LA POESIE DE GERMAIN NOUVEAU

GERMAIN NOUVEAU
LITTERATURE FRANCAISE
SYMBOLISME

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Germain Nouveau

31 juillet 1851 Pourrières (Var) – 4 avril 1920 Pourrières

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POEMES

LA POESIE DE
GERMAIN NOUVEAU

 

Valentines et autres vers

Texte établi par Ernest Delahaye
Albert Messein, 1922
LA RENCONTRE
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LA MAXIME

La Rochefoucauld dit, Madame,
Qu’on ne doit pas parler de soi,

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LE PORTRAIT
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LA STATUE
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LA FEE
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LE NOM
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LE TEINT
le-teint-germain-nouveau-artgitato-jean-auguste-dominique-ingres-la-grande-odalisque-1814
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LA DEVISE

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LE DIEU

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LA DEESSE
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L’IDEAL

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DANGEREUSE

Vous dangereuse ? mais sans doute !
Très dangereuse, c’est certain ;
Comme la peur que l’on écoute,

dangereuse-germain-nouveau-artgitato-jean-baptiste-greuze-le-chapeau-blanc-1780-boston
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SPHINX

sphinx-germain-nouveau-sphinx-non-renove-1867
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SUPÉRIEURE

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VILAIN

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TOUTE NUE

Or, je suppose que nous sommes,
Madame, dans votre salon :
On parle chiffres, rentes, sommes :

toute-nue-germain-nouveau-artgitato-la-grande-odalisque-ingres-le-louvre-1814

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Germain Nouveau et les Valentines
par Louise Denise

Du recueil de madrigaux que Germain Nouveau a si joliment baptisés « Valentines », nous avons entre les mains seize pièces. L’éditeur Vanier a chez lui, paraît-il, le volume depuis longtemps composé et corrigé même sur première épreuve de la main de l’auteur. Nous ne savons trop pour quelle raison la publication en fut arrêtée.

A son retour de la Palestine, où il avait passé quelques années, Nouveau fut accueilli à Paris par un amour que le long isolement subi lui fit accepter avec une joie enfantine, une adorable reconnaissance. Les Valentines furent composées à cette époque.

Ecrits pour une femme, ces vers ne s’adressent en réalité qu’à elle seule. Elle en est le sujet et l’objet. Toutes ses grâces, toutes ses Vertus, toutes ses perfections y sont détaillées et célébrées par une imagination jamais à court, avec une merveilleuse abondance et une infinie variété. Soit qu’il évoque une à une les beautés plastiques ou morales de l’adorée, soit que, pour la mieux faire valoir, il se pare lui-même avec humilité des pires vices — et Dieu sait la fière intégrité de sa vie pauvre et retirée ! — le poète a su, avec quelle délicatesse, quel tact, quels spirituels artifices de gaieté évitant la monotonie et l’emphase, diviniser la créature humaine sans attentat sacrilège et sans blasphème. Amour sincère et profond, certes, mais dont la sincérité n’a rien de tragique, la profondeur rien de prétentieux.

Dans ces poèmes de nerveuse allure, de rare saveur et de clair style, il nous a semblé retrouver la politesse exquise, la courtoisie aisée du grand siècle, plutôt que la galanterie mignarde et effrontée du règne de Louis XV, bien que surgisse à la lecture quelque petit abbé érudit et musqué. Une ironie aimable et bienveillante, dont la noblesse est de porter sur les sentiments, plutôt que sur les personnes, y siffle à chaque phrase, merle moqueur dans une tempête d’opéra. Parfois même — et de quel imprévu ! — au milieu d’une phrase la plus artistement correcte, hardi comme un page, un gros mot, terme d’argot ou juron, se dresse, impertinent et délibéré comme un petit coq sur ses ergots.

La dernière fois que nous rencontrâmes Germain Nouveau, ce fut par hasard, avenue de l’Opéra, une après-midi de ce printemps : il remontait de son pas lent de rêveur, sa petite taille cambrée un peu, les yeux clignotants, comme d’un peintre qui cherche à localiser les grandes masses d’ombre et de lumière d’un paysage, intéressé candidement… peut-être aux foules vives évoluant dans le soleil. Nous l’accompagnâmes un instant. De l’École des Beaux-Arts, où il avait passé sa journée à feuilleter les grands albums d’architecture, il emportait un enchantement. Avec son enthousiasme autoritaire et serré comme de la belle logique, de forme gracieuse néanmoins et singulièrement pénétrant, dont il mesure discrètement les doses selon le plaisir qu’il vous devine à le partager, revivant sa joie profonde de tout à l’heure à interroger ces grandes feuilles où s’analysent et s’ordonnancent les plus glorieuses conceptions architecturales, il nous dit son admiration pour cet art où l’harmonie règne sous son expression la plus rigoureuse, le Chiffre, où l’unité s’impose, immédiate et impérieuse, par la grâce de la Perspective, théologienne incomparable qui s’efforce à ramener au point idéal les brisures des profils et les accidents des reliefs. Surtout en ce spécial dessin des architectes, en ces traits calligraphiés, limpides, mécaniques, que le compas détermine et que la règle conduit, il exaltait la Ligne.

Or, les Valentines, en leur savante ordonnance de motifs décoratifs, avec, au lieu des calligraphies dont nous parlions, leur langue quasi classique, amoureuse de pure syntaxe, d’ingénieuse élégance et de géométrique précision, ne témoigneraient-elles pas d’un effort à rechercher, au dessin tout linéaire de l’architecte et de l’ornemaniste, à cet art dont la rigueur et la probité dédaignent l’inutile secours du clair-obscur et de la couleur, une sorte d’équivalent littéraire ?

Pour nous, la lecture encore une fois achevée, il nous en reste comme la vision d’un meuble de Boule, d’une aiguière ou d’un coffret de Benvenuto Cellini. Et nous nous imaginons aussi que venant au milieu de notre littérature trouble et capiteuse, les Valentines y feront l’effet d’un diamant de belle eau tombé dans un bouquet de fleurs rares fanées un peu.

Louis Denise
Germain Nouveau et les Valentines
Mercure de France
 3, 1891
pp. 131-133

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