Diktsamlingen Fridolins visor och andra dikter karlfeldt dikter Dikter av Erik Axel Karlfeldt
Traduction – Texte Bilingue Erik Axel Karlfeldts dikter Karlfeldt poet Poesi Poésie
LITTERATURE SUEDOISE POESIE SUEDOISE
–
Svensklitteratur svensk poesi –
Traduction Jacky Lavauzelle
Erik Axel Karlfeldt 1864 – 1931
översättning – Traduction
Höstens vår LE PRINTEMPS DE L’AUTOMNE
_______________________________________________
Fridolins Lustgård och Dalmålningar på rim Le Jardin de Fridolin & Peintures Dalécarliennes en vers 1901
–
______________
Nu är den stolta vår utsprungen, Maintenant éclate notre fier printemps, den vår de svaga kalla höst. celui que les faibles nomment automne. Nu blommar heden röd av ljungen Maintenant, la lande se vêt en rouge par l’ardente bruyère, och vitt av liljor älvens bröst. Maintenant, une blancheur de lis revêt la rive de la rivière. Nu är den sista visan sjungen Maintenant, la dernière chanson est chantée av sommarns kvinnligt veka röst; par la voix féminine de l’été ; nu stiger uppför bergens trappa maintenant voici que montent sur les escaliers des monts trumpetarn storm i dunkel kappa. les trompettes de la tempête en manteau sombre.
*
Nu äro alla drömbarn döda Maintenant, tous les enfants des rêves sont morts som fötts ur vårens sköra lek – nés des jeux fragiles du printemps – likt buskens rosentyll, den röda, comme le tulle rose de l’arbuste, cette tulle rouge, som första skumma natt gör blek. quand la première nuit noire pâlit. Men alla starka känslor glöda Mais tous les sentiments forts brillent som snårens nypon, kullens ek comme de l’églantier le fruit, comme des coteaux le chêne, och viska varmt i frost och nordan au cœur des murmures chauds du gel qui descendent du nord om gyllne mognad och fullbordan. murmurant sur la maturité dorée, murmurant sur l’achèvement.
*
Min sång flög drucken kring det bästa Ma chanson s’est envolée autour des plus éclatantes av färg och doft i ängars ljus, couleurs et des plus subtils parfums dans la lumière des prés, och det var ljuvligt nog att gästa et comme il est agréable charmant d’être invité de många hjärtans honungshus; dans les tournoiements des milliers de nids d’abeilles ; nu vill jag, mätt på sötman, fästa maintenant, gonflé de tant de douceur, je veux attacher min boning långt från lust och rus ma demeure loin de la luxure et de l’ivresse och vila under fasta bjälkar, et je veux reposer sous des poutres fixes, ej under lösa blomsterstjälkar. et je veux quitter les tiges des fleurs.
*
Väl mig, då lekens minnen tvina, Quand les souvenirs légers s’envolent, att du var allvar och står kvar, quand, sérieuse, tu es là, debout, à mes côtés, att ingen sol behövs att skina qu’aucun soleil n’est nécessaire pour illuminer vår kärlek varm i svala dar! notre amour au chaud par ce temps frais ! Hör, himlens hårda väder vina Écoute, le mauvais temps qui vient du ciel et qui chante sin högtidshymn för trogna par. son hymne solennel pour les couples fidèles. Vi le, när jorden räds och darrar; Nous sourions lorsque la terre a peur et qu’elle tremble ; vår lyckas hus har goda sparrar. sur un rocher est construit notre maison.
né le 10 octobre 1840 à Montauban et mort le 7 octobre 1906 à Jacob-Bellecombette
L’ECRITURE et LA CREATION dans la correspondance d’EMILE POUVILLON
Correspondances avec N.D. parues dans La Revue des Deux Mondes Tome 58 1910
_________________
SUPERIORITE DE LA POESIE SUR L’OBSERVATION
CORRESPONDANCE DE 1891 à N.D.
Cependant puisque vous voulez bien vous inquiéter de ce que nous devenons ici les uns et les autres, je vous dirai que mes fils dansent beaucoup et dissèquent ou patrocinent un peu. Mon collégien a écrit quelques jolis menuets ; mon carabin a pris froid en sortant du bal. Et moi je traîne une vague névrose. Quoi encore ? J’ai fini d’écrire mon mystère sur Bernadette de Lourdes ; il a été déjà publié dans la Revue et je corrige les épreuves du volume qui paraîtra chez Pion dans le courant du mois prochain. Ce que ça vaut ? Je n’en sais vraiment rien. Mais cela m’a passionné à écrire, au point de me dégoûter un peu de besognes littéraires auxquelles je me suis attelé depuis. Oh ! la supériorité de la poésie sur l’observation, du rêve sur la vie !
« LA SENSATION AMERE DE MON NEANT »
CORRESPONDANCE 30 juillet 1896 Capdeville à N.D.
Capdeville, 30 juillet 1896. Ma chère amie, C’est un long accès de paresse, d’anéantissement profond dans les riens de la vie quotidienne et encore un mois de vagabondage. Paris, Vienne, Normandie, et encore les misères et les horreurs de la santé ; que sais-je ? Peut-être la sensation amère de mon néant et le dégoût d’en sortir qui m’a fait vingt fois tomber la plume des doigts au moment de vous écrire. Et si je me décide aujourd’hui, ce n’est pas que je sois plus en train de vivre, ni plus content de moi, ni plus persuadé que je peux être bon à quelque chose. Non, c’est uniquement un vague instinct de conservation, la peur de perdre une amitié qui m’est d’autant plus précieuse que je m’en sens plus indigne. Mais je ne l’ai pas perdue déjà ; oh ! je ne vous en voudrais pas de m’avoir oublié ; je me vois très vague et lointain et tel enfin que je dois vous apparaître à travers le temps et l’espace. Que nos existences sont différentes ! Pendant que vous cueillez au fil de l’heure les images rares et les sensations exquises, je m’enlise ici dans une grisaille irrémédiable et définitive. Sauf de très brèves minutes où je revois les heures anciennes, la vie ne me dit plus rien. Mon pouvoir d’évoquer s’anémie, s’abolit de jour en jour ; il me semble que ce n’est plus pour moi, les spectacles si passionnants jadis de la nature. La ronde des saisons tourne devant moi, mais je n’entre plus dans la danse. C’est fort triste à éprouver, tout cela, et un peu ridicule à exprimer aussi. Le monsieur qui baisse, le vieux monsieur plaintif est une chose connue et qui prête moins à la sympathie qu’à la caricature. Commenter Salomon est de l’inutile rhétorique. Et voilà qu’après m’être décidé à vous écrire, je commence à regretter mon silence. Au moins aurai s-je pu le rompre d’une façon moins prétentieuse.
Prochaine parution de « L’Image » dans « La Revue » Projet « Le Roi de Rome » à l’Odéon
CORRESPONDANCE 9 octobre 1896 Capdeville à N.D.
C’est toujours pour moi le Pays merveilleux, la Patrie du rêve, encore plus depuis que votre image toute neuve s’y est mêlée aux images anciennes. Mais ce ne sera plus le souvenir l’an prochain, ce sera la présence réelle. Quelle fête de revoir avec vous ces pays adorés ! Ce me serait, à défaut d’autres, une raison suffisante de vivre jusque-là où ce sera la vraie vie. En attendant, je vais travailler. Et d’abord je vais exaucer votre aimable souhait d’avoir plus d’un livre de moi dans l’année en corrigeant les épreuves de l’Image, parue déjà dans la Revue, et que vous aurez, je l’espère, en novembre ou décembre. Puis ce sera une autre grosse histoire, une pièce pour l’Odéon où on m’a demandé de donner quelque chose, et je leur ai mis en drame ce projet du Roi de Rome qui me hantait depuis longtemps et dont je me délivrerai de cette façon. Voilà une terrible chose pour moi, si cela aboutit, — et je n’en suis pas encore sûr, mais pensez à ce que je vais devenir, — tel que vous me connaissez, — dans ces enfers’ parisiens du théâtre : répétitions, premières, etc., etc. Si vous étiez là, au moins, si j’avais un regard ami dans ce monstre aux cent têtes qu’est le public et qui m’exécutera peut-être ce soir-là !
« JE VAIS ESSAYER DE ME CONSOLER DANS LE TRAVAIL »
CORRESPONDANCE Capdeville 7 octobre 1898 à N.D.
Je vais essayer de me consoler dans le travail. Je suis horriblement en retard et trop mal en train pour me rattraper d’ici à longtemps. Cependant, il faudra bien, je pense, me décider à revoir Paris. Et ces voyages me sont devenus une corvée. Mais pas le prochain cependant. Car, cette fois, je m’arrangerai pour m’arrêter à Rochefort. Quand ? Je ne sais pas encore et cela tient à assez de choses qui ne sont pas toutes en mon pouvoir. Mais ce sera bientôt. Je vous dis un bien cordial au revoir. Ne m’oubliez pas, je vous prie, auprès des vôtres.
LE THEÂTRE
« Le théâtre et les émotions dû théâtre c’est comme le tripot et les émotions de la roulette.« « C’est infâme et attrayant » « C’est quelque chose de très passionnant et de très rebutant aussi. Le travail s’y fait et s’y défait chaque jour ; on arrive à douter de soi et de son œuvre et des comédiens ; et le lendemain tout est changé. »
CORRESPONDANCE Paris, 1898. à N.D.
Je vous écris au coin du feu en pleine crise de grippe. Je suis tapissé de thapsias et tatoué d’iode. Ajoutez à ces agrémens la joie d’une chambre d’hôtel et, à travers mes vitres, l’horreur d’un Paris dans le dégel, de la neige souillée où les gens pataugent sous un ciel couleur de suie qui refuse de filtrer la lumière. Un joli cadre de vie, n’est-ce pas ? Et mon âme est en parfaite concordance avec ces choses : une âme de dégel morne et boueuse et triste. Oh ! combien triste ! Vous n’imaginez pas à quel point je suis las de Paris, las des littérateurs, mes frères, et de tout ce monde des théâtres où je traîne mes journées. Le théâtre et les émotions dû théâtre, voyez-vous, c’est comme le tripot et les émotions de la roulette. C’est infâme et attrayant, et on s’en veut de subir l’attrait par moment et on se méprise d’avoir partagé l’infamie. C’est quelque chose de très passionnant et de très rebutant aussi. Le travail s’y fait et s’y défait chaque jour ; on arrive à douter de soi et de son œuvre et des comédiens ; et le lendemain tout est changé. On est empoigné, on a la fièvre du succès, on marche dans un rêve… Mais que cela est au-dessous du bon travail solitaire, face à face avec sa pensée. Et autour le silence des campagnes, et le recueillement du jardin où tombent les sonneries du couvent. Il me tarde d’y revenir. Déjà trois mois de Paris et, encore un mois sans doute, ma femme arrive avec Henri pour la première des Antibel et je ne repartirai qu’avec eux. C’est bien long. Heureux ou malheureux, je ne renouvellerai pas souvent l’expérience.
LE THEÂTRE
« Dans la pénombre de théâtre à respirer la poussière et les courants d’air.«
CORRESPONDANCE Paris, 3 janvier 1899. à N.D.
Et cette blancheur en reflets dans les chambres bien closes, où l’on médite, où l’on travaille. N’est-ce pas le bon programme ? Cela vaudrait mieux, à coup sûr, que la tourmente parisienne où je suis ballotté depuis deux mois. Oh ! ces après-midi, cinq, six heures d’affilée dans la pénombre de théâtre à respirer la poussière et les courans d’air. J’en meurs, j’en suis malade tout au moins, et si malade que je renonce à lutter. Ce soir, demain matin, au plus tard, je rentre à Montauban. Voilà toute une semaine passée derrière mes carreaux, en tête à tête avec la grippe. Je renonce à lutter, et veux retourner vers la douceur de ma vie montalbanaise.
THEÂTRE « J’AI LA NAUSEE DE TOUT CELA ENCORE PLUS QUE LA GRIPPE »
CORRESPONDANCE Capdeville 3 janvier 1899 à N.D.
Tant pis pour le Roi de Rome qui va passer à la fin de la semaine, tant pis pour les Antibel, qu’on répète en scène et au souffleur à l’Odéon. J’ai la nausée de tout cela encore plus que la grippe. Quand cette lettre vous arrivera, je serai probablement à Montauban.
« JE SUIS DANS LE NOIR JUSQU’AU COU ET MÊME AU-DESSUS. »
CORRESPONDANCE Montauban 9 avril 1900 à N.D.
Ajoutez que ma femme ou moi nous n’avons pas cessé d’être plus ou moins infirmes cet hiver. J’en suis à ma seconde atteinte de grippe pour mon compte et ce ne sont que des misères, mais qui n’embellissent pas l’existence. Je suis dans le noir jusqu’au cou et même au-dessus. C’est à peine si je suis en état de travailler J’ai renoncé à ma collaboration du Temps par effroi d’une échéance nouvelle. C’est vous dire où j’en suis et que si je pouvais m’arracher pour vingt-quatre heures à tous mes ennuis, je craindrais de vous amener un assez triste et maussade personnage.
« JE SUIS DANS LE NOIR JUSQU’AU COU ET MÊME AU-DESSUS. » « J’AI ACHEVE UN DRAME RUSTIQUE EN QUATRE ACTES. » « JE ME REMETS A MON ROMAN ROUSSILLONNAIS. »
CORRESPONDANCE Montauban 9 avril 1900 à N.D.
Ah ! quelles vacances ! Je ne suis pas sorti de Capdeville depuis deux mois, pas même pour une journée à Montauban. Je m’extermine de travail pour oublier un peu. J’ai entrepris et achevé tout un drame rustique en quatre actes qui a chance d’être joué l’hiver prochain au Gymnase. Je vais me remettre à mon roman roussillonnais. Mais je me demande, non sans inquiétude, ce que peut valoir un travail fait dans de pareilles conditions. Je n’ose pas vous promettre d’aller vous voir à Périgueux. J’aurais pourtant besoin de quelques heures de distraction et de bonne amitié. Si je sors, ce sera pour aller chez vous.
« COMMENT AI-JE PU TRAVAILLER AU MILIEU DE TOUT CA ? » « MON DRAME EST TERMINE… » « MES IDEES NOIRES…M’ENVAHISSENT… »
CORRESPONDANCE Capdeville, 1900. à N.D.
Puis la raison revient, la mémoire et la tristesse. Voilà où nous en sommes, ma pauvre amie. Et cette figure qui change tous les jours, qui se fait plus blême, cette taille qui se courbe, ces pieds qui traînent, ces parcours qui s’accourcissent de chambre en chambre il y a encore un mois, et maintenant d’un fauteuil à l’autre. Je ne sais pas pourquoi, à quelle impulsion maladive j’obéis en vous étalant ces tristesses. Mais j’en suis pénétré à ce point qu’elles sortent, qu’elles s’épanchent malgré moi. Vous me pardonnez, c’est-ce pas, de les mettre devant vos yeux. Comment ai-je pu travailler au milieu de tout cela ? C’est un vrai miracle. Mon drame est terminé et reçu ; j’ai même dû aller passer trois jours à Paris pour prendre mon tour de représentation. Mais maintenant que je n’ai plus de travail urgent pour écarter par moment mes idées noires, elles m’envahissent, je ne sais plus comment me défendre. Je suis tout seul ici, ma femme auprès de sa mère, Henri auprès de sa fiancée, Pierre chez des amis, Etienne dans son ménage. Je m’enfonce dans le tête-à-tête avec la mort. Si j’y échappe une minute, c’est pour causer avec les notaires et les autres hommes d’affaires.
« DEPUIS UN MOIS, RIEN DE BON, A PEINE DE TRAVAIL, ENCORE MOINS DE PLAISIR. »
CORRESPONDANCE 1901 à N.D.
Ce que j’ai fait depuis un mois ? Rien de bon, à peine de travail, encore moins de plaisir. Rien qu’une pointe de quelques jours en Roussillon quand ma femme a été assez bien pour me donner congé. Mais là je me suis abîmé de fatigue et j’expie présentement une folie d’excursionniste. Je me traîne avec une atteinte de bronchite dont je ne peux pas me délivrer. Mes soixante et un ans qui vont arriver tantôt me trouveront bien languissant, bien découragé et bien mal résigné à vieillir. Qu’y faire ? J’ose à peine penser à demain et après-demain que sera-ce ? Vous qui avez de l’énergie et du courage à revendre, si vous vouliez m’en envoyer pour deux sous.
« J’ATTENDS LE MOIS DE MAI EN TRAVAILLANT »
CORRESPONDANCE Montauban, .1904 à N.D.
J’attends le mois de mai en travaillant ; encore cent quarante pages à recopier, c’est-à-dire à refaire. Je n’ai pas de temps à perdre si je veux avoir fini au 15 mai. La pensée d’aller à Paris avec vous me donnera du courage. A bientôt donc, ma chère amie. Quelle joie d’explorer les paysages parisiens avec vous ! Causer en promenadant, vous savez que c’est ce que j’aime le mieux au monde. Avec vous, c’est le parfait idéal.
Les journées perdues passent le plus clair de leur temps à jouer et à saisir l’instant propice. Les journées sombres et moroses s’échappent sur d’entêtantes heures familières Il y a plus de poids dans chacune des premières feuilles qui tombe au début de l’automne Il y a plus de charme et de temps quand le dernier grain de blé tombé à terre ne meurt pas Dans la vérité le temps semble épris d’une possédée nerveuse assise sur les bords du monde à l’abri des brumes et des ombres Dans la vérité le temps aime s’émerveiller de sa lumière coupable Et le temps commence alors sa journée perdue Sur la feuille qui tombe sur le feu de la vie
Ivan Aïvazovski, Иван Константинович Айвазовский, Naufrage, Кораблекрушение,1876
*Антология русской поэзии Anthologie de la Poésie Russe *
LITTERATURE RUSSE русская литература
стихотворение – Poèmes
Traduction Jacky Lavauzelle
Vladislav Khodasevich Vladislav Khodassevitch
ВЛАДИСЛАВ ХОДАСЕВИЧ
né le 16 mai 1886 Moscou – 14 juin 1939 Billancourt,
ПОЭЗИЯ ВЛАДИСЛАВА ХОДАССЕВИЧА
LA POÉSIE DE VLADISLAV KHODASSEVITCH
LES MAUVAIS POÈMES 1916-1917 Хорошие стихи меня томят…
*******************
***************
Хорошие стихи меня томят, Les bons poèmes me tourmentent, Плохие же так милы почему-то: Les mauvais, eux, sont si mignons, sans raison aucune : Они души не жалят, не язвят, Ils ne piquent pas les âmes, ils ne blessent pas, В них теплота домашнего уюта. La chaleur de la convivialité est en eux. Вот — истинно приятный лимонад. Pareils à une très bonne limonade. [Они легки, как шелковый халат.] [Légers comme une robe de soie.] Для гениев всего одна минута Pour la géniale poésie seulement une minute, Есть у меня. Зато бездарность… — о, Mais avec la médiocre … – oh ! Я вечер целый трачу на нее. Je passe une soirée entière avec elle.
Miguel Hernández Miguel Hernández Gilabert (30 octobre 1910 Orihuela, province d’Alicante – 28 mars 1942 Alicante) (Orihuela, 30 de octubre de 1910-Alicante, 28 de marzo de 1942)
*********************** TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE *********************** « Los poetas somos viento del pueblo : nacemos para pasar soplados a través de sus poros y conducir sus ojos y sus sentimientos hacia las cumbres más hermosas. » « Les poètes sont le vent du peuple : nous sommes nés pour passer à travers ses pores et pour diriger ses yeux et ses sentiments vers de plus beaux sommets. » Miguel Hernández ******************
*****
MONUMENT A NIKOLOZ BARATASHVILI
NIKOLOZ BARATACHVILI
ნიკოლოზ ბარათაშვილი
par Boris Tsibadze
LITTERATURE GEORGIENNE ქართული ლიტერატურა
POESIE GEORGIENNE
ქართული პოეზია
La statue du poète se trouve sur la place Baratashvili
ბრინჯაო
Bronze
1976
არქიტექტორი
Arkitektori
Architecte
შ. ყავლაშვილი Sh. Kavlashvili
sculpture de Boris Tsibadze
BORIS TSIBADZE
მოქანდაკე
Mokandake
Sculpteur
ბორის ციბაძე BorisTsibadze დაბადების თარიღი: 9 სექტემბერი, 1931 (87 წლის). გარდაცვ. თარიღი: 19??
né le 9 septembre 1931 – date décès inconnue
Né à Koutaïssi – ქუთაისი
დაამთავრა თბილისის სამხატვრო აკადემია 1956 წელს
1957 წელს მოსკოვის ახალგაზრდობისა და სტუდენტთა საერთაშორისო ფესტივალის მონაწილე (« ქალიშვილის პორტრეტი », მარმარილო, საქართველოს სურათების გალერეა). ნამუშევრები: ნ. ბარათაშვილის (ბრინჯაო, 1976, თბილისი), ნ. ფიროსმანაშვილის (1961, შავი ქვა, ფიროსმანაშვილის მუზეუმი, მირზაანი), ვაჟა-ფშაველას (ხე, 1963, საქართველოს კულტურის სამინისტრო, თბილისი) ძეგლები, « მშვიდობის სადარაჯოზე » (1965, ტონირებული თაბაშირი, საქართველოს სურათების გალერეა) და სხვა.
Il est diplômé de l’Académie des arts de Tbilissi en 1956.
En 1957, il participe au Festival international de la jeunesse et des étudiants de Moscou (« Portrait de la Vierge », Marbre, Galerie de tableaux de la Géorgie). Travaux :
N. Baratashvili (Bronze, 1976, Tbilissi),
Monuments de Pirosmanashvili (1961, pierre noire, musée Pirosmanashvili, Mirzaani)
Vazha Pshavela (arbre, 1963, ministère de la Culture de Géorgie, Tbilissi)
« Peace Guards » (1965, glossaire de la Géorgie) etc.
***
EXTRAITS DES POEMES
MEDITATION SUR LES BORDS DU MTKVARI
ფიქრნი მტკვრის პირას
&
LA BOUCLE D’OREILLE
LA BOUCLE D’OREILLE
საყურე
O brinco
1839
წარვედ წყალის პირს სევდიანი ფიქრთ გასართველად,
ts’arved ts’q’alis p’irs sevdiani pikrt gasartvelad,
Mes pas lourds m’avaient conduit vers les eaux fraîches,
აქ ვეძიებდი ნაცნობს ადგილს განსასვენებლად;
ak vedziebdi natsnobs adgils gansasveneblad;
Ici, à la recherche d’un lieu pour me détendre.
აქ ლბილს მდელოზედ სანუგეშოდ ვინამე ცრემლით,
ak lbils mdelozed sanugeshod viname tsremlit,
Ici une vive mélancolie me submergeait de larmes pourtant,
აქაც ყოველი არემარე იყო მოწყენით;
akats q’oveli aremare iq’o mots’q’enit;
Partout les flots participaient à ma peine ;
ნელად მოღელავს მოდუდუნე მტკვარი ანკარა
nelad moghelavs modudune mt’k’vari ank’ara
Et dans les eaux profondes du Mtkavari
და მის ზვირთებში კრთის ლაჟვარდი ცისა კამარა.
da mis zvirtebshi k’rtis lazhvardi tsisa k’amara.
Se perdaient même les reflets du ciel d’été.
იდაყვ-დაყრდნობილ ყურს უგდებ მე მისსა ჩხრიალსა
idaq’v-daq’rdnobil q’urs ugdeb me missa chkhrialsa
Agenouillé, ô fleuve, soumis à ton écoute
და თვალნი რბიან შორად, შორად, ცის დასავალსა!
da tvalni rbian shorad, shorad, tsis dasavalsa!
Mes yeux rougis attendent des réponses !
ვინ იცის, მტკვარო, რას ბუტბუტებ, ვისთვის რას იტყვი?
vin itsis, mt’k’varo, ras but’but’eb, vistvis ras it’q’vi?
Mtkvari, que sais-tu donc sur la vie ?
მრავალ დროების მოწამე ხარ, მაგრამ ხარ უტყვი!..
mraval droebis mots’ame khar, magram khar ut’q’vi!..
Toi, qui martyr t’es retrouvé à tant de reprises !
ვითა პეპელა
vita pepela
Au vif papillon
Uma borboleta rápida,
არხევს ნელნელა
arkhevs nelnela
Fais ralentit son vol
Abrandar o seu voo
სპეტაკს შროშანას, ლამაზად ახრილს,
spetaks shroshanas, lamazad akhrils,
Au pétillant muguet, magnifiquement s’accorde, No lírio cintilante, concorda lindamente
ასე საყურე,
ase saqure,
La boucle d’oreille,
O brinco,
უცხო საყურე,
utskho saqure,
L’étrange boucle d’oreille,
O estranho brinco
ეთამაშება თავისსა აჩრდილს.
etamasheba tavissa achrdils.
Joue avec les ombres.
Brinque com as sombras.
ნეტავი იმას,
net’avi imas,
Sera bienheureux Será abençoado,
ვინც თავისს სუნთქვას
vints taviss suntkvas
Celui qui la touche
Aquele que a toca …
*****
MONUMENT A NIKOLOZ BARATASHVILI
NIKOLOZ BARATACHVILI
ნიკოლოზ ბარათაშვილი
LITTERATURE GEORGIENNE ქართული ლიტერატურა
POESIE GEORGIENNE
ქართული პოეზია
27 დეკემბერი, 1899 – 9 აგვისტო, 1966
27 septembre 1899 – 9 août 1966
TRADUCTION & PHOTO JACKY LAVAUZELLE
****
LES NOTES DE VOYAGE
მოგზაურობა სამშობლოში
mogzauroba samshobloshi
2. ანანური
2. ananuri
ANANOURI
უეცრად წინ გადაგვიდგა
uetsrad tsin gadagvidga
Tout d’un coup nous apercevons,
ორ მთას შუა დამალული,
or mtas shua damaluli,
Cachées au milieu de deux montagnes,
ატყორცნილი ძველ კოშკებით
atqortsnili dzvel koshkebit
Les vieilles tours dépouillées
ვაჟკაცური ანანური.
vazhkatsuri ananuri.
De la brave Ananouri.
რას ფიქრობენ ნანგრევები,
ras pikroben nangrevebi,
Que dire de ces ruines,
ან რა დარჩათ სანანური? ―
an ra darchat sananuri? ―
Que reste-t-il de son ancienne gloire ? –
სდუმს არაგვი, სდუმან მთები,
sdums aragvi, sduman mtebi,
Au-dessus de l’Aragvi et des montagnes silencieuses,
ცა ვარსკვლავით დანალული…
tsa varskvlavit danaluli…
Le ciel constelle d’une multitude d’étoiles…
****
Ananouri se situe à 66 kilomètres de la capitale Tbilissi. Il s’agit d’une ancienne forteresse du XIIIe siècle – XVIe. Il s’agit là d’un des sites majeur du Grand Caucase géorgien. En fait cette forteresse est un complexe ecclésiastique fortifié construit par les ducs de l’Aragvi (არგვის ჰერცოგი Argvis Hertsogi).
l’Aragvi, არაგვის,située sur le flan méridional de la chaîne du Grand Caucase, კავკასია kavkasia, est un affluent du fleuve Koura, მტკვარი, Mtkvari. Il offre plusieurs méandres à l’est de la citadelle d’Ananouri.
Monument à Giorgi Leonidze à Tbilissi
*****
LITTERATURE GEORGIENNE ქართული ლიტერატურა
POESIE GEORGIENNE
ქართული პოეზია
Les secrets moisissent en silence
Dans un long et profond bâillement
Qui endormirait un corsaire et tout son équipage
A en oublier l’abordage
La vie s’est réfugiée dans la ville
Ici
Les phrases aux phrases ne se répondent plus
Sinon pour passer le temps
Passer les vagues
Et se perdre dans une forêt d’ébène
Quelques intentions scrutent des bas de page
Résistantes comme peut être le porphyre
Et des perles de Tolède luttant contre Vulcain lui-même
Ecrasant les récits et les contes de son rouleau d’or
Des vers infinis dansent sur des vers intimes
Mangent les dernières rimes inutiles
Dansent sur les bords de l’étagère épuisée
Ecrasent les passions et les pensées
Il n’y a plus de visages aimés
Il n’y a plus de rouge ni de noir non plus
Mais de splendides squelettes brodés et fauves de jadis
Comme des quatuors paumés et perdus
Annonçant la venue de la dernière des âmes
Dans cette lente et tranquille candeur
Vidés de n’être plus lus
Un reste de vin sur le côté de la tranche
Ils se sont tus
Depuis longtemps les folles écumes des joutes verbales
Se sont tues dans ce jardin d’hiver
Où l’hiver lui-même ne vient plus
Où les yeux eux-mêmes se sont refermés
Joutes d’une jeunesse si courte
Jeux d’une autre syntaxe
Feu d’une autre littérature
Nous n’aurons plus jamais ce fracas des mots
Ce combat des critiques
L’amas des antiques
Les livres ne s’ouvriront plus
A jamais refermés
Les mots ont bougé
Ils ont bougé une fois encore pourtant à un rythme effréné
Avant de sombrer
Claquant et sombrant
Claquant d’accents vifs
Je n’entends plus ce souffle
Qui touchait nos rêves
Dans ce palais de l’esprit
Où tout est fini
Aux plages des passions
Je n’entends plus les vagues
Aux ressacs des sentiments
Se rend une dernière grâce
Les ondes des âmes sur des rochers écornés
Le sang a coulé
Pourtant
Sur tant de tranches écorchées
Blanchies
Un dernier coucher de rideau
Sur des mémoires tues
Par manque d’amour
Par tant de fatigue
Par tant d’abattements
Sur les rues des pensées
Ont couché les quelques virgules
Tant de trônes détrônés aux tranches se suivent
Dans un silence des cieux
Tant de précipices enjambés
Tant de vies fantasmées
Des rires dehors rattrapant des scènes de vie
La nuit a épousé les crêtes des rayons
Les mots se retirent
Et se couchent
Comme se retire la mer pour se perdre là-bas
Quand elle tombe des falaises
Vous n’entendez plus rien
En tendant l’oreille
Vous ne sentez plus
En ouvrant votre cœur
Que ces pages putréfiées
Vous ne poussez plus que de la poussière étrange
Des bruits accouchés et des larmes éventrées
Les cuirs se sont vidés une nouvelle fois
Les mots gardiens de la prison
Ont livré les sirènes et les dragons d’abord
Les passades et les charmes ensuite
Swann du Jockey, Odette et M. de Norpois enfin
La barbarie a disparu au café du coin
Jamais les mots ne se tuèrent les uns les autres
Ainsi
Ils se sont éteints en ne serrant même plus les points
Ici
Dans l’oubli
D’une si belle journée de printemps
Photo Jacky Lavauzelle – La Fontaine Bartholdi – Lyon
****
Il n’y a pas
Il n’y a plus
De noir cheval et de noir cavalier*
Le dernier est mort
Eventré dans le chaos de la nuit
Noir cheval galopant sans cavalier noir
Restent les tombeaux
L’herbe verte n’est plus
Il y a …
Il y a des ombres
Il y a ces ombres enfantées sur des ombres attelées
Rassasiées de peur
Surgissant des passés
Et me guidant vers une autre nuit
Vers un autre passage
Vers d’autres délires
Cette autre nuit qui m’attend déjà
Des ombres aux ombres se succèdent
Les paroles ont déserté la chambre
Depuis si longtemps déjà
Il ne reste que les maux
Des maux patients et revanchards
La pièce tombe dans l’épaisseur de la nuit
En un jet rituel
Avec la fidélité d’un chien dressé
Des cris d’enfants sortent de son antre
Des douleurs arrachées
Des joies perdues
Des êtres abattus
Et moi
Au milieu
Je sens un pieu géant au milieu
Me terrasser
Dans les travers des os
Et des branches cassées
Pousser
Sortant tout en me crevant les yeux
Il y a …
Il y a des branches rugueuses
En bois d’amandier
Et des murailles autour
Tout autour
La pièce tombant au milieu du plus ardent désert
Les morts se réveillent
Et se couchent tout contre moi
En m’arrachant la peau
Tout en me souriant
De leurs bouches fétides
Le cavalier noir se met à rire
La monture noire aussi
Et les peines du jour passées
Et les abominations du monde
Dans ma tête
Et ne trouvant plus que ça
Et je n’entends plus
Qu’un interminable bruit de fouet dans l’air
Qui léchent mes gouttes de sang
Le cri vermeil longe l’horizon
Et le bruit de ma dernière goutte
Sur le sol mou
Et putride
Me réveille
Le rayon de lumière
Efface
D’un seul coup
Le noir de lune
Le noir cavalier a retrouvé sa noire monture
Il y a…
**********************
Note *
INSOMNIE DE VICTOR HUGO
(extrait)
Et l’ange étreint Jacob, et l’âme tient le corps ;
Nul moyen de lutter ; et tout revient alors,
Le drame commencé dont l’ébauche frissonne,
Ruy Blas, Marion, Job, Sylva, son cor qui sonne,
Ou le roman pleurant avec des yeux humains,
Ou l’ode qui s’enfonce en deux profonds chemins,
Dans l’azur près d’Horace et dans l’ombre avec Dante ;
Il faut dans ces labeurs rentrer la tête ardente ;
Dans ces grands horizons subitement rouverts,
Il faut de strophe en strophe, il faut de vers en vers,
S’en aller devant soi, pensif, ivre de l’ombre ;
Il faut, rêveur nocturne en proie à l’esprit sombre,
Gravir le dur sentier de l’inspiration,
Poursuivre la lointaine et blanche vision,
Traverser, effaré, les clairières désertes,
Le champ plein de tombeaux, les eaux, les herbes vertes,
Et franchir la forêt, le torrent, le hallier,
Noir cheval galopant sous le noir cavalier.
Tout animal est supérieur à l’homme par ce qu’il y a en lui de divin, c’est-à-dire par l’instinct. Or, de tous les animaux, le Chat est celui chez lequel l’instinct est le plus persistant, le plus impossible à tuer. Sauvage ou domestique, il reste lui-même, obstinément, avec une sérénité absolue, et aussi rien ne peut lui faire perdre sa beauté et sa grâce suprême. Il n’y a pas de condition si humble et si vile qui arrive à le dégrader, parce qu’il n’y consent pas, et qu’il garde toujours la seule liberté qui puisse être accordée aux créatures, c’est-à-dire la volonté et la résolution arrêtée d’être libre. Il l’est en effet, parce qu’il ne se donne que dans la mesure où il le veut, accordant ou refusant à son gré son affection et ses caresses, et c’est pourquoi il reste beau, c’est-à-dire semblable à son type éternel. Prenez deux Chats, l’un vivant dans quelque logis de grande dame ou de poète, sur les moelleux tapis, sur les divans de soie et les coussins armoriés, l’autre étendu sur le carreau rougi, dans un logis de vieille fille pauvre, ou pelotonné dans une loge de portière, eh bien ! tous deux auront au même degré la noblesse, le respect de soi-même, l’élégance à laquelle le Chat ne peut renoncer sans mourir.
Théodore de Banville
Le Chat
1882
******
******
LES FLEURS DU MAL
LE CHAT
Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux ;
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux
Mêlés de métal et d’agate.
Lorsque mes doigts caressent à loisir
Ta tête et ton dos élastique,
Et que ma main s’enivre du plaisir
De palper ton corps électrique,
Je vois ma femme en esprit ; son regard,
Comme le tien, aimable bête,
Profond et froid, coupe et fend comme un dard,
Et des pieds jusques à la tête,
Un air subtil, un dangereux parfum
Nagent autour de son corps brun.
Charles Baudelaire
SPLEEN ET IDÉAL
Les Fleurs du mal -1857
Poulet-Malassis et de Broise, 1857
*******
*******
LE CHAT
Je souhaite dans ma maison :
Une femme ayant sa raison,
Un chat passant parmi les livres,
Des amis en toute saison
Sans lesquels je ne peux pas vivre.
Guillaume Apollinaire
Le Bestiaire, ou Cortège d’Orphée
1911
Notes d’Apollinaire
*****************
LE MAISTRE CHAT
ou
Le Chat botté
Un meusnier ne laissa pour tous biens, à trois enfans qu’il avoit, que son moulin, son asne et son chat. Les partages furent bien-tôt faits ; ny le notaire ny le procureur n’y furent point appellés. Ils auroient eu bien-tost mangé tout le pauvre patrimoine. L’aisné eut le moulin, le second eut l’asne, et le plus jeune n’eut que le chat.
Ce dernier ne pouvoit se consoler d’avoir un si pauvre lot :
…
« Ne vous affligés point, mon maistre ; vous n’avez qu’à me donner un sac et me faire faire une paire de bottes pour aller dans les broussailles, et vous verez que vous n’êtes pas si mal partagé que vous croyez. »
Quoique le maistre du Chat ne fist pas grand fond là-dessus, il lui avoit veu faire tant de tours de souplesse pour prendre des rats et des souris, comme quand il se pendoit par les pieds ou qu’il se cachoit dans la farine pour faire le mort, qu’il ne desespéra pas d’en estre secouru dans sa misere.
Lorsque le Chat eut ce qu’il avoit demandé, il se botta bravement, et, mettant son sac à son cou, il en prit les cordons avec ses deux pattes de devant, et s’en alla dans une garenne où il y avoit grand nombre de lapins. Il mit du son et des lasserons dans son sac, et, s’estendant comme s’il eut esté mort, il attendit que quelque jeune lapin, peu instruit encore des ruses de ce monde, vint se fourrer dans son sac pour manger ce qu’il y avoit mis.
…
Le marquis, faisant de grandes réverences, accepta l’honneur que luy faisoit le roy, et, dés le même jour, il épousa la princesse. Le Chat devint grand seigneur, et ne courut plus aprés les souris que pour se divertir. Charles Perrault
Histoires ou Contes du temps passé
Édition de 1697
« Au secours, au secours, voilà Monsieur le marquis de Carabas qui se noie. » Illustration de Gustave Doré – 1867
*****
LE CHAT
Le mien ne mange pas les souris, il n’aime pas ça. Il n’en attrape une que pour jouer avec.
Quand il a bien joué, il lui fait grâce de la vie, et il va rêver ailleurs, l’innocent, assis dans la boucle de sa queue.
Mais, à cause des griffes, la souris est morte.
Jules Renard
Le Vigneron dans sa vigne
Mercure de France, 1914
**
LE CHAT DE NEPTUNE
Sans s’inquiéter davantage des oiseaux épars, avec leurs entrailles de coton pendantes sur le plancher du théâtre de ses ébats, monsieur Tom se glissa dans le couloir obscur qui mène du cabinet des officiers à la chambre du conseil de l’arrière….
Il allait à pas prudents, l’oreille au guet, tressaillant au moindre bruit et partagé entre deux désirs, le désir d’aller surveiller des souris lointaines, dont il entendait les dents fines ronger de vieux morceaux de biscuit de mer dans des entreponts ténébreux, et le désir d’aller voir un peu la cause d’un bruit singulier qui lui arrivait par la porte ouverte de la chambre du conseil et l’intriguait fort…
Ernest d’Hervilly
Le Chat du Neptune
CHAPITRE IV
Voyage de découvertes
1886
*****
LE CHAT
À Léon Cladel
Je comprends que le chat ait frappé Baudelaire
Par son être magique où s’incarne le sphinx ;
Par le charme câlin de la lueur si claire
Qui s’échappe à longs jets de ses deux yeux de lynx,
Je comprends que le chat ait frappé Baudelaire.Femme, serpent, colombe et singe par la grâce,
Il ondule, se cambre et regimbe aux doigts lourds ;
Et lorsque sa fourrure abrite une chair grasse,
C’est la beauté plastique en robe de velours :
Femme, serpent, colombe et singe par la grâce,Vivant dans la pénombre et le silence austère
Où ronfle son ennui comme un poêle enchanté,
Sa compagnie apporte à l’homme solitaire
Le baume consolant de la mysticité
Vivant dans la pénombre et le silence austère.
Tour à tour triste et gai, somnolent et folâtre,
C’est bien l’âme du gîte où je me tiens sous clé ;
De la table à l’armoire et du fauteuil à l’âtre,
Il vague, sans salir l’objet qu’il a frôlé,
Tour à tour triste et gai, somnolent et folâtre.
…
Maurice Rollinat LES LUXURES
Les Névroses
Fasquelle, 1917
****
LES CHATS
Le jeune philosophe et la vieille portière
Aiment le chat câlin, pudibond et méchant
Qui vers le pot au lait, tout en se pourléchant,
Descend à pas comptés le long de sa gouttière.
Les plus doux oreillers lui servent de litière,
Fourré, poltron, gourmand grassouillet, pleurnichant,
L’animal paresseux fait gros dos en marchant
Et patte de velours pendant sa vie entière.
La robuste fermière et le rude fermier
Aiment aussi leurs chats, troupeau maigre et farouche
Qui court le long des murs, des souris dans la bouche,
Ils aiment leur matou qui descend du grenier
Pour étrangler les rats qui grouillent dans la grange
Et qui, si ses petits sont trop nombreux, les mange.
Gustave Le Vavasseur
Études d’après nature
CARACTÈRES ET PORTRAITS RUSTIQUES
LES ANIMAUX
Les Chats
*****
LES SOUVENIRS
Il siège au coin du feu, les paupières mi-closes,
Aspirant la chaleur du brasier qui s’éteint ;
La bouilloire bouillonne avec des bruits d’étain ;
Le bois flambe, noircit, s’effile en charbons roses.
Le royal exilé prend de sublimes poses ;
Il allonge son nez sur ses pieds de satin ;
Il s’endort, il échappe au stupide destin,
A l’irrémédiable écroulement des choses.
Les siècles en son cœur ont épaissi leur nuit,
Mais au fond de son cœur, inextinguible, luit
Comme un flambeau sacré, son rêve héréditaire.
Un soir d’or, le déclin empourpré du soleil,
Des fûts noirs de palmiers sur l’horizon vermeil,
Un grand fleuve qui roule entre deux murs de terre.
Hippolyte Taine
A une chatte
Chatte blanche, chatte sans tache,
Je te demande, dans ses vers,
Quel secret dort dans tes yeux verts,
Quel sarcasme sous ta moustache.
Tu nous lorgnes, pensant tout bas
Que nos fronts pâles, que nos lèvres,
Déteintes en de folles fièvres,
Que nos yeux creux ne valent pas.
Ton museau que ton nez termine,
Rose comme un bouton de sein,
Tes oreilles dont le dessin
Couronne fièrement ta mine.
Pourquoi cette sérénité ?
Aurais-tu la clé des problèmes
Qui nous font, frissonnants et blêmes,
Passer le printemps et l’été ?
Devant la mort qui nous menace,
Chats et gens, ton flair, plus subtil
Que notre savoir, te dit-il
Où va la beauté qui s’efface.
Où va la pensée, où s’en vont
Les défuntes splendeurs charnelles ?
Chatte, détourne tes prunelles ;
J’y trouve trop de noir au fond.
Charles Cros
*****
LA CHASSE DU CHAT
La feuille se cabre et trésaille
Dans un silence de grâce
Les courbes se tendent
La courbure de la voûte s’affaisse
Une flèche, une pyramide
Les nervures des voûtes égyptiennes se diffusent
Deux cercles ravageurs
Dans la nuit
Deux phares hypnotiques
Sur ses robustes piliers
les grandes arcades s’ouvrent
Se déplient et se déploient
Dans un serpentin infini
La feuille d’eau
Lâche son ultime goutte
Sans toucher
Jamais
Le félin
Qui dans le vent s’est perdu.
Jacky Lavauzelle
Os Gatos e os Cães
Les Chats et les Chiens
Entretanto, o gato, o bravo vigilante das horas mortas, sentinela perdida da meia-noite, passeando à luz misteriosa do luar com os olhos faiscantes como baionetas, para tranqüilidade dos armários e para desgraça dos roedores caseiros; entretanto, o digno gato, o honrado gato, deixam-no de lado, no esquecimento silencioso das suas passeatas noturnas; caluniam-no, excomungam-no e o desamparam, quando muito, aos esqueléticos carinhos de alguma velha bruxa semifantástica, amiga dos morcegos, dos mochos e das caveiras de burro fatídicas.
Cependant, le chat, le gardien courageux des heures mortes, la sentinelle perdue de minuit, se promène au clair de lune mystérieux avec ses yeux pétillants comme des baïonnettes pour la tranquillité de nos armoires et pour l’enfer des rongeurs de la maison ; cependant, le digne chat, le chat honoré, les laisse de côté, dans l’oubli silencieux de ses déambulations nocturnes …
Pobre gato!
Pauvre chat !
Os Gatos e os Cães Raul Pompeia (1863-1895)
Arreda que lá vai um vate!
Os gatos mostrarei fugindo aos ratos,
Vistosos fructos em arbusto pêco;
Jumentos a voar, touros cantando,
E grandes tubarões nadando em secco!
Luís da Gama
(1830-1882)
******
LE CHAT DE MISERE
L’autre jour, dans un salon qui ouvre de plein pied sur un jardin, on trouva, roulé en boule, un chat, mais quel chat ! Un être efflanqué, galeux, si las de la vie qu’il semblait indifférent à tout, sauf à sa sensation du moment, qui était, fait inespéré, d’avoir réussi à avoir chaud par un jour de pluie. Il avait faim aussi, mais n’étant pas de ces chats qui n’ont qu’à se frotter à leur maîtresse pour obtenir des choses qui se lapent ou des choses qui se mangent, il n’y songeait pas. Son étonnement fut visiblement très grand quand il se vit entouré d’un groupe d’humains qui lui offraient du lait et des gâteaux. Il n’avait pas peur, il était surpris comme nous le serions sur une route déserte, si, ayant soif et faim, une table servie surgissait à nos pieds. Les gens ne l’effrayaient pas parce qu’il n’en avait sans doute encore reçu aucun mal, mais ne l’attiraient pas, parce qu’il n’en avait reçu aucun bien. Les bêtes m’inspirent presque plus de pitié que les hommes, parce qu’elles sont encore plus effarées devant le malheur. Elles n’ont pas la ressource de maudire leurs frères et la société, ce qui est tout de même une distraction. Quelles réflexions un homme n’aurait-il pas faites, réduit à la condition errante et affamée de ce chat de misère ! Je vois cependant un point où la condition du chat était meilleure. Si cela avait été un humain qui se fût glissé dans le salon et se fût affalé sur un fauteuil, il est probable qu’on ne lui eût offert ni lait ni gâteaux et qu’on ne se fût pas penché sur lui pour admirer l’éclat de ses yeux Remy de Gourmont
Le Chat de misère
1912