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LES HORLOGES TAMARA KVESITADZE თამარ კვესიტაძე – CLOCKS

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LES HORLOGES TAMARA KVESITADZE თამარ კვესიტაძე – CLOCKS

GEORGIE
საქართველო
Sakartvelo

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LES HORLOGES TAMAR KVESITADZE თამარ კვესიტაძე - CLOCKS
Géorgie
საქართველო

PHOTO JACKY LAVAUZELLE

LES HORLOGES TAMAR KVESITADZE თამარ კვესიტაძე - CLOCKS

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საათები
LES HORLOGES
CLOCKS
თამარ კვესიტაძე
TAMARA KVESITADZE
TBILISSI

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La statue des horloges à neuf chiffres située près du pont Galaktioni à Tbilissi est un cadeau de la banque TBC à la ville.
Elle a été créée par Tamara Kvesitadze.

LES HORLOGES TAMAR KVESITADZE თამარ კვესიტაძე – CLOCKS

Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,
Dont le doigt nous menace et nous dit : « Souviens-toi !
Les vibrantes Douleurs dans ton cœur plein d’effroi
Se planteront bientôt comme dans une cible ;

Le Plaisir vaporeux fuira vers l’horizon
Ainsi qu’une sylphide au fond de la coulisse ;
Chaque instant te dévore un morceau du délice
À chaque homme accordé pour toute sa saison.

Charles Baudelaire
SPLEEN ET IDÉAL
LXXXV – L’HORLOGE
Les Fleurs du mal (1861)
Poulet-Malassis et de Broise, 1861

LES HORLOGES TAMAR KVESITADZE თამარ კვესიტაძე – CLOCKS
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LES HORLOGES TAMARA KVESITADZE თამარ კვესიტაძე – CLOCKS

C’est un bâtiment pauvre, en grosses pierres grises,
Sans archanges sculptés, sans nervures ni frises,
Qui n’a pour ornement que le fer de sa croix,
Une horloge rustique et son cadran de bois,
Dont les chiffres romains, épongés par la pluie,
Ont coulé sur le fond que nul pinceau n’essuie.
Mais sur l’humble cadran regardé par hasard,
Comme les mots de flamme au mur de Balthazar,
Comme l’inscription de la porte maudite,
En caractères noirs une phrase est écrite ;
Quatre mots solennels, quatre mots de latin,
Où tout homme en passant peut lire son destin
« Chaque heure fait sa plaie, et la dernière achève. »
Oui, c’est bien vrai, la vie est un combat sans trêve,
Un combat inégal contre un lutteur caché,
Qui d’aucun de nos coups ne peut être touché,
Et dans nos cœurs criblés, comme dans une cible,
Tremblent les traits lancés par l’archer invisible.
Nous sommes condamnés, nous devons tous périr ;
Naître, c’est seulement commencer à mourir,
Et l’enfant, hier encor chérubin chez les anges,
Par le ver du linceul est piqué sous ses langes.

Théophile Gautier
Espagne, poésie
L’Horloge
Revue des Deux Mondes
Période initiale
1841

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Une autre Œuvre de Tamar Kvesitadze

ALI & NINO
MAN & WOMAN
Statue de l’amour
2007
თამარ კვესიტაძე
TAMARA KVESITADZE
BATUMI

ALI & NINO – BATUMI – MAN and WOMAN – TAMARA KVESITADZE – 2007

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TAMARA KVESITADZE
GEORGIE
საქართველო
Sakartvelo

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LES HORLOGES TAMAR KVESITADZE თამარ კვესიტაძე - CLOCKS
Géorgie
საქართველო

LA PEINTURE MAGICIENNE de GAYANE KHACHATURIAN – ჰაიანე ხაჩატურიანი – Գայանե Խաչատրյան

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PEINTURES ET SCULPTURES
GAYANE KHACHATURIAN
Գայանե Խաչատրյան
ჰაიანე ხაჩატურიანი

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GAYANE KHACHATURIAN PEINTRE GEORGIEN - PEINTRE GEORGIEN TBILISSI - ნარიყალა
Géorgie
საქართველო

PHOTO JACKY LAVAUZELLE

GEORGIE – DECOUVERTE DE LA GEORGIE – საქართველოს აღმოჩენა

GAYANE KHACHATURIAN PEINTRE GEORGIEN - PEINTRE GEORGIEN TBILISSI - ნარიყალა

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ARTISTE GEORGIEN
ქართველი მხატვარი





GAYANE KHACHATURIAN
Գայանե Խաչատրյան
ჰაიანე ხაჩატურიანი

Tbilissi 9 mai 1942 – Tbilissi 1er mai 2009
დაიბადა თბილისში, 1942 წლის 9 მაისს -თბილისში, 2009 წლის 1 მაისს გარდაიცვალა


LA PEINTURE MAGICIENNE de GAYANE KHACHATURIAN
ჯადოსნური ფერწერა

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Etude au თბილისის იაკობ ნიკოლაძის სამხატვრო კოლეჯი, თბილისი, საქართველო (Tbilisi Iakob Nikoladze Art College)
Gayane Khatchatourian est décédée le 1er mai 2009 et est enterrée dans le cimetière arménien de Tbilissi (Panthéon Khojivank de Tbilissi – Panthéon Arménien – Quartier Avlabari – 1/26 Zhoneti – derrière la Cathédrale de la Trinité – სამების საკათედრო ტაძარი)
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Gayane Khachaturian est une grande aventurière et elle ne nous oublie pas. Elle nous emporte vers un grand voyage.
Un voyage flamboyant et enchanteur.
Elle nous emporte et comme le disait Théophile Gautier, comme il est doux d’être emporté : « Au sein d’un nuage de poudre, Par un galop précipité, Aussi promptement que la foudre Comme il est doux d’être emporté ! » Et si Théophile Gautier voulait voir des sites nouveaux, Gayane nous y emmène dans une douceur infinie.
Gayane est une magicienne doublée d’une grande poétesse. Les deux sont indissociables dans son œuvre. Elle joue sans jouer d’un lyrisme exubérant et enchanteur. Elle s’amuse dans une profonde maîtrise des tons et des compositions.
Elle recherche, comme tout véritable artiste, un absolu, du moins un aspect de l’absolu. Une fenêtre qui s’ouvre vers un autre monde de couleurs somptueuses et de décors féériques. Nous pourrions nous trouver sur une autre planète, dans une demeure lombarde du XVIIIe, dans la cour de Louis XIV, dans une répétition d’une pièce de Molière.
Souvent les êtres sont absorbés par la scène. Les êtres sont là, ils nous regardent, mais ils n’existent qu’à peine. La scène est plus grande que tout. Et la pose est là, comme dans un atelier d’artiste. Même le cheval pose et attend, glorieux et triomphant.
Pour autant, rien de théâtral ne ressort de son œuvre. Rien de laborieux ou de savant ne pèse sur notre regard. Au contraire, nous regardons quelque chose d’ineffable, presque métaphysique.
C’est la magie et encore la magie qui nous enchante. Les choses devant nous ne sont plus naturelles, mais d’un autre monde, d’une dimension où les devins, les enchanteurs nous préparent quelques métamorphoses et quelques tours.
Nous nous attachons à la beauté des créatures pour ne retenir que la beauté des couleurs et enfin la beauté de l’œuvre. C’est simplement l’évidence d’un miracle ou d’un tour de passe-passe. Un grand tour qui serait capable de calmer le courroux de colère divine.
Pour se grand bonheur, nous disons merci à la magicienne en reprenant textuellement le texte de Henri de Régnier, dans ses Escales en Méditerranée, pour les couleurs du ciel, les couleurs de la mer, les beaux voyages et les beaux souvenirs  :

« Salut, Magicien, et merci ! C’est bien toi. Je te reconnais. Ton visage a toujours la couleur du ciel et ton vêtement la couleur de la mer. Salut, maître des beaux voyages et des beaux souvenirs… Merci de m’avoir confié la clé d’or et de m’avoir permis le jeu d’emprunter à une double mémoire des images successives que j’ai évoquées à mon gré et dans un ordre affranchi du temps, de m’avoir laissé mêler et confondre en un seul deux sillages dont je n’ai fait, d’escale en escale, qu’une seule route marine. Maintenant, ô Magicien, l’instant est venu de renoncer à la fiction véridique par laquelle j’ai revécu simultanément tant de belles heures juxtaposées. Celle du retour approche. Le yacht imaginaire qui m’a porté en cette croisière du souvenir est à l’ancre, et ton geste, ô Magicien, va dissiper son blanc fantôme, mais à sa place voici que s’offrent à moi le blanc Velleda et le blanc Nirvana. Comme en 1904 et en 1906 ils sont là et se proposent à moi pour achever le beau voyage auquel l’un et l’autre a contribué. 
Sur lequel des deux m’embarquerai-je ? Mais pourquoi choisir ? Pourquoi, comme en 1904, ne pas regagner Marseille sur le Velleda ? Pourquoi, comme en 1906, sur le Nirvana, ne pas finir à Venise ce beau et magique rêve d’Orient ? »
(Henri de Régnier – Escales en Méditerranée -COLLOQUE AVEC LE MAGICIEN – Paris – editions Ernest Flammarion, 

Merci beaucoup Gayanne !!
დიდი მადლობა, ჰაიანე !!

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ილუზიონისტის დახლი
LE STAND DU MAGICIEN
MAGICIAN’STAND
1994

GAYANE KHACHATURIAN – LE STAND DU MAGICIEN

ზეთი, ტილო
Zeti, Tilo
Huile sur Toile
Oil on Canvas
44×47.5

 

ქართული სახვითი ხელოვნების მუზეუმი
Au Musée géorgien des Beaux-arts
Georgian Museum of Fine Arts

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მხედარი
Mkhedari
CAVALIER
RIDER
1999

GAYANE KHACHATURIAN – CAVALIER
GAYANE KHACHATURIAN – CAVALIER – DETAIL

ზეთი, ტილო
Zeti, Tilo
Huile sur Toile
Oil on Canvas
40×50

ქართული სახვითი ხელოვნების მუზეუმი
Au Musée géorgien des Beaux-arts
Georgian Museum of Fine Arts

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მხედარი და მისი ცხენი
CAVALIER ET SON CHEVAL
RIDER AND HER HORSE
1998

GAYANE KHACHATURIAN – CAVALIER ET SON CHEVAL

ზეთი, ტილო
Zeti, Tilo
Huile sur Toile
Oil on Canvas
57×56

ქართული სახვითი ხელოვნების მუზეუმი
Au Musée géorgien des Beaux-arts
Georgian Museum of Fine Arts

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JEUX VISUELS DE BRUITS, DE SILENCES ET DE RIRES
VISUAL GAMES OF NOISE, WHISPER AND LAUGHTER
1998

GAYANE KHACHATURIAN – JEUX VISUELS

ზეთი, ტილო
Zeti, Tilo
Huile sur Toile
Oil on Canvas
30×39

ქართული სახვითი ხელოვნების მუზეუმი
Au Musée géorgien des Beaux-arts
Georgian Museum of Fine Arts

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ცეკვა მთებში
Tsek’va Mtebshi
DANSE DANS LES MONTAGNES
DANCE IN THE MOUNTAINS
1995

GAYANE KHACHATURIAN – DANSE DANS LES MONTAGNES
GAYANE KHACHATURIAN – DANSE DANS LES MONTAGNES – DETAIL
GAYANE KHACHATURIAN – DANSE DANS LES MONTAGNES – DETAIL

  ზეთი, ტილო
Zeti, Tilo
Huile sur Toile
Oil on Canvas
33×43

ქართული სახვითი ხელოვნების მუზეუმი
Au Musée géorgien des Beaux-arts
Georgian Museum of Fine Arts

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ROUET URBAIN
URBAN SPINNING WHEEL
1997

GAYANE KACHATURIAN – ROUET URBAIN

ზეთი, ტილო
Zeti, Tilo
Huile sur Toile
Oil on Canvas
40×50

ქართული სახვითი ხელოვნების მუზეუმი
Au Musée géorgien des Beaux-arts
Georgian Museum of Fine Arts

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ქართული სახვითი ხელოვნების მუზეუმი
Au Musée géorgien des Beaux-arts
Georgian Museum of Fine Arts
7 Shota Rustaveli Ave, Tbilissi
7 შოთა რუსთაველის გამზირი, თბილისი

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PEINTURES ET SCULPTURES
GAYANE KHACHATURIAN

*




GAYANE KHACHATURIAN PEINTRE GEORGIEN - PEINTRE GEORGIEN TBILISSI - ნარიყალა
Géorgie
საქართველო

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GEORGIE – DECOUVERTE DE LA GEORGIE – საქართველოს აღმოჩენა

GAYANE KHACHATURIAN PEINTRE GEORGIEN - PEINTRE GEORGIEN TBILISSI - ნარიყალა

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A Melodia e o Acompanhamento – Théophile GAUTIER – LA MELODIE ET L’ACCOMPAGNEMENT

A Melodia e o Acompanhamento
THEOPHILE GAUTIER

Théophile Gautier Trad Jacky Lavauzelle
Jean-Auguste-Dominique Ingres, L’Odalisque à l’esclave, 1842, huile sur toile, Cambridge, Fogg Art Museum (détail)

*Théophile Gautier Trad Italienne Jacky Lavauzelle




 

Traduction Jacky Lavauzelle

Théophile Gautier Trad Jacky Lavauzelle
Theophile Gautier, par Auguste de Chatillon, 1839

*
THEOPHILE GAUTIER
1811-1872


****

A Melodia e o Acompanhamento
LA MELODIE ET L’ACCOMPAGNEMENT
23 avril 1869
***

**

Théophile Gautier
Un douzain de sonnets
Una dozzina di sonetti
Œuvres de Théophile Gautier  — Opere di Théophile Gautier
Poésies, Lemerre,
1890, Volume 2

********************

La beauté, dans la femme, est une mélodie
A beleza, na mulher, é uma melodia
Dont la toilette n’est que l’accompagnement.
Cujos efeitos são apenas o acompanhamento.
Vous avez la beauté. — Sur ce motif charmant,
Você tem beleza. – Neste motivo encantador,
À chercher des accords votre goût s’étudie :
Ao procurar acordes, seu gosto é especialista:

*

Tantôt c’est un corsage à la coupe hardie
  Às vezes é um corpete com um corte ousado
  Qui s’applique au contour, comme un baiser d’amant ;
Que se aplica ao contorno, como o beijo de um amante;
Tantôt une dentelle au feston écumant,
Às vezes, uma folha de renda espumante,
  Une fleur, un bijou qu’un reflet incendie.
Uma flor, uma jóia que um brilho vai queimar.

*

La gaze et le satin ont des soirs triomphants ;
Gaze e cetim têm noites triunfantes;
 D’autres fois une robe, avec deux plis de moire,
Outras vezes um vestido, com duas dobras de madrepérola,
Aux épaules vous met deux ailes de victoire.
Nos ombros, desenha duas asas da vitória.

*

Mais de tous ces atours, ajustés ou bouffants,
Mas de todos esses enfeites, ajustados ou bufantes,
Orchestre accompagnant votre grâce suprême,
Orquestra acompanhando sua suprema graça,
Le cœur, comme d’un air, ne retient que le thème !
O coração, como de um ar, retém apenas o tema!

THEOPHILE GAUTIER
par
Jules Barbey d’Aurevilly

Depuis longtemps M. Gautier est un de ces Inattaquables officiels. Il jouit parmi les lettres d’une espèce de canonicat de popularité douce, car il ne s’y mêle rien de politique ni d’orageux, comme dans la popularité de Madame George Sand ou de M. Victor Hugo. Pour ma part, je ne crois pas l’avoir beaucoup troublée, cette popularité tranquille. J’ai toujours rendu pleine justice à M. Théophile Gautier. Quand il publia ses dernières poésies, — Émaux et Camées, — je consacrai, dans ce livre des Hommes et des Œuvres, une longue étude à ce talent savant et laborieux. Et cependant, si aujourd’hui, à propos d’un livre qu’il m’est impossible d’admirer, je veux prendre exactement la mesure de ce talent, et si j’ose introduire mes petites réserves sur des procédés d’exécution dont je connais la profondeur et la portée, dussé-je m’adresser aux esprits les plus connaisseurs, ayant au fond la conviction que la critique que je me permets est fondée ! je n’en entendrai pas moins partir de toutes parts le cri du désarmement : pourquoi dire du mal de ce pauvre Gautier, qui est si bienveillant ? Et au nom de la bienveillance, qualité très-charmante mais nullement littéraire, je verrai s’élever contre moi une inviolabilité sur laquelle je ne comptais pas ! Telle est la force du préjugé et encore plus des relations, chez un peuple qui croit peut-être toujours au mot de Lafayette : « L’insurrection est le plus saint des devoirs, » mais qui ne l’admet pas en littérature. Eh bien ! franchement, je dis que pareille chose passe la permission. Je dis que, si on se permet de telles fins de non-recevoir dans l’examen des œuvres littéraires, nous n’avons plus le droit de rire du vers de Boileau :

Attaquer Chapelain ! Mais c’est un si bon homme !

et qu’il est plus que temps, pour l’honneur de tous, d’en finir avec ce capitonnage dérisoire du même mot qu’on répète contre la Critique, surtout quand il s’agit d’un homme qui ne demande pas quartier, lui, et qui a bien assez de talent pour entendre une fois la vérité, — ce qui le changera !

Jules Barbey d’Aurevilly
Les Œuvres et les Hommes
Amyot, éditeur, 1865
4ème partie- Les Romanciers

*******************************
THEOPHILE GAUTIER
*

Théophile Gautier Trad Italienne Jacky Lavauzelle

Melodia e accompagnamento – La Mélodie et l’Accompagnement Théophile GAUTIER

Melodia e accompagnamento
THEOPHILE GAUTIER

Théophile Gautier Jacky Lavauzelle
Jean-Auguste-Dominique Ingres, L’Odalisque à l’esclave, 1842, huile sur toile, Cambridge, Fogg Art Museum (détail)

*Théophile Gautier Trad Italienne Jacky Lavauzelle




 

Traduction Jacky Lavauzelle

Théophile Gautier Trad Jacky Lavauzelle
Theophile Gautier, par Auguste de Chatillon, 1839

*
THEOPHILE GAUTIER
1811-1872


****

MELODIA E ACCOMPAGNAMENTO
LA MELODIE ET L’ACCOMPAGNEMENT
23 avril 1869
***

**

Théophile Gautier
Un douzain de sonnets
Una dozzina di sonetti
Œuvres de Théophile Gautier  — Opere di Théophile Gautier
Poésies, Lemerre,
1890, Volume 2

********************

La beauté, dans la femme, est une mélodie
La bellezza, nella donna, è una melodia
Dont la toilette n’est que l’accompagnement.
Il cui abbigliamento è solo l’accompagnamento.
Vous avez la beauté. — Sur ce motif charmant,
Hai la bellezza. – Su questo bel motivo,
À chercher des accords votre goût s’étudie :
Per cercare accordi, il tuo gusto è raffinato :

*

Tantôt c’est un corsage à la coupe hardie
A volte è un corpetto con un taglio audace
  Qui s’applique au contour, comme un baiser d’amant ;
Che si applica al contorno, come il bacio di un amante;
Tantôt une dentelle au feston écumant,
A volte un foglio di pizzo schiumoso,
  Une fleur, un bijou qu’un reflet incendie.
Un fiore, un gioiello infiammato seguente di un riflesso.

*

La gaze et le satin ont des soirs triomphants ;
Garza e raso hanno serate trionfanti;
 D’autres fois une robe, avec deux plis de moire,
Altre volte un vestito, con due pieghe di moiré,
Aux épaules vous met deux ailes de victoire.
Sulle spalle, disegna due ali di vittoria.

*

Mais de tous ces atours, ajustés ou bouffants,
Ma di tutti questi ornamenti, aggiustati o bouffant,
Orchestre accompagnant votre grâce suprême,
Orchestra che accompagna la tua suprema grazia,
Le cœur, comme d’un air, ne retient que le thème !
Il cuore, come una canzone, conserva solo il tema!

THEOPHILE GAUTIER
par
Jules Barbey d’Aurevilly

Depuis longtemps M. Gautier est un de ces Inattaquables officiels. Il jouit parmi les lettres d’une espèce de canonicat de popularité douce, car il ne s’y mêle rien de politique ni d’orageux, comme dans la popularité de Madame George Sand ou de M. Victor Hugo. Pour ma part, je ne crois pas l’avoir beaucoup troublée, cette popularité tranquille. J’ai toujours rendu pleine justice à M. Théophile Gautier. Quand il publia ses dernières poésies, — Émaux et Camées, — je consacrai, dans ce livre des Hommes et des Œuvres, une longue étude à ce talent savant et laborieux. Et cependant, si aujourd’hui, à propos d’un livre qu’il m’est impossible d’admirer, je veux prendre exactement la mesure de ce talent, et si j’ose introduire mes petites réserves sur des procédés d’exécution dont je connais la profondeur et la portée, dussé-je m’adresser aux esprits les plus connaisseurs, ayant au fond la conviction que la critique que je me permets est fondée ! je n’en entendrai pas moins partir de toutes parts le cri du désarmement : pourquoi dire du mal de ce pauvre Gautier, qui est si bienveillant ? Et au nom de la bienveillance, qualité très-charmante mais nullement littéraire, je verrai s’élever contre moi une inviolabilité sur laquelle je ne comptais pas ! Telle est la force du préjugé et encore plus des relations, chez un peuple qui croit peut-être toujours au mot de Lafayette : « L’insurrection est le plus saint des devoirs, » mais qui ne l’admet pas en littérature. Eh bien ! franchement, je dis que pareille chose passe la permission. Je dis que, si on se permet de telles fins de non-recevoir dans l’examen des œuvres littéraires, nous n’avons plus le droit de rire du vers de Boileau :

Attaquer Chapelain ! Mais c’est un si bon homme !

et qu’il est plus que temps, pour l’honneur de tous, d’en finir avec ce capitonnage dérisoire du même mot qu’on répète contre la Critique, surtout quand il s’agit d’un homme qui ne demande pas quartier, lui, et qui a bien assez de talent pour entendre une fois la vérité, — ce qui le changera !

Jules Barbey d’Aurevilly
Les Œuvres et les Hommes
Amyot, éditeur, 1865
4ème partie- Les Romanciers

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THEOPHILE GAUTIER
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Théophile Gautier Trad Italienne Jacky Lavauzelle

Sri Mahamariamman Temple Kuala Lumpur 马里安曼兴都庙

L’entrée du plus vieux temple hindou de Kuala Lumpur situé dans le Centre de la vieille ville, Jalan Tun H S Lee.

Malaysia
Voyage en Malaisie
PHOTO JACKY LAVAUZELLE

 




 

 

Sri Mahamariamman Temple

 Visiter Kuala Lumpur
Meneroka kota Kuala Lumpur
Melawat Kuala Lumpur
吉隆坡
Куала-Лумпур

 Fondé par Thambusamy Pillai
1873 

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Sri Mahamariamman Temple
ஸ்ரீ மகாமாரியம்மன் திருக்கோவில்
கோலா லம்பூர்
马里安曼兴都庙

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Ganesha, le protecteur du foyer, le seigneur des catégories, appelé aussi Ganapati dans le sud de l’Inde
« Nous voyons les autels des dieux moindres avant de pénétrer dans le saint des saints. C’est d’abord l’idole-Éléphant au fond d’un réduit noirâtre. Elle est noire elle-même avec sa trompe, et des obscénités s’entrelacent autour d’elle en nimbe infâme. Heureusement qu’il faut être familier avec les symboles hindous pour comprendre. Et pourtant il ne s’agit que du dieu de la sagesse, le bon Ganesh ! …

…Les Européennes qui nous accompagnent s’étonnent, leurs robes, tirées par les doigts précautionneux afin d’éviter les salissures. Elles ne voient que des courbes dans les ténébreuses lueurs. Les autres autels sont distants, enfoncés dans des sanctuaires qu’un pied d’Européen contaminerait à jamais. Moi, je devine là-bas Krisna et Rada enlacés, dans l’ombre abjecte…  »
Jules Bois
Visions de l’Inde
Chapitre I
La Cité aux nuits terribles
Société d’Editions Littéraires et Artistiques 1903

« Quelques prêtres hindous viennent prier quotidiennement devant le Dieu Ganesh, qui est respectueusement placé à l’entrée de l’escalier. Il a la tête d’un éléphant et le corps d’un homme, il est peint d’un rouge écarlate et couvert de parures de fleurs blanches très odorantes. Les Hindous le considèrent comme leur porte-bonheur. Ils le placent généralement au-dessus de la porte d’entrée, persuadés qu’ils seront protégés contre toutes les méchancetés et qu’il leur fera prévoir tout ce qui peut leur arriver dans l’avenir.  »
Anita Delgado
Notre Visite au Palais
Impressions de mes voyages aux Indes
Sturgis & Walton company – 1915

Les sept chevaux conduit par Aruna ou Arun, la Rose ou l’Aurore, sur le char de Surya

« 11. Enfin Aruṇa et d’autres solitaires, les plus nobles parmi les Rǐchis des Dêvas, des Brâhmanes et des rois : à la vue de tant de personnages, chefs de nombreuses familles de Rǐchis, le roi se prosterna devant eux et toucha la terre de son front. »
Le Bhâgavata Purâna, ou Histoire poétique de Krichna
Traduction par Eugène Burnouf .
Chapitre XIX – ARRIVÉE DE ÇUKA
Imprimerie royale, 1840 -tome 1

« Sûryâ fit cabrer les sept Cavales rousses,
Rétives sous le mors, au zénith enflammé ;
Et l’Aurore arrêta dans le ciel parfumé
Les Vaches du matin, patientes et douces »
Leconte de Lisle
La Vision de Brahma – Poèmes antiques
Alphonse Lemerre, éditeur, s.d.
après 1886 ou 1891

Le joyeux Nandi avec un corps d’homme et une tête de taureau.
Le fabuleux Garuda गरुड ,homme-oiseau, fils de Kashyapa et de Vinatâ.
Le « sombre » dieu Krishna   कृष्ण, bleu-noir, huitième avatar (incarnation) de Vishnou

Le dieu créateur en rouge sur la gauche : Brahmā  ब्रह्मा
Dieu à quatre têtes et quatre bras
Une tête pour chacun des quatre Veda
Une tête représente le Manas मनस् = l’esprit
Une autre le Buddhi  बुद्धि = l’intellect
Une troisième l’Ahaṃkāra  अहंकार = l’égo
la dernière la Chitta चित्त = le cœur la conscience

« Tandis qu’enveloppé des ténèbres premières,
Brahma cherchait en soi l’origine et la fin,
La Mâyâ le couvrit de son réseau divin,
Et son cœur sombre et froid se fondit en lumières.

Mais Brahma, dès qu’il vit l’Être-principe en face,
Sentit comme une force irrésistible en lui,
Et la concavité de son crâne ébloui
Reculer, se distendre, et contenir l’espace.

Un vaste étonnement surgit ainsi de tout
Quand Brahma se fut tu dans l’espace suprême :
Le Géant affamé, le Destructeur lui-même,
Interrompit son œuvre et se dressa debout. »

Leconte de Lisle
La Vision de Brahma -Poèmes antiques
Alphonse Lemerre, éditeur, s.d.
après 1886 ou 1891

La déesse MāriMariamman
La Mère Mari
மாரியம்மன்
Déesse-mère
Déesse de la pluie, de la fertilité et des maladies

Durga  दुर्गा
Assise sur son lion qui symbolise le courage et munie d’un trident
Est associée à Mariamman la déesse de la fertilité-
La déesse Māri –  மாரி

 

« — Va, répondit Priyamvada, sois terrible comme Durga plongeant son trident au cœur du vice, féroce comme Narsingha, l’homme-lion, déchirant les entrailles d’Hiranyacasipu. »
Théophile Gautier
Les Deux Étoiles
Chapitre XIII
Librairie de Tarride – 1848

Elle eDurga sur son fidèle lion chasse le mal.
Durga possède les dix bras que des divinités lui ont donnée.
Vishnu विष्णु   விஷ்ணு  , dieu de la stabilité du monde, lui a donnée le disque chakra aux six rayons
Le fulgurant Shiva शिव, celui qui porte bonheur,  lui a donnée un trident – Trishula  त्रिशूल,  » trois pointes  »
Sūrya सूर्य,, le dieu soleil, législateur de l’humanité et père de Manu le premier homme, lui a donnée un arc avec ses flèches
La lumineuse Chandra, déesse lunaire, lui a donnée une hache
Karttikeya ou Kumara, qui monte Paranî le paon, a donné une lance
Vâyu, le dieu du vent, une conque
.

Karttikeya, le Fils des Krittikâ, ou Skanda, la descendance du Feu, ou Murugan, « la semence », sorti du Gange, fils de Shiva et de Parvatî
Skanda est le dieu de la guerre et de la chasteté, alors que la paix revient à son demi-frère de Ganesha (fils de Parvati).
Il tient d’une main sa lance, Sakti
Il est accompagné de Parvani le paon

« 312. Ô les plus grands des rois, ayant mis ce roi à la tête de l’armée, la victoire peut être obtenue par nous, comme elle le fut par les dieux (quand ils eurent choisi pour chef) l’invincible Skanda. »
Le Mahâbhârata
Chapitre VI – DISCOURS DE DOURYODHANA
Traduction L. Ballin
Paris E. Leroux – 1899

Une autre référence intéressante se trouve dans le XIIIe chapitre du Mahâbhârata, महाभारत, La Grande Guerre des Bhārata.

     

 

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QUI SONT LES REBELLES D’ALEP ?

SYRIE

Les Rebelles d’Alep







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MAIS QUI SE CACHENT DERRIERE LES REBELLES D’ALEP ?

SYRIE

Les journalistes français dans leur immense majorité ont décidé de faire de la politique un jeu d’échec où s’opposent les blancs et les noirs.

Aujourd’hui les noirs ce sont les Russes, le régime d’Assad, les Iraniens et les blancs se retrouvent dans un terme unique : les rebelles.

Bien entendu, le second, le rebelle, renvoie à une imagerie d’opposition, une vision poétique, qui s’entend donc positivement. Il s’oppose à l’ordre établi, une sorte de Che Guevara d’aujourd’hui. Il s’oppose, il défend. La veuve et l’orphelin ne sont pas loin. Zorro et Robin des bois non plus.
Il ressemble donc à un parangon d’idéal. Une figure de proue du banni et de l’oppressé contre le dictateur sanguinaire.

Ce n’est pas neutre. Comme d’utiliser le mot de rebellion (prononcer REUbellion) alors que la prononciation de Rébellion ne fait pas de doute. Mais le groupe se reconnaît. Ecoutez les journalistes, et suivant qu’ils diront « reubellion » ou rébellion, pratiquent une sorte de communautarisme de castes.







Revenons-en aux rebelles. Revenons-en aux romantiques anarchistes que proposent ce terme inadapté, simpliste et connoté. Charles Baudelaire dans ses Fleurs du Mal (Le Rebelle-1868) ne dit-il pas : « Et l’Ange, châtiant autant, ma foi ! qu’il aime, De ses poings de géant torture l’anathème ; Mais le damné répond toujours : « Je ne veux pas ! » Je dis non. Mais non à quoi ? Pour proposer quoi ? Une vision 11 septembre ?

D’autres références nous conduiraient à cet anarchisme débridé, ce désordre juvénile, en passant des révoltés du Bounty à la définition de la première Encyclopédie : « Les mutins sortirent tumultuairement du camp ; les rebelles s’assemblerent tumultueusement. Mais tumultueux au figuré veut dire confus, ému, en desordre, & il s’emploie mieux que tumultuaire. Il est difficile d’appaiser une passion aussi tumultueuse que la vengeance. Si la naissance de l’amour est tumultueuse, ses progrès le sont encore davantage. » (Jaucourt – 1751 – Tome 16 – page 744).

Pourtant, rien n’est plus réglé, ordonné, cadence que le programme politique de nos rebelles.

Derrière ce terme si beau et si impétueux se cachent des groupuscules du type Front al-Nosra (جبهة فتح الشام), front ayant fait allégeance à Al-Qaïda, ou Ahrar al-Cham (créé en 2011), front soutenu par le Qatar et l’Arabie Saoudite. Ahar al-Cham n’est rien d’autre qu’un mouvement salafiste, islamique : حركة أحرار الشام الإسلامية = Front Islamique Ahar al-Cham (Mouvement pour la liberté – liberté حرية ).

Les réformistes les plus tendres se trouvent dans les Frères Musulmans…

Du régime « noir » de Bachar el-Assad, les journalistes oublient rapidement les multiples amnisties, dont certaines sont à l’origine de certains mouvements salafistes : 31 mai 2011, 21 juin 2011, 15 janvier 2012, 16 avril 2013, 3 juin 2014 (après l’élection présidentielle).

Mais laissons nos journalistes à leurs idées justes et laissons-les soutenir les rebelles qui n’ont trop souvent de rebelles que dans les nébuleuses bien pensantes têtes parisiennes.

Ce qui est certain, c’est que les premiers mouvements, à partir du 15 mars 2011 ont été récupérés. En partie par le régime de Bachar. Les premiers affrontements concernaient des étudiants désireux de liberté. Ce qui est vrai aussi, c’est que ce régime a libéré des prisonniers politiques, dont de nombreux salafistes et de nombreux sympathisants d’Al-Qaïda. Des quatre premiers étudiants arrêtés par les forces du régime, les rangs se sont gonflés d’opposants moins ouverts qui ont fini par phagocyter le mouvement idéaliste de liberté. Bachar, en un sens, a joué la stratégie du pourrissement et a rendre infréquentable par l’occident les nouveaux opposants et surtout à ne pas les aider militairement pour ne pas, in fine, retrouver leurs armes, notamment les missiles sol-air,  dans la destruction de leurs avions et compter des victimes parmi mes militaires français.




Enfin Alep n’est pas une entité, mais trois pôles au moins. Le centre historique, les quartiers ouest et les quartiers est. Ce sont ces derniers qui sont marqués par l’opposition salafiste la plus forte, les premiers à se servir des populations et à procéder à des exécutions sommaires. Ce sont les premiers à terroriser les habitants. Une victoire sur Alep-Est, constitué d’une population ouvrière et d’origine paysanne musulmane, peut être une raison de réjouissances dans les quartiers ouest, peuplés par une population ayant un plus haut niveau de vie, bourgeoise moyenne et plus, populations chrétienne. Les quartiers au nord étant plutôt peuplés de kurdes.

Montrer des images d’archives des années 80 du centre et des quartiers ouest et les comparer aux quartiers est bombardés effectivement par le régime, est une autre escroquerie intellectuelle de notre bien-pensance parisienne.

Mais ceci est une autre histoire.

 

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Les Rebelles d’Alep

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PEDRO VELARDE : PLAZA DE VELARDE o PLAZA DE PORTICADA SANTANDER

PEDRO VELARDE
PLAZA DE VELARDE
PLAZA PORTICADA
Espagne – España – 西班牙 -Испания – スペイン
communauté autonome de Cantabrie
Cantabria

PEDRO VELARDE
Cantabrie 19 octobre 1779 – Madrid 2 mai 1808

SANTANDER
桑坦德
サンタンデル
Сантандер

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Photos Jacky Lavauzelle

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SANTANDER
PEDRO VELARDE
PLAZA DE VELARDE
O
PLAZA DE PORTICADA

Pedro Velarde
Santander
LA CELEBRATION DU 2 MAI 1808 à MADRID

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pedro-velarde-2-mai-1808-madrid-joaquin-sorollaLa mort de Pedro Velarde
 Parc d’Artillerie de Monteleón
2 mai 1808
Joaquín Sorolla

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L’ENTERREMENT D’APRES GOYA
de Luis Daoíz & Pedro Velarde
par Théophile Gautier

Une simple couche de chaux remplaçait sur la muraille le papier et la tenture ; un miroir dont l’étamage rayé ne reflétait que fort imparfaitement la charmante figure qui le consultait ; une statuette en plâtre de saint Antoine, accompagnée de deux vases de verre bleu contenant des fleurs artificielles ; une table de sapin, deux chaises et un petit lit recouvert d’une courtepointe de mousseline avec des volants découpés en dents de loup, formaient tout l’ameublement. N’oublions pas quelques images de Notre-Dame et des saints, peintes et dorées sur verre avec une naïveté byzantine ou russe, une gravure du Deux-Mai, l’enterrement de Daoiz et Velarde, un picador à cheval d’après Goya, plus un tambour de basque faisant pendant à une guitare : par un mélange du sacré et du profane, dont l’ardente foi des pays vraiment catholiques ne s’alarme pas, entre ces deux instruments de joie et de plaisir s’élevait une longue palme tire-bouchonnée, rapportée de l’église le jour de Pâques fleuries.

Théophile Gautier
Militona
1847
Hachette 1860

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L’OBELIQUE DU 2 MAI A MADRID
vue par John Lemoinne en 1858

Au printemps, on se promène avant dîner, vers six ou sept heures ; l’été, on dîne à six heures pour aller ensuite au Prado jusqu’à dix ou onze heures. De l’autre côté du Prado sont les jardins du Buen-Retiro ; pour y aller, on passe auprès d’un obélisque appelé le monument du 2 mai, élevé à la mémoire des hommes qui, le 2 mai 1808, donnèrent le premier signal de la guerre de l’indépendance. Le dos de mayo est fidèlement observé à Madrid ; il est désigné dans le calendrier sous le titre de aniversario por los difuntos primeros martires de la libertad española, fête nationale, deuil de cour. Ce jour-là aussi, les journaux paraissent encadrés de noir. Je connais des Parisiens à qui le monument du 2 mai déplaît, et qui n’ont pas l’air de se douter que toutes les rues neuves de Paris et la noblesse neuve de France portent des noms destinés à rappeler des victoires et des conquêtes dont le souvenir est probablement fort peu agréable aux étrangers.— Un peu plus loin encore est le musée ; en continuant, on arrive à la gare du chemin de fer, près de l’église et du couvent d’Atocha, où il y a une Vierge miraculeuse très renommée, et où les reines d’Espagne vont faire leurs relevailles.

John Lemoinne
Quelques Jours en Espagne
Revue des Deux Mondes
 2e période, tome 16, 1858
pp. 423-445

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COUPOLE DE LA CATHEDRALE DE BURGOS – CIMBORRIO DE LA CATEDRAL DE BURGOS

COUPOLE DE LA CATHEDRALE DE BURGOS
CATEDRAL DE BURGOS

CATHEDRALE DE BURGOS

BURGOS
布尔戈斯
ブルゴス
Бургос
LA ESCALERA DORADA DE LA CATEDRAL DE BURGOS
L’ESCALIER A DOUBLE VOLEE DE LA CATHEDRALE DE BURGOS
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Photos Jacky Lavauzelle
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 LA CATHEDRALE  de BURGOS
Cathédrale Sainte-Marie de Burgos
Catedral de Santa María de Burgos
布尔戈斯圣玛丽大教堂
ブルゴス大聖堂の聖マリア
Собор Святой Марии Бургос



LA COUPOLE DE LA CATHEDRALE DE BURGOS
CIMBORRIO DE LA CATEDRAL DE BURGOS

 

EXTERIEUR DE LA COUPOLE DE BURGOS
Exterior del Cimborrio de Burgos
 Transepto
Transept

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INTERIEUR DE LA COUPOLE DE BURGOS
 Interior del Cimborrio de Burgos
Transepto
Transept

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LA CATHEDRALE DE BURGOS
VUE PAR THEOPHILE GAUTIER
EN 1859

Pour avoir été si longtemps la première ville de la Castille, Burgos ne conserve pas une physionomie gothique bien prononcée ; à l’exception d’une rue où se trouvent quelques fenêtres et quelques portiques du temps de la Renaissance, avec des blasons supportés par des figures, les maisons ne remontent guère au-delà du commencement du XVIIIme siècle, et n’ont rien que de très vulgaire ; elles sont surannées et ne sont pas antiques. Mais Burgos a sa cathédrale, qui est une des plus belles du monde ; malheureusement, comme toutes les cathédrales gothiques, elle est enchâssée dans une foule de constructions ignobles, qui ne permettent pas d’en apprécier l’ensemble et d’en saisir la masse. Le principal portail donne sur une place au milieu de laquelle s’élève une jolie fontaine surmontée d’un délicieux christ en marbre blanc, point de mire de tous les polissons de la ville, qui n’ont pas de plus doux passe-temps que de jeter des pierres contre les sculptures. Ce portail qui est magnifique, brodé, fouillé et fleuri comme une dentelle, a été malheureusement gratté et raboté jusqu’à la première frise par je ne sais quels prélats italiens, grands amateurs d’architecture simple, de murailles sobres et d’ornements de bon goût, qui voulaient arranger la cathédrale à la romaine, ayant grand-pitié de ces pauvres architectes barbares qui pratiquaient peu l’ordre corinthien, et n’avaient pas l’air de se douter des agréments de l’attique et du fronton triangulaire. Beaucoup de gens sont encore de cet avis en Espagne, où le goût messidor fleurit dans toute sa pureté, et préfèrent aux églises gothiques les plus épanouies et les plus richement ciselées toutes sortes d’abominables édifices percés de beaucoup de fenêtres, et ornés de colonnes pestumniennes, absolument comme en France, avant que l’école romantique eût remis le Moyen Age en honneur, et fait comprendre le sens et la beauté des cathédrales. Deux flèches aiguës tailladées en scie, découpées à jour comme à l’emporte-pièce, festonnées et brodées, ciselées jusque dans les moindres détails, comme un chaton de bague, s’élancent vers Dieu avec toute l’ardeur de la foi et tout l’emportement d’une conviction inébranlable. Ce ne sont pas nos campaniles incrédules qui oseraient se risquer dans le ciel, n’ayant pour se soutenir que des dentelles de pierre et des nervures minces comme des fils d’araignée. Une autre tour, sculptée aussi avec une richesse inouïe, mais moins haute, marque la place où se joignent les bras de la croix, et complète la magnificence de la silhouette. Une foule innombrable de statues de saints, d’archanges, de rois, de moines, animent toute cette architecture, et cette population de pierres est si nombreuse, si pressée, si fourmillante, qu’elle dépasse à coup sûr le chiffre de la population en chair et en os qui occupe la ville.

Théophile GAUTIER
VOYAGE EN ESPAGNE
CHAPITRE IV
charpentier, 1859
pp. 25-42

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COUPOLE DE LA CATHEDRALE DE BURGOS
CIMBORRIO DE LA CATEDRAL DE BURGOS

 

Paseo del Espolón BURGOS

Paseo del Espolón

BURGOS
布尔戈斯
ブルゴス
Бургос
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Photos Jacky Lavauzelle
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 Paseo del Espolón

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Alonso el Onceno  paseo-del-espolon-burgos-5 paseo-del-espolon-burgos-6 paseo-del-espolon-burgos-7

Juan Primero el de Las Huelgas

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Río Arlanzón

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Vue de l’Arco de Santa María
Vista del Arco de Santa María

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paseo-del-espolon-burgos-4Enrique III
Enrique III de Castilla
Henri III de Castille
El Doliente
1379-1406

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Le Paseo del Espolón
vu par Théophile Gautier
en 1859

La porte Sainte-Marie, élevée en l’honneur de Charles Quint, est un remarquable morceau d’architecture. Les statues placées dans les niches, quoique courtes et trapues, ont un caractère de force et de puissance qui rachète bien leur défaut de sveltesse ; il est dommage que cette superbe porte triomphale soit obstruée et déshonorée par je ne sais quelles murailles de plâtre élevées là sous prétexte de fortification, et qu’il serait urgent de jeter par terre. Près de cette porte se trouve la promenade qui longe l’Arlençon, rivière très respectable, de deux pieds de profondeur pour le moins, ce qui est beaucoup pour l’Espagne. Cette promenade est ornée de quatre statues représentant quatre rois ou comtes de Castille d’une assez belle tournure, savoir : don Fernand Gonzalès, don Alonzo, don Enrique II et don Fernando 1er. Voilà à peu près tout ce qui mérite d’être vu à Burgos.

Théophile Gautier
Voyage en Espagne
Chapitre IV – Burgos
charpentier, 1859
pp. 25-42

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Paseo del Espolón
en 1889

Burgos, bâtie sur une colline et baignée par l’Arlanzon, ne jouit pas d’un climat fort agréable ; elle a néanmoins de jolies promenades, dont les plus fréquentées sont celles de l’Espolon et de l’Isla. On y voit aussi de fort beaux établissements charitables, quelques hôpitaux et un hospice d’enfants trouvés.

On peut faire d’intéressantes promenades à la Chartreuse de Miraflorès, au monastère de Santa-Maria-de-las-Huelgas, au couvent de San-Pedro-de-Cardena. Ce sont là, à peu de distance de la ville, des monuments remarquables au double point de vue artistique et historique.

Honoré Beaugrand
Lettres de voyages
Presses de La Patrie
1889
pp. 302-311

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Río Arlanzón
en 1771

ARLANZON. Rivière d’Espagne. Arlanzo. Elle a son cours dans la vieille Castille, où elle baigne Burgos : ensuite de quoi, grossie de l’Arlanza, elle va grossir elle-même la Pizuerga, aux confins du royaume de Léon.

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
Dictionnaire universel françois et latin
6e édition
1771
Tome 1, p. 503

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PLAZA MAYOR BURGOS

PLAZA MAYOR BURGOS

BURGOS
布尔戈斯
ブルゴス
Бургос
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Photos Jacky Lavauzelle
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PLAZA MAYOR BURGOS

 

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Casa Consistorial de Burgos
1791
Fernando González de Lara

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Monumento – Monument
CARLOS III
Charles III d’Espagne

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« La place de Burgos, au milieu de laquelle s’élève une assez médiocre statue en bronze de Charles III, est grande et ne manque pas de caractère. Des maisons rouges, supportées par des piliers de granit bleuâtre, la ferment de tous côtés. Sous les arcades et sur la place, se tiennent toutes sortes de petits marchands et se promènent une infinité d’ânes, de mulets et de paysans pittoresques. Les guenilles castillanes se produisent là dans toute leur splendeur. « 
Théophile Gautier

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LA PLAZA MAYOR
VUE PAR THEOPHILE GAUTIER

La place de Burgos, au milieu de laquelle s’élève une assez médiocre statue en bronze de Charles III, est grande et ne manque pas de caractère. Des maisons rouges, supportées par des piliers de granit bleuâtre, la ferment de tous côtés. Sous les arcades et sur la place, se tiennent toutes sortes de petits marchands et se promènent une infinité d’ânes, de mulets et de paysans pittoresques. Les guenilles castillanes se produisent là dans toute leur splendeur. Le moindre mendiant est drapé noblement dans son manteau comme un empereur romain dans sa pourpre. Je ne saurais mieux comparer ces manteaux, pour la couleur et la substance, qu’à de grands morceaux d’amadou déchiquetés par le bord. Le manteau de don César de Bazan, dans la pièce de Ruy Blas, n’approche pas de ces triomphantes et glorieuses guenilles. Tout cela est si râpé, si sec, si inflammable, qu’on les trouve imprudents de fumer et de battre le briquet. Les petits enfants de six ou huit ans ont aussi leurs manteaux, qu’ils portent avec la plus ineffable gravité. Je ne puis me rappeler sans rire un pauvre petit diable qui n’avait plus qu’un collet qui lui couvrait à peine l’épaule, et qui se drapait dans les plis absents d’un air si comiquement piteux, qu’il eût déridé le spleen en personne. Les condamnés au presidio (travaux forcés) balayent la ville et enlèvent les immondices sans quitter les haillons qui les emmaillottent. Ces galériens en manteaux sont bien les plus étonnantes canailles que l’on puisse voir. À chaque coup de balai, ils vont s’asseoir ou se coucher sur le seuil des portes. Rien ne leur serait plus facile que de s’échapper, et, comme j’en fis l’objection, on me répondit qu’ils ne le faisaient pas par un effet de la bonté naturelle de leur caractère.

Théophile Gautier
Voyage en Espagne
Chapitre IV – Burgos
charpentier, 1859
pp. 25-42

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charles-iii-despage-carlos-iiiCarlos III retratado hacia 1765
Peinture de Carlos III vers 1765
1716-1788
Anton Raphael Mengs
1728-1779
Museo del Prado
Musée du Prado

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CHARLES III
par Charles de Mazade
1860

Ce n’est pas que tout fût facile. Cette politique réformatrice que les premiers Bourbons avaient portée au-delà des Pyrénées, et qui s’épanouissait sous Charles III, avait au contraire à vaincre de sourdes coalitions de haines et de méfiances. Le premier obstacle vint du clergé, qui se sentait menacé dans ses privilèges et dans ses excès de prépondérance. Qu’on se représente en effet un corps tout-puissant d’influence depuis deux cents ans, visant à une indépendance absolue même en matière civile, tenant le roi par les confesseurs, le peuple par le naïf et violent fanatisme de sa crédulité, dominant l’intelligence par l’inquisition, qui réduisait au silence toute voix s’élevant pour défendre l’état, — absorbant la fortune publique par la possession de bénéfices sans nombre, de domaines qui s’accroissaient toujours par les substitutions, restaient exempts de toute charge et n’étaient soumis qu’à sa seule juridiction. Il y avait encore au XVIIIe siècle plus de trois mille couvens. L’église était une armée de plus de deux cent mille personnes ; un cinquième du royaume se trouvait aliéné, immobilisé, soustrait à toute action de l’autorité publique. Cette masse vivant du pays et sur le pays ne s’y trompa point ; elle fut sourdement hostile à une dynastie venant de France et portant avec elle un certain sentiment des droits de la puissance civile. Elle eut particulièrement en haine Charles III, qui avait à Naples pour conseiller et pour ami le marquis Tanucci, cet esprit infesté de libéralisme. Aussi l’arrivée de Charles en Espagne fut-elle signalée par une sorte de conspiration insaisissable et active. On représentait la foi comme en péril ; les mœurs et tous les actes du prince étaient décriés dans les chuchotemens des conciliabules secrets et des correspondances. Les plus sinistres présages étaient habilement propagés. À Barbastro, on annonçait le renversement inévitable de la dynastie ; à Girone, l’apparition d’une comète fut représentée comme le signe de la mort prochaine du roi. Dans les provinces, on montrait Madrid prêt à s’enflammer, et à Madrid on grossissait complaisamment l’agitation des provinces. Cette conspiration atteignait jusqu’aux Indes, où s’étendait l’invisible action du clergé, surtout des jésuites, qui, en craignant le péril, s’y précipitaient avec un zèle dont ils furent bientôt récompensés.

La résistance venait d’ailleurs encore d’une certaine masse obscure et ignorante, du fanatisme de stagnation d’un peuple outré de voir changer ses habitudes par des actes qui étaient des améliorations, mais qui étaient aussi une atteinte portée à l’inviolabilité de son inertie héréditaire ; c’est ce qui faisait dire à Charles III : « Les Espagnols sont comme les enfans, qui pleurent quand on les lave. » Le fait est que le roi Charles voulait laver Madrid, et qu’il ne le put pas sans difficulté. Il trouva naturel de purger la ville de toutes les immondices qui en faisaient un foyer d’infection ; mais on lui objecta que, l’air de Madrid étant prodigieusement subtil à cause de la proximité du Guadarrama, cette infection même, en tempérant la subtilité de l’air, était une garantie de salubrité. On exhuma une consultation de médecins à l’appui de cette opinion. « Fort bien, répondit gaiement le roi ; maintenant qu’on me nettoie Madrid au plus vite, et au premier moment où je verrai vérifier ce que disent les médecins, j’y remédierai sans plus de retard en ordonnant qu’on jette tout par les fenêtres plus fort que jamais. » Il en fut de même quand il fallut éclairer la ville, où on ne pouvait se hasarder le soir. Un jour le roi eut l’idée de canaliser le Tage et de le rendre navigable. Une commission fut nommée : elle répondit que si Dieu, qui est tout-puissant, avait voulu rendre le Tage navigable, il le pouvait sans aucun doute, et que s’il ne l’avait pas fait, c’est que cela ne devait pas être.

Dans cette bizarre résistance, il y avait la haine de la nouveauté et il y avait aussi la haine des étrangers accourus en Espagne avec les Bourbons et associés à leur gouvernement. Cette haine se concentra surtout contre le marquis d’Esquilache, que Charles III avait amené de Naples et dont il avait fait son ministre des finances. Don Leopoldo de Gregorio, marquis d’Esquilache, de Valle Santorro et de Trentino, prince de Santa-Elia, était un Sicilien de parole exubérante, d’une prodigieuse activité d’esprit, nullement homme d’état, mais inventif et hardi dans le maniement des affaires. C’était, à vrai dire, un personnage curieux, lieutenant-général sans avoir jamais servi, qui avait fait de son fils encore au maillot un administrateur de la douane de Cadix, dont la femme, doña Pastora, était accusée de vendre les grâces, et qui à travers tout avait fait plus de bien que de mal par son zèle plein de ressources, par l’entrain avec lequel il s’appliquait à réorganiser les finances, à simplifier l’administration, à développer des institutions utiles et à faire vivre le peuple à bon marché. On lui en voulait peut-être moins du soin qu’il prenait de sa fortune que de son activité réformatrice et surtout de sa qualité d’étranger. C’était le vice irrémédiable qui attirait sur lui une effroyable impopularité.

Rassemblez maintenant ces quelques traits d’une situation compliquée, l’animosité batailleuse d’un clergé menacé dans sa domination, l’antipathie aveugle du peuple contre les nouveautés, l’aversion d’un certain instinct national irréconciliable pour tout ce qui est étranger ; vous aurez le secret d’un des plus étranges épisodes de ce moment du XVIIIe siècle espagnol, d’une de ces explosions subites où le peuple porte son impétuosité furieuse, et où se dissimulent souvent d’autres calculs, d’autres ambitions, qui n’attendent que le succès pour s’emparer des événemens et avouer leur complicité.

Une des plus merveilleuses fatuités de notre temps est de croire qu’il a tout inventé, même l’émeute. Nous avons vu de nos jours, il est vrai, pour ne point sortir de l’Espagne, des reines changer des cabinets, signer des constitutions sous l’étreinte de la sédition, le peuple armé parcourir les rues et demander la vie des ministres dont il commençait par brûler les maisons ; ce n’était, à tout prendre, que la reproduction de ce qui se passa un jour de l’année 1766, en plein règne de Charles III. On va voir comment. Au commencement du XVIIIe siècle, un des plus habiles conseillers de Philippe V, Macanaz, avait dit avec une clairvoyance prophétique : « Que le souverain ne permette pas à ses ministres de changer le costume national du peuple pour lui substituer quelque mode étrangère ! Ces dispositions seront reçues du public comme violentes et tendant à en finir avec le costume espagnol, et en irritant les esprits elles pousseront à des désordres difficiles à apaiser. » À quarante-quatre ans de distance, un ordre du roi interdisait l’usage des capes longues et des chapeaux à bords rabattus. Ce fut le prétexte qui fit jaillir la flamme de la sédition de ce foyer de mécontentemens que j’essayais de dépeindre. La lutte s’engagea le 23 mars 1766, le dimanche des Rameaux, entre des hommes de troupe chargés de faire exécuter l’ordre du roi et quelques bravaches du peuple qui affectaient de se promener enfoncés dans leur mante et le chapeau sur les yeux. Le sang coula, et Madrid fut aussitôt enflammé. En peu d’instans, l’émeute se grossit de tous les vagabonds qui parcouraient les rues en criant : Vive le roi ! vive l’Espagne ! meure Esquilache ! Le mot d’ordre était donné. Les insurgés coururent au palais du ministre, qu’ils pillèrent et qu’ils dévastèrent, jetant par les balcons tous les objets précieux. Ils auraient bien brûlé la maison ; mais on les arrêta avec le mot sacramentel : « respect à la propriété ! » C’était d’ailleurs la maison d’un Espagnol. Le soir, après cette singulière victoire, campés sur la place Mayor, ils se contentèrent de brûler l’effigie du ministre, qui avait été averti fort à propos, et qu’ils n’avaient pas trouvé. Ce n’était que le prologue.

La lutte se ranima plus ardente le lendemain. Les insurgés étaient exaltés de leur succès de la veille ; ils ramassèrent tout ce qu’ils purent trouver d’auxiliaires, de femmes et d’enfans, et ils marchèrent sur le palais, où ils furent arrêtés par le feu des gardes wallones, qui les tint à distance. Le tumulte d’ailleurs remplissait Madrid, que la multitude menaçait de livrer aux flammes. Jusque-là, le programme de l’insurrection était assez obscur, lorsque l’intervention d’un frère gilite, religieux à la mine ascétique et sévère, qui haranguait la foule dans les rues, servit à préciser le sens des réclamations populaires. On se mit à rédiger une pétition que le père Yecla, transformé en parlementaire, offrit de porter au roi. Cette pétition, qui invoquait la sainte Trinité et la vierge Marie, demandait impérieusement l’exil du marquis d’Esquilache et de sa famille ; l’exonération de tous les ministres étrangers et leur remplacement par des Espagnols, l’expulsion des gardes wallones, la liberté pour le peuple de se vêtir à sa fantaisie, et l’abaissement du prix des denrées. Ces conditions enfin, le roi devait venir les ratifier lui-même sur la place Mayor en présence du peuple.

Si ce mouvement n’eût été que le coup de tête de quelques fanatiques de la cape longue et du chapeau à larges bords, tout eût été bientôt fini ; mais ici se dévoilait le lien de la sédition avec l’état réel de l’Espagne. D’un côté, l’émeute du 23 mars n’était point évidemment l’œuvre du hasard ; elle avait son organisation et son mot d’ordre. « Il y a ici plus qu’il ne paraît ; ce qui compte le moins est la canaille, » disait un homme de la cour. L’argent était répandu à profusion dans les masses. Le caractère religieux se laissait voir dans l’émeute. On promenait un drapeau qu’on appelait l’étendard de la foi. Les insurgés blessés refusaient l’absolution sous prétexte que, mourant en martyrs, ils n’en avaient pas besoin. D’un autre côté, ce que demandait le peuple révolté trouvait de l’écho jusque dans les conseils du roi. Lorsque Charles, réunissant autour de lui les principaux personnages de sa cour, mettait en délibération ce qu’il y avait à faire de ces propositions portées par le père Yecla, deux opinions, on pourrait dire deux politiques éclataient aussitôt. Les uns, le marquis de Priego, qui était Français et colonel des gardes wallones, le comte de Gazzola, le duc d’Arcos, demandaient simplement que la sédition fût domptée par les armes. Le vieux marquis de Casa-Sarria au contraire, se jetant aux pieds du roi, déclara que si on devait agir par la rigueur, il déposerait aussitôt ses emplois et ses dignités. « Je suis d’avis, dit-il, qu’on donne satisfaction au peuple en tout ce qu’il demande, d’autant plus que ce qu’il demande est juste. » Le comte d’Ouate s’écriait à son tour que l’heure était venue de parler clairement, et que les plaintes populaires étaient fondées. Placé entre l’effusion du sang et la nécessité d’une transaction, Charles III céda. Il se présenta au balcon du palais, accordant tout ce qu’on lui demandait. Il eut même à écouter de nouveau les propositions populaires d’un autre personnage plus bizarre encore que le père Yecla : c’était un échappé des présides de Malaga, calesero de profession et l’un des plus ardens émeutiers. Puis les insurgés se répandirent dans Madrid, s’enivrant de leur triomphe et prolongeant pendant la nuit leurs démonstrations, tandis que Charles restait sérieux et triste.

Tout n’était pas fini encore. Le lendemain, la scène avait changé. Le roi était parti secrètement pour Aranjuez, et l’émeute retrouvait sa fureur, croyant voir dans ce départ un moyen d’éluder les promesses de la veille. Les insurgés reprirent les armes et campèrent dans la ville, prêts à se défendre. En même temps ils s’adressaient au président du conseil de Castille : c’était un évêque qui, au fond, voyait sans déplaisir cette insurrection du sentiment populaire, et qui ne demandait pas mieux que de la servir auprès du roi par un exposé nouveau des griefs du pays. Il rédigea un mémoire ridicule où il se plaignait, au nom du peuple, des impôts établis pour ouvrir des chemins, des mesures adoptées pour éclairer et assainir Madrid. Le roi se borna à renouveler la promesse d’exécuter les conditions qu’il avait acceptées, ajoutant qu’il ne rentrerait à Madrid que quand la paix serait rétablie. C’était assez ; l’effervescence populaire tomba, et les habitans de Madrid revinrent plus dévotement que jamais aux cérémonies de la semaine sainte, qui finit pour eux mieux qu’elle n’avait commencé. L’insurrection de la capitale n’était point isolée ; elle se liait à tout un ensemble de mouvemens qui éclataient à la fois à Saragosse, à Cuença, à Palencia, et même à Barcelone et dans le Guipuzcoa. Cette agitation tomba du même coup. Une mesure presque puérile en avait été le prétexte ; au fond, je l’ai dit, elle était l’expression incohérente de tous les mécontentemens d’ambitions ou d’intérêts ligués dans un effort de résistance à un mouvement de transformation, et c’est ce qui lui donne un sens politique dans ce XVIIIe siècle que M. Ferrer del Rio décrit d’un trait intelligent en ravivant les hommes et les événemens. Le pauvre marquis d’Esquilache, qui se plaignait fort dans son exil d’être abandonné, qui accusait assez plaisamment le peuple de Madrid d’ingratitude, paya pour tous dans cette échauffourée de 1766, ébauche de tant d’autres semblables ; la politique de Charles III resta debout.

Charles de Mazade
La Monarchie absolue en Espagne.
Les Trois Charles, les Habsbourg et les Bourbons dans la Péninsule
Revue des Deux Mondes
2e période, tome 28, 1860
pp. 704-728