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LES COPLAS DE AUGUSTO FERRAN Y FORNIES – LAS COPLAS – Augusto Ferrán – LA SOLEDAD – LA SOLITUDE -1861

Traduction Jacky Lavauzelle João da Cruz e Sousa

Una copla es una composición poética que, por lo general, consiste en cuatro versos (usualmente octosílabos).
Une copla est une composition poétique composée généralement de quatre versets (généralement octosyllabique).
La copla se retrouve dans de nombreuses chansons populaires espagnoles ainsi que dans la littérature de langue espagnole.

João da Cruz e Sousa Traduction Jacky Lavauzelle

LITTÉRATURE ESPAGNOLE
POÉSIE ESPAGNOLE
LITERATURA ESPAÑOLA
POESÍA ESPAÑOLA


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TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE
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Augusto Ferrán
AUGUSTO FERRAN Y FORNIES
poeta español
Madrid 27 juillet 1835 – Madrid 2 avril 1880
Madrid, 27 de julio de 1835 – Madrid, 2 de abril de 1880
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Le Greco, El Greco
Vue de Tolède sous l’orage, 1596-1600, Metropolitan Museum of Art, New York

LA SOLEDAD
LA SOLITUDE
Recueil
1860 – 1861

I

Las fatigas que se cantan
Les fatigues que l’on chante
son las fatigas más grandes,
sont les plus grandes fatigues,..

II

Al ver en tu sepultura
Voir sur ta tombe
las siemprevivas tan frescas,
ce feuillage persistant si frais,..

III

Los mundos que me rodean
Les mondes qui m’entourent…

IV

Los que la cuentan por años
Nombreux depuis des années..

VI

Pasé por un bosque y dije:
J’ai traversé la forêt et dis :
«aquí está la soledad…»
« la voici la solitude... »…

VII

Dos males hay en el mundo
Deux maux dans le monde
que es necesario vencer:

IX

Yo me marché al campo santo
Je suis allé au cimetière
y a voces llamé a los muertos,
et appelé les morts..

XV

La muerte ya no me espanta;
La mort ne me fait plus peur ;
tendría más que temer
j’aurais plus à craindre…
.

XVI

Si mis ojos no te dicen
Si mes yeux ne te disent pas …

XVIII

Yo no sé lo que yo tengo,
Je ne sais ce que je veux..

XXI

De mirar con demasía
A trop chercher…

XXII

Si me quieres como dices,
Si tu me veux, comme tu le dis…

XXIII

No os extrañe, compañeros,
Ne soyez pas surpris, mes amis,
que siempre cante mis penas,
que je chante toujours mes peines,…

XXIV

Hace ya muy largos años
Depuis longtemps…

XXVI

Mirando al cielo juraste
En regardant le ciel, tu as juré…

XXIX

Tu aliento es mi única vida,
Ton souffle est ma seule vie,…

XXX

Del fuego que por tu gusto
Du feu que pour toi …

XXXI

Pobre me acosté, y en sueños
pauvre je me suis endormi et dans mes rêves …

XXXII

¿Cómo quieres que yo queme
comment veux-tu que je brûle …

XXXIII

El pájaro que me diste,
L’oiseau que tu m’as donné,…

XXXVI

Si os encontráis algún día
Si un jour tu te trouves…

XXXVII

Sé que me voy a perder
Je sais que je vais me perdre…

XXXXVIII

Tengo deudas en la tierra,
J’ai des dettes sur terre,
y deudas tengo en el cielo:
et des dettes dans le ciel :…

XXXIX

En sueños te contemplaba
Dans mes rêves, je t’ai contemplée
dentro de la oscuridad,
au cœur de l’obscurité, …


Todo comenzó a brillar,
Tout a commencé à briller…

XLI

Antes piensa y después habla,
Penser avant et parler après,…

XLII

Entre un rosal y una zarza
Entre un rosier et un buisson…

XLIV

Cuando se llama a una puerta
Quand on appelle à une porte…

LII

El querer es una hoguera
La volonté est un feu de joie..

LIII

«Desde Granada a Sevilla,
« De Grenade à Séville,

LIX

¡Ay pobre de mí, que a fuerza
Ah ! Pauvre de moi, qui à force…

LX

Ánimo, corazoncito,
Courage, mon cœur,…

LVI

En el cielo hay una estrella
Il y a dans le ciel une étoile…

LVII

Levántate si te caes,
Relève-toi si tu tombes…

LIX

Por la noche pienso en ti,
La nuit je pense à toi…

Vivirá en mí tu memoria,
Ta mémoire vivra en moi, …

LX

Me desperté a media noche,
Je me suis réveillé à minuit, …

LXI

Yo me asomé a un precipicio
J’ai regardé un précipice…

LXII

Me han dicho que hay una flor,
On m’a dit qu’il existait une fleur,…

LXIII

Las pestañas de tus ojos
Les cils de tes yeux…

LXI

Yo no podría sufrir
Je ne pourrais souffrir…

LXVI

Los cantares que yo canto
Les chansons que je chante…

LXVII

No vayas tan a menudo
Ne pars pas si souvent…

LXVIIII

Niño, moriste al nacer;
Enfant, mort à la naissance ;…

LXX

Cada vez que sale el sol
Chaque fois que le soleil se lève…

LXXIV

Te he vuelto a ver, y no creas
Je t’ai revue et je ne crois pas…

LXXV

Sé que me vas a matar
Je sais que tu vas me tuer…
en vez de darme la vida:

LXXVI

Yo me he querido vengar
Je voulais me venger …

LXXVIII

En lo profundo del mar
Dans les profondeurs de la mer…

LXXXI

Escuchadme sin reparo;
Ecoute bien ceci :…

LXXXII

Ni en la muerte he de encontrar
Même dans la mort je ne trouve ….

LXXXIII

En verdad, dos son las cosas
En vérité, deux choses …

LXXXV

Cuando el reloj da las horas,
Quand l’horloge donne les heures, …

Y el pobre que anda despacio,
Et le pauvre, qui lentement marche,…

XCI

Dices que hablo mal de ti,
Tu dis que je parle mal de toi,…

XCIII

Morid contentos, vosotros
Meurs heureux, toi…

XCVIII

Cuanto más pienso en las cosas,
Plus je pense aux choses…

CV

Cuando te mueras te haré
Quand tu mourras je te ferai …

CXVII

Ahora que me estás queriendo,
Maintenant que tu m’aimes…

CXVIII

La noche oscura ya llega;
La nuit noire arrive ;…

CXXV

A la luz de las estrellas
A la lumière des étoiles …

CXXII

Tenía los labios rojos,
Ses lèvres étaient rouges, …

CXXXI

Si yo pudiera arrancar
Si je pouvais arracher …

CXXXIII

¡Ay de mí! Por más que busco
Pauvre de moi ! Plus je cherche …

CXXXVIII

Guárdate del agua mansa,
Méfiez-vous de l’eau douce,…

CXL

Caminando hacia la muerte
En marchant vers la mort…

CXLII

Todo hombre que viene al mundo
Tout homme qui vient au monde …

CXLIV
dernier copla

Los que quedan en el puerto
Ceux qui restent au port…

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TRADUCTION LITTÉRATURE ESPAGNOLE
TRADUCCIÓN DE TEXTOS EN ESPAÑOL





João da Cruz e Sousa Traduction Jacky Lavauzelle

A Melodia e o Acompanhamento – Théophile GAUTIER – LA MELODIE ET L’ACCOMPAGNEMENT

A Melodia e o Acompanhamento
THEOPHILE GAUTIER

Théophile Gautier Trad Jacky Lavauzelle
Jean-Auguste-Dominique Ingres, L’Odalisque à l’esclave, 1842, huile sur toile, Cambridge, Fogg Art Museum (détail)

*Théophile Gautier Trad Italienne Jacky Lavauzelle




 

Traduction Jacky Lavauzelle

Théophile Gautier Trad Jacky Lavauzelle
Theophile Gautier, par Auguste de Chatillon, 1839

*
THEOPHILE GAUTIER
1811-1872


****

A Melodia e o Acompanhamento
LA MELODIE ET L’ACCOMPAGNEMENT
23 avril 1869
***

**

Théophile Gautier
Un douzain de sonnets
Una dozzina di sonetti
Œuvres de Théophile Gautier  — Opere di Théophile Gautier
Poésies, Lemerre,
1890, Volume 2

********************

La beauté, dans la femme, est une mélodie
A beleza, na mulher, é uma melodia
Dont la toilette n’est que l’accompagnement.
Cujos efeitos são apenas o acompanhamento.
Vous avez la beauté. — Sur ce motif charmant,
Você tem beleza. – Neste motivo encantador,
À chercher des accords votre goût s’étudie :
Ao procurar acordes, seu gosto é especialista:

*

Tantôt c’est un corsage à la coupe hardie
  Às vezes é um corpete com um corte ousado
  Qui s’applique au contour, comme un baiser d’amant ;
Que se aplica ao contorno, como o beijo de um amante;
Tantôt une dentelle au feston écumant,
Às vezes, uma folha de renda espumante,
  Une fleur, un bijou qu’un reflet incendie.
Uma flor, uma jóia que um brilho vai queimar.

*

La gaze et le satin ont des soirs triomphants ;
Gaze e cetim têm noites triunfantes;
 D’autres fois une robe, avec deux plis de moire,
Outras vezes um vestido, com duas dobras de madrepérola,
Aux épaules vous met deux ailes de victoire.
Nos ombros, desenha duas asas da vitória.

*

Mais de tous ces atours, ajustés ou bouffants,
Mas de todos esses enfeites, ajustados ou bufantes,
Orchestre accompagnant votre grâce suprême,
Orquestra acompanhando sua suprema graça,
Le cœur, comme d’un air, ne retient que le thème !
O coração, como de um ar, retém apenas o tema!

THEOPHILE GAUTIER
par
Jules Barbey d’Aurevilly

Depuis longtemps M. Gautier est un de ces Inattaquables officiels. Il jouit parmi les lettres d’une espèce de canonicat de popularité douce, car il ne s’y mêle rien de politique ni d’orageux, comme dans la popularité de Madame George Sand ou de M. Victor Hugo. Pour ma part, je ne crois pas l’avoir beaucoup troublée, cette popularité tranquille. J’ai toujours rendu pleine justice à M. Théophile Gautier. Quand il publia ses dernières poésies, — Émaux et Camées, — je consacrai, dans ce livre des Hommes et des Œuvres, une longue étude à ce talent savant et laborieux. Et cependant, si aujourd’hui, à propos d’un livre qu’il m’est impossible d’admirer, je veux prendre exactement la mesure de ce talent, et si j’ose introduire mes petites réserves sur des procédés d’exécution dont je connais la profondeur et la portée, dussé-je m’adresser aux esprits les plus connaisseurs, ayant au fond la conviction que la critique que je me permets est fondée ! je n’en entendrai pas moins partir de toutes parts le cri du désarmement : pourquoi dire du mal de ce pauvre Gautier, qui est si bienveillant ? Et au nom de la bienveillance, qualité très-charmante mais nullement littéraire, je verrai s’élever contre moi une inviolabilité sur laquelle je ne comptais pas ! Telle est la force du préjugé et encore plus des relations, chez un peuple qui croit peut-être toujours au mot de Lafayette : « L’insurrection est le plus saint des devoirs, » mais qui ne l’admet pas en littérature. Eh bien ! franchement, je dis que pareille chose passe la permission. Je dis que, si on se permet de telles fins de non-recevoir dans l’examen des œuvres littéraires, nous n’avons plus le droit de rire du vers de Boileau :

Attaquer Chapelain ! Mais c’est un si bon homme !

et qu’il est plus que temps, pour l’honneur de tous, d’en finir avec ce capitonnage dérisoire du même mot qu’on répète contre la Critique, surtout quand il s’agit d’un homme qui ne demande pas quartier, lui, et qui a bien assez de talent pour entendre une fois la vérité, — ce qui le changera !

Jules Barbey d’Aurevilly
Les Œuvres et les Hommes
Amyot, éditeur, 1865
4ème partie- Les Romanciers

*******************************
THEOPHILE GAUTIER
*

Théophile Gautier Trad Italienne Jacky Lavauzelle

Melodia e accompagnamento – La Mélodie et l’Accompagnement Théophile GAUTIER

Melodia e accompagnamento
THEOPHILE GAUTIER

Théophile Gautier Jacky Lavauzelle
Jean-Auguste-Dominique Ingres, L’Odalisque à l’esclave, 1842, huile sur toile, Cambridge, Fogg Art Museum (détail)

*Théophile Gautier Trad Italienne Jacky Lavauzelle




 

Traduction Jacky Lavauzelle

Théophile Gautier Trad Jacky Lavauzelle
Theophile Gautier, par Auguste de Chatillon, 1839

*
THEOPHILE GAUTIER
1811-1872


****

MELODIA E ACCOMPAGNAMENTO
LA MELODIE ET L’ACCOMPAGNEMENT
23 avril 1869
***

**

Théophile Gautier
Un douzain de sonnets
Una dozzina di sonetti
Œuvres de Théophile Gautier  — Opere di Théophile Gautier
Poésies, Lemerre,
1890, Volume 2

********************

La beauté, dans la femme, est une mélodie
La bellezza, nella donna, è una melodia
Dont la toilette n’est que l’accompagnement.
Il cui abbigliamento è solo l’accompagnamento.
Vous avez la beauté. — Sur ce motif charmant,
Hai la bellezza. – Su questo bel motivo,
À chercher des accords votre goût s’étudie :
Per cercare accordi, il tuo gusto è raffinato :

*

Tantôt c’est un corsage à la coupe hardie
A volte è un corpetto con un taglio audace
  Qui s’applique au contour, comme un baiser d’amant ;
Che si applica al contorno, come il bacio di un amante;
Tantôt une dentelle au feston écumant,
A volte un foglio di pizzo schiumoso,
  Une fleur, un bijou qu’un reflet incendie.
Un fiore, un gioiello infiammato seguente di un riflesso.

*

La gaze et le satin ont des soirs triomphants ;
Garza e raso hanno serate trionfanti;
 D’autres fois une robe, avec deux plis de moire,
Altre volte un vestito, con due pieghe di moiré,
Aux épaules vous met deux ailes de victoire.
Sulle spalle, disegna due ali di vittoria.

*

Mais de tous ces atours, ajustés ou bouffants,
Ma di tutti questi ornamenti, aggiustati o bouffant,
Orchestre accompagnant votre grâce suprême,
Orchestra che accompagna la tua suprema grazia,
Le cœur, comme d’un air, ne retient que le thème !
Il cuore, come una canzone, conserva solo il tema!

THEOPHILE GAUTIER
par
Jules Barbey d’Aurevilly

Depuis longtemps M. Gautier est un de ces Inattaquables officiels. Il jouit parmi les lettres d’une espèce de canonicat de popularité douce, car il ne s’y mêle rien de politique ni d’orageux, comme dans la popularité de Madame George Sand ou de M. Victor Hugo. Pour ma part, je ne crois pas l’avoir beaucoup troublée, cette popularité tranquille. J’ai toujours rendu pleine justice à M. Théophile Gautier. Quand il publia ses dernières poésies, — Émaux et Camées, — je consacrai, dans ce livre des Hommes et des Œuvres, une longue étude à ce talent savant et laborieux. Et cependant, si aujourd’hui, à propos d’un livre qu’il m’est impossible d’admirer, je veux prendre exactement la mesure de ce talent, et si j’ose introduire mes petites réserves sur des procédés d’exécution dont je connais la profondeur et la portée, dussé-je m’adresser aux esprits les plus connaisseurs, ayant au fond la conviction que la critique que je me permets est fondée ! je n’en entendrai pas moins partir de toutes parts le cri du désarmement : pourquoi dire du mal de ce pauvre Gautier, qui est si bienveillant ? Et au nom de la bienveillance, qualité très-charmante mais nullement littéraire, je verrai s’élever contre moi une inviolabilité sur laquelle je ne comptais pas ! Telle est la force du préjugé et encore plus des relations, chez un peuple qui croit peut-être toujours au mot de Lafayette : « L’insurrection est le plus saint des devoirs, » mais qui ne l’admet pas en littérature. Eh bien ! franchement, je dis que pareille chose passe la permission. Je dis que, si on se permet de telles fins de non-recevoir dans l’examen des œuvres littéraires, nous n’avons plus le droit de rire du vers de Boileau :

Attaquer Chapelain ! Mais c’est un si bon homme !

et qu’il est plus que temps, pour l’honneur de tous, d’en finir avec ce capitonnage dérisoire du même mot qu’on répète contre la Critique, surtout quand il s’agit d’un homme qui ne demande pas quartier, lui, et qui a bien assez de talent pour entendre une fois la vérité, — ce qui le changera !

Jules Barbey d’Aurevilly
Les Œuvres et les Hommes
Amyot, éditeur, 1865
4ème partie- Les Romanciers

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THEOPHILE GAUTIER
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Théophile Gautier Trad Italienne Jacky Lavauzelle

L’OURS TCHEKHOV SCENE 6

L’OURS TCHEKHOV Медведь

Шутка в одном действии
1888
TCHEKHOV

русская литература
Littérature Russe

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

 

 

Anton Pavlovitch Tchekhov
Антон Павлович Чехов
1860-1904

России театр
Théâtre Russe




——–


L’OURS

Farce en un acte

 

Медведь

Шутка в одном действии
1888

 Ivan Chichkine et Constantin Savitski
Un matin dans une forêt de pins
1886
Moscou, galerie Tretiakov.

**

Действующие лица
Les Personnages

Елена Ивановна Попова, вдовушка с ямочками на щеках, помещица.
Elena Ivanovna Popova, jeune veuve avec des fossettes, propriétaire.

Григорий Степанович Смирнов, нестарый помещик.
Grigory Stepanovich Smirnov, propriétaire d’âge mûr.

Лука, лакей Поповой, старик.
Louka, un valet de pied de Popova, vieil homme.

******

Гостиная в усадьбе Поповой.
Dans le salon de la maison de Papova

*****

SCENE 6
сцена 6

**

Смирнов и Лука
Smirnov et Louka
**

Лука
Louka
(входит)
(entrant)
.
Чего вам?
Que voulez-vous ?

Смирнов
Smirnov
Дай мне квасу или воды!
Donnez-moi un peu du cidre ou de l’eau !

Лука уходит
Louka sort

Смирнов
Smirnov
Нет, какова логика!
Non mais quelle est la logique!
Человеку нужны дозарезу деньги, впору вешаться, а она не платит, потому что, видите ли, не расположена заниматься денежными делами!..
Une personne a besoin d’argent, à se pendre à une corde, et elle ne veut pas payer parce que, voyez-vous, elle ne souhaite pas se livrer à des questions d’argent ! …
Настоящая женская, турнюрная логика!
Cette dame a une vraie logique !
Потому-то вот я никогда не любил и не люблю говорить с женщинами.
C’est pour ça que moi, je n’ai jamais aimé, et que je n’aime pas parler aux femmes.
Для меня легче сидеть на бочке с порохом, чем говорить с женщиной. Брр!..
Je préfère rester sur un baril de poudre que de parler à une femme. Brr !..
Даже мороз по коже дерет
J’en ai les larmes aux yeux
— до такой степени разозлил меня этот шлейф!
– je suis hors de moi !
Стоит мне хотя бы издали увидеть поэтическое создание, как у меня от злости в икрах начинаются судороги.
Juste en apercevant une de ces créations poétiques que j’en ressens immédiatement des crampes au mollet.
  Просто хоть караул кричи.
Il y a de quoi crier.

*********************

L’OURS TCHEKHOV Медведь

L’IDEAL GERMAIN NOUVEAU POEME

L’IDEAL GERMAIN NOUVEAU
LITTERATURE FRANCAISE
SYMBOLISME

germain-nouveau-poemes-poesie-artgitato

Germain Nouveau

31 juillet 1851 Pourrières (Var) – 4 avril 1920 Pourrières

——–


POEMES
VALENTINES ET AUTRES VERS

LA POESIE DE
GERMAIN NOUVEAU
L’IDEAL

Valentines et autres vers

Texte établi par Ernest Delahaye
Albert Messein, 1922
*

L’IDEAL

Il (l’honneur) permet la galanterie quand elle est unie à l’idée des sentiments du cœur, ou à l’idée de conquête.

Montesquieu.

Mon idéal n’est pas : mon ange,
À qui l’on dit : mon ange, mange ;
Tu ne bois pas, mon ange aimé ?
Un pauvre ange faux et sans ailes
Que les plus sottes ritournelles
Ont étrangement abimé.

Mon idéal n’est pas : ma chère,
De l’amant qui fait maigre chère,
Et dit chère, du bout des dents,
Moins chère que ma chère tante,
Ou que la chaire protestante
Où gèlent les sermons prudents.

Mon idéal n’est pas : ma bonne !
Ce n’est pas la bonne personne,
Celle dont on dit, et comment !
Elle est si bonne ! elle est si douce !
Et qui jamais ne vous repousse,
Madone du consentement !

Non ! mon idéal, c’est la femme
Féminine de corps et d’âme,
Et femme, femme, femme, bien,
Bien femme, femme dans les moëlles,
Femme jusqu’au bout de ses voiles,
Jusqu’au bout des doigts n’étant rien.

Une petite femme haute,
Capable de punir la faute,
Et de mépriser le Pervers,
Qui ne peut souffrir que l’aimable
Dans son salon, ou dans la fable,
Aussi bien en prose qu’en vers.

Une petite femme sûre
De trouver l’âme à sa mesure
Après… un petit brin de cour,
Et le chevalier à sa taille
Avant… l’heure de la bataille,
Oui, car… c’est la guerre, l’Amour.

Je vous dis l’Amour, c’est la guerre.
En guerre donc ! tu m’as naguère
Sacré ton chevalier féal !
Je vais sortir de ma demeure !
Je vaincrai, Madame, où je meure !
Car vous êtes mon idéal !

Comme un dur baron qui se fâche
Contre le pillard ou le lâche,
Quittait le fort seigneurial,
Je saisis ma lance et mon casque
Avec le panache et… sans masque,
Car vous êtes mon idéal !

Armé de ma valeur intime,
Oui, coiffé de ma propre estime,
Je m’élance sur mon cheval :
Le temps est beau, la terre est ronde,
Je ris au nez de tout le monde !
Car vous êtes mon idéal !

La lance autant que l’âme altière,
Nous jetons à la terre entière
Le gant, certes ! le plus loyal.
Mon bon cheval ne tarde guère,
Allons ! Et vole au cri de guerre !
Tous ! Valentine est l’Idéal !

*

L’IDEAL GERMAIN NOUVEAU

SUR LE TROTTOIR Chanson de Charlys & Montagnon

SELECTION ARTGITATO

CHANSON FRANCAISE
SUR LE TROTTOIR CHANSON


 

PAROLES de CHARLYS (18xx-1955) & MONTAGNON
MUSIQUE de CHARLYS (18xx-1955) & MONTAGNON
  

 

 
SUR LE TROTTOIR

Paroles de Charlys & Montagnon
Musique de Charlys & Montagnon

PREMIER COUPLET
Elle naquit un matin de printemps
Ainsi que viennent les roses
Fleur du hasard qu’on jette à peine éclose
Sur le chemin du passant
Elle était née d’un beau serment d’amour
Mais les serments sont frivoles
L’amour s’envole et dans le vieux faubourgs
L’enfant reste seul un jour.

REFRAIN
Sur le trottoir près du ruisseau
Epave de la rue
Abandonnée loin du berceau
Pauvre fille perdue
Fleur du pavé que par devoir
Une passante émue
Par charité recueille un soir
Là-bas sur le trottoir.

SECOND COUPLET
Elle grandit sans soutien, sans tuteur,
Comme les herbes sauvages.
A dix-huit ans un amour de passage
Vint déjà, prendre son cœur
Et pour un homme, un vaurien sans aveu,
On la vit, vendre ses charmes.
Combien de larmes
Et de chagrins honteux
Pouvaient se lire en ses yeux.

REFRAIN
Sur le trottoir près du ruisseau
Epave de la rue
Vendant son cœur pour ce qu’il vaut
Elle se prostitue
Ses cheveux courts, ses grands yeux noirs,
Dans la foule inconnue
Sont au passant qui veut l’avoir,
Là-bas sur le trottoir.

TROISIEME COUPLET
Mais le temps passe, elle a déjà vieilli,
Comme les fleurs éphémères,
Les fleurs d’amour ne se conservent guère
Une saison les flétrit
Maintenant c’est un objet de dédain,
Que l’homme regarde à peine
Femme qui traîne,
Epuisée de chagrin
Sans abri, sans feu, sans pain.

REFRAIN
Sur le trottoir, près du ruisseau
Epave de la rue,
Elle est tombée sans dire un mot,
C’est le froid qui la tue.
Puissants du jour, votre pouvoir
Vos lois qu’on institue,
Ne sont rien tant qu’on pourra voir
Des femmes sur le trottoirs.

sur le trottoir paroles  & musique de Charlys & Montagnon

TO WOMEN AS FAR AS I’M CONCERNED DH Lawrence Texte et Traduction

TO WOMEN AS FAR AS I’M CONCERNED
LITTERATURE ANGLAISE -English Literature – English poetry

AUX FEMMES,
Pour autant que je sois concerné

David Herbert Lawrence
1885-1930 

To Women as far as i'm concerned Poem D


TO WOMEN, AS FAR AS I’M CONCERNED
Aux Femmes, pour autant que je sois concerné

The feelings I don’t have I don’t have.
Les sentiments que je n’ai pas, je ne les ai pas.
The feeling I don’t have, I won’t say I have.
Le sentiment que je n’ai pas, je ne vais pas dire que je les possède.
The feelings you say you have, you don’t have.
Les sentiments que tu dis avoir, tu ne les as pas.
The feelings you would like us both to have, we neither of us have.
Les sentiments que tu souhaiterais que nous ayons tous deux,
aucun de nous ne les a.
The feelings people ought to have, they never have.
Les sentiments que les gens devraient avoir, ils  ne les ont jamais.
If people say they’ve got feelings, you may be pretty sure they haven’t got them.
Si les gens disent qu’ils ont des sentiments, tu peux être sûr qu’ils ne les ressentent aucunement.
So if you want either of us to feel anything at all
Donc si tu veux qu’entre nous deux nous ressentions quelque chose
You’d better abandon all ideas of feelings altogether.
tu ferais mieux d’abandonner totalement toute idée de sentiments.

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Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO
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ANDRE MAUROIS – LA FEMME CAMELEON chez Maurois

André Maurois

André Maurois La femme caméléon Artgitato
La femme
caméléon

« Nous allons entrelacées,
Et le jour n’est pas plus pur
Que les fond de nos pensées » (Paul Verlaine, La Chanson des ingénues)

UN MORCEAU DE CIRE ENTRE MES MAINS

Une femme dans l’œuvre d’André Maurois n’a aucune personnalité, ou plutôt les a toutes ; elle a la personnalité de l’homme aimé, totalement. La femme se retrouve véritable caméléon.  Elle n’est, bien entendu, plus avec Maurois déjà ce qu’elle pouvait être du temps de Molière, par exemple. Les temps ont changé.

En ce temps là, l’homme prenait femme, la plus jeune possible, pour la « faire » à sa main, du moins le croyait-il et le souhaitait-il de tout son coeur : « Je ne puis faire mieux que d’en faire ma femme. Ainsi que je voudrai je tournerai cette âme ; comme un morceau de cire entre mes mains elle est, et je lui puis donner la forme qui me plaît. »(L’Ecole des femmes, Acte III, scène 3).

La femme a changé en ce début de XXè. Des mains de « son » créateur, elle n’est déjà plus passive, bien au contraire. De cire, elle est, mais c’est elle désormais qui prend la forme la plus adéquate. Nous passons de la bougie à l’ensemble des statues du musée Grévin. Elle anticipe les souhaits de l’homme à conquérir. Sa palette est large, elle offrira le meilleur ; cela passe par une connaissance de ses désirs et de ses motivations.

 «- Très intelligente pour une femme…Oui…Enfin rien ne lui est étranger. Naturellement elle dépend, pour ses sujets d’intérêt, de l’homme qu’elle aime. Au temps où elle adorait son mari, elle a été brillante sur les questions économiques et coloniales ; au temps de Raymond Berger, elle s’intéressait aux choses de l’art. » (Climats)

POUR QUE L’HOMME S’Y LAISSE PRENDRE

Rien ne l’arrête, pourvu que l’ilusion soit parfaite, qu’elle se fonde complétement dans la peau de l’autre aimé.

« Je savais si bien, moi femme, que Machiavel lui était aussi indifférent que les rayons ultraviolets ou les émaux limousins, et que d’ailleurs elle eût été capable de s’intéresser aux uns et aux autres et d’en parler assez intelligemment pour faire illusion à un homme si elle avait cru pouvoir lui plaire ainsi. » (Climats)

« -Eh, mon cher ! Que les femmes dépendent pour leurs idées de ceux qu’elles aiment, ce n’est pas nouveau, et ce n’est pas de moi… Ce qui m’étonne toujours, c’est que les hommes s’y laissent prendre et recherchent ce qu’ils appellent « les femmes intelligentes ». C’est une dépravation. » (Ni Ange ni bête)

« Au fond nous avons toujours besoin, nous femmes, de nous rehausser de quelque chose ou de quelqu’un…Il nous faut des pierres brillantes ou des hommes brillants. Pourquoi ? Parce que nous sortons à peine de l’esclavage et que nous ne sommes pas encore très sûres de notre position dans le monde. C’est cela, au fond, notre faiblesse. A chaque instant, nous voulons êtres rassurées et seule cette garde mâle, autour de nous, calme nos craintes. » (Les Roses de septembre)

 Un caméléon ou une mante religieuse absorbant l’être aimé pour en conserver sa substantifique essence et vivre sa force et sa vie : « Je suis heureuse d’être une femme, me dit-elle un soir, parce qu’une femme a beaucoup plus de ‘possibles’ devant elle qu’un homme… Un homme a une carrière, me dit Solange, tandis qu’une femme peut vivre les vies de tous les hommes qu’elle aime. Un officier lui apporte la guerre, un marin l’Océan, un diplomate l’intrigue, un écrivain les plaisirs de la création… Elle peut avoir les émotions de dix existences sans l’ennui quotidien de les vivre. » (Climats)

DEVENIR CETTE FEMME-LA

Elle prend la couleur de lieu, si le lieu est celui de l’être aimé. Elle est alors intuitive et sans morale. Tout est bon pour être aimé et garder l’être aimé, à en devenir féroce et animale : « -Qu’est-ce que vous appelez ‘féminine’ ? – Eh bien, un mélange de qualités et de défauts : de la tendresse, un prodigieux dévouement à l’homme qu’elle aime. » (Climats)

« Une femme amoureuse n’a jamais de personnalité ; elle dit qu’elle en a une, elle essaie de se le faire croire, mais ce n’est pas vrai. Non, elle essaie de comprendre la femme que l’homme qu’elle aime souhaite trouver en elle et devenir cette femme-là… » (Climats)

« Elle est debout sur mes paupières
Et ses cheveux sont dans les miens,
Elle a la forme de mes mains,
Elle a la couleur de mes yeux,
Elle s’engloutit dans mon ombre
Comme une pierre sur le ciel. »
(Paul Eluard, L’amoureuse)

La femme caméléon dans l’œuvre d’André Maurois
Jacky Lavauzelle

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Le Dom Juan de Molière – Quand les masques tombent …

MOLIERE

 Dom Juan,
Quand les masques
tombent…

Artgitato Dom Juan - Molière_-_Nicolas_Mignard_(1658)

Sganarelle, qui en appelle d’emblée à Aristote, rien que ça, le premier, présente son maître comme « le plus grand scélérat que la terre ait jamais porté, un enragé, un diable, un Turc, un hérétique, qui ne croit ni Ciel ni Enfer, ni loup-garou, qui passe cette vie en véritable brute, un pourceau d’Epicure». Pourtant Sganarelle n’est qu’un triste sire, ladre et peureux comme pas un. N’ayant aucune parole, jamais capable de dire en face ce qu’il pense de ce maître honni, ou simplement d’en changer, puisqu’à ces yeux c’est le diable personnifié. Lui, se permet de donner des leçons de morale et de séparer le bien du mal et n’hésite pas à une seconde à jeter, non la première pierre, mais la maison toute entière. C’est ce Sganarelle, le lâche devant le danger, qui nous donne, en son temps, sa leçon. Cette seule origine de cette critique, bien vite amenée, devrait dans notre for intérieur  nous alerter. Et si Dom Juan n’était autre qu’un preux révolutionnaire, libéral dans ces mœurs et grands dans ces actions, dans les mouvements de son cœur. Un révolutionnaire animal, il est vrai sans contrôle sur ses pulsions. Mais un révolutionnaire ne contrôle pas tout. Il s’adapte aux événements.

Réhabilitons Dom Juan !

La pièce débute sur un détournement avec l’apologie du tabac. Le mal devient le bien. « Il n’est rien d’égal au tabac », « non seulement il réjouit et purge les cerveaux humains, mais encore il instruit les âmes à la vertu ». Nous sommes en plein contre-sens. Et le reste est du même tonneau. Dom Juan est présenté comme le mal. Ne serait-il pas le bien, libre et généreux. Courtois et attentionné. D’une audace flamboyante de cette étoffe juste et rugueuse qui n’a pas peur de devoir s’expliquer devant le Ciel dans l’au-delà. « C’est une affaire entre le Ciel et moi, et nous la démêlerons bien ensemble. » Sganarelle aujourd’hui semble être resté le bon serviteur comique et Dom Juan, le tombeur diabolique de ces pauvre et innocentes dames. Le désir qui envahit Dom Juan est naturel, il entraîne cette danse, cette séduction que l’on retrouve chez les autres animaux. Etienne Pivert de Senancour soulignait que « tout but d’un désir naturel est légitime ; tous les moyens qu’il inspire sont bons. »

Un homme  d’action projeté dans le futur

Pourtant, lui, ne détourne pas son discours. Il fait, il parle. Il apparaît alors pour ces contemporains comme un cynique. Il s’engage dans ces passions où domine son instinct. Il sacralise ses pulsions en les rendant toutes exceptionnelles et merveilleuses, dignes des contes orientaux les plus fous et débridés : « Une douceur extrême », « les charmes inexplicables », « le réveil de nos désirs »…

 Dom Juan reste fondamentalement un homme libre dans un siècle de conventions, essentiellement libre. Il se projette toujours. Une femme amène une nouvelle femme. Un désir, un nouveau désir. Conquêtes après conquêtes.  S’arrêter, ce serait rester dans le présent. Comme prisonnier du temps. Enfermer dans cet espace contraint de la seconde immédiate. Ce serait manquer d’oxygène ; donc mourir. D’où ce mouvement perpétuel, d’où des envies nouvelles chaque fois. Chaque nouvelle sensation le fait vivre. Dans toute nouvelle émotion, son cœur repart. Il revit. Il bouge, se bouge, reste d’une curiosité démesurée ; « il se plaît à se promener de liens en liens et n’aime guère à demeurer en place. » C’est qu’au-delà de son intelligence et de son raisonnement, il agit. Il est un homme d’action principalement. « Tous ces discours n’avancent point les choses ; il faut faire et non pas dire, et les effets décident mieux que les paroles. »

L’horreur et la peur du présent

Simone Weil positionnait ce désir dans l’attente, et dans l’impossibilité de trouver une réponse à cette fuite continue : « Quand on est déçu par un plaisir qu’on attendait et qui vient, la cause de la déception, c’est qu’on attendait de l’avenir. Et qu’une fois qu’il est là, c’est du présent. Il faudrait que l’avenir fût là sans cesser d’être l’avenir. Absurdité dont seule l’éternité guérit. » (La pesanteur et la grâce) Oui, car le plaisir qu’on attend n’est simplement pas du plaisir, ça ne peut être que du désir. C’est ce que disait déjà Voltaire dans son Dictionnaire philosophique : « le présent est plaisir, le futur désir« . Et Dom Juan s’en moque du plaisir, c’est un être de désirs qui donc ne ne peut jamais s’arrêter. Il court donc, il court jusqu’à sa fin, jusqu’à sa damnation. Il ne pourrait en être autrement.

La constance n’est bonne que pour les ridicules !

Dom Juan a le mouvement de la bête, du cynique, du chien qui verrait passer la chienne, dès qu’une belle et jeune femme approche. Il court, il enrage.  Il se jette dessus comme le ferait un chien affamé sur son os. La fin et la faim ne sont plus guidées par la raison. Il cultive les dispositions brutes de sa nature, en les analysant (tirade de la scène 2 du premier acte). Son devoir absolu : l’inconstance. « La constance n’est bonne que pour des ridicules. » Mais c’est un animal logique dans toutes les autres circonstances.

Le courage personnifié

Et ce mouvement ne se fait pas sans panache. Et il est vrai que Dom Juan est courageux. Il fonce, n’a peur de rien. « Mais que vois-je là ? Un homme attaqué par trois autres ? La partie est trop inégale, et je ne dois pas souffrir cette lâcheté. » …« Oui, je suis Dom Juan moi-même, et l’avantage du nombre ne m’obligera pas à vouloir déguiser mon nom. »  Devant le danger, il ne calcule pas, ne tergiverse pas. Il va aider et se jette dans la bataille. C’est un sanguin notre Dom Juan. Avec les dames comme dans l’adversité.

Mais vous faites que l’on vous croit !

Il suffit d’écouter Dom Juan, pour savoir qu’il a raison, ou, tout du moins, qu’il a des arguments Il est d’une intelligence basée sur la logique et le bon sens. « Je crois que deux et deux sont quatre, Sganarelle et que quatre et quatre sont huit. » Cette logique, totalement maîtrisée, trouble et déstabilise le plus souvent ces contradicteurs. « Vous parlez comme dans un livre…Vous tournez les choses d’une manière, qu’il semble que vous avez raison ; et cependant il est vrai que vous ne l’avez pas. »  « Mon Dieu ! Je ne sais si vous sites vrai, ou non ; mais vous faites que l’on vous croit. »

Il est toujours le plus clair et le plus ouvert possible, à l’exception de la période de conquête amoureuse et de ses créanciers, où il faut aime à jouer de stratagèmes et de ruses. « Vous vous expliquez clairement ; c’est ce qu’il y a de bon en vous, que vous n’allez point chercher de détours : vous dites les choses avec une netteté admirable. »

Songeons à ce qui peut nous donner du plaisir

C’est un esthète, sensible à la beauté et aux charmes. Sa vie est gouvernée par la notion de plaisir. Sans plaisirs, pas de vie, pas d’envie. « Songeons seulement à ce qui peut nous donner du plaisir. » Pas seulement pour les femmes. « Tout le monde m’a dit des merveilles de cette ouvrage, aussi bien que de la statue du Commandeur, et j’ai envie de l’aller voir. ».

En tant qu’esthète, il aime la vie et refuse la mort qu’entraînerait le mariage. C’est un profond libéral, opposé à ce conservatisme castrateur du mariage. Être fidèle, c’est « vouloir se piquer d’un faux honneur, de s’ensevelir pour toujours dans une passion, et d’être mort dès sa jeunesse à toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux. »

L’ambition des conquérants

Son cœur dans la relation amoureuse domine sa raison.  Le ton est d’abord à la raison et aux arguments. La voix se trouve posée et parle loin et claire. « Quelle réponse as-tu faite ?…Quelle est ta pensée là-dessus ? »  Passe un jupon, et le souffle devient court, haletant. La pensée se retrouve embuée, inondée, lessivée. La nappe monte et le phrasé s’accélère. Nous voguons sur une passion qui toujours change d’objet. Qui emporte tout. Le maître devient l’esclave de sa passion. Il suit son désir.  Et il n’y a que là qu’il est dominé. Alors, il résiste. Ne rend pas les armes. Il devient désormais conquérant, guerrier de l’amour. Il élabore des stratégies, « l’ambition des conquérants ». Le voilà prêt « à réduire…à combattre…à forcer pied à pied toutes les petites résistances… » Comme son esprit est généreux, son cœur peut « aimer toute la terre, et comme Alexandre, je souhaiterais qu’il y eût d’autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses. »

Que lui reprochent les femmes ?

Que lui reproche-t-on ? Peut-être de pouvoir aimer sans limite. De faire de sa vie toute entière une recherche d’amour, alors que ces dames ne recherchent qu’une situation confortable et sécurisée. Il aime le danger, c’est certain. Elles attendent de la sécurité. Elles font du mariage une prison quand lui ne propose que des leurres.            

Je vous ai aimé avec une tendresse extrême

Il les aime profondément dès ce premier moment quand son cœur alors bat encore la chamade. Il est tout entier dans sa passion, ce qui ravit, bien entendu, les courtisées. Elles sont désormais les plus belles, les plus fraîches, les plus désirables. Mais subitement la passion s’estompe. Et ces contemporains qui s’en satisfont par le lien du mariage sont plus hypocrites que Dom Juan, en prenant par la suite des maîtresses. La passion se dissout, part inéluctablement. « Mais ma passion est usée pour Done Elvire, et l’engagement ne compatit point avec mon humeur. » Il donne du plaisir aux femmes. Il sait se faire aimer. « Je vous ai aimé avec une tendresse extrême, rien au monde ne m’a été si cher que vous. » souligne Done Elvire.

L’hypocrisie, la voilà la vraie imposture !

C’est dans sa longue deuxième scène du dernier acte, que Dom Juan dénonce « ce qui se servent de masques pour abuser le monde » et qui joue les moralistes et les gens biens sous tous rapports. Cette hypocrisie est ce qui est le mieux partagé de par ce monde. « L’hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus. Le personnage d’homme de bien est le meilleur de tous les personnages qu’on puisse jouer aujourd’hui, et la profession d’hypocrite a de merveilleux avantages. C’est un art de qui l’imposture est toujours respectée ; et quoi qu’on la découvre, on n’ose rien dire contre elle. »

Il lui faut du nouveau pour enflammer son cœur et raviver sa flamme. « Sais-tu que j’ai encore senti quelque peu d’émotion pour elle, que j’ai trouvé de l’agrément dans cette nouveauté bizarre, et que son habit négligé, son air languissant et ses larmes ont réveillé en moi quelque petit reste d’un feu éteint ? »

Mon coeur à toutes les belles, à celles qui savent le prendre

Lui, Dom Juan, donne son cœur et son corps aux femmes. Totalement. Ce sont elles qui sont en mesure de le garder plus ou moins longtemps. « Mon cœur est  à toutes les belles, et c’est à elles à le prendre tour à tour, et à le garder tant qu’elles le pourront. » Il se jette en pâture à ces fauves et quand il ne reste plus rien, même plus l’os, elles se retournent les unes contre les autres ou, mieux encore, crient au vol et au déshonneur !

Attendez que je soyons mariés !

A cette époque, une seule possibilité d’assouvir son plaisir : la demande en mariage. Elles attendent toutes ce moment, comme la sainte option pour finir leur vie paisiblement. Elles cherchent à mettre la main sur la meilleure option, le meilleur parti. « C’est moi qu’il épousera » répond Mathurine à Charlotte, quand celle-ci assure qu’elle est « celle qu’il aime. » Elles promettent des merveilles après cette acceptation. Tout sera possible. Ce sera merveilleux. « Oh ! Monsieur, attendez que je soyons mariés, je vous prie ; après ça, je vous baiserai tant que vous voudrez. »

Un amant aimanté

Dom Juan joue avec ce saint sacrement. Il s’en amuse. Il devient « l’épouseur du genre humain » pour Sganarelle. C’est son arme. « Un mariage ne lui coûte rien à contracter ; il ne sert point d’autres pièges pour attraper les belles, et c’est un épouseur à toutes mains. » Il est révolutionnaire. Au diable les conventions. A nous les plaisirs. Il est pour le mariage pour toutes. Elles aiment tant ça ! Mais juste pour le rêve. Pourquoi s’emprisonner, s’emmurer : « j’aime la liberté en amour, tu le sais, je ne saurais me résoudre à renfermer mon cœur entre quatre murailles. Je te l’ai dit vingt fois, j’ai une pente naturelle à me laisser aller à tout ce qui m’attire. » C’est un véritable aimant magnétique !

Dom Juan n’est pas une victime des femmes, il n’est seulement qu’une victime du désir qu’il a des femmes et de ce trop-plein d’envies, de désirs et de liberté. Pour l’époque, c’est beaucoup trop ! ; ça fait de lui un monstre, une « véritable brute, un pourceau d’Epicure« .

Jacky Lavauzelle

Félicien ROPS : LE CHARME DEMONIAQUE DE LA LUXURE

Peinture & illustration

Félicien ROPS

1833-1898

 Le charme
démoniaque

de la luxure

Terminus esto triplex : medius majorque minorque. Le triptyque de Félicien Rops deviendra l’homme pour le minorque, la femme pour le medius et la mort et le démon comme majorque. Le sujet sera l’homme. L’homme dans sa faiblesse, dans sa condition ordinaire. Il sera le commencement. Il sera donc en bas, écrasé au fond de la toile, du dessin ou de l’illustration. Se protégeant de quelques malheureux livres, qui, malgré leur épaisseur et leur densité de propos, ne pourront rien devant l’image se donnant à leurs sens déboussolés.  La femme sera l’objet, l’objet du désir, l’objet qui existe en dehors de l’homme et qui est, pour lui, le but à atteindre, à posséder. Elle se tiendra au milieu de l’œuvre, en son centre. La mort, Satan, enfin, sera la conclusion, la fin dernière, la cause finale. Elle se tiendra tout en haut, dans les cieux assombris.

Félicien Rops Illustration Les Sataniques Paris Musée du Louvre


Sur un plan horizontal, le triptyque se déplacera de la façon suivante : l’homme, devenu à la longue gros cochon tenu en laisse, sera à gauche, la femme au centre et la mort à droite. Rops s’approprie le trio : l’homme, le Christ et Dieu. Dans le sien, l’homme ne veut pas atteindre le divin, il cherche à posséder la femme, marionnette du démon. La femme reste un subterfuge du Malin pour attraper l’humain dans ses filets maléfiques. Le Diable n’ayant pas de vérité en son sein, utilise le faux, le masque, la tromperie. La laideur du faux s’habille en femme dénudée et lascive. La femme se représente donc souvent avec ce masque, comme dans la Parodie humaine (vers 1880), ou avec Satan derrière son dos, dans Son altesse la femme de 1885, avec la présence d’une gargouille satanique à droite et d’un diable peint avec sa fourche à gauche.

Félicien Rops Illustration du livre d'Octave Uzanne Son altesse la femme 1885

Elle sera donc parée de magnifiques atours, ou tout simplement dévêtue, s’offrant à un homme qui ainsi perd toute lucidité, tout libre-arbitre. L’homme est celui des romantiques et d’Epicure. Il faut suivre ses passions et les vivre totalement. La volonté de la nature, de notre nature, est toute puissante. La liberté part en fumée et devient ruine de toute morale. Coup de foudre pour un coup du ciel, derrière lequel se cache un coup d’enfer. Il se porte sur l’objet du désir avec autant de fougue qu’il ne pourra, dans cette précipitation, que tomber dans le piège.

La femme est déjà vidée par le Diable qui en a déjà pris possession. A moins qu’elle ne soit sa créature. « Parfois dans l’exorcisme d’une femme, le démon feint qu’elle se trouve malade, afin que l’Exorciste soit forcé de la toucher au visage, ou il feint de se blesser afin d’amener l’Exorciste à d’autres attouchements et le porter ainsi à des pensées voluptueuses. Il faut donc que l’Exorciste, autant des yeux que des mains et de ses autres mouvements, soit d’une extrême prudence et pudeur… » (Le livre secret des Exorcistes, Chapitre VII, De la nécessité de la pudeur, Ruses multiples du Démon)

Félicien Rops Parodie Humaine 1878 1881

Elle devient le tropisme de l’homme, le poussant à agir de manière Félicien ROPS Nu assis Négatif JLinconsciente, poussée par son désir, dans une fulgurance délirante. En quelques secondes, l’homme d’esprit deviendra un fieffé cochon, grouinant à peine, satisfait de son sort. Le tropisme deviendra psychotrope en neutralisant les fonctions cognitives avec en plus des phénomènes de dépendance et de toxicité, la mort se trouvant au bout du chemin. Dans la Bible, il est écrit (Jacques, 4, 7) « soumettez-vous donc à Dieu ; mais résistez au diable et il fuira loin de vous. »  Notre tropisme, lui, dirait en somme :  succombez donc au diable sans résister à la femme et vous fuirez loin de Dieu. 

La tentation de saint Antoine de Félicien Rops

L’ordre intellectuel ne vaut que par temps calme. Quand le vent se tient et que le soleil brille. Dès que les premières secousses arrivent, un genou, une nuque, l’ordre est balayé, oublié, lessivé. Les excitants physiques de l’ordre sensible prennent les manettes et dirigent les débris du cerveau émietté vers les récifs aiguisés de la luxure. Et le plus beau penseur se retrouve illico dans un bocal au 15, rue de l’Ecole de Médecine afin de compléter un peu plus les anatomies pathologiques du Musée Dupuytren.

La liberté de ton de  Rops s’insère dans un contexte favorable : sa nationalité belge, pays où règne depuis longtemps une laïcité philosophique reconnue et fleurissante, progrès de la rationalité en cette fin de XIXème siècle et montée du libéralisme et d’une certaine tolérance, y compris dans certains milieux catholiques.

La Fondation de la Libre-pensée à Bruxelles voit le jour en 1863. L’esprit est depuis longtemps irrévérencieux et espiègle. Rops, dans ses débuts, participe comme caricaturiste à la conception du Crocodile, « la plus ancienne gazette estudiantine belge ». Et bien avant notre Groland, les étudiants, les jeunes belges ont nommé le « Grand Alligator, ministre de notre Intérieur »  et propose par exemple dans leur Palais de Crocodilopolis, un «bal monstro-chico-pyramido-flambard. »

Félicien Rops Satan semant des graines vers 1872

Si la religion est aussi facilement attaquée, c’est que les rationalistes ont dans cette partie du siècle le vent en poupe : 1859, sortie de l’Origine des espèces, la thèse évolutionniste de Darwin, en 1863 parait la Vie de Jésus de Renan qui suscita de nombreuses réactions dans la chrétienté, en 1856 est découvert l’Homme de Neandertal, qui repousse un peu plus les origines de l’homme sur terre et  questionne à nouveau les données relatives à la venue de l’homme sur terre…

Rops participe de cette frénésie avec en plus un message sur la bourgeoisie et l’ordre établi. Le message est moins politique que sociologique. Les bourgeois ont l’argent, le temps et donc l’énergie pour fréquenter certains lieux. L’être humain est faible et faillible, qu’il soit riche ou ouvrier. Par son désir, il s’engage dans une action répréhensible et défendue par le religieux. Cet acte peccamineux fait mettre la main dans la machine infernale qui entraînera et le bras et tout le corps, jusqu’à l’âme tant désirée par Satan.

Félicien Rops Pornokrates la femme au cochon

La luxure dans laquelle notre bourgeois se plonge lui permet avant tout de lâcher prise, de se relâcher. Le relâchement des codes et des principes dans une société où tout est déjà contrôlé.  Il semble y trouver une autre liberté.  Devenu cochon, la faute devient péché de bestialité : « si vous ne vous repentez pas de vos péchés, si vous ne faites pas pénitence, Dieu vous enverra aux flammes de l’enfer, accouplé aux démons pour toute l’éternité. Il y aura là des pleurs et des grincements de dents. » (Mgr Claret, La Clé d’or offertes aux nouveaux confesseurs pour les aider à ouvrir le cœur fermé de leurs pénitents, chapitre VII)

Rops sensible aux charmes féminins se sert de ses dessins comme d’un exorcisme, afin d’éloigner le démon qui le titille au quotidien. Connaître son ennemi afin de lutter à arme égale.  Pour bien lutter, il faut bien connaître. Même si notre ennemi n’est peut-être pas si loin que ça : « notre ennemi ne nous quitte jamais, parce que notre ennemi, c’est nous-mêmes» (proverbe espagnol).

 

Jacky Lavauzelle

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Camille Lemonnier
Félicien Rops, l’homme et l’artiste
H. Floury, 1908
Chapitre III Pages 11 à 16

Ce tragique visionnaire d’humanité débute par la farce. Il est dans sa destinée de préluder à sa descente aux cercles de l’enfer par des saturnales tintamaresques où son esprit luron de Wallon se donne carrière. C’est l’éveil du grand rire terrible qu’il garda jusque dans ses pires conjectures des perversions de la créature. Il fut une espèce de Juvénal mêlé d’Aristophane et de Rabelais. Il rit comme un Jérémie brâme, avec la volupté torturante d’être l’aboutissement de l’universelle contradiction des âmes et de la chair. Nul, d’une discipline plus mordante, trempée en des mixtures de fiel, de soufre et de sang, ne fouilla la plaie de cette humanité qui commence à l’ange et finit à la bête. Il lui mit le groin dans son ordure ; il la plongea et replongea au puits de ses salacités. Il recommença à sa manière, une manière noire, la rouge chute des damnés d’un Rubens, versés au gouffre où les appelle l’aboi des dragons, tandis que là-haut, dans les tonnerres et les éclairs, sonnent les trompettes célestes. Ce sera l’un des aspects de son satanisme, à lui, de souffler par-dessus la démence des hommes, dans le grand cuivre tordu par ses poings, un rire qui est de la démence et qui est aussi de la souffrance.

Donc, Rops débute par la farce. Il s’amuse de bouffonneries en attendant que l’empan de son aile s’élargisse à la mesure des hauts vols. Il débride la large bonne humeur d’un caricaturiste : il n’est encore qu’Ulenspiegel, c’est-à-dire le franc rire à pleine panse, lui qui se créera plus tard le rire tragique à bouche fermée !

Le Crocodile était un journal d’étudiants et paraissait à Bruxelles. Une gaîté juvénile et frondeuse s’y divertissait aux dépens du philistin. De bons jeunes gens qui allaient devenir de parfaits notaires ou de ponctuels avoués y affectaient des airs délurés. On y pelaudait Géronte ; on y gourmait Bridoison ; du bout de sa batte, Arlequin envoyait dans les cintres le chapeau en poils de lapin de M. Prudhomme qui, plus tard, pour Félicien Rops, devait devenir le chapeau de M. Homais.

Dans le milieu provincial du vieux Bruxelles, la bande estudiantine faisait sonner ses grelots, lirait les sonnettes et ameutait la police, sans qu’il en résultât, au surplus, grand danger pour la tranquillité publique. Sans doute le beau Fély, avec sa moustache effilée et ses cheveux lovés en ailes de pigeon, l’air flambard sous son complet quadrillé, tel que nous le montre un portrait de l’époque, y figurait avantageusement. Il avait les yeux vifs et acérés

d’un jeune homme qui regarde à hauteur de la tête : on soupçonne qu’il dut prendre les cœurs à la volée, comme il prenait la taille à la Muse, celle de Gavarni, et, à coups de rire et de verve, l’entraînait dans sa sarabande.

Il dessine sur pierre ; il sait son métier et il a du talent : ses dessins, très habiles, sont de toutes les mains en attendant qu’ils soient seulement de la sienne. Mais on est en 1856 et il n’a que vingt-trois ans. Ah ! qu’il aime se gausser des bonnes gens comme le fit son aïeul des Flandres, cet Ulenspiegel, fils de Claes, l’endiablé ménétrier des kermesses, le boute-en-train des parties de gueule et de couteau ! C’est un nom qu’il faut s’habituer à voir revenir souvent dans cette période de sa vie, comme si une véritable consanguinité l’unissait au légendaire luron, terreur des niquedouilles. Cette généalogie vaut bien l’autre, au surplus, celle du magyar Boleslaw que d’un aplomb de pince-sans-rire il colportait. Rops, avec sa goutte de sang Wallon, fut de Flandre comme lui : leur race à tous deux s’apparente à Blès, à Bosch et à Breughel… »

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