.
Während du »Wohl dem, der nicht wandelt« rezitierst, werd’ ich ihn abschneiden.
Pendant que tu chanteras « Heureux l’homme qui ne s’égare pas» je te les couperai.

MARTHA
Um Gottes willen, Wendla!

Pour l’amour de Dieu, Wendla !
Papa schlägt mich krumm, und Mama sperrt mich drei Nächte ins Kohlenloch.
Papa me battra, et maman m’enfermera trois nuits dans le trou à charbon.

WENDLA
Womit schlägt er dich, Martha?

Il te bat ?

MARTHA
Manchmal ist es mir, es müßte ihnen doch etwas abgehen, wenn sie keinen so schlecht gearteten Balg hätten wie ich.

Parfois, il m’arrive de penser que sans moi, ils leur manqueraient quelque chose.

THEA
Aber Mädchen!

Mais ma fille !

MARTHA
Hast du dir nicht auch ein himmelblaues Band durch die Hemdpasse ziehen dürfen?

Est-ce que tu n’as pas pu glisser un ruban bleu à travers ton corsage ?

THEA
Rosa Atlas!

Rose satin !
Mama behauptet, Rosa stehe mir bei meinen pechschwarzen Augen.
Maman dit que le rose se marie bien à mes yeux de jais.

MARTHA
Mir stand Blau reizend!

Le bleu m’allait bien !
– Mama riß mich am Zopf zum Bett heraus.
– Maman m’a tirée par les tresses du lit.
So – fiel ich mit den Händen vorauf auf die Diele.
Alors – je suis tombée avec les mains sur le plancher.
– Mama betet nämlich Abend für Abend mit uns…
– Maman prie tous les soirs avec nous …

WENDLA
Ich an deiner Stelle wäre ihnen längst in die Welt hinausgelaufen.

Moi, depuis longtemps j’aurais lâché ça pour entrer dans le monde.

MARTHA
– o sie wolle noch sehen!
– Elle voudrait m’y voir !
Meiner Mutter wenigstens solle ich einmal keine Vorwürfe machen können…
Ma mère, qu’au moins une fois je ne puisse pas la blâmer …

THEA
Hu – Hu –

Hou ! Hou !

MARTHA
Kannst du dir denken, Thea, was Mama damit meinte?

Comprends-tu, Théa ce que maman voulait dire ?

THEA
Ich nicht.

Moi non.
– Du, Wendla?
– Et toi, Wendla ?




WENDLA
Ich hätte sie einfach gefragt.

Je lui aurais posé la question.

MARTHA
Ich lag auf der Erde und schrie und heulte.
J’étais sur le sol et je criais et je pleurais.
Da kommt Papa.
Alors Papa est arrivé.
Ritsch – das Hemd herunter.
Cratch- ma chemise s’est défaite et elle est tombée.
Ich zur Türe hinaus.
Moi, je suis restée devant la porte.
Da habe man’s.
Enfin, voilà.
Ich wolle nun wohl so auf die Straße hinunter…
Je voulais descendre comme ça dans la rue…

WENDLA
Das ist doch gar nicht wahr, Martha.

Non, ce n’est pas vrai, Martha.

MARTHA
Ich fror.

J’étais gelé.
 Ich schloß auf.
Je suis rentrée.
Ich habe die ganze Nacht im Sack schlafen müssen.
J’ai dormi toute la nuit dans un sac.

THEA
Ich könnte meiner Lebtag in keinem Sack schlafen!

Moi, je ne pourrais jamais dormir dans un sac !

WENDLA
Ich möchte ganz gern mal für dich in deinem Sack schlafen.

J’aimerais bien dormir pour toi dans ton sac.

MARTHA
Wenn man nur nicht geschlagen wird.

Mais si on ne te bat pas.

THEA
Aber man erstickt doch darin!

Mais on y suffoque !

MARTHA
Der Kopf bleibt frei.

La tête reste libre.
Unter dem Kinn wird zugebunden.
Sous le menton, tu fais un nœud.

THEA
Und dann schlagen sie dich?

Et ensuite on te bat ?








MARTHA
Nein. Nur wenn etwas Besonderes vorliegt.

Non. Seulement si je fais quelque chose de spécial.

WENDLA
Womit schlägt man dich, Martha?

Avec quoi on te bat, Martha ?

MARTHA
Ach was – mit allerhand.

Ah ! Avec toutes sortes de choses
– Hält es deine Mutter auch für unanständig, im Bett ein Stück Brot zu essen?
– Et toi, ta mère trouve-t-elle indécent le fait de manger un morceau de pain au lit ?

WENDLA
Nein, nein.

Non, non.

MARTHA
Ich glaube immer, sie haben doch ihre Freude – wenn sie auch nichts davon sagen. 

Je crois toujours qu’ils y prennent du plaisir- même s’ils ne disent rien.
Wenn ich einmal Kinder habe, ich lasse sie aufwachsen wie das Unkraut in unserem Blumengarten.
Si j’ai des enfants, je les laisserai grandir comme des mauvaises herbes dans notre jardin fleuri.
Um das kümmert sich niemand, und es steht so hoch, so dicht – während die Rosen in den Beeten an ihren Stöcken mit jedem Sommer kümmerlicher blühn.
Personne ne s’en soucie, et elles s’élèvent hautes et poussent épaisses, alors que les roses dans les parterres de fleurs sur leurs bâtons fleurissent chaque été de plus en plus misérables.

THEA
Wenn ich Kinder habe, kleid’ ich sie ganz in Rosa, Rosahüte, Rosakleidchen, Rosaschuhe.

Si j’ai des enfants, ils auront du rose partout, des chapeaux roses, des robes roses, des chaussures roses.
Nur die Strümpfe – die Strümpfe schwarz wie die Nacht!
Seuls les bas ne seront pas roses- ce seront des bas noirs comme la nuit !
Wenn ich dann spazierengehe, laß ich sie vor mir hermarschieren.
En me promenant, je les laisserai gambader devant moi afin que je les admire.
– Und du, Wendla?
– Et toi, Wendla ?

WENDLA
Wißt ihr denn, ob ihr welche bekommt?

Vous ne savez même pas si vous en aurez ?

THEA
Warum sollten wir keine bekommen?

Pourquoi n’en n’aurions nous pas ?

MARTHA
Tante Euphemia hat allerdings auch keine.

Tante Euphémie n’en a pas.








THEA
Gänschen! – weil sie nicht verheiratet ist.

Gourde ! – parce qu’elle est pas mariée.

WENDLA
Tante Bauer war dreimal verheiratet und hat nicht ein einziges.

Tante Bauer n’en a pas non plus et pourtant elle a été mariée trois fois !

MARTHA
Wenn du welche bekommst, Wendla, was möchtest du lieber, Knaben oder Mädchen?

Et si tu en avais, Wendla, tu voudrais des garçons ou des filles ?

WENDLA
Jungens! Jungens!

Des garçons ! Des garçons !

THEA
Ich auch Jungens!

Moi aussi, je voudrais des garçons !

MARTHA
Ich auch.

Moi aussi.
Lieber zwanzig Jungens als drei Mädchen.
Vingt garçons plutôt que trois filles.

THEA
Mädchen sind langweilig!

Les filles sont vraiment ennuyeuses !

MARTHA
Wenn ich nicht schon ein Mädchen geworden wäre, ich würde es heute gewiß nicht mehr.

Si je ne n’étais pas déjà une fille, je ne voudrais certainement pas en être une.

WENDLA
Das ist, glaube ich, Geschmacksache, Martha!

C’est, je pense, une question de goût, Martha!
Ich freue mich jeden Tag, daß ich ein Mädchen bin.
Je suis heureuse moi tous les jours d’être une fille.
Glaub’ mir, ich wollte mit keinem Königssohn tauschen.
Crois-moi, je ne voudrais pas échanger avec le fils d’un roi.
– Darum möchte ich aber doch nur Buben!
– C’est pourquoi je voudrais n’avoir que des garçons!

THEA
Das ist doch Unsinn, lauter Unsinn, Wendla!

C’est un non-sens, un non-sens, Wendla !

WENDLA
Aber ich bitte dich, Kind, es muß doch tausendmal erhebender sein, von einem Manne geliebt zu werden, als von einem Mädchen!

Mais je t’en prie, mon enfant, c’est mille fois plus exaltant d’être aimé par un homme que par une fille !

THEA
Du wirst doch nicht behaupten wollen, Forstreferendar Pfälle liebe Melitta mehr als sie ihn!

Tu penses que Pfälle, le stagiaire forestier,  aime plus Melitta qu’elle ne l’aime !

WENDLA
Das will ich wohl, Thea!

Probablement, Thea !
 – Pfälle ist stolz.
– Pfälle est fier.
Pfälle ist stolz darauf, daß er Forstreferendar ist – denn Pfälle hat nichts.
– Pfälle est fier d’être un stagiaire forestier – car Pfälle n’a rien d’autre.
– Melitta ist selig, weil sie zehntausendmal mehr bekommt, als sie ist.
Melitta est bénie car elle recevra dix mille fois plus que sa valeur.

MARTHA
Bist du nicht stolz auf dich, Wendla?

N’es-tu pas fière de toi, Wendla ?

WENDLA
Das wäre doch einfältig.

Ce serait stupide.

MARTHA
Wie wollt’ ich stolz sein an deiner Stelle!

A ta place, comme je voudrais être fière !

THEA
Sieh doch nur, wie sie die Füße setzt
Il suffit de voir comment elle met ses pieds
– wie sie geradeaus schaut

– comme elle regarde droit devant elle
wie sie sich hält, Martha!
– comme elle se tient, Martha.
– Wenn das nicht Stolz ist!
– Si ce n’est pas la fierté ça !

WENDLA
Wozu nur?

Pourquoi ?
Ich bin so glücklich, ein Mädchen zu sein; 
Je suis tellement heureuse d’être une fille ;
wenn ich kein Mädchen wär’, brächt’ ich mich um, um das nächste Mal…
si je n’étais pas une fille, je me tuerais, et la prochaine fois …

 Melchior geht vorüber und grüßt.
Melchior arrive et salue.

THEA
Er hat einen wundervollen Kopf.

Il a un esprit merveilleux.

MARTHA
So denke ich mir den jungen Alexander, als er zu Aristoteles in die Schule ging.

Je pense au jeune Alexandre, lorsqu’il allait à l’école d’Aristote.

THEA
Du lieber Gott, die griechische Geschichte!

Divin Dieu, de l’histoire grecque !
ich weiß nur noch, wie Sokrates in der Tonne lag, als ihm Alexander den Eselsschatten verkaufte.
Je ne sais que Socrate vivait dans un tonneau quand Alexandre lui vendait l’ombre de son âne.

WENDLA
Er soll der Drittbeste in seiner Klasse sein.

Il doit être le troisième meilleur élève dans sa classe.

THEA
Professor Knochenbruch sagt, wenn er wollte, könnte er Primus sein.

Professeur Knochenbruch a pourtant bien dit que s’il voulait, il serait premier.

MARTHA
Er hat eine schöne Stirn, aber sein Freund hat einen seelenvolleren Blick.

Il a un visage agréable, mais son ami a un regard mélancolique.

THEA
Moritz Stiefel? – Ist das eine Schlafmütze!

Moritz Stiefel? – C’est un doux rêveur !

MARTHA
Ich habe mich immer ganz gut mit ihm unterhalten.

Je me suis toujours très bien entendue avec lui.

THEA
Er blamiert einen, wo man ihn trifft.

Il te fait honte quand tu le croises.
Auf dem Kinderball bei Rilows bot er mir Pralinés an.
Au bal des enfants des Rilows, il m’a offert des chocolats.
Denke dir, Wendla, die waren weich und warm.
Imagine, Wendla, ils étaient doux et chauds.
 Ist das nicht…?
N’est-ce pas …?
– Er sagte, er habe sie zu lang in der Hosentasche gehabt.
-Il a dit qu’il les avait dans sa poche depuis trop longtemps.

WENDLA
Denke dir, Melchi Gabor sagte mir damals, er glaube an nichts – nicht an Gott, nicht an ein Jenseits – an gar nichts mehr in dieser Welt.

Sais-tu que  Melchi Gabor m’a dit qu’il ne croyait en rien – qu’il ne croyait pas en Dieu, ni à l’au-delà – à rien dans ce monde.

 

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Frank Wedekind
Frühlings Erwachen
L’Eveil du Printemps
Acte 1 Erster Akt
 Scène 3 Dritte Szene

GIOVANNI PASCOLI – Temporale – Orage – IN CAMPAGNA XII -Myricae (1891)

Giovanni Pascoli

Traduction – Texte Bilingue
Poesia e traduzione

LITTERATURE ITALIENNE

Letteratura Italiana

GIOVANNI PASCOLI
1855-1912

Giovanni Pascoli artgitato poesie poesia

Traduction Jacky Lavauzelle

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TEMPORALE
ORAGE

 IN CAMPAGNA
XII

1891
Myricae
*

**

 




Un bubbolìo lontano…
Au loin, un grondement…

Rosseggia l’orizzonte,
Rougit l’horizon
come affocato, a mare:
Radieux vers la mer,
nero di pece, a monte,
Fuligineux vers la montagne,
stracci di nubi chiare:
Débris de nuages diaphanes :
tra il nero un casolare:
Dans le noir, un chalet :
un’ala di gabbiano.
Une aile de mouette.







 

*

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GIOVANNI PASCOLI
par
PAUL HAZARD
en 1912

« Il aimera toute la nature« 

Cet art très objectif est tout pénétré de sentiment. Ce pourrait être la haine de la nature marâtre, qui met au inonde les créatures pour les torturer, si nous ne nous rappelions ici la bonté essentielle de Pascoli : il ne se lasse jamais d’exprimer sa douleur, parce qu’il ne l’oublie jamais : mais de sa souffrance, plutôt qu’à la légitimité de la révolte, il conclut à la nécessité du pardon. Désirer la vengeance, blasphémer ou maudire, ne serait-ce pas perpétuer le mal sur la terre, et prendre rang parmi les coupables ? Ayant éprouvé qu’il y a dans la vie un insondable mystère, ils doivent se serrer les uns contre les autres, ceux que le même mystère angoisse ; ils doivent se chérir et s’entr’aider, pour prendre leur revanche contre le sort. La pitié, la tendresse, la douceur, voilà donc les sentimens qui pénétreront les vers du poète, et qui, partant des hommes, aboutiront aux choses. Parmi les hommes, il s’intéressera d’abord aux victimes, aux orphelins, aux malades ; puis aux humbles, aux pauvres, aux misérables ; puis encore, aux simples et aux primitifs. Pareillement, il aimera les arbres qui frémissent au vent, les fleurs qui tremblent sur leur tige, et la faiblesse gracieuse des oiseaux : comme saint François d’Assise, puisqu’on a dit de lui qu’il était un Virgile chrétien, ou un saint François païen ; comme ce Paolo Uccollo dont il a écrit la touchante histoire. Il aimera toute la nature : soit qu’il aperçoive en elle des symboles, et veuille voir des berceaux dans les nids ; soit qu’il manifeste une reconnaissance émerveillée pour les tableaux de beauté qu’elle lui présente ; soit qu’il l’associe aux hommes dans la lutte contre le mystère qui l’enveloppe elle-même, il finit par la considérer comme une mère très douce, qui nous berce encore à l’heure où nous nous endormons. « Ah ! laissons-la faire, car elle sait ce qu’elle fait, et elle nous aime !… » Ce sentiment-là, il nous le communique sans prétendre nous l’imposer. En effet, cet artiste épris d’exactitude, connaissant la valeur de la précision, en connaît aussi les limites. Il sait qu’au-delà du terme où l’analyse peut atteindre, il y a les forces presque inconscientes qu’il faut laisser agir par elles-mêmes après les avoir mises en mouvement. Il possède la pudeur rare qui consiste à ne pas vouloir tout dire ; à faire crédit à la sensibilité du lecteur ; à se taire lorsqu’il a provoqué le rêve, afin de ne le point troubler.
Giovanni Pascoli
Paul Hazard
Revue des Deux Mondes Tome 10-  1912




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TEMPORALE  – ORAGE



Traduction Jacky Lavauzelle
artgitato
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GIOVANNI PASCOLI GLORIA – GLOIRE – (LE GIOIE DEL POETA – LES JOIES DU POETE -Myricae – 1891)

Giovanni Pascoli

Traduction – Texte Bilingue
Poesia e traduzione

LITTERATURE ITALIENNE

Letteratura Italiana

GIOVANNI PASCOLI
1855-1912

Giovanni Pascoli artgitato poesie poesia

Traduction Jacky Lavauzelle

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GLORIA
GLOIRE
10 août 1890

LE GIOIE DEL POETA
LES JOIES DU POETE
IV

**

1891
Myricae
*

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— Al santo monte non verrai, Belacqua? —
– Sur la sainte montagne, ne viendras-tu pas, Belacqua ? –




Io non verrò: l’andare in su che porta?
Non, je ne viendrai pas : pourquoi la gravirais-je ?
Lungi è la Gloria, e piedi e mani vuole;
La Gloire est loin, qui veut des pieds, qui veut des mains ;
 e là non s’apre che al pregar la porta,
et il ne reste plus qu’à prier pour que s’ouvre la porte,
 e qui star dietro il sasso a me non duole,
et je souffre de rester derrière ce bloc,
   ed ascoltare le cicale al sole,
et j’endure d’écouter les cigales au soleil,
 e le rane che gracidano, Acqua acqua!
et les coassement des grenouilles, de l’Eau, de l’eau !







 

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GIOVANNI PASCOLI
par
PAUL HAZARD
en 1912

« Il aimera toute la nature« 

Cet art très objectif est tout pénétré de sentiment. Ce pourrait être la haine de la nature marâtre, qui met au inonde les créatures pour les torturer, si nous ne nous rappelions ici la bonté essentielle de Pascoli : il ne se lasse jamais d’exprimer sa douleur, parce qu’il ne l’oublie jamais : mais de sa souffrance, plutôt qu’à la légitimité de la révolte, il conclut à la nécessité du pardon. Désirer la vengeance, blasphémer ou maudire, ne serait-ce pas perpétuer le mal sur la terre, et prendre rang parmi les coupables ? Ayant éprouvé qu’il y a dans la vie un insondable mystère, ils doivent se serrer les uns contre les autres, ceux que le même mystère angoisse ; ils doivent se chérir et s’entr’aider, pour prendre leur revanche contre le sort. La pitié, la tendresse, la douceur, voilà donc les sentimens qui pénétreront les vers du poète, et qui, partant des hommes, aboutiront aux choses. Parmi les hommes, il s’intéressera d’abord aux victimes, aux orphelins, aux malades ; puis aux humbles, aux pauvres, aux misérables ; puis encore, aux simples et aux primitifs. Pareillement, il aimera les arbres qui frémissent au vent, les fleurs qui tremblent sur leur tige, et la faiblesse gracieuse des oiseaux : comme saint François d’Assise, puisqu’on a dit de lui qu’il était un Virgile chrétien, ou un saint François païen ; comme ce Paolo Uccollo dont il a écrit la touchante histoire. Il aimera toute la nature : soit qu’il aperçoive en elle des symboles, et veuille voir des berceaux dans les nids ; soit qu’il manifeste une reconnaissance émerveillée pour les tableaux de beauté qu’elle lui présente ; soit qu’il l’associe aux hommes dans la lutte contre le mystère qui l’enveloppe elle-même, il finit par la considérer comme une mère très douce, qui nous berce encore à l’heure où nous nous endormons. « Ah ! laissons-la faire, car elle sait ce qu’elle fait, et elle nous aime !… » Ce sentiment-là, il nous le communique sans prétendre nous l’imposer. En effet, cet artiste épris d’exactitude, connaissant la valeur de la précision, en connaît aussi les limites. Il sait qu’au-delà du terme où l’analyse peut atteindre, il y a les forces presque inconscientes qu’il faut laisser agir par elles-mêmes après les avoir mises en mouvement. Il possède la pudeur rare qui consiste à ne pas vouloir tout dire ; à faire crédit à la sensibilité du lecteur ; à se taire lorsqu’il a provoqué le rêve, afin de ne le point troubler.
Giovanni Pascoli
Paul Hazard
Revue des Deux Mondes Tome 10-  1912




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GLORIA – GLOIRE



Traduction Jacky Lavauzelle
artgitato
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Kitagawa Utamaro 喜多川 歌麿 LA CAILLE 鶉 (Tsuburi Hikaru) et L’ALOUETTE DES CHAMPS 雲雀 (Zeniya Kinrachi)

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日本のアート
POESIE JAPONAISE & ART DU JAPON
詩歌

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Kitagawa Utamaro
喜多川 歌麿

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

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KITAGAWA UTAMARO
V 1753 – 31 octobre 1806




Kyrielle d’oiseaux

La Caille  鶉
&
L’Alouette des champs  雲雀

POEMES DE
Tsuburi Hikaru
& Zeniya Kinrachi

 

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L’ALOUETTE DES CHAMPS 雲雀

 銭屋金埓
Zeniya Kinrachi
1751-1808
江戸時代中期 Epoque Edo (1603-1868)

大空におもひあがれるひばりさへ
Ōzora ni o mo hiagareru hibari-sa e
Si au firmament l’alouette se glisse
ゆふべは落ちるならひこそあれ
Yu fu be wa ochirunara hi koso are
Elle revient à la nuit sur les plis de la terre




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LA CAILLE

Tsuburi Hikaru
つぶりひかる
Tsuburi-kō
つぶり光
Tsuburi no Hikaru
1754-1796
Fin de la période Edo

 うずらふのまだらまだらとくどけども
Uzura fu no madara madara to kudokedomo
Mélancolique, comme une caille diaprée, majestueux
栗の初穂のおちかぬる君
Kuri no hatsuho no o Chika nuru kimi
Mais vous, altière, ne me jetez qu’un seul air dédaigneux

***




Des poèmes de forme et de couleur

« Toutes les qualités de vision et d’exécution qui font les grands peintres classiques, ces maîtres japonais les ont possédées à un degré égal. Ils nous ont laissé du monde une image personnelle, vivante, variée. Ils ont eu pour les guider des principes qui nous sont étrangers ; mais leurs yeux n’étaient pas si différents des nôtres qu’il nous soit impossible de recréer les visions qu’ils nous ont si honnêtement traduites. Ils ont compris comme nous la pureté des lignes, l’harmonie des couleurs, les secrets du mouvement. Le dernier élève de nos collèges s’entend mieux qu’ils ne faisaient à tout ce qui est scientifique dans la peinture, l’anatomie, le clair-obscur, la perspective ; mais c’est à peine si les plus grands de nos peintres les égalent pour saisir la fugitive impression d’un moment, pour varier à l’infini les détails d’une composition, pour mettre au service de leurs yeux une main sûre et leste. Ajoutons que, autant que les plus grands d’entre nous, ces maîtres japonais, les Meïcho, les Motonobou, les Itchô et les Hokousaï, ont animé leurs figures d’expressions vivantes et concilié dans leurs paysages la vérité avec le sentiment. L’amour de la nature était si fort dans leurs âmes qu’il y faisait naître une adorable musique ; leurs peintures sont ce que devaient être, suivant un de leurs philosophes, tous les tableaux japonais : « des poèmes de forme et de couleur. » Certes, ces maîtres sont des exceptions et il ne faut pas moins que tout leur génie pour donner du prix à un art si empêtré dans les traditions.




Mais leur génie est l’épanouissement suprême du génie de la race ; c’est par eux que s’est le plus complètement exprimée l’âme du Japon
. »

Théodore de Wyzewa
La Peinture japonaise
Revue des Deux Mondes
 Troisième période
Tome 100 – 

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UTAMARO
OUTAMARO
dans le journal
des Frères Goncourt
Année 1891

« Mardi 10 mars. — Hayashi m’apporte aujourd’hui une traduction des passages importants des MAISONS VERTES d’Outamaro.

Lundi 20 avril. — Les Japonais même intelligents très intelligents, n’ont pas le sentiment de la construction, de la composition d’un livre historique. Ainsi pour mon travail sur Outamaro, quand j’ai demandé pour la première fois à Hayashi : « Est-ce qu’il existe un portrait d’Outamaro ? — Non, » m’a-t-il répondu tout d’abord. Ce n’est que lorsque je suis revenu à ma demande, qu’une fois il m’a dit : « Mais je crois en avoir vu chez vous, dans un recueil que vous avez. » Et c’est comme cela, que j’arrivais à faire connaître ce fameux portrait de l’artiste, authentiqué par son nom sur sa robe, et par l’inscription du poteau auquel il est adossé et qui porte : Sur une demande, Outamaro a peint lui-même son élégant visage. Dans le livre des MAISONS VERTES, je voyais une planche représentant des femmes du Yoshiwara, en contemplation devant la lune, par une belle nuit d’été, et l’écrivain du livre affirmait que ces femmes avaient un très remarquable sentiment poétique. Cette affirmation m’amenait à demander à Hayashi, si par hasard il n’existerait pas quelque part des poésies imprimées de ces femmes : à quoi il me répondait que si, qu’il y avait un gros recueil très connu, et sur ma demande m’en traduisait quatre ou cinq caractéristiques, — ce qu’il n’aurait jamais songé à faire, si c’était lui qui avait fait le travail que j’ai fait, et ainsi de tout.

Lundi 27 avril – C’est amusant ce travail japonais d’Outamaro, ce transport de votre cervelle, au milieu d’êtres, aux habitudes d’esprit, aux histoires, aux légendes d’une autre planète : du travail ressemblant un peu à un travail fait dans l’hallucination d’un breuvage opiacé.

Mardi 16 juin – Aujourd’hui a paru Outamaro, le peintre des MAISONS VERTES.« 

Edmond de Goncourt et Jules de Goncourt
Journal des Goncourt  : Mémoires de la vie littéraire
Année 1891
Bibliothèque-Charpentier, 1895 (5e mille)
Huitième Tome – 1889-1891

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