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Œuvre de Jean-Baptiste Rousseau (1670-1741)

Portrait de Jean-Baptiste Rousseau
par Nicolas de Largillière

ODE X
À LA POSTÉRITÉ 
Déesse des héros, qu’adorent en idée
Tant d’illustres amants dont l’ardeur hasardée
Ne consacre qu’à toi ses vœux et ses efforts…

THÉÂTRE
LE CAFÉ
Pièce en un acte
(1694)


****



SUR
JEAN-BAPTISTE ROUSSEAU

ODE À
LA MORT DE JEAN-BAPTISTE ROUSSEAU
par LEFRANC DE POMPIGNAN

Quand le premier chantre du monde
Expira sur les bords glacés,
Où l’Ebre effrayé dans son onde…

LE CAFÉ – Pièce (1694) en un acte de Jean-Baptiste Rousseau (1670-1741)

Portrait de Jean-Baptiste Rousseau
par Nicolas de Largillière

Représentée pour la première fois par les comédiens français le 2 février 1694.

PRÉFACE

Les comédies d’un acte sont aussi anciennes que le théâtre. Celles des Grecs se représentaient tout de suite ; et la méthode de les partager en cinq actes est une pratique ingénieuse, inconnue aux premiers poètes, et dont l’honneur n’est proprement dû qu’à leurs scholiastes. Le chant des chœurs, dont les derniers se sont servis pour marquer le repos de l’action, et qui faisaient une des plus grandes beautés de l’ancienne comédie, n’y fut d’abord conservé que par respect pour l’origine du poème dramatique, qui, comme tout le monde sait, n’était autre chose, dans ses commencements, qu’une ou plusieurs chansons rustiques à l’honneur de Bacchus, auxquelles on joignit avec le temps des épisodes, qui, en se perfectionnant peu à peu, y introduisirent l’action qui y manquait.
Nos petites comédies ont commencé en France à peu près de la même manière. Ce n’était d’abord qu’une chanson grossière, dont quelque acteur enfariné venait régaler le peuple après la représentation d’une pièce sérieuse. Les Gros-Guillaume, les Jodelet, les Guillot-Gorjus y mêlèrent leurs bouffonneries et il se trouva des auteurs complaisants qui voulurent bien y mettre la main, en les liant par une espèce d’action exprimée le plus souvent en petits vers. C’est ce qu’on appelait la farce. L’impression en conserve encore quelques-unes qui, à dire le vrai, méritaient fort peu de nous être conservées.
Molière, que nous pouvons regarder comme le créateur de la comédie moderne, s’avisa le premier de faire de ces petites pièces un spectacle digne des honnêtes gens, et le grand succès des comédies qu’il fit, en un acte et en trois actes, justifia bientôt qu’il ne manquait à celles qu’on avait faites avant lui, que de la noblesse et de la régularité, pour être d’excellentes pièces de théâtre. Car c’est une pure imagination de croire que le temps d’une comédie doive être déterminé par autre chose que par le temps de son action ; et si on regarde comme une faute de donner vingt quatre heures de durée à une action qui se représente en deux heures et demie, c’en serait une bien plus grande de donner deux heures et demie de représentation à une action qui ne doit durer qu’une demi-heure. Il n’est donc pas question de savoir si une comédie d’un acte peut être parfaite ; il ne s’agit que de distraire celles qui sont parfaites, d’avec celles qui ne le sont pas ; et comme ce qui constitue le poème n’est autre chose que l’instruction qui en est la fin, et le plaisir qui en est le moyen, on peut dire que ceux en qui ces deux conditions se rencontrent sont des poèmes parfaits, et que ceux à qui l’une des deux manque, ne le sont point car il est inutile de parler des poèmes à qui elles manquent toutes deux, puisqu’ils ne peuvent jamais rien valoir. Or, il est certain que l’imitation vive et naturelle d’une chose qui mérite d’être imitée, ne saurait manquer de plaire et d’instruire ; et sur ce principe, je ne craindrai point de dire que de petites comédies, comme les Précieuses ou la Comtesse de d’Escarbagnas, et quelques autres qui représentent dans un tableau achevé des ridicules dignes de correction, méritent autant de louanges que les plus grandes pièces du même genre, quoiqu’il y ait peut-être plus de travail dans celles-ci que dans les premières.
J’ai cru devoir cet éclaircissement au public, en faveur de plusieurs pièces auxquelles quelques savants semblent ne refuser la justice qui leur est due, que parce qu’elles n’ont point leurs cinq actes bien comptés. Je n’ai point eu d’autre vue en écrivant ces réflexions ; et, bien loin d’en vouloir tirer quelque avantage pour moi même, j’avouerai de bonne foi que si j’avais été capable de les faire dans l’âge où j’ai composé la petite comédie suivante, j’aurais choisi un sujet plus digne, de l’attention du public. Car quoiqu’elle représente assez naturellement les personnages qui hantaient les cafés de ce temps-là, il est toujours vrai qu’elle peint une chose qui ne mérite pas d’être peinte ; et que quand même elle n’aurait d’autre défaut, on ne pourrait la ranger tout au plus que dans la seconde classe des petites pièces, puisqu’il ne suffit pas, dans la comédie, de faire rire le public, mais qu’il faut encore, si on peut, le faire rire utilement. C’est tout ce que j’ai à dire de ce petit ouvrage. J’ajouterai seulement qu’en établissant ici des règles qui sont plus anciennes que moi, je n’ai pas prétendu ôter à toutes les pièces qui n’instruisent point le mérite de leur agrément et de leur vivacité. Ce serait faire un trop grand tort à quantité de bonnes comédies anciennes et modernes. Ce que je veux dire, c’est que pour les rendre absolument parfaites il serait à souhaiter qu’elles fussent aussi utiles qu’agréables ; et qu’en faisant rire leurs lecteurs, elles eussent encore l’avantage de leur apprendre quelque chose qui fût digne de leur être appris.
Ergo, non satis est diducere rictum
Auditoris ; et est in hoc quoedam quoque virtus.

LES PERSONNAGES

MADAME JÉROME,
marchande de café.

LOUISON,
sa fille.

DORANTE,
amant de Louison.

MONSIEUR JOBELIN,
notaire.

LA SOURDIÈRE,
ami de Monsieur Jobelin.

LE CHEVALIER,
ami de Dorante.

CORONIS,
gascon, ami de Dorante.

L’ABBÉ,
ami de Dorante.

CARONDAS,
poète.

LA FLÈCHE,
valet de Dorante.

PREMIER JOUEUR de dames.

SECOND JOUEUR de dames.

****

Scène I

La Sourdière, Coronis, Carondas, L’Abbé, Deux joueurs.

Le théâtre représente une salle de café, meublée de plusieurs tables. Le Poète paraît rêvant d’un côté auprès de deux joueurs de dames. L’Abbé dort dans le fond ; et de l’autre côté, Coronis et La Sourdière disputent ensemble assis, en prenant leur café.

LA SOURDIÈRE
Oh parbleu ! Je vous soutiens que si.

CORONIS
Et moi, mordi, je vous soutiens que non et je mets cent pistoles que nous n’aurons rien cette année en Hongrie.

LA SOURDIÈRE
Vous me feriez enrager, monsieur Coronis. Vous voulez savoir cela mieux que moi qui vois tous les jours aux Tuileries un homme qui reçoit toutes les semaines la gazette de Constantinople.

CORONIS
Quand ce serait celle de Babylone.

LA SOURDIÈRE
C’est être bien têtu. Et moi, je vous dis que je vis hier, entre ses mains, une lettre de l’aumônier d’un des principaux bâchas, qui marque expressément que le grand vizir est en marche avec deux cent mille hommes, et qu’il va droit à Belgrade, pour l’assiéger par terre et par mer.

CORONIS
Belgrade par mer et par terre ! Où avez-vous appris la géographie, s’il vous plaît ?

LA SOURDIÈRE
Comment, Belgrade n’est pas un port de mer ?

CORONIS
Non pas, que je sache ou bien c’est depuis fort peu de temps.

LA SOURDIÈRE
Morbleu, je sais la carte, et j’ai voyagé. Je parie que monsieur Carondas sera de mon avis. Monsieur, holà ! Monsieur Carondas, réveillez-vous.

CARONDAS
Ah morbleu ! Que la peste soit de votre babil ! Est-il possible qu’on ne puisse faire ici quatre vers en repos, et que les plus belles pensées du monde y soient sans cesse immolées à la pétulante loquacité du premier importun !

CORONIS
Quoi ! Vous faites des vers au café ? Voilà un plaisant Parnasse !

CARONDAS
Je revois a l’épithalame (1) de monsieur Jobelin le notaire et de la fille du logis. Ils attendent qu’elle soit faite pour se marier ; et j’ai bien voulu y donner un de ces quarts d’heure précieux que j’emploie à chanter les louanges des dieux et des héros.



CORONIS
Comment ! La petite Louison se marie ! Et que deviendra le pauvre Dorante ?

LA SOURDIÈRE
Il prendra la peine de s’en passer. Monsieur Jobelin est mon ancien ami, et je dois prendre part à tout ce qui regarde ce mariage. Monsieur Carondas, peut-on voir votre épithalame ?

CARONDAS.
Je n’en ai fait encore que la première strophe. La voici :
Hymen ïo, ô Hyménée !
Célébrons la douce journée,
Où deux amants heureux s’unissent pour toujours.
Venez, tendres Amours, combler la destinée
De cette épouse fortunée.
Que de ses flancs féconds, puisse dans peu de jours
Sortir une heureuse lignée
Hymen ïo, ô Hyménée
!

LA SOURDIÈRE
Diable, voilà du sublime, et cela s’appelle un début magnifique.

CORONIS
Et très avantageux pour le futur époux.

CARONDAS
Vous verrez bien autre chose, si je puis obtenir des libraires qu’ils impriment mon incomparable traduction de la Batrachomyomachie (2) d’Homère, car j’excelle dans les traductions des anciens auteurs, et je travaille actuellement à mettre en vers grecs l’Énéide de Virgile, pour la commodité de ceux qui n’entendent point la langue latine. Mais laissez-moi songer à ma seconde strophe.

LA SOURDIÈRE
C’est bien dit ; aussi bien notre café refroidit.

CARONDAS
Du flambeau de l’hymen.

LE SECOND JOUEUR
Attendez, monsieur, ce n’est pas cela ; vous dérangez le jeu.

LE PREMIER JOUEUR
Pardonnez-moi. J’ai joué là vous avez jouez ici ; je vous ai donné à prendre ; vous avez mis dans le coin ; et je vous souffle.

LE SECOND JOUEUR
Ah ventrebleu ! On n’a jamais joué du malheur dont je joue.

CARONDAS.
Eh quoi toujours du bruit ?

Scène II

Le Chevalier, Coronis, La Sourdière, L’Abbé, Carodas, Les Joueurs.

LE CHEVALIER
entre en chantant et dansant.
La, la, la, la, ra, ré. Allons hé du café.

CARONDAS
Encore, de tous côtés ?

LE CHEVALIER
chante.
Que chacun me suive.
Trinquons hardiment,
Point de ménagement ;
Je ne bois jamais autrement.
Je hais un convive
Qui dans un repas
Ne boit que par compas,
Et craindrait de faire un faux pas.
Que chacun me suive.
Trinquons hardiment,
Point de ménagement ;
Je ne bois jamais autrement.

CARONDAS.
Ah ! Je n’y puis plus tenir. Sortons, fuyons : ultra sauromatas hinc libet (3).

LE CHEVALIER
Adieu donc, monsieur Carondas.
À Coronis.
Bonjour, mon ami.
À la Sourdière.
Eh, te voilà, vieux pécheur !

L’ABBÉ
se réveillant et bâillant tout haut.
Ahi ! Ouf !

LE CHEVALIER
Ah parbleu ! Petit Abbé, mon mignon, je ne vous voyais pas. Comment te portes-tu ?

L’ABBÉ
Quelle heure est-il ?

LE CHEVALIER
brouillant le jeu.
Ah ! Ah ! Messieurs, vous jouez aux dames.

LE PREMIER JOUEUR
Morbleu, monsieur, cela ne se fait point ; vous avez tort. Attendez, Monsieur, j’avais gagné. Vous me devez une tasse de café au moins.

LE SECOND JOUEUR
Oui ! Tarare.

Scène III

L’Abbé, Le Chevalier, Coronis, La Sourdière.


L’ABBÉ
Dites-moi un peu, jeunes gens, Dorante n’est-il point venu ici pendant que je dormais ? En cas qu’il vienne, je vous prie monsieur Coronis, de lui dire que je me suis informé de son monsieur Jobelin, et que je suis instruit à fond de tout ce qui regarde cet homme-là.

LA SOURDIÈRE
à part.
Oh, oh ! voici bien d’autres affaires. Malepeste ! Ceci ne vaut pas le diable. Allons l’avertir de ce qui se passe.

Il s’en va.

L’ABBÉ
Pour moi j’ai rendez-vous chez Forel. Il est tard, et j’ai peur qu’on ne soupe sans moi. Je n’ai point dîné.

CORONIS
Comment, monsieur l’Abbé, à dix heures du soir n’avoir point dîné, et être ivre ! Quelle bénédiction !

L’ABBÉ
Je me suis mis à table ce matin entre sept et huit, et nous avons déjeuné jusqu’à l’heure qu’il est.

LE CHEVALIER
Voilà un pauvre garçon qui me fait pitié.

L’ABBÉ
Nous n’avons bu qu’environ vingt-cinq bouteilles de vin à quatre. J’ai fait un petit somme ; me voilà prêt à recommencer.

CORONIS
Quel heureux naturel ! Quel tempérament !

L’ABBÉ
Pour vingt-cinq bouteilles s’enivrer ! Quelle honte est-ce là ? Il n’y a plus d’hommes, mes amis, et le monde va toujours en déclinant. Je soutiens encore un peu noblesse ; mais je m’en irai comme les autres. Bonsoir, messieurs, je m’en vais boire à votre santé.

Scène IV

Coronis, Le Chevalier, Dorante.


LE CHEVALIER
Où diable trouverons-nous Dorante ?

CORONIS
Eh donc ! Le voici, Dieu me damne ! D’où viens tu, grand bélître (4) ? L’Abbé te cherchait tout à l’heure ; il a des nouvelles à t’apprendre.

DORANTE
Où est-il allé ?

CORONIS
Il vient de sortir. Tu le trouveras chez Forel.

DORANTE
Il faut nécessairement que je lui parle ce soir.

LE CHEVALIER
Qu’est-ce, mon ami ; on dit que tu n’épouses plus en ce pays-ci ?

DORANTE
Ma foi, cela m’intrigue un peu, franchement.

CORONIS
Comment tu serais amoureux ? Oh le fat !

DORANTE
Amoureux ou non, je t’assure que la petite personne est fort aimable ; et, sa beauté à part, elle a vingt mille écus. Cela ne messiérait point à un cadet qui n’a que la cape et l’épée.

LE CHEVALIER
Tu n’es pas riche, nous le savons ; mais un gentilhomme se noyer dans une chocolatière ! Il y a de la folie, ma foi ; il y a de la folie.

DORANTE
De la folie ! Va, va, mon pauvre Chevalier, l’intérêt a rapproché les conditions, et nous voyons bien des gentilshommes qui vivraient en roturiers, s’ils n’avaient épousé des roturières.

CORONIS
Sans doute ; et la délicatesse sur les mésalliances ne subsiste plus que chez les Allemands.

DORANTE
Au bout du compte, qu’est-ce que je risque ? Je suis gentilhomme et gueux : elle est roturière et riche ; j’aurai de l’argent pour ma noblesse la compensation ne m’est pas désavantageuse ; Vous êtes tous deux mes amis. Je ne désespère pas encore, et si vous voulez me seconder, avant qu’il soit peu nous ferons bien tourner la chance.

LE CHEVALIER
Oui-da ! De quoi s’agit-il ? Tu sais que je suis à toi, à vendre et à engager.

CORONIS
Tu sais combien je t’aime, et avec quelle fidélité nous avons toujours partagé les émoluments du lansquenet (5).

DORANTE
Voici ce que je veux faire. Vous savez que notre notaire est joueur, et que la confiance qu’il a en son habileté, fait qu’il s’embarque le plus aisément du monde. Or, j’ai un valet, qui assurément est un des plus adroits fripons qu’il y ait à vingt lieues à la ronde. J’ai concerté avec lui qu’il engagerait mon homme au jeu, et que pendant que vous amuseriez ce vieux renard de La Sourdière qui ne le quitte jamais. Mais voici mon valet.

Scène V

La Flèche, Dorante, Le Chevalier, Coronis.


LA FLÈCHE
Monsieur, je n’ai pu trouver votre gros Abbé ; et si, j’ai été dans tous les cabarets de la ville.

DORANTE
Je sais où il est ; il suffit. Va-t’en étudier ton personnage, et reviens quand il sera temps.

LA FLÈCHE
Étudier, dites-vous ? Vraiment, voilà bien de quoi, et j’en ai bien fait d’autres il n’y a que huit jours que j’ai l’honneur de vous servir ; mais quand nous nous connaîtrons mieux, vous verrez qu’en fait de fourberie, personne, Dieu merci, n’est capable de me faire la leçon. S’agit-il de déniaiser quelque étranger nouvellement débarqué de faire mordre un jeune homme à l’hameçon d’une coquette, ou de maquignonner un mariage impromptu c’est moi qu’on vient chercher, j’excelle, je triomphe. Mais surtout pour enfiler une dupe à quelque jeu que ce soit, et lui, tirer par cent moyens ingénieux tout l’argent de sa bourse, je suis le garçon de France le plus en réputation.

LE CHEVALIER
Vertubleu voilà un joli garçon.

DORANTE
Dis-moi ! N’es-tu jamais venu ici ?

LA FLÈCHE
Oh vraiment, monsieur, pardonnez-moi. J’ai été autrefois un des principaux marguilliers du café et j’avais droit de séance à ce banc redoutable, d’où il part tous les jours tant d’arrêts contre la réputation des femmes ; où les mystères du gouvernement sont si bien développés et les intérêts des princes de l’Europe si savamment approfondis. Vous moquez-vous ? Je suis plus connu dans les cafés que Pilot-Bouffi dans les cabarets.

CORONIS
Je gagerais, à l’entendre, qu’il est de quelque province au-delà de la Loire. Il n’est pas permis d’avoir tant d’esprit autrement.

LA FLÈCHE
Je suis de Dauphiné, à vous rendre mes services.

CORONIS
Malepeste ! Joli pays. De l’argent peu, à la vérité mais de l’esprit, beaucoup. C’est l’apanage de la nation.

DORANTE
Mais on te reconnaîtra.

LA FLÈCHE
Point du tout, monsieur ; c’est mon fort que le déguisement, et je suis un petit Protée. Est-il question de représenter un partisan par exemple ; j’ai des secrets pour me noircir la barbe, épaissir ma taille, me rendre l’œil hagard et grossir mon ton de voix. Faut-il faire un jeune abbé ; qui sait mieux que moi rapetisser sa bouche, rire des épaules, marmoter (6) une chanson, faire la main potelée, prendre un visage gai et un ton radouci ? Par cent petites métamorphoses de cette nature, j’avais amassé quelque argent, et je serais à mon aise, sans un revers de fortune qui m’a coulé a fond.

DORANTE
Comment, un revers de fortune ?

LA FLÈCHE
Oui : un fils de famille, à qui j’avais gagné un soir mille écus au jeu s’avisa d éplucher ma conduite dans un procès qu’il me fit ; la justice donna une mauvaise tournure à la chose, et cela m’a ruiné. J’ai été oblige de revenir à la livrée.

DORANTE
Fort bien. Mais voici monsieur Jobelin ; retire-toi, et va te préparer.

Scène VI

Monsieur Jobelin, Le Chevalier, Coronis, Dorante.


JOBELIN
à part.
Il me semble que je suis assez propre, et qu’en cet état je puis aller faire le galant auprès d’une maîtresse.

LE CHEVALIER
à Dorante.
Comme le voilà beau ! Il vient ici pour coqueter. Oh parbleu, il faut que je dérange l’économie de sa parure. Bonsoir, monsieur Jobelin. Vous ne faites pas semblant de nous voir !

JOBELIN
Serviteur, je n’ai pas le temps de m’amuser.

LE CHEVALIER
en l’amusant de son galimatias, lui chiffonne son rabat, le déboutonne, et le met en désordre.
Eh que diable ! Ne saurait-on vous dire un mot ? Je suis bien aise de vous faire compliment sur vos noces ; car enfin il serait fort extraordinaire que dans un café il ne se trouvât pas une fille dont l’esprit pût entrer en concurrence, pour la préférence… de votre indifférence. Vous me direz que quand il s’agit de se marier, il y a peu de conformité entre le douaire de votre affection et le préciput de vos sentiments ; mais aussi vous m’avouerez que quand on veut se retirer dans son ménage, la comédie, le bal et les promenades sont des choses qui divertissent beaucoup. Pour ce qui est de l’opéra, comme je vous dis, je n’aime guère à aller aux Tuileries mais à cela près, je trouve, tout compté, tout rabattu, que c’est fort bien fait à vous de vous marier.

JOBELIN
Que diantre me dit-il là ? J’écoute de toutes mes oreilles, et je n’y comprends rien.

LE CHEVALIER
Mais, à propos de tapisserie, on est quelquefois bien aise de se mettre dans ses meubles. Par exemple, voilà une tabatière qui est assez jolie mais si vous aviez vu les brocatelles de Venise, c’est tout autre chose. Je ne dis pas que Launay ne soit le premier homme que nous ayons en fait de vaisselle ; quoiqu’à le bien prendre, la manufacture des Gobelins ne laisse pas d’avoir son mérite. Mais après tout, depuis que les toiles des Indes sont défendues, je suis pour les bureaux de la Chine.

JOBELIN
Quel coq-à-l’âne est ceci ? Mais à quoi est-ce que je m’amuse ?

Scène VII

Louison, Dorante, Le Chevalier, Coronis, Jobelin.


JOBELIN
Voici ma maîtresse ; il faut la saluer. Mademoiselle…

LOUISON
et les autres.
Ah, ah, ah, ah, ah, ah !

JOBELIN
Qu’est-ce donc que vous avez à rire ? Mais que vois-je ? Comme me voilà débraillé ! Ah ! J’enrage de paraître comme cela. Morbleu, messieurs, je vous enverrai au diable avec vos sottises.

DORANTE
Laissez-moi seul, mes amis. Je vais vous joindre chez Principe et nous achèverons là de régler nos affaires.

Scène VIII

Dorante, Louison.

DORANTE
Hé bien, Louison, vous allez être mariée ; je perds toute espérance d’être à vous et vous avez consenti à un mariage qui me fera mourir.

LOUISON
Mon Dieu ! Pourquoi-me querellez-vous est-ce ma faute à moi ? Ma mère m’a menacée de me renvoyer dans le couvent, si je n’épousais monsieur Jobelin. Je serais bien aise d’être mariée avec vous ; mais je ne veux point retourner au couvent.

DORANTE
Quoi ! Vous verrez vos attraits en proie à un homme haïssable, et qui n’en connaîtra jamais le prix ; et moi, il faudra me résoudre à vous perdre, à ne vous jamais voir ? Ah Louison, je le vois bien, vous ne m’aimez plus.

LOUISON
Allez, allez, laissez faire ma mère, puisqu’elle veut que je me marie. Quand je ne serai plus sous sa conduite, nous nous verrons, et nous nous aimerons tant qu’il vous plaira.

DORANTE
Non, ce n’est pas là de quoi me contenter : et je ne saurais souffrir que votre personne et votre cœur soient partagés. Consentiriez-vous que je fisse en sorte d’empêcher votre mariage ?

LOUISON
Oui, pourvu que ma mère ne sût pas que je vous l’ai conseillé, car elle me querellerait bien fort.

DORANTE
Elle n’en saura rien. Aimez-moi toujours ; c’est tout ce que ma tendresse exige de vous.

LOUISON
Voyez-vous, elle m’a toujours tenue dans la dépendance, et elle ne veut pas seulement que je parle aux messieurs qui viennent ici, parce qu’elle dit que leurs discours font venir l’esprit aux filles. Elle ne veut pas que j’en aie.

DORANTE
Mais, Louison, si ce que je médite allait manquer, que feriez-vous ?

LOUISON
Ce que je ferais ? Dame, je vous l’ai déjà dit ; je ne veux point retourner au couvent. Ah, voilà ma mère. Ne lui dites pas que je vous aime, au moins !

DORANTE
Je vais rassembler les gens dont j’ai besoin pour mon entreprise.

Scène IX

Madame Jérôme, Louison.


MADAME JÉRÔME
Qu’est-ce donc, petite fille, vous parlez à des hommes quand je n’y suis pas ?

LOUISON
Je vous demande pardon, ma mère ; c’est lui qui me parlait.

MADAME JÉRÔME
Monsieur Jobelin est-il ici ?

LOUISON
Oui. Il m’a pensé faire mourir de rire, de la figure dont il était bâti. Apparemment, il est allé se raccommoder et, Dieu merci, il ne m’a point parlé.

MADAME JÉRÔME
Qu’est-ce à dire ? Est-ce ainsi qu’il faut parler d’un homme que vous allez épouser ? Il faut dire Ma mère il ne m’a point parlé j’en suis bien fâchée.

LOUISON
Moi, fâchée de cela ? Je n’aime point à mentir.

MADAME JÉRÔME
Ouais ! Qu’est-ce que tout ceci ? Vous ne l’aimez donc pas, à ce que je vois ?

LOUISON
Moi ma mère ? Hélas ! Non.

MADAME JÉRÔME
Non ?

LOUISON
Non. Vous m’avez dit qu’il ne fallait point qu’une fille aimât les hommes ; je fais ce que vous m’avez dit.

MADAME JÉRÔME
Mais il faut aimer celui-là, puisqu’il sera votre mari.

LOUISON
C’est donc une nécessité qu’il faille aimer son mari ? Si cela est, donnez-m’en un autre, je vous prie.

MADAME JÉRÔME
Comment dites-vous ? Ah, ah ! Petite impertinente, vous êtes entêtée, à ce que je vois ; et quelque colifichet blondin vous aura donné dans la vue. N’est-ce point Narcisse, ce petit fat, qui depuis le matin jusqu’au soir se fait l’amour à lui-même ; qui passe toute la journée à se mirer dans sa perruque, ajuster sa steinkerque, et se faire les yeux doux dans un miroir ?

LOUISON
Oh si ! Ma mère, j’aimerais autant aimer une femme.

MADAME JÉRÔME
Je parie que c’est ce jeune conseiller qui vient ici tous les soirs en épée et en chapeau bordé ?

LOUISON
Qui ? Ce bourgeois qui se croit de qualité, parce qu’il s’enivre avec ceux qui en sont ? Mon Dieu ! Il a mille défauts que je ne saurais souffrir.

MADAME JÉRÔME
Si bien donc que c’est Dorante qui vous tient au cœur ?

LOUISON
Dorante ?

MADAME JÉRÔME
Eh bien Dorante ? Vous ne lui trouvez point de défaut à celui-là ?

LOUISON
Hélas ! Pourquoi lui en trouverais-je ?

MADAME JÉRÔME
Je ne m’embarrasse pas que vous lui en trouviez. Je sais qu’il est assez honnête homme ; mais Monsieur Jobelin a une bonne charge par devers lui, et c’est mieux votre fait qu’un jeune homme qui n’a rien que son esprit et sa bonne mine. En un mot, c’est lui que je veux qui soit votre époux. Le voici qu’on lui fasse civilité, et qu’on réponde comme il faut à tout ce qu’il dira.

Scène X

Monsieur Jobelin, Madame Jérôme, Louison.


MADAME JÉRÔME
Monsieur, voilà ma fille, qui est ravie de vous voir, et qui se dispose le plus agréablement du monde à vous épouser.

LOUISON
Oui, voilà un beau magot, pour être ravie de l’épouser !

JOBELIN.
Mademoiselle, tout ainsi qu’ès-pays coutumiers, le vassal est tenu de prêter serment de foi et d’hommage-lige entre les mains de son seigneur féodal, avant qu’entrer en possession des terres acquises dans sa mouvance ; de même viens-je en qualité de votre vassal indigne, vous promettre foi et loyauté perpétuelle, avant qu’entrer en possession du fief seigneurial de vos beautés, à moi acquis par la cession de madame votre mère, et le contrat qui sera incessamment passé par-devant les notaires au Châtelet de Paris.

MADAME JÉRÔME
Allons, petite fille, répondez.

LOUISON
Moi, je ne sais ce qu’il me veut dire ; qu’il se réponde lui-même, s’il s’entend.

MADAME JÉRÔME
Impertinente ! Elle dit, monsieur, qu’elle vous est fort obligée, et que le don de votre cœur lui est extrêmement cher.

JOBELIN
Mon cœur, mademoiselle, est un immeuble qui vous appartient, et sur lequel vous avez hypothèque, depuis que j’ai eu l’honneur de vous voir.

MADAME JÉRÔME
Eh bien vous voilà muette ?

LOUISON
J’ai bien affaire à son hypothèque ! Je n’en bois jamais.

MADAME JÉRÔME
Ah ! monsieur, il faut l’excuser si elle ne répond pas aux choses que vous dites ; elle est un peu honteuse. Le mariage l’enhardira ; et demain à l’heure qu’il vous plaira nous ferons dresser le contrat. Allons, petite fille. Monsieur, je vous donne le bonsoir.

JOBELIN
après avoir salué Louison, qui détourne la tête.
Voilà ! Les affaires en bon train. La mère prévenue, la fille charmée de moi, le mariage prêt à se conclure, et vingt mille écus qui vont me sauter au collet. Oh parbleu je ne craindrai plus la persécution de mes créanciers, et j’aurai enfin de quoi payer ma charge. Ma foi, les habiles gens se tirent toujours d’intrigue, et l’esprit est le vrai passe-partout de la fortune.

Scène XI

La Sourdière, Jobelin.


LA SOURDIÈRE
Ah ! Vous voilà, à la fin ; il y a deux heures que je vous cherche.

JOBELIN
Ah ! Serviteur je suis bien aise de vous rencontrer.

LA SOURDIÈRE
J’ai bien des choses à vous dire.

JOBELIN
J’ai de bonnes nouvelles à vous apprendre.

LA SOURDIÈRE
La mine est éventée, et Dorante est instruit de toutes vos affaires.

JOBELIN
La bécasse est bridée, et demain le mariage doit être conclu.

LA SOURDIÈRE
Je vous dis encore une fois de prendre garde à vous, et qu’on songe à vous jouer un mauvais tour.

JOBELIN
Un mauvais tour, a moi ? Et qui cela, s’il vous plaît ?

LA SOURDIÈRE
Dorante.

JOBELIN
Dorante ? Ah parbleu c’est bien d’un novice comme lui que je m’embarrasse. Allez, allez, Monsieur de La Sourdière, nous sommes un peu Grecs ; et on ne prend pas des chats comme nous sans mitaines. J’ai mis ordre à tout ; ayez l’esprit en repos.

LA SOURDIÈRE
Vous me faites mourir, avec votre confiance imprudente, et… Mais quelle figure est ceci ?

Scène XII

Jobelin, La Sourdière, La Flèche.


LA FLÈCHE
à part.
Voici mes gens. Jouons bien notre rôle, et faisons les donner dans le panneau. Ah ! Messieurs, serviteur. J’interromps votre conversation, peut-être : mais tout coup vaille. On m’a dit que vous étiez Monsieur Jobelin. Est-il vrai ?

JOBELIN
Oui, c’est moi. Que me veut cet ivrogne-là ?

LA FLÈCHE
Je vous en sais bon gré car j’ai besoin de vous. Je vous ai tantôt été chercher dans votre étude ; mais comme vous n’y étiez pas, je ne vous y ai point trouvé, et je suis allé de là à l’Alliance, prendre un peu de nourriture, modérément pourtant.

JOBELIN
Je le vois bien.

LA FLÈCHE
La modération est une belle chose !

JOBELIN
De quoi s’agit-il ?

LA FLÈCHE
Attendez, que je rappelle mes idées. Ah ! m’y voici. Je voudrais que vous me fissiez un petit plaisir. Je vous demande pardon monsieur, si je parle de mes affaires devant vous. Vous le voulez bien ?

LA SOURDIÈRE
Ah ! Monsieur, de tout mon cœur.

LA FLÈCHE
De tout mon cœur fort bien. Vous êtes un brave homme. Or, comme vous savez, ou comme vous ne savez pas, je suis capitaine dans le régiment de Limoges.

JOBELIN
Vous êtes capitaine ? Et que faites-vous à Paris, pendant que tout le monde est en campagne ?

LA FLÈCHE
J’y suis venu pour faire une recrue ; et en attendant, je passe le temps au cabaret à faire mes observations sur la guerre présente.

JOBELIN
Voilà des observations d’un grand secours à la république !

LA FLÈCHE
D’un grand secours ? Je me donne au diable, si j’étais général d’armée et qu’on me laissât faire, j’ai un plan dans ma tête pour conquérir toute l’Europe en une campagne. Écoutez bien ce raisonnement-ci. Je voudrais avoir deux armées, l’une au midi, et l’autre au septentrion. Avec celle-ci, je marche en Allemagne et je commence par m’emparer de toutes les vignes qui bordent le Rhin. Les Allemands n’ayant plus de vin. Il faut qu’ils crèvent ; la mortalité se met dans leur armée, et par conséquent, me voilà maître de tout ce pays-là. J’y fais rafraîchir mes troupes, et de là je passe en Hollande. Allons, me voilà en Hollande ; qui m’aime me suive. Je vais d’abord… Attendez je crois que nous ferions mieux de conquérir auparavant la Turquie. Qu’en croyez-vous ? Oui, c’est bien dit. Allons, enfants, ne nous rebutons point nous arriverons bientôt. Nous voici déjà dans la Grèce. Ah, le beau pays ! Dieu sait comme nous allons souffler de ce bon vin grec ! Mais messieurs ne vous enivrez pas, au moins. Tudieu ! nous avons besoin de notre cervelle. Buvons seulement chacun notre bouteille, en chantant une petite chanson. Et brin, bron, brac, donnez-moi du tabac, la relera, etc.

JOBELIN
Voilà un pauvre diable qui est bien ivre !

LA SOURDIÈRE
Prenez haleine, monsieur, vous avez fait une assez belle campagne.

JOBELIN
Oui, mais voilà bien du pays battu et pour faire tout ce chemin-là, il faudrait donner des chevaux de poste à toute votre armée. Revenons à votre affaire s’il vous plaît. Que souhaitez-vous de moi ?

LA FLÈCHE
Je m’en vais vous le dire. J’ai quinze hommes à refaire à ma compagnie, avant de retourner à notre garnison ; et comme je n’ai point d’argent, voilà un diamant de cinq cents écus, que je vous prie de me faire mettre en gage pour deux ou trois cents pistoles.

JOBELIN
Pour deux ou trois cents pistoles ! Vous voulez dire deux ou trois cents écus ?

LA FLÈCHE
Eh oui, quelque chose comme cela.

JOBELIN
à part.
Peste voilà un fort beau diamant. Ce serait un vrai présent à faire à ma maîtresse. Tâchons d’empaumer cet ivrogne-là. Monsieur, vous ne trouverez guère que quatre cents francs là-dessus.

LA FLÈCHE
Quatre cents francs ? J’aimerais mieux que le diamant fût au fin fond de la mer Méditerranée. Allons, je m’en vais te jouer au piquet pour cent pistoles contre le premier venu. Je n’aime point à lanterner, moi.

JOBELIN
Parbleu ! Il ne faut point manquer l’occasion ; il est soûl comme une grive, embarquons-le dans le jeu. Monsieur, si vous êtes homme à jouer, je ferai votre affaire.

LA FLÈCHE
Oui ? Parbleu ! J’aime les gens d’accommodement ; touchez là. Je veux vous procurer la pratique du régiment, pour tous les contrats de mariage et d’acquisition de rente que feront nos officiers.

JOBELIN
Je vous remercie. Je crois que les acquisitions aussi bien que les mariages de ces messieurs-là se font aisément sans contrat.

LA FLÈCHE
Allons-nous-en là-dedans boire une bouteille de persicot.

JOBELIN
Volontiers.
À part.
Je tiens l’âne par la bride, et le diamant est bien aventuré.

LA FLÈCHE
Le poisson est dans la nasse, et nous allons voir beau jeu. Allons, mon ami lara, lera, lera.

LA SOURDIÈRE
Il faut que je conduise ceci de l’œil. Je serai bien aise de lui aider à gagner le diamant, afin d’être de moitié.

Scène XIII

Le Chevalier, Coronis, La Sourdière.


LE CHEVALIER. et CORONIS
Ah, ah, ah, ah, ah, ah !

LE CHEVALIER
Parbleu, cela est trop plaisant, ah, ah, ah ! Hé, bonsoir, La Sourdière, où vas-tu ?

LA SOURDIÈRE
Laisse-moi aller, j’ai affaire.

LE CHEVALIER
Je suis ton serviteur. Tu ne t’en iras pas que je ne t’aie conté ce qui vient de nous arriver ; cela mérite bien ton attention. Nous étions chez Principe.

LA SOURDIÈRE
Je n’ai pas le temps de t’entendre.

CORONIS
Oh ! Cadédis, vous nous écouterez, ou nous aurons du bruit.

LE CHEVALIER
Un de nos amis, qui se désennuyait à casser des vitres et des lanternes dans la rue Saint-Honoré, a été poursuivi par une compagnie du guet à pied. Les archers ont passé par devant la boutique. Nous les avons arrêtés en leur présentant du rossolis et de l’eau-de-vie. Ils y ont pris goût ; et pendant qu’ils buvaient, nous leur avons escamoté leurs armes. Ils s’en sont aperçus ; recours à la rasade. Ils ont voulu se fâcher, autre rasade si bien que de rasade en rasade, nous les avons tellement enivrés, qu’ils ont pris querelle ensemble, et se sont donné je ne sais combien de coups de poing. Le sergent, plus ivre qu’eux, les a tous menés au Chatelet, comme perturbateurs du repos public. Ne trouves-tu pas cela plaisant ?

LA SOURDIÈRE
Oui, fort plaisant. Vous jouez à vous faire de jolies affaires. Boire le jour, courir la nuit, casser des vitres, arracher des enseignes enivrer le guet : voilà le secret d’attraper un jour quelques bons coups de mousquet sur les oreilles.

LE CHEVALIER
Oh ! vous voilà, monsieur le Caton, qui parlez par sentences. Parbleu, vous ne le prenez pas mal. Sais-tu bien qu’il n y a rien de meilleur pour la santé, que de berner de temps en temps les gens qui nous déplaisent ? Demande aux médecins cela éclaircit les humeurs, cela rafraîchit le sang, et cela aide à la digestion.

CORONIS
Sans doute. Comment, mordi des coquins s’érigeront en perturbateurs des divertissements de tune, et nous ne réformerions pas cet abus ?

LA SOURDIÈRE
Ma foi, ce sont vos affaires. Serviteur.

LE CHEVALIER
Que diantre, tu es bien pressé ! Parlons un peu d’affaires. As-tu vu le nouvel opéra ?

LA SOURDIÈRE
Non, et n’ai nulle envie de le voir.

LE CHEVALIER
Et toi, l’as-tu vu ?

CORONIS
Oui, certes, je l’ai vu.

LE CHEVALIER
Hé bien ! Dis-nous un peu comment le trouves-tu ?

CORONIS
Cadédis ! Comment je le trouve ? Ravissant, merveilleux. Tout ce qui s’appelle opéra, voyez-vous, ne peut être que bon et agréable ; et la raison, la voici c’est que dans un opéra, vous trouvez de tout, vers, musique, ballets, machines, symphonies ; c’est une variété surprenante, il y a de quoi contenter tout le monde. Voulez-vous du grand, du tragique, du pathétique ?
Le perfide Renaud me fuit.
Tout perfide qu’il est, mon lâche cœur le suit.
Aimez-vous le tendre, le doux, le passionné ?
Non, je ne voudrais pas encor
Quitter mon berger pour Médor.
Voulez-vous du burlesque ?
Mes pauvres compagnons, hélas !
Le dragon n’en a fait qu’un fort léger repas.
Voulez-vous de la morale ?
Les dieux punissent la fierté ;
Il n’est point de grandeur que le ciel irrité
N’abaisse quand il veut, et ne réduise en poudre.
Et le reste. On y trouve jusqu’à des vaudevilles et des imitations naïves des airs du Pont-Neuf, si vous voulez.
Les rossignols, dès que le jour commence,
Chantent l’amour qui les anime tous.
En un mot, c’est un enchantement ; et ce serait une chose accomplie, si l’on pouvait faire encore que le chant fût fait pour les vers, et les vers pour le chant.

LE CHEVALIER
Pour moi, je ne me divertis point à l’Opéra ; et je n’y vais jamais que pour folâtrer dans les coulisses avec quelque danseuse.

CORONIS
Il est vrai que bien des gens y vont présentement pour tout autre plaisir que celui des oreilles.

Scène XIV

Madame Jérome, Le Chevalier, Coronis, La Sourdière.


MADAME JÉRÔME
Messieurs, il est minuit sonné ; faites-moi la grâce de vous retirer.

LA SOURDIÈRE
Volontiers.

LE CHEVALIER
Attends, attends. Et par quelle raison nous retirer, madame Jérôme ?

MADAME JÉRÔME
Par la raison, monsieur, que voici l’heure des femmes ; et puisqu’elles ne viennent pas vous incommoder le jour, il est bien juste que vous leur laissiez la nuit chacun le sien n’est pas trop.

LE CHEVALIER
Vous êtes pour les récréations nocturnes, madame Jérôme.

MADAME JÉRÔME
Oh vraiment, si on n’avait d’autres rentes que la dépense qui se fait ici de jour, et sans le casuel de la nuit, on courrait risque d’avoir les dents bien longues. Vous êtes cinq ou six, qui, pourvu que vous soyez toute une après-dînée ici à chanter des chansons, dire des fadaises, conter une histoire de celui-ci, une aventure de celle-là, et faire la chronique scandaleuse du genre humain, ne vous embarrassez pas du reste. Cependant ce n’est pas là mon compte, et je ne dîne pas de vos conversations. Vous voilà trois, par exemple, qui me devez de l’argent depuis longtemps, et qui ne me parlez non plus de payer, que si vous étiez ici logés par étape.

CORONIS
Quant à moi, madame Jérôme, je vous dois, je pense, trois écus mais j’attends ma lettre de change.

LE CHEVALIER
Pour moi je suis brouillé avec ma petite marchande de dorure, et je ne saurais vous payer qu’à la paix.

LA SOURDIÈRE
Et moi, je vous proteste que le premier argent que je gagnerai à trois dés, sera pour vous.

MADAME JÉRÔME
Voilà des dettes bien assurées.

Scène XV

Jobelin, La Flèche, Mme Jérôme, Coronis, Le Chevalier, La Sourdière.

CORONIS
au chevalier.
Voici nos gens. Songeons à ce que nous a recommandé Dorante.

LA FLÈCHE
Vous me devez six-vingts pistoles ; payez-moi, je ne joue plus.

JOBELIN
Comment vous ne me donnez pas ma revanche ?

LA FLÈCHE
De quoi vous plaignez-vous ? Je vous ai gagné au piquet vous me demandez votre revanche à pair et non, je vous la donne ; je ne vous gagne que douze cents livres ; et j’ai hasardé mon diamant, qui en vaut quinze cents c’est cent écus que je perds clairement. Il me semble que je fais assez bien les choses.

JOBELIN
Tudieu vous avez la parole bien libre, pour un homme qui était ivre il n’y a qu’un moment.

LA FLÈCHE
C’est que je me suis désenivre en gagnant votre argent. Allons, les bons comptes font les bons amis ; payez-moi tout à l’heure ou je vous passe mon épée au travers du corps.

JOBELIN
Messieurs séparez-nous, je vous prie.

LE CHEVALIER
Comment, morbleu, on insulte monsieur Jobelin.

CORONIS
Allons, sandis, coupons les oreilles à ce maraud.

LA SOURDIÈRE
Des épées tirées. Allons-nous-en d’ici.

MADAME JÉRÔME
Messieurs quel désordre je suis perdue.

LA FLÈCHE
Comment, canailles, deux contre un ? Ah, j’ai le corps percé ! Je suis mort ! Un chirurgien !

MADAME JÉRÔME
Miséricorde ! Un homme tué dans ma maison. Me voilà ruinée.

CORONIS
Sauvons-nous, messieurs.

Scène XVI

Dorante, L’Abbé, Mr Jérôme, Jobelin, La Flèche.


DORANTE
Quel bruit ai-je entendu ? Mais que vois-je ? Ah, ciel monsieur de Boisclair, qui vous a mis en cet état ?

LA FLÈCHE
 Ah, mon cousin je me meurs. Trois coquins viennent de m’assassiner, et c’est ce scélérat de notaire qui les a fait agir. Eh, de grâce, qu’on me fasse venir le suceur du régiment.

Scène XVII

Dorante, Jobelin, L’Abbé, Madame Jérôme.

DORANTE
Un de mes parents assassinée. Ah ! Je vous apprendrai à qui vous vous jouez. Holà, laquais, qu’on m’aille quérir le commissaire.

JOBELIN
Ah ! Je tremble, et je voudrais être bien loin.

L’ABBÉ
Vous voilà dans un vilain cas, madame Jérôme, et j’en suis fâché pour l’amour de vous.

MADAME JÉRÔME
Monsieur Dorante, ne me perdez pas, je vous conjure.

DORANTE.
Non, non, cela ne passera pas ainsi. C’est mon cousin-germain on l’a assassiné chez vous ; c’est à vous à m’en répondre, et je prétends que justice soit faite.

MADAME JÉRÔME
Eh monsieur, voudriez-vous me ruiner ?

DORANTE
Vous n’en serez, pas quitte à si bon marché et je veux vous faire punir corporellement. 

L’ABBÉ
Corporellement cela ne vaut pas le diable madame Jérôme.

Scène XVIII

Dorante, L’Abbé, Madame Jérôme, Jobelin, La Flèche, en commissaire avec un faux nez.

DORANTE
Voici, fort à propos, monsieur le commissaire. Monsieur, on vient de tuer ici un officier qui est de mes parents. Je vous prie de faire votre charge.

LA FLÈCHE
prenant une voix enrouée.
Votre laquais m’a informé de la chose, et j’amène des archers pour conduire les délinquants au Châtelet.

MADAME JÉRÔME
Au Chatelet !

JOBELIN
Monsieur, je suis notaire royal, et conseiller du roi.

LA FLÈCHE
N’importe ; le délit est flagrant il y a mort d’homme et vous viendrez au Châtelet.

MADAME JÉRÔME
Ah ! Je suis au désespoir. Monsieur l’Abbé, faites en sorte que je n’aille point au Châtetet.

L’ABBÉ
Attendez, je viens de trouver un moyen d’ajuster ceci. Dorante il faut accommoder cette affaire-là mon enfant. Il ne tient qu’à toi de ruiner madame Jérôme, mais en seras-tu mieux ? Elle a une jeune fille il faut qu’elle te la donne en mariage, et qu’il ne soit plus parlé de rien.

DORANTE
Non non, madame l’a promise à monsieur Jobelin il faut la laisser faire. Elle le croit riche, et je vois bien.

L’ABBÉ
Lui riche ! Il n’a point d’autre patrimoine que son industrie, et il y a actuellement une sentence contre lui pour le paiement de sa charge n’est-il pas vrai, monsieur Jobelin ?

JOBELIN
Ah ! Tout est découvert ; j’enrage.

MADAME JÉRÔME
Qu’entends-je ? Vous devez votre charge, monsieur ? Vraiment, un jour plus tard j’allais faire un joli marché !

L’ABBÉ
Eh bien madame, êtes-vous dans le goût de ma proposition ?

MADAME JÉRÔME
Oui, monsieur, puisque je suis détrompée, je serai ravie de donner ma fille à monsieur Dorante, pourvu qu’il apaise l’affaire qui vient d’arriver.

L’ABBÉ
Oh, pour cela, madame, il en est le maître, je vous assure. Çà, il n’y a qu’a dresser le contrat tout à l’heure. Monsieur Jobelin se trouve ici fort à propos.

JOBELIN
Moi dresser le contrat ?

DORANTE
Tout beau, ne vous faites pas tirer l’oreille ou je vais faire entrer les archers.

LA FLÈCHE
Et l’on vous mènera au Châtelet.

JOBELIN
Quoi j’aurais encore la mortification de faire le contrat de mariage de mon rival ? Ah maudit pair et non.

DORANTE
Allons, monsieur l’Abbé, et monsieur le Commissaire, venez servir de témoins et signer au contrat que nous allons passer tout à 1’heure.

LA FLÈCHE
Ma foi, voilà une véritable aventure de café.

**

Fin de la pièce.

**

Jean-Baptiste ROUSSEAU : OEUVRES.
Nouvelle édition, revuë, corrigée & augmentée sur les manuscrits de l’auteur, & conforme à l’édition in-quarto, donnée par M. SEGUY. Amsterdam, chez Marc-Michel Rey, 1759.
Tome 2 : Pièces de théâtre : les ayeux chimériques, le capricieux, le flateur, le caffé, la ceinture magique, la dupe de soi-mesme, la mandragore, Jupiter et Semele, l’héliotrope, Faune et Omphale, Ariane et Bacchus.

***


NOTES


(1)
L’épithalame, poème lyrique composé chez les Anciens à l’occasion d’un mariage et à la louange des nouveaux époux. En Grèce antique, il était chanté par un chœur avec accompagnement de danses.

(2)
La Batrachomyomachia, épopée comique parodiant l’Iliade, de 303 hexamètres dactyliques. Les vers 9 à 88 présentent des similitudes fortes avec la fable d’Ésope : Le Rat et la grenouille. Elle fut largement attribuée, dans l’Antiquité, à Homère.
« En commençant, et avant tout, je supplie le chœur des Muses de descendre du Hélikôn en mon esprit, à cause d’un chant que j’ai mis dans mes tablettes, récemment, sur mes genoux ; guerre immense, œuvre pleine du tumulte guerrier d’Arès, me flattant de faire entrer dans les oreilles de tous les hommes comment les Rats, combattants intrépides, se ruèrent sur les Grenouilles, imitant les travaux des Géants nés de Gaia, ainsi qu’on le rapporte parmi les mortels. Et cette guerre eut cette origine. » (Batrakhomyomakhia – Homère -Traduction Leconte de Lisle)

(3)
Début de la seconde satire de Juvénal
« Ultra Sauromatas fugere hinc libet, et glacialem
Oceanum, quoties aliquid de moribus audent
Qui Curios simulant, et Bacchanalia vivent…
Je fuirais volontiers dans le fond des déserts,
Sur les monts de la Thrace et par delà les mers,
Quand j’entends ces Scaurus, effrontés sycophantes,
Qui prêchent la pudeur et vivent en bacchantes..
. »
(SATURA II / SATIRE II. (Traduction de L. V. RAOUL, 1812)

(4)
Bélître ou bélitre
Terme injurieux
« C’est un misérable, un homme vil. Ce mot, qu’on croit formé du latin balatro, qui signifie gueux, coquin, parasite, s’employait autrefois pour mendiant, dans une acception qui n’avait rien de reprochable. Les pèlerins de la confrérie de Saint-Jacques, à Pontoise, avaient pris le titre de Bélistres, et les quatre ordres mendiants s’appelaient les quatre ordres de Bélistres. Montaigne a donné un féminin au mot bélître dans cette phrase remarquable (Essais, liv. iii, chap. 10) : « Desdaignons cette faim de renommée et d’honneur, basse et bélistresse, qui nous le fait coquiner de toute sorte de gens par des moyens abjects et à quelque prix que ce soit. C’est déshonneur d’estre ainsi honoré. »
Pierre-Marie Quitard, Dictionnaire étymologique, historique et anecdotique des proverbes et des locutions proverbiales de la langue française – P. Bertrand, 1842 (p. 131).

(5)
Le Lansquenet
« LANSQUENET, (Jeu de hasard.) voici en général comme il se joue. On y donne à chacun une carte, sur laquelle on met ce qu’on veut ; celui qui a la main se donne la sienne. Il tire ensuite les cartes ; s’il amene la sienne, il perd ; s’il amene celles des autres, il gagne. Mais pour concevoir les avantages & desavantages de ce jeu, il faut expliquer quelques regles particulieres que voici. On nomme coupeurs, ceux qui prennent cartes dans le tour, avant que celui qui a la main se donne la sienne. On nomme carabineurs, ceux qui prennent cartes, après que la carte de celui qui a la main est tirée… » (Diderot, L’Encyclopédie, Première édition – 1765 (Tome 9, p. 275-276)).

(6)
Marmotter : parler confusément, en parlant entre ses dents.

POÉSIE ITALIENNE & LITTÉRATURE ITALIENNE

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Traduction Italien Jacky Lavauzelle
ARTGITATO
Traduzione di testi in italiano
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Traductions Artgitato Français Portugais Latin Tchèque Allemand Espagnol

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TRADUCTION ITALIEN

Traduzione di testi in italiano

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Rinaldo d’Aquino

La Complainte de l’amante du Croisé – Lamento dell’amante del crociato
Rinaldo Aquino Artgitato J Robert-fleury Baudouin s'empare de la ville d'Édesse 1098

**

PIERRE L’ARETIN
PIETRO ARETINO

Lettere di Aretino – Les Lettres de l’Arétin

**

Dino Campana

Donna Genovese – Dame Génoise
La Chimera – La Chimère

**

Carducci Giosuè

Poèmes (Selection) – Selezione di poesie

**

Dante Alighieri

La Vita Nuova – La Nouvelle Vie
1292

La Divine Comédie
Divina Commedia

*

Gabriele d’Annunzio

Sélection de poèmes – selezione di poesie

**

Goldoni Carlo

La bottega del caffè – Le Café

**

Giacomo Leopardi

Poèmes – La Poesia di Giacomo Leopardi
Canti – Les Chants

giacomo-leopardi-poesie-poesia-artgitato-ferrazzi-casa-leopardi

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Mastro Titta

Memorie di un carnefice scritte da lui stesso (extrait exécution Piazza del Popolo)

**

Alessandro Manzoni

Poésie

**

Giovanni Pascoli

Selezione di Poesie – Sélection de poèmes

**

Pétrarque – Francesco Petrarca

Canzoniere – Le Chansonnier 

**
Traduzione di testi in italiano
Traduction Italien

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Littérature italienne
par Henri Hauvette
1907

AVANT-PROPOS
DE LA PREMIÈRE ÉDITI0N────

Pour présenter en cinq cents pages environ un tableau d’ensemble de la littérature italienne, on pouvait choisir entre deux partis : dresser un répertoire méthodique, aussi complet que possible, des auteurs et des œuvres, en consacrant à chacun une notice biographique et analytique ; ou bien sacrifier résolument les écrivains secondaires, pour s’étendre davantage sur les poètes et les penseurs les plus connus et les plus représentatifs, de façon à caractériser surtout les grandes époques et les principaux courants d’inspiration, qui constituent la véritable originalité de la littérature italienne.

C’est à ce dernier parti que je me suis arrêté sans hésitation : l’étude de Dante, Pétrarque, Boccace, Machiavel, Guichardin, l’Arioste, le Tasse, Métastase, Goldoni, Parini, Alfieri, Monti, Foscolo, Manzoni, Leopardi, G-. Carducci, occupe à peu près la moitié du présent volume. Les auteurs secondaires sont mentionnés, en grand nombre, mais très brièvement, parmi les précurseurs ou les épigones des personnalités les plus saillantes, dans les chapitres consacrés à expliquer l’enchaînement des périodes, les progrès ou les reculs de l’art et du goût.

Pour rendre encore d’un dessin plus facile à saisir dans son ensemble le développement de la littérature si complexe et si variée de l’Italie, l’exposé en a été divisé en quatre parties, correspondant à quatre étapes de la pensée et de la civilisation. La détermination de ces périodes est naturellement sujette à discussion, d’autant plus que je me suis écarté ici de certaines habitudes prises. Mon unique préoccupation a été de mettre en pleine lumière les caractères qui m’ont toujours le plus frappé dans l’évolution de la littérature italienne, depuis le milieu du XIIIe siècle jusqu’au commencement du XXe. Le seul élément personnel que l’on puisse introduire dans un livre très général, comme celui-ci, n’est-il pas justement la façon d’en concevoir le plan ? Sans doute, il faut être Pascal pour oser écrire : « Qu’on ne dise pas que je n’ai rien dit de nouveau : la disposition des matières est nouvelle… » ; cette déclaration orgueilleuse définit pourtant à merveille la seule originalité permise à un ouvrage dont la matière a déjà été traitée, discutée, analysée, retournée en tous sens par d’innombrables critiques.

La littérature moderne et contemporaine a été l’objet de soins particuliers ; non que l’on doive s’attendre à rencontrer dans le chapitre final de longues appréciations sur les œuvres parues en Italie depuis une trentaine d’années ; mais il a semblé utile de donner une nomenclature assez riche des auteurs qui se sont distingués, ou se distinguent actuellement dans les diverses branches de l’activité littéraire, avec quelques renseignements précis sur leur âge, sur la date de leurs publications les plus importantes, sur leurs tendances artistiques, etc.

Quelques lecteurs regretteront peut-être de ne pas trouver à la fin du livre le complément d’une bibliographie, indiquant les ouvrages généraux à consulter, et aussi quelques sources particulières, au moins pour certaines périodes et certaines œuvres. Après y avoir mûrement réfléchi, j’ai cru devoir y renoncer, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les études relatives à la civilisation italienne ont pris une telle extension au xixe siècle, tant en Italie que dans le reste de l’Europe, et même en Amérique, qu’il devient très difficile de distinguer le bon grain de l’ivraie, c’est-à-dire de faire un choix personnel, de dresser une bibliographie originale. J’aurais dû en conscience mentionner tous les ouvrages que j’ai consultés, depuis plus de quinze ans que la langue et la littérature italiennes ont fait l’objet unique de mon enseignement. Mais cet appendice aurait été aussi incomplet (car on ne peut tout lire) que disproportionné. Il ne pouvait me plaire d’abréger, en les démarquant, les résumés bibliographiques que d’autres ont faits, et bien faits. À quoi bon présenter au public un reflet médiocre de ce qu’il peut trouver dans des ouvrages excellents, accessibles à tous ?

Cette dernière considération m’a définitivement arrêté. Depuis quelques années, les histoires générales et les manuels de littérature italienne se sont singulièrement multipliés, et parmi ces publications, plusieurs sont de remarquables mises au point du travail critique actuellement accompli. C’est pour moi une dette de reconnaissance de citer dès ces premières pages les ouvrages que j’ai eus constamment sous la main :

Storia letteraria d’Italia ; 10 volumes par différents auteurs ; Milan, Vallardi ; 1898-1906. Chaque volume est pourvu d’abondantes notes bibliographiques.

A. d’Ancona et O. Bacci, Manuale della letteratura italiana ; 5 volumes, Florence, Barbèra ; 2e ed., 1900 et suiv. – Ce Manuel contient des notices très soignées sur près de 400 auteurs, avec de longs extraits de leurs œuvres.

D’autre part, les périodiques ne manquent pas, qui permettent au travailleur de se tenir au courant des publications nouvelles. Je ne citerai que quatre des principales revues spéciales d’histoire littéraire :

Bullettino della Società dantesca italiana, Florence (sur Dante et son temps).

Giornale storico della letteratura italiana, Turin (avec le meilleur dépouillement des périodiques italiens et étrangers).

Rassegna bibliografica della letteratura italiana, Pise ;

Rassegna critica della letteratura italiana, Naples.

Parmi les manuels plus courts, je n’ai garde d’oublier deux publications scolaires d’une haute valeur, toutes deux avec des notes bibliographiques très soignées :

Vittorio Rossi, Storia della letteratura ilaliana ; 3 vol., Milan, Vallardi ; 3° éd., 1905-1906.

Francesco Flamini, Compendio di storia della letteratura italiana ; 1 vol., Livourne, Giusti ; 6° éd. 1906.

Le dernier chapitre du présent volume mentionne en outre les ouvrages de critique et d’histoire littéraire les plus remarquables publiés en Italie depuis une trentaine d’années. Ai-je trop présumé des capacités de mes lecteurs, en estimant que l’aide de ces indications, si sommaires qu’elles soient, ils pourraient s’orienter assez vite, et dresser eux-mêmes une bibliographie très suffisante sur un point spécial ? Il ne m’a pas paru que la grande affaire fut d’étaler devant eux une érudition facile, mais bien de leur désigner les guides les plus sûrs.

M. Ferdinando Neri, docteur de l’Université de Turin et lauréat de l’Institut Supérieur de Florence, lecteur de langue ilalienne à l’Université de Grenoble a bien voulu relire sur épreuves la première édition de ce livre. Il sait combien je lui en suis reconnaissant ; mais ce que je tiens à dire publiquement, c’est qu’il a mis au service de cette révision le même souci d’exactitude rigoureuse qui a contribué, avec bien d’autres qualités, à faire si hautement estimer ses premières publications, relatives à la littérature de la Renaissance. Je lui suis redevable, sur beaucoup de points particuliers, de très utiles conseils.

Henri Hauvette
Grenoble
juin 1906

le café GOLDONI – LA BOTTEGA DEL CAFFE GOLDONI ATTO TERZO Scena Sesta- LE CAFE ACTE 3 Scène 6

le Café Goldoni

LA BOTTEGA DEL CAFFE GOLDONI
ATTO TERZO- Scena Sesta
Le Café GOLDONI

ACTE III Scène 6
Traduction – Texte Bilingue
Carlo Osvaldo Goldoni

LITTERATURE ITALIENNE

letteratura italiana

CARLO GOLDONI
1707- 1793

La bottega del caffe goldoni le cafe texte et traduction artgitato

 

Traduction Jacky Lavauzelle

La bottega del caffè

LE CAFE

1750 – 1751

*************

Carlo_Goldoni_-_1750Carlo_Goldoni_-_1750Carlo_Goldoni_-_1750Carlo_Goldoni_-_1750Carlo_Goldoni_-_1750

ATTO TERZO
ACTE III

Scène 6
Scena Sesta

Ridolfo ed Eugenio.
Ridolfo et Eugenio

RIDOLFO
Se posso, voglio vedere di far del bene anche a questa povera diavola.

Si je peux, j’aiderai cette pauvre chose.
E nello stesso tempo facendola partire con suo marito, la signora Vittoria non avrà più di lei gelosia.
Et en même temps, si elle peut prendre congé avec son mari, Madame Vittoria ne sera plus jalouse.
Già mi ha detto qualche cosa della pellegrina.
Déjà, elle m’a dit des choses sur la pèlerine.

EUGENIO
Voi siete un uomo di buon cuore.

Vous êtes un homme de cœur.
In caso di bisogno, troverete cento amici che s’impegneranno per voi.
En cas de besoin, vous trouverez une centaine d’amis qui s’engageront à vos côtés.

RIDOLFO
Prego il cielo di non aver bisogno di nessuno.
Je prie le ciel de n’avoir besoin de personne.
In tal caso non so che cosa potessi sperare.
Si ça arrivait, je ne sais pas ce que je pourrais espérer.
Al mondo vi è dell’ingratitudine assai.
Dans le monde, il y a beaucoup trop d’ingratitude.

EUGENIO
Di me potrete disporre finch’io viva.

Moi vivant, je suis à votre disposition.

RIDOLFO
La ringrazio infinitamente.

Je vous remercie beaucoup.
Ma badiamo a noi.
Mais prenons soin de nous.
Che pensa ella di fare?
Que pensez-vous faire d’elle ?
Vuol andar in camerino da sua moglie, o vuol farla venire in bottega?
Voulez-vous aller dans le salon où se trouve votre femme, ou voulez-vous la faire venir à la boutique ?
Vuol andar solo? 
Voulez-vous y aller seul ?
Vuole che venga anch’io? 
Faut-il que je vienne ?
Comandi.
Commandez.

EUGENIO
In bottega non istà bene;

Dans le magasin ? Non, je ne trouve pas ça bien ;
se venite anche voi, avrà soggezione.
si vous venez aussi, elle ne sera pas à son aise.
Se vado solo, mi vorrà cavare gli occhi…
Si j’y vais seul, elle m’arrachera les yeux
Non importa;
Peu importe;
ch’ella si sfoghi;
Qu’elle s’emporte;
che poi la collera passerà.
alors la colère passera.
Anderò solo.
Je vais y aller seul.

RIDOLFO
Vada pure col nome del cielo.

Allez-y avec l’aide du ciel.

EUGENIO
Se bisogna, vi chiamerò.

Si besoin, je vous appellerai.

RIDOLFO
Si ricordi che io non servo per testimonio.

Souvenez-vous que je ne souhaite pas servir de témoin.

EUGENIO
Oh, che caro Ridolfo! Vado.

Oh, ce cher Ridolfo !
in atto di incamminarsi
Comme s’il s’éloignait

RIDOLFO
Vai bravo!

Bon courage !

EUGENIO
Che cosa credete che abbia da essere?

Comment pensez-vous que cela se passera ?

RIDOLFO
Bene.

Bien.

EUGENIO
Pianti, o graffiature?

Des pleurs ou bien des griffures ?

RIDOLFO
Un poco di tutto.

Un peu des deux !

EUGENIO
E poi?

Et ensuite ?

RIDOLFO
Ognun dal canto suo cura si prenda.

Chacun prendra sa part.

EUGENIO
Se non chiamo, non venite.

Si je ne vous appelle pas, ne venez pas.

RIDOLFO
Già ci s’intende.

C’est bien entendu

EUGENIO
Vi racconterò tutto.

Je vous raconterai tout ensuite.

RIDOLFO
Via, andate.

Allez ! Partez !

EUGENIO
Grand’uomo è Ridolfo!

Un grand homme que ce Ridolfo !
Gran buon amico!
Un vrai bon ami !

 entra nella bottega interna
il entre à l’intérieur du café

*****************
 Traduction Jacky Lavauzelle
    ARTGITATO
  *****************

la bottega del caffe Goldoni atto terzo Scena Sesta
le café Goldoni acte 3 scène 6
La bottega del caffè
le café Goldoni

le café GOLDONI – LA BOTTEGA DEL CAFFE GOLDONI ATTO TERZO Scena Quinta- LE CAFE ACTE 3 Scène 5

le Café Goldoni

LA BOTTEGA DEL CAFFE GOLDONI
ATTO TERZO- Scena Quinta
Le Café GOLDONI

ACTE III Scène 5
Traduction – Texte Bilingue
Carlo Osvaldo Goldoni

LITTERATURE ITALIENNE

letteratura italiana

CARLO GOLDONI
1707- 1793

La bottega del caffe goldoni le cafe texte et traduction artgitato

 

Traduction Jacky Lavauzelle

La bottega del caffè

LE CAFE

1750 – 1751

*************

Carlo_Goldoni_-_1750Carlo_Goldoni_-_1750Carlo_Goldoni_-_1750Carlo_Goldoni_-_1750Carlo_Goldoni_-_1750

ATTO TERZO
ACTE III

Scène 5
Scena Quinta

Il garzone del barbiere dalla sua bottega e detti.
Le garçon du barbier de la boutique

GARZONE
Le Garçon
Che volete m’esser Ridolfo?
Que voulez-vous Messer Ridolfo ?

RIDOLFO
Dite al vostro padrone che mi faccia il piacere di tener questa pellegrina in bottega per un poco, fino che venga io a ripigliarla.
Dites à votre maître qu’il me fasse le plaisir de prendre cette pèlerine dans son magasin pendant un certain temps, jusqu’à ce que je vienne la reprendre.

GARZONE
Volentieri, venga, venga, padrona, che imparerà a fare la barba.
Volontiers, venez, venez, madame, je vais vous apprendre à raser.
Benché, per pelare, la ne saprà più di noi altri barbieri.
 Bien que, pour raser, vous en savez plus que nous autres barbiers.

 rientra in bottega
il rentre dans la boutique

PLACIDA
Tutto mi convien soffrire per causa di quell’indegno.
Tout ce que je dois souffrir à cause de cet indigne.
Povere donne!
Pauvres femmes !
E’ meglio affogarsi, che maritarsi così.
Il est préférable de se noyer que de se marier ainsi

entra dal barbiere
elle entre dans la boutique

 

*****************
 Traduction Jacky Lavauzelle
    ARTGITATO
  *****************

la bottega del caffe Goldoni atto terzo Scena Quinta
le café Goldoni acte 3 scène 5
La bottega del caffè
le café Goldoni

le café GOLDONI – LA BOTTEGA DEL CAFFE GOLDONI ATTO TERZO Scena Quarta- LE CAFE ACTE 3 Scène 4

le Café Goldoni

LA BOTTEGA DEL CAFFE GOLDONI
ATTO TERZO- Scena Quarta
Le Café GOLDONI
ACTE III Scène 4
Traduction – Texte Bilingue
Carlo Osvaldo Goldoni

LITTERATURE ITALIENNE

letteratura italiana

CARLO GOLDONI
1707- 1793

La bottega del caffe goldoni le cafe texte et traduction artgitato

 

Traduction Jacky Lavauzelle

La bottega del caffè

LE CAFE

1750 – 1751

*************

Carlo_Goldoni_-_1750Carlo_Goldoni_-_1750Carlo_Goldoni_-_1750Carlo_Goldoni_-_1750Carlo_Goldoni_-_1750

ATTO TERZO
ACTE III

Scène 4
Scena Quarta

Ridolfo ed Eugenio e detta.
Ridolfo et Eugenio

RIDOLFO
Eh via, cosa sono queste difficoltà?

Eh là, quelles sont toutes ces difficultés ?
Siamo tutti uomini, tutti soggetti ad errare.
Nous sommes tous des hommes, tous destinés à errer.
Quando l’uomo si pente, la virtù del pentimento cancella tutti il demerito dei mancamenti.
Quand l’homme se repent, la vertu du repentir efface tout le démérite du manquement.

EUGENIO
 Tutto va bene, ma mia moglie non mi crederà più.
Tout va bien, mais ma femme ne me croit plus.

RIDOLFO
Venga con me;

Venez avec moi;
lasci parlare a me.
Laissez-moi lui parler.
La signora Vittoria le vuol bene;
Madame Vittoria vous aime bien ;
tutto si aggiusterà.
tout se passera bien.

PLACIDA
Signor Eugenio?

Monsieur Eugenio ?

RIDOLFO
Il signor Eugenio si contenti di lasciarlo stare.

Monsieur Eugenio, laissez-le tranquille.
Ha altro che fare, che badare a lei.
Il a une autre affaire qui l’occupe aisément.

PLACIDA
Io non pretendo di sviarli da’ suoi interessi.

Je ne prétends pas qu’il se détourne de ses intérêts.
Mi raccomando a tutti nello stato miserabile in cui mi ritrovo.
Je me recommande à tous vu l’état misérable dans lequel je me trouve.

EUGENIO
 Credetemi, Ridolfo, che questa povera donna merita compassione;
Croyez-moi, Ridolfo, cette pauvre femme mérite la compassion;
è onestissima, e suo marito è un briccone.
Elle est très honnête, et son mari est un scélérat.

PLACIDA
Egli mi ha abbandonata in Torino.

Il m’a abandonnée à Turin.
Lo ritrovo in Venezia, tenta uccidermi, ed ora è sulle mosse per fuggirmi nuovamente di mano.
Je le trouve ici à Venise, il essaie de me tuer, et il est maintenant sur le point de fuir à nouveau.

RIDOLFO
Sa ella dove egli sia?

Vous savez où il se trouve ?

PLACIDA
E’ qui in casa della ballerina;

Il est ici dans la maison de la danseuse ;
mette insieme le sue robe e fra poco se ne andrà.
Il rassemble ses affaires et d’ici peu il sortira.

RIDOLFO
 Se andrà via, lo vedrà.
S’il part, vous allez le voir.

PLACIDA
Partirà per la porta di dietro, ed io non lo vedrò, o se sarò scoperta mi ucciderò.

Il partira par la porte arrière, et je ne le verrai pas, s’il me découvre, il me tuera.

RIDOLFO
 Chi ha detto che anderà via per la porta di dietro?
Qui a dit qu’il passera par la porte de derrière ?

PLACIDA
Quel signore che si chiama Don Marzio.

Le monsieur qui s’appelle Don Marzio.

RIDOLFO
La tromba della comunità.

La trompette de la communauté.
Faccia così: 
Ecoutez :
 si ritiri in bottega qui del barbiere;
retirez-vous dans la boutique du barbier ;
stando lì si vede la porticina segreta.
de là  vous verrez la porte secrète.
Subito che lo vede uscire, mi avvisi, e lasci operare me.
Une fois que vous le verrez sortir, avisez-moi, et laissez-moi opérer.

PLACIDA
In quella bottega non mi vorranno.

Dans ce magasin, ils ne voudrons pas de moi.

RIDOLFO
 Ora… Ehi, m’esser Agabito?

Ola !…Eh ! Messer Agabito ?

(chiama)
il appelle

*****************
 Traduction Jacky Lavauzelle
    ARTGITATO
  *****************

la bottega del caffe Goldoni atto terzo Scena Quarta
le café Goldoni acte 3 scène 4
La bottega del caffè
le café Goldoni

le café GOLDONI – LA BOTTEGA DEL CAFFE GOLDONI ATTO TERZO Scena Terza – LE CAFE ACTE 3 Scène 3

le Café Goldoni

LA BOTTEGA DEL CAFFE GOLDONI
ATTO TERZO- Scena Terza
Le Café GOLDONI
ACTE III Scène 3
Traduction – Texte Bilingue
Carlo Osvaldo Goldoni

LITTERATURE ITALIENNE

letteratura italiana

CARLO GOLDONI
1707- 1793

La bottega del caffe goldoni le cafe texte et traduction artgitato

 

Traduction Jacky Lavauzelle

La bottega del caffè

LE CAFE

1750 – 1751

*************

Carlo_Goldoni_-_1750Carlo_Goldoni_-_1750Carlo_Goldoni_-_1750Carlo_Goldoni_-_1750Carlo_Goldoni_-_1750

ATTO TERZO
ACTE III

Scène 3
Scena Terza

Placida dalla locanda e detto.
Placida de l’auberge

PLACIDA
Sì, nasca quel che può nascere, voglio ritrovare quell’indegno di mio marito.
Oui, quoiqu’il en soit, je veux trouver cet homme indigne que j’ai comme mari.

DON MARZIO
Pellegrina, come va?

Pèlerine, comment allez-vous ?

PLACIDA
Voi, se non m’inganno, siete uno di quelli che erano alla tavola con mio marito?

Vous, si je ne me trompe, étiez aussi à table avec mon mari ?

DON MARZIO
Si, son quello delle castagne secche.

Oui, je suis celui qui a des châtaignes sèches.

PLACIDA
Per carità ditemi dove si trova quel traditore.

Pour l’amour du ciel, pouvez-vous me dire où se trouve ce traître ?

DON MARZIO
Io non lo so, e quand’anche lo sapessi, non ve lo direi.
Je ne sais pas, et même si je le savais, je ne dirais rien.

PLACIDA
Per che causa?

Pour quelle raison ?

DON MARZIO
Perché se lo trovate, farete peggio.
Parce que si vous le trouvez, ce sera pire encore.
 Vi ammazzerà.
Il vous tuera.

PLACIDA
Pazienza.

Tant pis.
Avrò terminato almen di penare.
J’en aurai terminé de souffrir.

DON MARZIO
Eh, spropositi!

Oh, bêtises !
Bestialità!
Idiotie !
Ritornate a Torino.
Repartez à Turin.

PLACIDA
Senza mio marito?

Sans mon mari ?

DON MARZIO
Sì; senza vostro marito.

Oui, sans votre mari.
Ormai, che volete fare?
A présent, que vous voulez en faire?
E’ un briccone.
C ‘est un coquin !

PLACIDA
Pazienza!

Tant pis !
 almeno vorrei vederlo.
au moins, j’aimerais le revoir.

DON MARZIO
Oh, non lo vedete più.

Oh, vous ne le verrez plus.

PLACIDA
Per carità, ditemi, se lo sapete;

Pour l’amour du ciel, dites-moi ce que vous savez.
è egli forse partito?
est-il parti ?

DON MARZIO
E’ partito, e non è partito.
Il est parti sans partir.

PLACIDA
Per quel che vedo, V. S. sa qualche cosa di mio marito?

A ce que je vois, Votre Seigneurie sait quelque chose à propos de mon mari ?

DON MARZIO
Io?
Moi ?
So, e non so, ma non parlo.
Je sais et je ne sais pas, mais je ne parle pas !

PLACIDA
Signore, muovetevi a compassione di me.

Seigneur, ayez de la compassion pour moi.

DON MARZIO
Andate a Torino, e non pensate ad altro.

Partez à Turin, et ne pas pensez plus à autre chose.
Tenete, vi dono questi due zecchini.
Tenez, voici ces deux sequins.

PLACIDA
Il Cielo vi rimeriti la vostra carità;
Le Ciel remercie votre bienfaisance;
ma non volete dirmi nulla di mio marito?
mais vous ne voulez-vous pas me dire quelque chose à propos de mon mari ?
Pazienza!
Tant pis !
me ne anderò disperata.
Je pars désespérée.
in atto di partire piangendo
elle mime un départ en pleurant

DON MARZIO
Povera donna!

Pauvre femme !
da sé
à part
Ehi?
Eh ?
la chiama
il l’appelle

PLACIDA
Signore!

Monsieur !

DON MARZIO
Vostro marito è qui in casa della ballerina, che prende la sua roba, e partirà per la porta di dietro.
Votre mari est ici, dans la maison de la danseuse, il prend ses affaires et va sortir par la porte de derrière.
parte
il part

PLACIDA
E’ in Venezia! 

Il est à Venise !
Non è partito!
Il n’est donc pas parti !
E’ in casa della ballerina!
Il est ici dans la maison de la danseuse!
Se avessi qualcheduno che mi assistesse, vorrei di bel nuovo azzardarmi.
Si j’avais quelqu’un pour m’aider, je tenterais bien autre chose.
Ma così sola temo di qualche insulto.
Mais seule, je peux craindre quelques insultes.

*****************
 Traduction Jacky Lavauzelle
    ARTGITATO
  *****************

la bottega del caffe Goldoni atto terzo Scena terza
le café Goldoni acte 3 scène 3

La bottega del caffè
le café Goldoni

le café GOLDONI – LA BOTTEGA DEL CAFFE GOLDONI ATTO TERZO Scena Seconda- LE CAFE ACTE 3 Scène 2

le Café Goldoni

LA BOTTEGA DEL CAFFE GOLDONI
ATTO TERZO- Scena Seconda
Le Café GOLDONI
ACTE III Scène 2
Traduction – Texte Bilingue
Carlo Osvaldo Goldoni

LITTERATURE ITALIENNE

letteratura italiana

CARLO GOLDONI
1707- 1793

La bottega del caffe goldoni le cafe texte et traduction artgitato

 

Traduction Jacky Lavauzelle

La bottega del caffè

LE CAFE

1750 – 1751

*************

Carlo_Goldoni_-_1750Carlo_Goldoni_-_1750Carlo_Goldoni_-_1750Carlo_Goldoni_-_1750Carlo_Goldoni_-_1750

ATTO TERZO
ACTE III

Scène 2
Scena Seconda

Don Marzio che osserva coll’occhialetto, e ride fra sé, e detti.
Don Marzio qui observe avec son lorgnon, et rit de lui-même.

LEANDRO
Non avete meco gittato il tempo.

Non, vous n’avez pas perdu de temps.

LISAURA
Sì, sono stata anch’io a parte de’ vostri indegni profitti.

Oui, j’ai fait aussi partie de vos profits indignes.
Arrossisco in pensarlo;
Je rougis rien que d’y penser ;
andate al diavolo, e non vi accostate più a questa casa.
aller en enfer, et ne vous approchez plus de cette maison.

LEANDRO
Ci verrò a prendere la mia roba.

Je vais prendre mes affaires.

DON MARZIO
ride, e burla di nascosto Leandro

Qui rit, et plaisante sur Leandro

LISAURA
La vostra roba vi sarà consegnata dalla mia serva.

Vos affaires serons livrés par ma femme de chambre.
 entra, e chiude la porta
  elle entre et ferme la porte

LEANDRO
A me un insulto di questa sorta? 

A moi, me faire une insulte de ce genre?
Me la pagherai.
Tu me le paieras !

DON MARZIO
ride, e, voltandosi Leandro, si compone in serietà

Il rit, et, se tournant vers Leandro, redevient grave

LEANDRO
Amico, avete veduto?

Ami, vous avez vu ?

DON MARZIO
Che cosa?

Quoi ?
Vengo in questo punto.
J’arrive juste à l’instant.

LEANDRO
Non avete veduto la ballerina sulla porta?

Vous n’avez pas vu la danseuse à la porte?

DON MARZIO
No, certamente, non l’ho veduta.

Non, vraiment, je ne l’ai pas vue.

LEANDRO
a sé

à part
Manco male!
C’est le moindre mal !

DON MARZIO
Venite qua, parlatemi da galantuomo, confidatevi con me, e state sicuro, che i fatti vostri non si sapranno da chi che sia. 

Venez ici, me parler en homme, mettez votre confiance en moi, et soyez assuré que vos histoires ne seront connus de personne.
Voi siete forestiere, come sono io, ma io ho più pratica del paese di voi.
Vous êtes un étranger, comme moi, mais j’ai plus de pratique dans ce pays que vous.
Se vi occorre protezione, assistenza, consiglio, e sopra tutto segretezza, son qua io.
Si vous avez besoin de protection, assistance ou conseil, et surtout de confidentialité, je suis votre homme.
Fate pur capitale di me.
Faites de moi votre meilleur capital.
Di cuore, con premura, da buon amico; 
Ouvrez votre cœurcomme à un bon ami ;
senza che nessuno sappia niente.
sans que personne ne sache rien.

LEANDRO
Giacché con tanta bontà vi esibite di favorirmi, aprirò a voi tutto il mio cuore, ma per amor del cielo vi raccomando la segretezza.

Puisqu’avec tant de bonté vous m’offrez votre amitié, je vais vous ouvrir tout grand mon cœur, mais pour l’amour du ciel, je recommande le secret absolu.

DON MARZIO
Andiamo avanti.

Allons, je vous écoute.

LEANDRO
Sappiate che la pellegrina è mia moglie.

Sachez que la pèlerine est ma femme !

DON MARZIO
Buono!

Bien !

LEANDRO
Che l’ho abbandonata in Torino.

Que je l’ai abandonnée à Turin.

DON MARZIO
 da sé, guardandolo con l’occhialetto
à lui même en regardant avec ses lunettes
 Oh che briccone!
Oh ! Le coquin !

LEANDRO
Sappiate ch’io non sono altrimenti il conte Leandro.

Sachez que je ne suis pas le comte Leandro.

DON MARZIO
da sé, come sopra
à part, comme ci-dessus

 Meglio.
De mieux en mieux

LEANDRO
I miei natali non sono Nobili.

Ma naissance n’est pas noble.

DON MARZIO
Non sareste già figliuolo di qualche birro?

Vous ne seriez pas le fils d’un quelconque sbire, par hasard ?

LEANDRO
Mi maraviglio, signore;
Je vous demande pardon, monsieur;
son nato povero, ma di gente onorata.
Je suis né pauvre, mais de gens honorables

DON MARZIO
Via, via:
Bien, bien :
tirate avanti.
poursuivez.

LEANDRO
Il mio esercizio era di scritturale..
J’étais comptable

DON MARZIO
Troppa fatica, non è egli vero?

Trop de problèmes, n’est-ce pas ?

LEANDRO
E desiderando vedere il mondo…

Et je désirais tant voir le monde
Son venuto a Venezia…
Je suis venu à Venise …

DON MARZIO
A fare il birbante.

Pour faire le coquin.

LEANDRO
Ma voi mi strapazzate.

Mais vous m’insultez !
Questa non è la maniera di trattare.
Cela ne se fait pas de traiter les gens de cette manière !

DON MARZIO
Sentite:

Écoutez !
io ho promesso proteggervi, e lo farò;
J’ai promis de vous protéger, et je le ferai;
ho promesso segretezza, e la osserverò;
J’ai promis le secret, et je l’observerai;
ma fra voi e me avete da permettermi che possa dirvi qualche cosa amorosamente.
mais de vous à moi, vous devez me laisser vous dire quelque chose amicalement.

LEANDRO
Vedete il caso in cui mi ritrovo;

Vous voyez où je suis ;
se mia moglie mi scopre, sono esposto a qualche disgrazia.
si ma femme me trouve, je m’expose à un malheur.

DON MARZIO
Che pensereste di fare?

Que pensez-vous faire?

LEANDRO
Si potrebbe vedere di far cacciar via di Venezia colei?

On pourrait la chasser de Venise ?

DON MARZIO
Via, via.

Allez
 Si vede che siete un briccone.
Vous voyez que vous êtes un coquin.

LEANDRO
Come parlate, signore?

Comme vous me parlez, monsieur?

DON MARZIO
Fra voi e me, amorosamente.

Entre vous et moi, amicalement.

LEANDRO
Dunque anderò via io;

C’est donc moi qui partirai ;
basta che colei non lo sappia.
je souhaite seulement qu’elle ne le sache pas.

DON MARZIO
Da me non lo saprà certamente.

De moi, elle ne saura rien, certainement.

LEANDRO
Mi consigliate ch’io parta?

Vous me recommandez donc que je parte ?

DON MARZIO
Sì, questo è il miglior ripiego.

Oui, cela semble la meilleure option.
Andate subito:
Partez tout de suite:
prendete una gondola;
Prenez une gondole ;
fatevi condurre a Fusina, prendete le poste, e andatevene a Ferrara.
que l’on vous conduise à Fusina, prenez ensuite la poste, et sortez à Ferrare.

LEANDRO
Anderò questa sera;

Je m’en irai donc ce soir;
già poco manca alla notte.
et c’est déjà la nuit.
Voglio prima levar le mie poche robe, che sono qui in casa della ballerina.
Je veux récupérer les choses qui sont ici dans la maison de la danseuse.

DON MARZIO
Fate presto, e andate via subito.

Faites vite et partez immédiatement.
Non vi fate vedere.
Sans vous faire voir.

LEANDRO
Uscirò per la porta di dietro, per non esser veduto.

Je passerai par la porte arrière, pour ne pas être vu.

DON MARZIO
da sé 
à part
 Lo diceva io;
Je le disais :
  si serve per la porta di dietro.
Il se sert de la porte à l’arrière.

LEANDRO
Sopra tutto vi raccomando la segretezza.

Avant tout, je vous recommande le secret.

DON MARZIO
Di questa siete sicuro.

Vous pouvez être sûr de cela.

LEANDRO
Vi prego d’una grazia, datele questi due zecchini

S’il vous plaît une grâce, donnez-lui ces deux sequins
gli dà due zecchini;
Il lui donne deux sequins
poi mandatela via.
puis qu’elle parte.
Scrivetemi, e torno subito.
Écrivez-moi, et je reviendrai.

DON MARZIO
Le darò i due zecchini.

Je vais lui donner les deux sequins.
Andate via.
Allez-vous-en.

LEANDRO
Ma assicuratevi che ella parta…

Mais assurez-vous qu’elle est partie

DON MARZIO
Andate via, che siate maledetto!

Allez-vous, vous êtes maudit !

LEANDRO
Mi scacciate?

Vous me chassez ?

DON MARZIO
Ve lo dico amorosamente, per vostro bene;
Je vous le dis amicalement, pour votre bien ;
 andate, che il diavolo vi porti.
allez et que le diable vous emporte.

LEANDRO
Oh che razza d’uomo!

Oh quel genre d’homme!
Se strapazza gli amici, che farà poi coi nemici!
S’il malmène ses amis, que doit-il faire à ses ennemis !
va in casa di Lisaura
Il entre dans la maison de Lisaura

DON MARZIO
Il signor Conte! Briccone! Il signor Conte!

Monsieur le Comte ! Ah, le coquin ! Monsieur le Comte !
Se non si fosse raccomandato a me, gli farei romper l’ossa di bastonate.
S’il ne s’était pas recommandé à moi, je lui aurais rompu les os par une bonne bastonnade.

*****************
 Traduction Jacky Lavauzelle
    ARTGITATO
  *****************

la bottega del caffe Goldoni atto terzo Scena seconda
le café Goldoni acte 3 scène 2

La bottega del caffè
le café Goldoni

le café GOLDONI – LA BOTTEGA DEL CAFFE GOLDONI ATTO TERZO Scena Prima- LE CAFE ACTE 3 Scène 1

le Café Goldoni

LA BOTTEGA DEL CAFFE GOLDONI
ATTO TERZO- Scena Prima
Le Café GOLDONI
ACTE III Scène 1
Traduction – Texte Bilingue
Carlo Osvaldo Goldoni

LITTERATURE ITALIENNE

letteratura italiana

CARLO GOLDONI
1707- 1793

La bottega del caffe goldoni le cafe texte et traduction artgitato

 

Traduction Jacky Lavauzelle

La bottega del caffè

LE CAFE

1750 – 1751

*************

Carlo_Goldoni_-_1750Carlo_Goldoni_-_1750Carlo_Goldoni_-_1750Carlo_Goldoni_-_1750Carlo_Goldoni_-_1750

ATTO TERZO
ACTE III

Scène 1
Scena Prima

Leandro scacciato di casa da Lisaura.
Leandro est rejeté par Lisaura de sa maison

LEANDRO
A me un simile trattamento?
Pour moi, un tel traitement ?

LISAURA
(sulla porta)
(à la porte)
Sì, a voi, falsario, impostore!
Oui, vous, faussaire, imposteur !

LEANDRO
Di che vi potete dolere di me? 
Que pouvez-vous me reprocher de mal ?
D’aver abbandonata mia moglie per causa vostra?
D’avoir abandonné ma femme à cause de vous ?

LISAURA
Se avessi saputo, che eravate ammogliato, non vi avrei ricevuto in mia casa.
Si j’avais su que vous étiez marié, je ne vous aurais jamais reçu dans ma maison.

LEANDRO
Non sono stato io il primo a venirvi.
Je suis pas le premier à y venir.

LISAURA
Siete però stato l’ultimo.
Mais vous êtes le dernier.

*****************
 Traduction Jacky Lavauzelle
    ARTGITATO
  *****************

la bottega del caffe Goldoni atto terzo Scena prima
le café Goldoni acte 3 scène 1

La bottega del caffè
le café Goldoni

le café GOLDONI – LA BOTTEGA DEL CAFFE GOLDONI ATTO SECONDO Scena ventiseiesima- LE CAFE ACTE 2 Scène 26

le Café Goldoni

LA BOTTEGA DEL CAFFE GOLDONI
ATTO SECONDO- Scena ventiseiesima
Le Café GOLDONI
ACTE II Scène 26
Traduction – Texte Bilingue
Carlo Osvaldo Goldoni

LITTERATURE ITALIENNE

letteratura italiana

CARLO GOLDONI
1707- 1793

La bottega del caffe goldoni le cafe texte et traduction artgitato

 

Traduction Jacky Lavauzelle

La bottega del caffè

LE CAFE

1750 – 1751

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ATTO SECONDO
ACTE II

Scène 26
Scena ventiseiesima

Vittoria e poi Ridolfo
Vittoria et puis Ridolfo

VITTORIA
Questa è l’ultima volta che mi vede piangere.
Et c’est bien la dernière fois qu’il me voit pleurer.
 O si pente, e sarà il mio caro marito;
Soit il se repend et il redeviendra alors mon cher mari ;
o persiste, e non sarò più buona a soffrirlo.
Soit il persiste et je ne pourrais plus le supporter.

RIDOLFO
Signora Vittoria, cattive nuove;
Madame Vittoria, les nouvelles ne sont pas bonnes !
non vi è più.
je ne le vois plus.
 E’ andato via per la porticina.
Il est parti par la petite porte.

VITTORIA
Non ve l’ho detto ch’è perfido, ch’è ostinato?
Est-ce que je n’avais pas dit qu’il était perfide et obstiné ?

RIDOLFO
Ed io credo che sia andato via per vergogna, pieno di confusione, per non aver coraggio di chiederle scusa, di domandarle perdono.
Et je pense qu’il est parti car trop honteux, plein de confusion, il n’avait pas le courage de présenter des excuses et demander pardon.

VITTORIA
Eh, che da una moglie tenera, come son io, sa egli quanto facilmente può ottenere il perdono.
Eh, qu’avec une tendre épouse, comme je suis, il sait bien qu’il peut facilement se faire pardonner.

RIDOLFO
Osservi.
Regardez !
E’ andato via senza cappello.
Il est parti sans prendre son chapeau.
prende il cappello in terra
il l’attrape au sol

VITTORIA
Perché è un pazzo.
Parce que c’est un fou !

RIDOLFO
Perché è un confuso;
Parce qu’il est confus ;
non sa quel che si faccia.
il ne doit plus savoir ce qu’il fait.

VITTORIA
Ma se è pentito, perché non dirmelo?
Mais s’il se repentit, pourquoi alors ne pas me le dire ?

RIDOLFO
Non ha coraggio.
Il n’en a peut-être pas le courage.

VITTORIA
Ridolfo, voi mi lusingate.
Ridolfo, vous dites ça pour me faire plaisir.

RIDOLFO
Faccia così:
Nous allons faire quelque chose ;
si ritiri nel mio camerino;
retirez-vous dans le salon ;
lasci che io vada a ritrovarlo, e spero di condurglielo qui, come un cagnolino.
laissez-moi aller le voir, et j‘espère vous le rapporter comme un chien.

VITTORIA
Quanto sarebbe meglio, che non ci pensassi più!
Ce serait tellement mieux si  je ne pensais plus à lui !

RIDOLFO
Anche per questa volta faccia a modo mio, e spero ch’ella non si pentirà.
Cette fois aussi faites à ma façon, et j’espère qu’il se repentira.

VITTORIA
Sì, così farò.
Oui, d’accord.
Vi aspetterò nel camerino.
Je vais attendre dans le salon.
Voglio poter dire che ho fatto tutto per un marito.
Je tiens à dire que je fais tout cela pour mon mari.
Ma se egli se ne abusa, giuro di cambiare in altrettanto sdegno d’amore.
Mais s’il abuse, je jure de changer en mépris tout mon amour.
entra nella bottega interna
elle entre dans la boutique

RIDOLFO
Se fosse un mio figlio non avrei tanta pena.
Si c’était mon enfant, je n’aurais pas moins de peine.
parte
il part

FIN ACTE II
FINE ATTO SECONDO

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 Traduction Jacky Lavauzelle
    ARTGITATO
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la bottega del caffe Goldoni atto secondo Scena ventiseiesima
le café Goldoni acte 2 scène 26

La bottega del caffè
le café Goldoni