Liens

LA POESIE DE CATULLE



CATULLE
CATULLUS
84 avant J.-C. – 54 avant J.-C.

Traduction Jacky Lavauzelle

 

**

 Les Poèmes
de Catulle

Erato la Muse de la Poésie Lyrique
Simon Vouet

*

La Poésie de Catulle
*

I
A Cornelius Nepos
Ad Cornelium Nepotem

Cui dono lepidum novum libellum
A qui dédier ce nouveau livre charmant
 Arida modo pumice expolitum?
Que l’aride pierre ponce a lissé ?

*
II
Ad Passerem Lesbiae
Au Passereau de Lesbie

Passer, deliciae meae puellae,
Passereau, délice de ma  jeune amante,
  
Quicum ludere, quem in sinu tenere,
Avec qui elle joue et qu’elle tient sur son sein,








*
III
Luctus in morte passeris
La mort du passereau

Lugete, O Veneres Cupidinesque,
Pleurez, O Amours
 et quantum est hominum venustiorum:
et vous aussi hommes vénérables :








*
IV
Dedicatio Phaseli
Dédicace d’un Vaisseau

Phaselus ille, quem videtis, hospites,
Ce bateau, que vous voyez, à ce que l’on dit,
Ait fuisse navium celerrimus,
Etait le plus rapide des navires

*
V
Ad Lesbiam
A Lesbie

Vivamus mea Lesbia, atque amemus,
Vivons, ma Lesbie, et aimons-nous,
 
Rumoresque senum severiorum
Les rumeurs de la sévère sénilité








*
VI
Ad Flavium
A Flavius

Flavi, delicias tuas Catullo,
Flavius, à ton cher Catulle,
Ni sint illepidae atque inelegantes,
Sauf si ce sont des choses laides et inélégantes




*
VII
Ad Lesbiam
A Lesbie

Quaeris, quot mihi basiationes
Si tu me demandes combien de baisers
  Tuae, Lesbia, sint satis superque.
De ta part, Lesbie, sont satisfaisants et sont assez.

Cyrene_and_Cattle_-_Edward_Calvert

*

VIII
Ad Se Ipsum
Catulle à lui-même

Catullus Building desinas ineptire,
Pauvre Catulle, cesse d’être stupide,
Perditum ducas quod inane pereundum.
Ce qui est perdu est mort à jamais .




*

IX
Verani, omnibus e meis amicis
A VERANIUS

Verani, omnibus e meis amicis
Veranius , le premier de tous mes amis,
antistans mihi milibus trecentis,
Le plus cher de tous,

*

X
Varus me meus ad suos amores
LA MAÎTRESSE DE VARUS

Varus me meus ad suos amores
Varus m’entraîne vers l’objet de sa flamme
 visum duxerat e foro otiosum,
M’ayant trouvé au milieu du forum ;

*

*****************







*

XI
Ad Furium et Aurelium
À FURIUS ET AURELIUS

Furi et Aureli comites Catulli,
Furius et Aurélius, compagnons de Catulle
sive in extremos penetrabit Indos,
Pénétrant les lointaines Indes,

*

*

XII
ASINUS
CONTRE ASINUS

Marrucine Asini, manu sinistra
Asinus, toi le Marrucin*, à la main gauche
non belle uteris: in ioco atque vino
Si preste, frétillant gaiement sous les effets du vin

*

XIII
Ad Fabullum
A FABULLUS

Cenabis bene, mi Fabulle, apud me
Comme tu dîneras bien chez moi, mon cher Fabullus,
paucis, si tibi di favent, diebus,
Bientôt, si les dieux te sont favorables,

*

XIV
ad Calvum poetam
AU POETE LICINIUS CALVUS

Ni te plus oculis meis amarem,
Si plus que mes yeux je ne t’aimais,
 iucundissime Calve, munere isto
Charmant Calvus, de ce cadeau




*

XV
Ad Aurelium
A AURELIUS

Commendo tibi me ac meos amores,
Je te confie mes amours en Juventius,
 Aureli. veniam peto pudentem,
Aurélius. Je te demande seulement une faveur ;

*

XVI
Ad Aurelium et Furium
A AURELIUS ET FURIUS

Pedicabo ego vos et irrumabo,
Allez-vous faire foutre et bien d’autres choses encore
Aureli pathice et cinaede Furi,
Mauviette d’Aurèlius et Furius la lopette,

*

XVII
AD COLONIAM
A COLONIA

O Colonia, quae cupis ponte ludere longo,
O ville de Colonia, tu souhaites un pont majestueux
 et salire paratum habes, sed vereris inepta




Pour d’excessives fééries, car tu as peur que le tien,

*

XXI
AD AURELIUM
A AURELIUS

Aureli, pater esuritionum,
Aurélius, père des disettes,
non harum modo, sed quot aut fuerunt
Celles d’aujourd’hui comme celles d’hier

*

XXII
AD VARUM
A VARUS

Suffenus iste, Vare, quem probe nosti,
Ce Suffénius, Varus, que tu connais bien,
homo est venustus et dicax et urbanus,
Est un homme charmant, délicat et sociable,

*

XXIII
AD FURIUM
À FURIUS

Furi cui neque servus est neque arca
Furius, toi qui n’as ni serviteur ni argent
nec cimex neque araneus neque ignis,
Pas une seule punaise,  pas une pauvre araignée, pas un misérable feu,




XXIV
AD JUVENTIUM PUERUM
AU PETIT JUVENTIUS

qui flosculus es Iuventiorum,
O, petite fleur des Juventius,
non horum modo, sed quot aut fuerunt
non seulement des anciens, d’aujourd’hui

**

XXV
Ad Thallum
À THALLUS

Cinaede Thalle, mollior cuniculi capillo
 Sybarite Tellus, plus mou que la poil du lapin
vel anseris medullula vel imula oricilla
 Plus flottant que le duvet de l’oie, que le lobe de l’oreille

**

XXVI
Ad Furium
À Furius

Furi villula vestra non ad Austri
Furius, votre maison de campagne ne souffre ni de l’Auster du midi
 flatus opposita est neque ad Favoni
 ni du zéphyr d’occident,




**

XXVII
Ad pincernam suum  
À son servant

Minister vetuli puer Falerni
 Esclave, toi qui nous donne du vin de Falerne,
inger mi calices amariores,
 Donne-nous un vin avec plus sévère,

**

XXVIII
Ad Veranium et Fabullum
À Veranius et Fabullus

Pisonis comites, cohors inanis,
Compagnons de Pison, dont sa cour reste vide
 
aptis sarcinulis et expeditis,
d’argent et dépourvue de malles,

**

XXIX
 In Caesarem
Contre César

Quis hoc potest videre, quis potest pati,
Quel homme peut voir et peut accepter
Nisi impudicus et vorax et aleo,
Sinon un impudique, un vorace et un voleur,

**

XXX
Ad Alphenum
A ALPHENUS

Alfene immemor atque unanimis false sodalibus,
Amnésique Alfénus Varus envers tes compagnons,
iam te nil miseret, dure, tui dulcis amiculi?
Es-tu déjà aussi sans pitié, implacable, pour ton ami si tendre ?

**

XXXI
Ad Sirmium insulam
À LA PRESQU’ÎLE DE SIRMIONE

Paene insularum, Sirmio, insularumque
Joyau de toutes les presqu’îles et de toutes les îles, ô Sirmione
ocelle, quascumque in liquentibus stagnis
bénie par Neptune, seigneur des eaux stagnantes

**

XXXII
Ad Ipsicillam
À IPSITHILLA

Amabo, mea dulcis Ipsitilla,
 Je t’en prie, ma douce Ipsithilla,
 meae deliciae, mei lepores,
ma joie et le délice de mon existence,

**

XXIII
Ad Vibennios
CONTRE LES VIBENNIUS

o Furum optime balneariorum
Ô grands voleurs des bains publics,
Vibenni pater et cinaede fili
Vibennius père et fils débauché,

**

XXXIV
Carmen Dianae
À DIANE

Dianae sumus in fide
Nous qui sommes à Diane dévoués,
 puellae et pueri integri:
jeunes filles et chastes garçons :

**

XXXV
ad Caecilium iubet libello loqui
INVITATION À CECILIUS

Poetae tenero, meo sodali,
Au délicat poète, à mon ami,
velim Caecilio, papyre, dicas
A Cécilius, je voudrais, papyrus, que tu lui dises

**

XXXVI
IN ANNALES VOLUSII
CONTRE LES ANNALES DE VOLUSIUS

Annales Volusi, cacata carta,
Annales de Volusius, papiers juste bons à torcher,
Votum soluite pro mea puella.
Vous devez réaliser le vœu de mon aimée.

**

XXXVII
AD CONTUBERNALES
À UNE TAVERNE PAILLARDE

Salax taberna vosque contubernales,
Vous les gaillards habitués de la paillarde taverne,
A pilleatis nona fratribus pila,
Au neuvième pilier après le temple de Castor et Pollux,

**

XXXVIII
AD CORNIFICIUM
À CORNIFICIUS

Malest, Cornifici, tuo Catullo
Le malheur frappe, Cornificius,  ton ami Catulle,
Malest, me hercule, et laboriose,
Le malheur, par Hercule, et la douleur

**

XLI
IN AMICAM FORMIANI
CONTRE AMÉANA
MAÎTRESSE DE MAMURRA

Ameana puella defututa
Améana, flétrie par le stupre et la débauche,
Tota milia me decem poposcit,
M’a demandé dix mille sesterces,

**

XLVI
AD ADVENTU VERIS
L’ARRIVÉE DU PRINTEMPS

Jam ver egelidos refert tepores,
Déjà, le printemps apporte les premières chaleurs
Jam caeli furor aequinoctialis
Déjà, les fureurs des vents de l’équinoxe sont apaisées

**

XLVII
AD PORCIUM ET SOCRATIONEM
À PORCIUS ET SOCRATION

Porci et Socration, duae sinistrae
Porcius et Socration, les deux mains gauches
Pisonis, scabies famesque mundi,
De Pison, à la fois gale et famine du monde,

**

XLVIII
AD JUVENTIUM
 À JUVENTIUS

Mellitos oculos tuos, Juventi,
Tes doux yeux mielleux, Juventius,
Si quis me sinat usque basiare,
Si je pouvais les embrasser

**

XLIX
AD M. T. CICERONEM
À CICÉRON

Disertissime Romuli nepotum,
Toi le plus éloquent des fils de Romulus,
Quot sunt quotque fuere, Marce Tulli,
D’aujourd’hui et d’hier, Marcus Tullius,

**

LVI
AD CATONEM
À CATON

O rem ridiculam, Cato, et jocosam,
Ô qu’elle est étrange, Caton, et rigolote,
 Dignamque auribus et tuo cachinno.
Digne de tes oreilles et de ta bonne humeur.

**

XCVIII
AD VETTIUM ou AD VICTIUM
À VECTIUS

In te, si in quemquam, dici pote, putide Vetti,
Il est en ce monde un adage, infâme Vectius,
Id quod verbosis dicitur et fatuis :
                   Que l’on réserve quand on parle des personnes stupides :

***

LA LANGUE DE CATULLE
À propos d’une traduction de Catulle
1882

On a voulu faire de Catulle, sans arguments bien solides, un poète aristocratique, un poète du grand monde, comme de sa Lesbie, sur des inductions plutôt que sur des preuves, ce que Brantôme appelait « une grande et honnête dame. » Je persiste à ne pas croire, pour ma part, que Lesbie fût la célèbre Clodia, mais je crois que bon nombre des fréquentations de Catulle furent parmi la bohème littéraire de Rome. Au surplus, la conciliation n’est pas si difficile. Ce que nous savons, en effet, c’est que, lorsque l’adolescent de Vérone arriva de sa province dans la capitale, il y subsistait, sous le raffinement de quelques habitudes, sous l’étalage du luxe et sous l’apparence de la civilisation, un grand fonds d’antique brutalité romaine. Si nous en pouvions douter, nous rapprendrions au moins de certaines épigrammes de Catulle lui-même, plus grossières que mordantes, et dont l’outrageuse crudité passe tout. C’est bien fait à M. Rostand de nous les avoir traduites. On ne peut pas juger d’un poète en commençant par faire exception de toute une partie de son œuvre, qui peut-être est celle que les contemporains en ont presque le plus goûtée. Là où Catulle est bon, il va jusqu’à l’exquis, et c’est bien de lui que l’on peut dire aussi justement que de personne qu’il est alors le mets des délicats ; mais là où il est grossier, il l’est sans mesure, et c’est bien encore de lui que l’on peut dire qu’il est le charme de la canaille. Or, à Rome, en ce temps-là, dans le sens littéraire de l’un et l’autre mot, la canaille et les délicats, c’était presque tout un. On ne distinguait pas encore, selon le mot d’Horace, la plaisanterie spirituelle de l’insolente rusticité. La curiosité de l’intelligence, vivement éveillée, capable de goûter les finesses de l’alexandrinisme, était en avance, pour ainsi dire, sur la rudesse des mœurs et la vulgarité des habitudes mondaines. Quand on grattait ces soupeurs qui savaient apprécier les jolies bagatelles du poète, on retrouvait le paysan du Latium, qui s’égayait, au moment du vin, à faire le mouchoir. La raillerie, comme à la campagne, s’attaquait surtout aux défauts ou disgrâces physiques. Je sais bien que, jusque dans Horace, la grossièreté du vieux temps continuera de s’étaler, mais ce ne sera plus de la même manière naïvement impudente. Au temps de Catulle, la délicatesse n’avait pas encore passé de l’esprit dans les manières. Quand il s’élevait seulement un nuage sur les amours du poète et de sa Lesbie, le docte traducteur de Callimaque s’échappait en injures de corps de garde. Cette société très corrompue ne s’était pas encore assimilé la civilisation grecque. Elle s’essayait à la politesse, elle n’y touchait pas encore. Et sous son élégance toute superficielle, elle manquait étrangement de goût. — Il me paraît que, si l’on examinée quel moment de notre histoire la plupart de ces traits conviennent, on trouvera que c’est au XVIe siècle, dans le temps précis que le contact des mœurs italiennes opérait sur la cour des Valois le même effet qu’à Rome, sur les contemporains de César, le contact des mœurs de la Grèce.

Il est plus délicat de parler de la langue de Catulle. Si cependant nous y croyons discerner de l’archaïsme, nous pourrons bien nous tromper sur le choix des exemples ; nous ne nous tromperons pas au moins sur le caractère général du style, puisque nous en avons pour garant le témoignage d’Horace, en ses Satires. Et, tout de même encore, si nous nous permettons d’y signaler du néologisme, il n’importera guère que nous nous méprenions sur un point particulier ; nous ne nous méprendrons pas au moins sur le fait, puisque Catulle appartenait à l’école de ces νεὠτεροι, dont Cicéron se moque en plusieurs endroits de sa Correspondance. On reconnaît, à ce conflit de l’archaïsme et du néologisme, une langue incertaine encore de la direction qu’elle prendra. C’est ainsi qu’il y a dans notre Ronsard quelque résidu de la langue de Marot et de Villon, mais quelque promesse aussi de la langue de Malherbe et de Corneille. Tel madrigal de Catulle est tout à fait dans le grand goût de Tibulle et d’Horace, et telle de ses épigrammes dans le goût trop salé de Lucilius et de Plaute. Les éléments du grand style sont déjà comme en présence les uns des autres, et l’art de les juxtaposer, ou de les souder même, est déjà connu, mais ils ne sont pas encore fondus ensemble, l’alliage est imparfait, la substance du métal n’est pas encore et partout homogène. Un autre trait concorde à celui-ci. Les critiques signalent dans les vers de Catulle un nombre assez considérable de termes populaires qui, dans l’âge suivant, ont disparu du bon usage. Mais, d’autre part, ils y notent unanimement de la mignardise et de l’afféterie, par exemple dans un fâcheux abus qu’il se permet des diminutifs. C’est une preuve que, dans la langue de son temps, la séparation n’est pas encore faite entre l’idiome vulgaire et l’idiome littéraire. On sent le prix de la simplicité, d’une part et, faute d’y pouvoir toujours atteindre, on y supplée par la grossièreté. Mais, d’autre part, on sent le prix aussi de la distinction, et, faute d’y pouvoir atteindre, on y supplée par la recherche. C’est ainsi que, des hauteurs où la Pléiade, pindarisant et pétrarquisant, guindait son orgueilleuse prétention, nous la voyons quelquefois qui retombe de toute sa hauteur, à la grossièreté de l’ancien fabliau. Il est également demeuré dans Catulle quelque chose du parler des portefaix de Rome, tandis que, d’autre part, il dérobait à l’école d’Alexandrie ses plus subtils raffinements. Et ainsi, ce que nous pouvons juger de sa langue s’accorde avec ce que nous savons de son temps, pour nous faire voir en lui le représentant d’un art intermédiaire entre l’art qui vient de finir et celui qui n’est pas encore né : telle fut exactement, comme on sait, la situation de nos poètes du XVIe siècle.

Ferdinand Brunetière
 (1849 – 1906)
Revue littéraire – À propos d’une traduction de Catulle
Revue des Deux Mondes
Troisième période
Tome 54 1882

************************************

TRADUCTION DANOIS Jacky LAVAUZELLE oversættelse Danske tekster

Traduction Jacky Lavauzelle**************************
Traduction Danois Jacky Lavauzelle
ARTGI Traduction Jacky LavauzelleTATO
oversættelse Danske tekster
**************************





Traduction Jacky Lavauzelle

*******




TRADUCTION DANOIS

oversættelse Danske tekster

*******




**

Emil Aarestrup

Advarsel – Prudence

**

Hans Christian Andersen

 Arbejde Hans Christian Andersen – Œuvre de Hans Christian Andersen
Andersen Hans Christian Andersen Oeuvre Arbejde Traduction Jacky Lavauzelle

**

Sophus Claussen

Kærlighed – Aimer
Drømme – Rêves
Ekbatana – Ecbatane

**

Jens Peter Jacobsen

Landskab – Paysage
TOUTES LES OMBRES – Alle de voksende Skygger –

traduction Jacky Lavauzelle

LA PESTE DE BERGAME – Pesten i Bergamo
Nouvelle de 1882

jens peter jacobsen traduction jacky lavauzelle

**

Johan Sebastian Welhaven

Nuit Printanière -En Vaarnat (1844)

**********

oversættelse Danske tekster
Traduction Danois

LES MEFAITS DU TABAC 1/3 Anton Tchekhov Scène en 1 Acte – О вреде табака

LES MEFAITS DU TABAC TCHEKHOV

русская литература
Littérature Russe

 Tchekhov Artgitato Les Méfaits du Tabac

 

Anton Pavlovitch Tchekhov
Антон Павлович Чехов
1860-1904

России театр
Théâtre Russe

——–


Les Méfaits du Tabac

 

О вреде табака

Scène monologue en un acte
Сцена-монолог в одном действи

1/3

Действующее лицо
Acteur (un seul personnage)

Иван Иванович Нюхин, муж своей жены, содержательницы музыкальной школы и женского пансиона.
Ivan Ivanitch Nioukin, le mari de la directrice d’école de musique et d’un pensionnat de jeunes filles.

Сцена представляет эстраду одного из провинциальных клубов.
La scène s’ouvre sur une estrade d’un cercle de province

Нюхин Nioukine (с длинными бакенами, без усов, в старом поношенном фраке, величественно входит, кланяется и поправляет жилетку).
(Avec des rouflaquettes, sans moustache, dans une ancien redingote minable, il entre majestueusement, salue et redresse sa veste).
Милостивые государыни и некоторым образом милостивые государи.
Chères mesdames, et, en quelque sorte, messieurs.

(Расчесывает бакены.)
(Se caressant les favoris)

Жене моей было предложено, чтобы я с благотворительною целью прочел здесь какую-нибудь популярную лекцию.
On a demandé à ma femme, dans un but charitable, que j’anime une conférence.
Что ж?
Eh bien ?
Лекцию так лекцию
Soit, faisons cette conférence
— мне решительно все равно.
– Cela m’est de peu d’importance.
Я, конечно, не профессор и чужд ученых степеней, но, тем не менее, все-таки я вот уже тридцать лет, не переставая, можно даже сказать, для вреда собственному здоровью и прочее,
Je ne suis certainement pas un professeur, et je suis étranger à tous diplômes universitaires, mais, néanmoins, depuis trente ans, j’ai étudié sans cesse, on pourrait même dire jusqu’à nuire à ma propre santé, et ainsi de suite,
работаю над вопросами строго научного свойства, размышляю и даже пишу иногда, можете себе представить, ученые статьи, то есть не то чтобы ученые, а так, извините за выражение, вроде как бы ученые.
travaillant sur les questions strictement scientifiques, méditant, et même écrivant parfois, comme vous pouvez l’imaginer, des articles scientifiques, qui ne sont pas vraiment scientifiques, excusez l’expression, qui sont comme les vrais articles scientifiques.
Между прочим, на сих днях мною написана была громадная статья под заглавием:
Soit dit en passant, je viens d’écrire un article fondamental sur le sujet suivant :
«О вреде некоторых насекомых».  »
« Sur les dangers de certains insectes »
Дочерям очень понравилось, особенно про клопов, я же прочитал и разорвал.
Mes filles ont vraiment apprécié, surtout sur les chapitres sur les punaises de lit, je l’ai lu et déchiré ensuite.
Ведь всё равно, как ни пиши, а без персидского порошка не обойтись.
Il importe peu d’écrire sur ce sujet, car on ne pourra jamais se passer des poudres insecticides.
У нас даже в рояли клопы…
Nous, nous avons des insectes jusque dans le piano…
Предметом сегодняшней моей лекции я избрал, так сказать, вред, который приносит человечеству потребление табаку. Le sujet de ma conférence aujourd’hui, j’ai choisi, pour ainsi dire, le mal qu’apporte la consommation du tabac à l’humanité.    
Я сам курю, но жена моя велела читать сегодня о вреде табака, и, стало быть, нечего тут разговаривать.
Moi, Je fume, mais mon épouse m’a demandé une lecture aujourd’hui sur les dangers du tabac, et, par conséquent, je n’ai rien eu à dire.
О табаке так о табаке
Donc le tabac, parlons donc du tabac
— мне решительно всё равно, вам же, милостивые государи, предлагаю отнестись к моей настоящей лекции с должною серьезностью, иначе как бы чего не вышло. Кого же пугает сухая, научная лекция, кому не нравится, тот может не слушать и выйти.
Pour ceux qui ont peur de cette conférence scientifique, pour ceux qui n’aiment pas le sujet, ils n’ont pas à écouter et peuvent sortir. (Поправляет жилетку.)
Il se remet la veste
Особенно прошу внимания у присутствующих здесь господ врачей, которые могут почерпнуть из моей лекции много полезных сведений, так как табак,
En particulier, je demande de l’attention à ces messieurs médecins ici présents qui pourront trouver un grand nombre d’informations utiles dans ma conférence.
помимо его вредных действий, употребляется также в медицине.
en plus de l’action néfaste, il est en effet également utilisé en médecine.
Так, например, если муху посадить в табакерку, то она издохнет, вероятно, от расстройства нервов.
Par exemple, si une mouche se retrouve dans tabatière, elle va mourir, probablement de troubles nerveux.
Табак есть, главным образом, растение…
Le tabac est, principalement végétal …
Когда я читаю лекцию, то обыкновенно подмигиваю правым глазом, но вы не обращайте внимания;
Lorsque je donne des cours, en général je cligne de l’œil droit, mais n’y faites pas attention ;
это от волнения.
c’est à cause de l’excitation.
Я очень нервный человек, вообще говоря, а глазом начал подмигивать в 1889 году 13-го сентября, в тот самый день, когда у моей жены родилась, некоторым образом, четвертая дочь Варвара.
Je suis un homme très nerveux, en général, et mes yeux ont commencé à cligner en 1889, le 13 Septembre, le jour même où ma femme à accoucher, dans une certaine mesure, de ma quatrième fille, Barbara.
У меня все дочери родились 13-го числа.
Toutes mes filles sont nées le 13.
Впрочем
cependant,
(поглядев на часы)
il regarde sa montre
ввиду недостатка времени, не станем отклоняться от предмета лекции.
en raison du manque de temps, nous ne pourrons pas dévier du sujet de notre conférence.
Надо вам заметить, жена моя содержит музыкальную школу и частный пансион, то есть не то чтобы пансион, а так, нечто вроде.
Il faut que vous sachiez que ma femme dirige une école de musique et un pensionnat privé, pas vraiment un pensionnat mais quelque chose comme ça.
Между нами говоря, жена любит пожаловаться на недостатки, но у нее кое-что припрятано, этак тысяч сорок или пятьдесят, у меня же ни копейки за душой, ни гроша  Entre vous et moi, ma femme aime à se plaindre, mais elle a mis de côté de cette façon quarante ou cinquante mille, et moi, je n’ai pas un sou, pas un kopeck.

********************
Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO
*********************

Cамые красивые русские песни

 RANKING ARTGITATO 2015
Cамые красивые русские песни
Plus belles chansons russes Best Russian songs

 Булат Окуджава  Пока Земля ещё вертится

Владимир Высоцкий Купола

Владимир Высоцкий  Банька по-белому

Михаил Владимирович Круг  Кольщик (Фрагмент из фильма Легенды о Круге)

Филипп Киркоров и Настя Петрик  Снег

Владимир Высоцкий  Спасите наши души

Витас Opera n°2

Юрий Визбор  Три сосны под окном

Ани Лорак  Забирай рай

Сергей Никитин Каждый выбирает для себя

 Ят-Ха Kaa-Khem

Юрий Визбор Белый пароходик

Михаил Владимирович Круг Vladimirskiy Central – Владимирский централ

 Вахтанг Кикабидзе  Виноградная косточка

Дмитрий Александрович Хворостовский-  Как Молоды мы Были

Вахтанг Кикабидзе  Мои года

מיטב שירי ארץ ישראל

RANKING ARTGITATO 2015
ישראל 

ISRAEL Les plus belles chansons

מיטב שירי ארץ ישראל




   עברי לידר
 מישהו פעם

שלמה ארצי

תתארו לכם (קליפ))

מאיר אריאל
 לא יכול להוריד ממך את העיניים

 אייל גולן כשאחר

 מוש בן ארי
 ואיך שלא

מוקי
 לב חופשי

רייכל גפן
קוצים

דניאל סלומון – דנה עדיני
רבות הדרכים

קרולינה
 ולא היה בינינו אלא זוהר

קרולינה – אף אחד לא בא לי

שלמה ארצי
 היא לא יודעת מה עובר עלי (הופעה חיה)

  שולי רנד
בזמן האחרון

 אביתר בנאי
יפה כלבנה

 הבורגנים – דרכנו

 דני רובס
משהו חדש מתחיל

מוקי
ילד של אבא

גיטרה וכינור

 נתן גושן 
כל מה שיש לי

 הפרויקט של עידן רייכל
בלילה

 שלמה ארצי
להציל אותך

 עידן חביב מחכה

מאור אשואל
 לבד בינתיים

 דויד ברוזה
מתחת לשמיים

אריק איינשטיין
 עטור מצחך

 עפרה חזה
 מחרוזת עפרה חזה ז »ל

  אמא, אבא וכל השאר
הפרויקט של עידן רייכל

  שולי רנד
נגמר

 יונתן רזאל
קטנתי

Les Plus belles chansons israéliennes

 

ISRAEL Les plus belles chansons

RANKING ARTGITATO 2015
Les plus belles
chansons israéliennes

מיטב שירי ארץ ישראל

THE BEST SONGS
OF ISRAEL

Ivri LIDER  עברי לידר מישהו פעם

Shlomo ARTZI   שלמה ארצי
תתארו לכם (קליפ)

Meir ARIEL מאיר אריאל
 לא יכול להוריד ממך את העיניים

Eyal GOLAN אייל גולן כשאחר

Mosh BEN-ARI מוש בן ארי
 ואיך שלא

MUKI מוקי
 לב חופשי

Idan RAICHEK et Aviv GEFFEN רייכל גפן
קוצים (Epines – Thorns)

Daniel SALOMON & Dana ADINI דניאל סלומון – דנה עדיני
רבות הדרכים (Rabot Hadrahim)

Karolina – Zohar  קרולינה ולא היה בינינו אלא זוהר

 קרולינה – אף אחד לא בא י ל Karolina – Af Echad 

Shlomo ARTZI שלמה ארצי
 היא לא יודעת מה עובר עלי (הופעה חיה)

SHULI RAND  שולי רנד
בזמן האחרון (Lately)

Eviatar BANAI אביתר בנאי
יפה כלבנה (Belle comme la lune – Beautiful as the moon)

Darkenu (Notre chemin)
– הבורגנים – דרכנו

 Danny ROBAS דני רובס
משהו חדש מתחיל

MUKI מוקי –
ילד של אבא

Arik EINSTEIN
גיטרה וכינור

Natan GOSHEN נתן גושן 
כל מה שיש לי

THE IDAN RAICHEL PROJECT
הפרויקט של עידן רייכל

בלילה

Shlomo ARTZI  – שלמה ארצי
להציל אותך

Idan Rafael HAVIV עידן חביב
  מחכה –

Maor ASHWAL  מאור אשואל
 לבד בינתיים

David BROZA דויד ברוזה
מתחת לשמיים

Arik EINSTEIN אריק איינשטיין
 עטור מצחך

THE IDAN RAICHEL PROJECT
הפרויקט של עידן רייכל

אמא, אבא וכל השאר

SHULI RAND  שולי רנד
נגמר

Yonatan RAZEL יונתן רזאל
קטנתי

JULES ROY – LE NAVIGATEUR

Jules Roy

Le Navigateur
1954
Ed. Gallimard

Le Navigateur Jules Roy Artgitato

LES BATTEMENTS D’UN CŒUR
AU MILIEU DES TENEBRES

 

En 1946, juste après la fin de la guerre, un des premiers romans de Jules Roy, la Vallée perdue, commence par une description d’avions dans le ciel, puis décrit une collision d’avions de chasse pendant la seconde guerre mondiale. La collision a été évitée, mais le choc est là. Chevrier sauf retrouve son ami Morin sur la base. Jules Roy part sur la même base avec le Navigateur, sorti en 1954. Là, la collision tourne mal et détruira l’engin. Mais le héros en sortira indemne.

Les descriptions des équipes et des missions reflètent ce que Jules Roy a vécu à partir de 1943 dans la Royal Air Force, la R.A.F. Il effectuera trente-trois missions contre vingt-deux pour le héros du Navigateur. La vingt-troisième sera l’ultime mission.

A chaque fois, le risque maximum et la vie au bout, si fragile. Un rien, une hélice, une friction, un tir, une panne, un rien et tout peut basculer de l’autre côté. Juste des bonheurs simples et fugaces : le bonheur de se sentir vivant ; une amitié rare mais solide ; un sens du devoir mais aussi un sens de l’enjeu et le calcul du risque. Le risque c’est Weser qui sera abattu, ce que tout le monde prédisait. Weser est une menace. Et la vie est bien trop importante pour la laisser à une tête brûlée.

« Quand le navigateur vit arriver la terre, il était trop tard. » Une collision. Une urgence. La nuit. Par automatisme, un navigateur français de la R.A.F ., Alfred Ripault, de retour de mission, se retrouve dans un champ de betteraves. Sans comprendre. Il « était trop tard », mais il est sauf. Pour les autres qui arriveront sur terre, ils seront retrouvés calcinés ; pour eux, il est vraiment trop tard. Lui est là, vivant, n’ayant perdu que son étui à cigarettes en argent ! Son esprit s’est vidé par la peur, intégralement. L’instinct de survie est le plus fort. « Le navigateur plia le genou sur son parachute compromettant, l’esprit vide, et, sur le moment, c’était le sentiment majeur qu’il éprouvait : une sûreté de soi, une confiance débordante et gratuite, un triomphe intérieur qui lui donnait une joie qu’il n’avait jamais connue. » Ne sachant plus s’il se trouve en Allemagne ou ailleurs, il marche. Il trouve une maison isolée où une femme en peignoir l’accueille. De nouvelles sensations l’assaillent : « Toute pensée l’avait quitté. Il était devenu semblable à une bête qui vient d’échapper au coup de fusil du chasseur et reprend son souffle dans un terrier. Les battements de son cœur ne l’assourdissaient plus, mais il était plongé  au sein d’un profond étonnement, un peu comme s’il venait de renaître à la vie et qu’il eût à refaire connaissance avec le monde. » Rien ne se passe et pourtant. Le corps est à l’écoute. « Une légère ivresse le berçait de se sentir ainsi, dans une maison inconnue, près d’une femme à peine éveillée, après son accident. ‘C’est ce silence… ‘, pensa-t-il. Sa vie n’était qu’une longue clameur qui n’aurait de terme qu’à sa mort. » Une voiture, suite à son appel, arrive pour le ramener à la base. Il part sans même connaître son nom.

Le retour. La découverte qu’il est le seul survivant. L’enterrement. Il repense à l’anglaise. « L’étrangère lui avait pourtant dit ‘à bientôt…’ d’une façon qui ressemblait à une prière, mais l’idée qu’il se faisait de  cette femme n’avait plus rien de commun avec sa réalité, et c’était de la réalité qu’il avait peur, alors qu’il recomposait à son gré les images de la nuit. » Il se décide une semaine après devant la porte. Elle le reçoit avec plaisir. Elle se nomme Rosica. Tout se passe pour le mieux. Mais soudain, « une grande tristesse le recouvrit soudain. ‘Des mots, se dit-il, des mots pour nous mentir et nous blesser… ‘ Une tristesse bête et inutile dont il se sentait responsable puisqu’il ne faisait rien pour conquérir la jeune femme. » Ce vide qui l’envahit, le submerge et noie sa personnalité. Il ne se sent plus humain. « Il se sentait devenu aussi dur qu’un bloc de pierre. »

De retour à la base, il reçoit un ordre pour le lendemain pour redécoller. Alfred se déclare malade. Arrive le médecin du camp qui ne lui trouve rien, sinon une dépression nerveuse qui le rendra indisponible pour une semaine. A son copain, l’Amiral, il avoue ne pas vouloir sortir avec  la tête brûlée de Raumer. Malheureusement, ce Raumer, le lendemain, n’est toujours pas rentré, le commandant d’Escadre, dans son bureau, accuse Alfred d’en être responsable. Avec lui, Raumer s’en serait tiré. Avec un novice, il n’avait pas autant de chances : « Vous êtes moralement responsable de la perte de l’équipage Raumer. » Le commandant le met aux arrêts, sans savoir véritablement quel en sera le motif. Il retrouve au mess son ami, l’amiral. Il lui fait part de son incompréhension. « Il (Le commandant) ne peut pas supposer qu’on ait de temps en temps envie de limiter la casse pour sauver quelqu’un d’autre en soi ? Moi qui n’ai presque personne, je le sens. »

Le navigateur Alfred reste seul dans sa chambre au milieu du bruit des décollages et des atterrissages. La colère est partie, reste la tristesse. « Il ne lui restait rien de sa rage de l’autre soir au moment où l’escadre s’était envolée avec Raumer vers l’usine d’essence synthétique, mais seulement une vague tristesse qui ressemblait à celle qu’on éprouve devant l’inaccompli. »  Alfred est déboussolé. Il perd ses quelques repères peu à peu. « C’était cela que le navigateur n’avait pas compris. Depuis ce moment où il avait accepté de tout quitter sans regret, il n’avait pas renoué avec la terre. Ni avec la jeune femme, ni avec l’amiral, ni avec le commandant d’escadre, et il ne savait plus comment s’y prendre. » Il a perdu le mode d’emploi. Il flotte ; « le navigateur demeurait comme hors du temps. » Des douleurs inexpliquées le contraignent à réduire sa nourriture, jusqu’à ne plus vouloir s’alimenter. « Alors il refusa toute nourriture et se contenta de boire de l’eau. En quelques mois depuis l’apparition de la maladie, il s’était résigné à mourir avec une facilité qui l’avait beaucoup étonné. C’était plus simple qu’il ne l’avait cru. Plus il s’affaiblissait et moins il avait le goût de renouer avec la vie. » Les contacts avec la terre, avec la vie, avec les autres sont rompus. Comme cette lettre écrite à maintes reprises à Rosica et qui n’arrivent pas à être finalisée. Il se décide enfin à retourner, malgré sa grande faiblesse, voir Rosica.

Le lendemain, il refuse de signer sa punition au motif que celle-ci est incomplète et ne relate pas les événements de la collision. Il en parle à son ami l’Amiral, qui, connaissant bien le commandant, va plaider pour son ami. Il lui propose de prendre Ripault avec lui comme navigateur dans sa prochaine mission. De son côté, Ripault souhaite voler avec un pilote qui « ne voit plus les lumières du terrain» et qui donc est dangereux. Le commandant accepte que le vol se fasse dans les conditions de Ripault. De retour chez le pilote, il lui annonce la nouvelle : « Personne d’autre que moi n’a pensé à t’aider, voilà tout. Dès que j’ai su qu’on te laissait tomber, je suis allé à toi pour ne pas me sentir seul. C’est toi qui me sauves et mon histoire s’arrange en même temps parce que l’amiral est intervenu. »

Le voici parti dans l’avion avec le pilote Weser. « Les dés roulaient et personne ne pouvait les arrêter. » Destination : les usines de Würzburg. Mais cependant quelque chose ne va pas. « Ce soir-là, un malaise le gagnait. Il n’avait plus du tout de curiosité. Il retournait les images de l’amiral grattant la terre et de la jeune femme sous la lampe, ses yeux de colchiques à demi clos. » L’avion est touché pendant la manœuvre. Tous doivent sauter. Ce sera leur dernière mission.

Jules Roy ne reprend pas la description de l’avion explosé. Simplement, « le navigateur inclina la tête. Et soudain, l’aile se détacha, et l’avion désemparé bascula. » Les êtres avec. Tous basculèrent vers l’autre rive.

Le dernier mot du pilote sera la « faute », « ce n’est pas ma faute ». Non, bien sûr. Retour à la base, avec l’amiral qui attend, puis qui comprend. Qui comprend sans comprendre ; « l’amiral se sentit soudain vulnérable. Le monde devenait trop compliqué pour lui. » Les avions rentrent les uns après les autres. Les derniers ne rentreront plus.  Des lettres s’affichent, B, T, A, J, C…Le V de Ripault n’est pas rentré. L’amiral va dans la chambre de Ripault et il y trouve un petit paquet de celle qui l’accueillit après la collision, « c’était un étui à cigarettes en argent uni, aux initiales A.R. entremêlées, qu’il avait souvent vu dans les mains du navigateur, et qui avait maintenant un angle bossué… »

 

LE JARDIN DES FINZI-CONTINI

Vittorio De Sica
LE JARDIN DES FINZI-CONTINI
1970

Dans le Jardin des Finzi Contini Vittorio de Sica Artgitato

La différence
des semblables

Comment trouver les couleurs du temps qui passe ?
Jacques Demy déjà avait filmé une couleur du temps, un temps bleu écrémé d’un nuage clair et mouvant, éblouissant notre Jean Marais royal. C’était le temps féérique, le temps rêvé.
C’était en 1970 aussi ! La première des robes que demande Catherine Deneuve, avant la robe couleur de lune, la robe couleur du soleil et la peau de l’Âne, c’est cette robe couleur du temps. Comme le dit Delphine Seyrig,« Une robe couleur du temps, c’est horriblement compliqué et très coûteux, jamais avec tout son pouvoir, il ne pourra vous l’obtenir».

DANS LE TEMPS DE LA MEMOIRE ET DU SOUVENIR

La couleur du temps dans Le Jardin de De Sica est beaucoup moins fantaisiste et plus automnale. Nous passons du conte à l’Histoire. Du bleu de Demy au noir des chemises dans les rues de Ferrare. Ennio Guarnieri (Ginger & Fred) à la photographie rend le passage et la lumière du temps réel sensibles. Nous sommes dans un autre temps, celui de la mémoire et du souvenir, dans le temps de l’histoire qui semble parfois s’immobiliser et s’affole souvent.

LA SOURCE EST DANS LE JARDIN. MAIS QUELLE SOURCE ?

Là, le temps s’inscrit dans les éléments du jardin. Pas dans le Jardin, dans ses parties.
Les couleurs du jardin : lumière et ombres, clair et flou, mise au point, le proche et le lointain, l’arrière-plan et gros plans, le plaisir du soleil sur la peau, le rayon de soleil de l’hiver, le rouge des feuilles au printemps, la lumière de l’hiver.
Les couleurs franches de l’été, les couleurs obliques au travers des feuilles diaphanes.

QUAND IL MANQUE LA JOIE DE VIVRE

On ne voit que de la lumière pour le moment.
Pour chaque lumière, une ombre toujours aux aguets. Pourtant toutes ces entités vivent ce passage et en sont affectées. Sauf le Jardin lui-même.
Lui seul dans son ensemble semble être hors du temps, tout comme la famille Finzi-Contini qui règne sur Ferrare. Une grande famille ferraraise dans sa ville tout en étant hors de la ville.
La famille elle-même, vieille famille juive italienne, ne semble pas vivre, subir, réagir aux évènements de ces années où le fascisme suit la tangente du régime nazi en promulguant des lois antisémites. Alberto (Helmut BERGER), le fils, est dans son refuge. Il vit dans l’air du Jardin. Il est beau et plein de vie sur le court de tennis au début du film. Mais, « chaque fois que je sors, je me sens épié, envié. Ici, je ne me sens jamais agressé.
Il me manque surement la joie de vivre. Qui peut me la donner ? ».

JE SUIS ATTACHE A TROP DE CHOSES

Il ne vit que par cet air.
Le jour où la pression extérieure deviendra plus forte, il étouffera, un dernier regard sur le platane gigantesque. Micol (Dominique SANDA), elle aussi ne peut vivre longtemps hors de cet espace. L’ami Bruno Malnate (Fabio TESTI) a le même jugement : « Micol, elle n’est bien que dans son jardin, comme son frère ». Gorgio (Lino CAPOLICCHIO), lui-même, amoureux de Micol, ne peut rester longtemps en France, « Je suis attaché à trop de choses, je ne peux pas tout abandonner ».
Le Jardin est le Refuge, qui, à force d’isolement et de séparation, d’attache devient prison. D’où cette tristesse ambiante, ces hauts murs presqu’infranchissables, ces bibliothèques fermées par de grosses portes à barreaux.

QUAND LA PRISON SE REFERME

Le cercle de l’emprisonnement commence pour chaque membre de cette famille, prisonnière des traditions, de sa caste, de cette ville. Une prison dans une autre prison, l’Italie des années 30.
Les enfants, eux-mêmes, « sont un peu prisonniers des grands », les grands, les adultes, des servitudes et des lois fascistes. Quand le père souligne que les juifs peuvent encore « profiter des droits fondamentaux », Gorgio s’offusque : « lesquels ? Il y en a toujours eu très peu pour tout le monde.  On n’a pas été persécutés en premier, oui. Mais on n’a rien dit quand notre tour est venu ».
Le silence tue aussi, plus imperceptiblement mais aussi plus sûrement.

•LA RESSEMBLANCE DES DIFFERENCES
ET LA DIFFERENCE DES SEMBLABLES

Ceux qui sont les plus proches sont à l’opposé l’un des autres et ceux qui s’affrontent se retrouveront unis. Ici, le père de Gorgio (Romano VALLI) est un bourgeois de Ferrare juif et fasciste. Les deux termes ne s’opposent pas. Jusqu’au jour…où les fascistes mangeront leurs progénitures.
L’ennemi sera tué dans l’œuf, au cœur même du parti.

LES INFIMES VARIATIONS

La différence est dans le jardin.
Le temps brusquement va rattraper les Finzi-Contini qui sont comme immolés dans un formol temporel. Il faut d’abord y regarder de près. Les membres de la famille connaissent ces différences, ces infimes variations. Micol se promène avec Georgio au cœur du Jardin.
Elle est dans sa nature, lui, ne comprend pas la nature ; il la regarde simplement et ne voit que des arbres, « pour moi, ils sont tous pareils. » Micol lui répond : « Je déteste ceux qui n’aiment pas les arbres. Ce platane aurait pu être planté par Lucrèce Borgia ». Nous sommes dans le long temps de la Grande Histoire et des figures tutélaires.

EST-CE QUE DEUX GOUTTES D’EAU SE RESSEMBLENT ?

Micol ne peut pas être heureuse avec Giorgio parce qu’elle le juge trop semblable à elle : « l’amour, c’est pour ceux qui sont prêts à tout affronter. Nous on se ressemble comme deux gouttes d’eau, on ne pourra jamais vaincre tous les deux !
Faire l’amour avec toi, serait comme le faire avec mon frère, Alberto. Toi et moi, nous ne sommes pas normaux. Pour nous, plus que la possession des choses, ce qui compte, c’est le souvenir des choses. La mémoire des choses ». Mais quand Giorgio aborde sa tristesse de n’être pas aimé à son père, ce dernier souligne la différence entre eux, entre elle et lui, entre sa famille et la sienne : « La famille Finzi-Contini n’est pas comme nous. Ils sont différents. Ils n’ont même pas l’air juif. Micol te plaisait pour ça. Elle était supérieure à nous socialement ».
Et c’est ce père qui juge Micol si différente qui la prendra dans ses bras protecteur, lors de la déportation, comme sa propre fille.

•« MIEUX VAUT MOURIR JEUNE
QUAND ON A ENCORE DU TEMPS
DEVANT SOI POUR RESSUSCITER »

Le film comporte une scène absolument troublante et magnifique, même si ce mot en critique est galvaudé et utilisé pour le moindre petit frisson de jouvencelle (pourtant il ne devrait être utilisé telle de la nitroglycérine que dans les moments ultimes et intimes de nos histoires), entre un père et un fils.
La vérité passe avec ce père qui semblait arriviste, fasciste de la première heure, bourgeois soucieux de ses intérêts et de son prestige. Quand les lois raciales sont promulguées, il essaie encore de trouver du positif là-dedans. « C’est grave, d’accord…mais,…mais pour le reste…Mais tu dois admettre… ».

NOTRE GENERATION EN A TELLEMENT VU

Là, devant son fils, c’est l’homme qui parle, et surtout De Sica : « Je sais ce que tu éprouves en ce moment. Mais je t’envie un peu. Si on veut vraiment comprendre comment marche le monde, on doit mourir au moins une fois. Mieux vaut mourir jeunes quand on a encore du temps devant soi pour ressusciter. Comprendre trop tard est beaucoup plus difficile. Ça ne vous laisse pas le temps de tout recommencer. Et notre génération en a tellement vu ! Dans quelques mois, tu me donneras raison. Tu seras enfin heureux. Plus riche, plus mûr ».
C’est un des plus profonds testaments que le père peut laisser à un fils. Plus que son argent et ses relations. Il est trop tard pour lui, il le sait. Son fils, lui, a la possibilité, le devoir de repartir. De ressusciter avec la connaissance de toutes nos erreurs, enfin…

…Enfin, les poésies d’Enrico PANZACCHI… “E baciar la tua testa Qui fra l’ombre crescenti, Mentre vien la tempesta E fuor urlano i venti!” (Verso Sera)

Jacky Lavauzelle

LE VOILE DU BONHEUR (G. Clemenceau)

GEORGES CLEMENCEAU
LE VOILE DU BONHEUR
1901
Théâtre de la Renaissance

 Le Voile du Bonheur Clémenceau Artgitato-Wanluan_Thatched_Hall_by_Dong_Qichang
 C’EST LE NOIR
QUI ILLUMINE !
« LES CINQ COULEURS FONT QUE LES HOMMES ONT DES YEUX ET NE VOIENT PAS » Lao Tseu

La pièce s’ouvre sur le personnage de Tchang-I, mandarin aveugle. Il n’a jamais été aussi heureux. Il rayonne. Il redécouvre enfin le monde et les sensations fortes. Le monde n’est plus visible, mais son cerveau le conceptualise : « Ah ! Le monde est bien changé depuis que je ne puis plus le voir qu’en idée. Comme il est beau ! Et quelle joie de vivre ! Je suis comme enivré d’un merveilleux parfum de paix heureuse » (scène 1)

 Il est heureux avec tous. Il vénère sa femme, Si-Tchun : « vous êtes, chère Si-Tchun, la joie du ciel et l’orgueil de la terre. Toute la chine admire vos vertus » (scène 2). Il noie son ami Li-Kiang de compliments : « vous êtes les yeux du pauvre aveugle, vous êtes la parole qui le guide, la main qui le soutient » (scène 1). Il est en admiration devant le talent et la réussite de son fils, Wen-Siéou : « un jour je vous verrai la ceinture de jade. Quand vous descendrez du palais de la lune, avec la palme académique du docteur, vous porterez le bonnet à fleurs d’or dont la houppe brillera sur votre front martial comme un jet de flamme » (scène 6). Il héberge le condamné qui a faim : « une cuillérée de riz, lorsqu’on a faim vaut mieux qu’un boisseau de riz, lorsqu’on est rassasié » (scène 7).

Il est la bonté personnifiée, la compréhension bonne du monde. Dans cette nuit physique, Tchang-I « excelle à deviner les parfums », à l’écoute de tout et de tous :« rien ne m’est inconnu du détail charmant ».

  • « LA VIE N’EST QU’UN MENSONGE PLUS GRAND QUE LES AUTRES »

Puis la vue, par le miracle d’une potion, revient. En recouvrant la vue, il croit retrouver la beauté des choses (« Je vais voir mon bonheur …Le ciel ! Le soleil ! Quel éblouissement. Je vais voir ma vie maintenant. Je vais voir mon bonheur » (scène 12)). Il découvre en fait la noirceur du monde. Son meilleur ami couche avec sa bien-aimée (« alors ce n’était pas vrai, ces paroles d’amour, ces caresses douces comme une pluie de fleurs…La vie n’est qu’un mensonge plus grand que les autres » (scène 14) et se fait connaître comme le co-auteur de ses poèmes, son fils s’avère être un rejeton ignoble, et le condamné, délivré par ses soins, vient le voler à son domicile (« le misérable pingre ! Quel besoin de son argent puisqu’il n’y voit pas » (scène 13)).

  • « LA NUIT LUMINEUSE EST REVENUE »

Tchang-I ne fait pas le choix de la vengeance. Il nie l’évidence de ce réel qui n’est qu’un affreux cauchemar : « Assez, assez de souffrance, je ne veux pas voir plus longtemps ce qui n’est pas, ce qui ne peut pas être. L’aveuglement, l’aveuglement, je veux l’aveuglement qui réalise la seule vérité heureuse » (scène 14)

La vie reprendra comme avant. Si-Tchun sera à nouveau magnifique et redeviendra sa muse :  « Venez, Si-Tchun, au visage de jade, je souffre loin de vous »…  « perle d’aurore qui me rend mon sommeil » (scène 15)

Le monde redevient beau : « je veux le chanter encore. Le ciel est bon. La terre est douce »

Et les couleurs enfin reviennent dans cette nuit légère, « le printemps vient, paré de verdure et couronné de fleurs, pour le grand rite de l’amour » (scène 15)

« Le noir a des possibilités insoupçonnées et, attentif à ce que j’ignore, je vais à leur rencontre » (Pierre Soulages)

 

Jacky Lavauzelle

 

TAXI DRIVER (SCORSESE)

MARTIN SCORSESE
TAXI DRIVER
1976

69303842_p
AU COEUR DU MAL

ILNAÎT DES NAINS CONTINUELLEMENT

« La contrariété pour nous dans la nuit, c’est quand il faut travailler, et il le faut : il naît des nains continuellement…Je vous écris du bout du monde…On ne voit rien, que ce qu’il importe si peu de voir. Rien, et cependant on tremble. Pourquoi ? » (Henri Michaux, « Je vous écris d’un pays lointain »). De Niro-Travis aussi est resté loin. Il n’est pas encore là parmi nous. Il est passé du Vert dense brumeux des forêts du Vietnam au Gris enfumé des quartiers de New-York. Sa tête n’est pas là. Son corps, si, qui salue en Marines son futur employeur. Mais un corps décalé, déphasé, « je ne dors pas la nuit…Je passe la nuit dehors. En métro, en bus ».Il veut tout. Accepte tout. Il veut plonger dans ce monde totalement : « N’importe où. N’importe quand… Je veux faire la journée continue »  Peu importe l’heure, ou le secteur. Il veut oublier sa guerre, faire taire ses lancinants cauchemars. Pour refaire surface, il faut d’abord se noyer, toucher le fond. Des nains alors sont prêts à naître.
Continuellement.

LA PLUIE SALVATRICE

« Ici il n’y a pas la possibilité de faire le mal. Vous vivez dans le mal »dit l’Evêque au début du Balcon de Jean Genet. Il le découvre grand ouvert. Il rentre dans cette béance. La jungle n’est pas que là-bas. D’étranges animaux se battent, s’humilient, se dévorent. Il y a les dominants et les petits êtres déstructurés et soumis. « Y a toute une faune qui sort la nuit. Putes, chattes en chaleur, enculés, pédés, dealers, camés,…Le vice et le fric. Un jour viendra où une bonne pluie lavera les rues de toute cette racaille ». Et la pluie tombe, les bouches d’incendie giclent. Mais la saleté reste. La saleté remonte toujours à la surface. Le salut ne viendra pas dans ce baptême. Peut-être de l’ange…

PROTEGER LA LUMIERE DES TENEBRES

Il lui semble l’avoir trouvé, l’ange. Elle n’est pas plus belle que ça. Mais l’environnement la divinise, la féérise. Il faut protéger cette lumière des ténèbres : Elle avait l’air d’un ange sorti de cette pourriture infecte. Elle est seule. Ils…n’ont pas le droit…de la toucher ». Elle est sacrée. Elle est seule, elle est de son espèce. Il la suit et la guette. Il l’observe pendant des heures, fuyant dès qu’il se voit découvert. Il change de tactique. L’aborde franchement. La déstabilise. Elle rentre dans son filet. Avec la femme du sex-shop, Travis était gauche. Il n’avait pas les codes : « Je veux juste savoir votre nom – Fichez-moi la paix ! – Je vais pas vous manger. –Vous voulez que j’appelle le patron ? – ça va ! Ok ! D’accord. Je peux avoir de chocolats. »

JE VOUS PROTEGERAI

Là, il est juste. Il est charmeur. Le film pourrait s’arrêter là et une histoire d’amour commencer. Il frappe juste à chaque fois. Elle est conquise. Même le geste large de la main tombe juste : « Vous êtes la plus belle femme que j’aie jamais rencontré – Merci – Vous avez l’air très seul. Je passe souvent. Et je vous vois. Tous ces gens autour de vous… Mais c’est le vide. Et quand je suis entré. J’ai lu dans vos yeux, à votre façon de vous tenir… que vous n’étiez pas heureuse. Vous avez besoin de quelqu’un. Appelez ça un ami, si vous voulez…Je vous protégerai ». Il frappe au fond du cœur, à côté de l’âme. Les biceps, comme un gorille, qu’il gonfle devant tout le monde, pourraient tomber à côté, mais son sourire est là. Les deux -seuls au Monde – se sont rencontrés.

LES MAUX NE LE LÂCHENT PLUS

Avec elle, fragile sans armure, il dit oui au monde, oui à ses goûts musicaux, oui à sa politique. Il ne connaît rien de tout ça. Pourtant, il étonne même l’homme politique et entame un programme : « il faudra donner un coup de torchon. Ici, c’est un égout à ciel. C’est racaille et compagnie. Y a des moments, c’est pas supportable. Celui qui va devenir président, faudra qu’il passe la serpillière. Vous voyez ? Quand je sors, je renifle et j’ai des maux de tête tant c’est moche. Et ils me lâchent plus. Le président, il faudrait qu’il nettoie tout. Qu’il balaie toute cette merde. »

UN FILM Où VONT TOUS LES COUPLES

Il sait qu’il la veut. Il lui montre son monde aussi. Son désir brut. Et l’amène tel un enfant dans un ciné porno. Il n’a pas encore tous les codes. Il veut lui plaire, il croit bien faire : « C’est un film où vont des tas de couples. J’en vois entrer sans arrêt ». La biche prend peur, le quitte à jamais. Elle commet un crime en soufflant sur sa flamme. « Que tu mes fasses ramper après mon être de juge, coquine, tu as bien raison, mais si tu me le refusais définitivement, garce, ce serait criminel » (Jean Genet, Le Balcon, deuxième tableau)

LA REDEMPTION, DE LA THEORIE A LA PRATIQUE

C’est un être mortellement blessé qui erre désormais. Blessé, il va rendre coup sur coup. Blessé, armé, dans sa cage jaune de taxi. Glissent les insultes, les crachats, les jets des enfants. Tout s’écrase sur ou dans la voiture. Le sanctuaire est à côté du chauffeur. Rien de sale n’y vient ni se s’y pose. Seul, un billet de 20 $ souillé y est jeté. Longtemps il le regardera. Il le donnera pour rien à une ordure de tenancier de bordel. Le rédempteur va passer à l’acte et nettoyer tous les péchés du monde, politiciens véreux et maquereaux pourris, par une manière plus personnelle.

Jacky Lavauzelle