Archives de catégorie : Cinéma

VOYAGE EN MALAISIE Pelancongan di Malaysia 马来西亚 マレーシア Малайзия

Pelancongan di Malaysia
Voyage en Malaisie




 

 MALAISIE
马来西亚
マレーシア
Малайзия

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Visiter Kuala Lumpur
Meneroka kota Kuala Lumpur

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BATU CAVES
黑风洞
பத்துமலை

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Visiter Malacca
Meneroka kota Melaka
马六甲

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ARTIS MELAYU
LES ARTISTES MALAIS
MALAYSIAN ARTISTS
马来艺人

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APPRENDRE LE MALAISIEN
Pembelajaran Bahasa Melayu

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LES ORANG ASLI
LES ABORIGENES DE MALAISIE

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LITTERATURE
kesusasteraan

Lettres de Malaisie
Paul Adam
1896

Toutes ces stations se trouvent situées au faîte de sommets rendus inaccessibles par la nature montueuse du sol, l’impénétrabilité des forêts vierges, la pestilence des marécages, et notre ignorance générale de la topographie de ces régions…

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Les Pirates Malais
Charles Hubert Lavolée
1853

A l’extrémité de l’Asie, au milieu du XIXe siècle, des bandes de forbans tiennent bravement la mer …

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La férocité des pirates malais
Charles de Varigny
1887
(L’Océanie moderne)

La férocité de ces Malais, leur mépris de la mort, ont, pendant des siècles, inspiré la terreur aux navigateurs qui se hasardaient dans ses parages…

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LE MACAQUE CRABIER 
Beruk

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Le Varan Malais
Varanus salvator

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Le périophtalme de Malaisie
(Mudskipper)

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La Malaisie
vue
par la Première Encyclopédie

 » Les habitants de cette presqu’île sont noirs, petits, bien proportionnés dans leur petite taille, & redoutables lorsqu’ils ont pris de l’opium, qui leur cause une espèce d’ivresse furieuse. Ils vont tous nus de la ceinture en haut, à l’exception d’une petite écharpe qu’ils portent tantôt sur l’une, tantôt sur l’autre épaule. Ils sont fort vifs, fort sensuels, & se noircissent les dents par le fréquent usage qu’ils font du bétel… » Louis de Jaucourt 1751

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CIVILISATIONS

Sriwijaya – Çrīvijaya

LE ROYAUME DE SRI VIJARA
Le Royaume de Çrivijaya
George Cœdès
1918

Voilà donc deux inscriptions des VIIe-VIIIe siècles émanant toutes deux d’un royaume nommé Çrīvijaya. S’agit-il dans les deux cas d’un seul et même pays ?…

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CHANSONS – MUSIQUE
Lagu – muzik

Les plus belles chansons malaisiennes
Lagu Malaysia
Ranking Artgitato

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Les Chansons de P. Ramlee
Lagu lagu P. Ramlee

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RELIGIONS

L’Islam en Malaisie

« Le règne de la civilisation indoue cessa, lorsque l’islamisme fut apporté dans l’archipel d’Asie, vers le commencement du XIIIe siècle… » (Édouard Dulaurier-1851)

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TRADUCTION MALAISIEN
Terjemahan Malaysia

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Malaysia – Malaisie




BELLA E PERDUTA Pietro Marcello : LA SOLITUDE DU SAGE (2015)




CINEMA ITALIEN
BELLA E PERDUTA
PIETRO MARCELLO
2015
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BELLA E PERDUTA
PIETRO MARCELLO

 

LA SOLITUDE DU SAGE

 

LES OEUVRES DES HOMMES NE SONT PAS BONNES
« [Et la lumière est arrivée sur le monde] et les hommes préférèrent les ténèbres plus que la lumière, [car leurs œuvres n’étaient pas bonnes] » (Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean Chapitre 3 -19), c’est cette citation que met en exergue Leopardi dans son poème LA GINESTRA O FIORE DEL DESERTO (le Genêt ou La Fleur du désert) où il évoque le Vésuve. Vésuve d’où sortira, dans Bella e Perduta, notre Polichinelle.
Non, les œuvres des hommes ne sont pas bonnes…

L’HISTOIRE ENTIERE DES HOMMES
« L’histoire de Polichinelle, c’est, hélas ! l’histoire entière de l’homme, avec tout ce qu’il a d’aveugles croyances, d’aveugles passions, d’aveugles folies, et d’aveugles joies. Le cœur se brise sur l’histoire de Polichinelle : Sunt lacrymæ rerum ! » raconte Charles Nodier en 1831 dans son Polichinelle. Et l’histoire est dure à porter et c’est cette histoire que nous déroule Pietro Marcello dans Bella e Perduta autour des restes de la propriété royale de Carditello (Reale tenuta di Carditello – Reggia di Carditello) dans la région de Naples : la société de consommation, le traitement des animaux, le pouvoir mafieux de la Camorra, la corruption des politiques, les décharges illégales, la violence…







LA DERNIERE FLEUR
Mais il y a Polichinelle, joué par Sergio Vitolo, notre agriculteur, dans son propre rôle, l’ange-gardien de Carditello, Tommaso Cestrone, et le bufflon recueilli par Tommaso, Sarchiapone. Les trois éléments du monde : le monde souterrain d’où sort Polichinelle, terrestre de notre bufflon et aérien de l’ange-gardien. La poésie du film s’axera sur ce triptyque qui nous permettra de prendre de la distance avec le vulgaire. Ajoutons la musique, la peinture et les poèmes de Leopardi…

Polichinelle sort du Vésuve… « Sterminator Vesevo, La qual null’altro allegra arbor nè fiore, Tuoi cespi solitari intorno spargi, » (Exterminateur Vésuve, Qui ne rend joyeux aucun autre arbre, ni aucune fleur, Tu atomises ces plantes solitaires,…) Notre monde est atomisé. Sans fleur aucune. Si ce n’est Tommaso, la dernière dans son genre… Pure et Belle. Qui pousse sur les immondices et les poubelles.

ODI PROFANUM VULGUS
Polichinelle traverse le monde pour rejoindre Tommaso et rapporter Sarchiapone. Il regarde le monde, sa banalité, son étrangeté, sa cruauté. Sans jamais tomber dans le vulgaire. « Polichinelle qui a pour devise l’Odi profanum vulgus, a senti que les positions solennelles exigeaient une grande réserve, et qu’elles perdaient progressivement de leur autorité, en s’abaissant à des rapports trop vulgaires. Polichinelle a pensé comme Pascal, si ce n’est Pascal qui l’a pensé comme Polichinelle, que le côté faible des plus hautes célébrités de l’histoire, c’est qu’elles touchaient à la terre par les pieds… » (Charles Nodier)

LE MONDE EST UNE BOUE
Il y a tellement de choses dans le film de Pietro Marcello qui sont dites si simplement, si tranquillement, presque de manière anodine. Carditello, c’est Naples, mais aussi l’Italie, mais aussi l’Europe et le monde. C’est le passé et notre présent. Carditello, c’est le « délice royale », la Reale Delizia, où l’utile, la ferme modèle conçue pour nouvelle production industrielle de la mozzarella, et l’agréable, le séjour du roi venu apprécier avec sa cour, le repos de cet environnement giboyant. Les délices se sont transformés en ordures pestilentielles et pneumatiques de la Camorra napolitaine. Les ronces, la boue, la honte, les voleurs, les petits et les grands malfrats. « Non val cosa nessuna I moti tuoi, nè di sospiri è degna La terra. Amaro e La terra. Amaro e noia La vita, altro mai nulla; e fango è il mondo T’acqueta omai. Dispera L’ultima volta. Al gener nostro il fato Non donò che il morire. Omai disprezza Te, la natura, il brutto   Poter che, ascoso, a comun danno impera E l’infinita vanità del tutto » (elle ne vaut aucun de tes mouvements, elle n’est digne de soupirs la terre. Amertume et ennui La vie, n’a jamais rien été d’autre ; et le monde une boue Qui t’apaise désormais. Disparaît Une dernière fois. Ce que donne le destin N’est que le don de mourir. Désormais méprise Toi-même, la nature, le laid Qui ordonne, caché, le mal Et la vanité infinie de tout. – A se stesso GIACOMO LEOPARDI Mon cœur épuisé 1836 Trad. J Lavauzelle)

Et tout semble fait, tout s’allie pour que tout disparaisse. Que le beau, du moins, disparaisse. L’un vol une statue, l’autre une cheminée, l’un fait exploser la grille de l’entrée, un autre menace de mort…



L’INDUBITABLE ETERNITE DE POLICHINELLE
Ce qui plane sur ce monde, c’est cette mort constamment présente. Celle qui tourne autour de notre berger, de notre bufflon que tous veulent conduire à l’abattoir, puisqu’il ne peut donner du lait, il ne sert donc à rien dans la production de la mozzarella, de la propriété royale, de notre société minée par le consumérisme, la corruption, la défaillance des institutions et de l’état. Bien sûr, Tommaso Cestrone, Sarchiapone, les manifestants venus soutenir le berger, ne sont pas assez puissants pour freiner cette mécanique infernale de destruction massive de l’homme et de sa culture. Et tous iront vers leur destinée. C’est Polichinelle qui revient en mission pour sauver, un temps, notre bufflon. C’est en un sens, revenir à l’origine de Polichinelle, à son «indubitable éternité », que Charles Nodier avait noté en le comparant avec Isis, la déesse funéraire de l’Egypte antique,: « Le secret de Polichinelle, qu’on cherche depuis si longtemps, consiste à se cacher à propos sous un rideau qui ne doit être soulevé que par son compère, comme celui d’Isis ; à se couvrir d’un voile qui ne s’ouvre que devant ses prêtres ; et il y a plus de rapport qu’on ne pense entre les compères d’Isis et le grand-prêtre de Polichinelle. Sa puissance est dans son mystère, comme celle de ces talismans qui perdent toute leur vertu quand on en livre le mot. Polichinelle palpable aux sens de l’homme comme Apollonius de Tyane, comme Saint-Simon, comme Déburau, n’aurait peut-être été qu’un philosophe, un funambule ou un prophète. Polichinelle idéal et fantastique occupe le point culminant de la société moderne. Il y brille au zénith de la civilisation, ou plutôt l’expression actuelle de la civilisation perfectionnée est tout entière dans Polichinelle ; et si elle n’y était pas, je voudrais bien savoir où elle est. » D’Isis aux étrusques. De la mort aux vivants. Polichinelle est un messager. Il est celui qui peut comprendre le bufflon. Par la volonté de Tommaso. « Il sottoscritto Tommaso Cestrone chiede che a Sarchiapone venga concesso il dono della parola affinché possa raccontare la propria storia e quella della Reggia bella e perduta che gracie a me fu ritrovata. In fede Tommaso Cestrone (Je soussigné, Tommaso Cestrone, demanqe qu »à Sarchiapone soit accordé le don de la parole afin qu’il raconte son histoire et celle de la Reggia belle et perdue, qui grâce à moi fut retrouvée. En toute bonne foi, Tommaso Cestrone. » Polichinelle parlera donc à Sarchiapone.

POLICHINELLE ET SON COMPERE L’OGRE
Un messager porté par la langue. Cette langue que le bufflon partage avec Polichinelle. Charles Nodier souligne que « c’est qu’au milieu de cette multitude qui afflue au bruit de sa voix, Polichinelle s’est fait la solitude du sage, et reste étranger aux sympathies qu’il excite de toutes parts, lui dont le cœur, éteint par l’expérience ou par le malheur, ne sympathise plus avec personne, si ce n’est peut-être avec son compère dont je parlerai une autre fois. » Son compère, « compere »,  sera l’ogre Gesuino. Il sera joué par Gesuino Pittalis, immense, jupitérien. Avant la première raconte, le voilà, contant qu’ «en 1900, un matin, je suis allé à Selvapiana et j’ai mangé trois bœufs et une vache sept moutons avec toute leur laine… » Un ogre gentil qui n’effraie plus les enfants. Les ogres ont changé de camp, creusant sous terre et admirant des derniers vestiges étrusques sauvés des maraudeurs.

Mais Sarchiapone nous conduit vers le final. Inexorablement. Lourd et massif. Mais si léger devant la cruauté des hommes. Avec, dans les yeux, ce qui reste de notre humanité.

Jacky Lavauzelle

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Bella e Perduta

44 et Dernier Sonnet Portugais Elizabeth Browning Sonette aus dem Portugiesischen Rilke 44 Sonnets from the Portuguese

Sonnets from the Portuguese Elizabeth Browning
Sonette aus dem Portugiesischen Rilke
Dernier Sonnet Portugais
44

Rainer Maria Rilke
1875-1926
Rainer Maria Rilke Portrait de Paula Modersohn-Becker 1906

Elizabeth Barrett Browning
1806-1861

 

 

Elizabeth Barrett Browning

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Sonnets from the Portuguese
1850

XLIV


Rainer Maria Rilke
Sonette aus dem Portugiesischen Rilke
1908
XLIV

Traduction Française
Jacky Lavauzelle
Sonnets Portugais
XLIV

Dernier Sonnet Portugais

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Sonnets from the Portuguese Elizabeth Browning
sonette aus dem portugiesischen Rilke
Dernier Sonnet Portugais

Elizabeth-Barrett-Browning Sonnets from the Portuguese Elizabeth Barrett Browning Sonette aus dem Portugiesischen RILKE

XLIV
Quarante-Quatrième Sonnet

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Sonnets from the Portuguese Elizabeth Browning
sonette aus dem portugiesischen Rilke
Dernier Sonnet Portugais

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 Elizabeth Browning Sonette aus dem Portugiesischen Rilke 44 Sonnets from the Portuguese Vassily Kandinsky Amazona 1911


Vassily
Kandinsky – Amazone – 1911

 

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 Beloved, thou hast brought me many flowers
Du hast gewußt mir, mein Geliebter, immer
Bien-Aimé, tu m’as apporté beaucoup de fleurs
Plucked in the garden, all the summer through
zu allen Zeiten Blumen herzulegen;
Cueillies dans le jardin, tant en été 
And winter, and it seemed as if they grew
als brauchten sie nicht Sonne und nicht Regen,
Qu’en hiver, et il semblait qu’elles croissaient
In this close room, nor missed the sun and showers.
gediehen sie in meinem engen Zimmer.
Dans cette salle étroite, sans soleil ni pluies.

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So, in the like name of that love of ours,
Nun laß mich dir unter dem gleichen Zeichen
Ainsi, au nom d’un amour comme le nôtre,
Take back these thoughts which here unfolded too,
die hier erwachsenen Gedanken reichen,
Reprends  ces pensées qui ont ici éclos,
And which on warm and cold days I withdrew
die ich in meines Herzens Jahreszeiten
Et que, les jours chauds comme les jours froids, je retirai
From my heart’s ground. Indeed, those beds and bowers
aufzog und pflückte. In den Beeten streiten
De la terre de mon cœur. En effet, ces lits et tonnelles  

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Be overgrown with bitter weeds and rue,
Unkraut und Raute. Du hast viel zu jäten;
Sont envahis par les mauvaises herbes amères et sans valeurs,
And wait thy weeding; yet here’s eglantine,
doch hier ist Efeu, hier sind wilde Rosen.
Qui attendent que tu les arrachent ; encore voici l’églantine,
Here’s ivy!—take them, as I used to do
Nimm sie, wie ich die deinen nahm, als bäten
Voici le lierre ! — Prends-les, comme j’ai l’habitude de faire   

*




Thy flowers, and keep them where they shall not pine.
sie dich, in deine Augen sie zu schließen.
Avec tes fleurs, et garde-les où elles ne flétriront pas.
 Instruct thine eyes to keep their colours true,
Und sage deiner Seele, daß die losen
Que tes yeux conservent leurs vraies couleurs,
And tell thy soul, their roots are left in mine. 
in meiner Seele ihre Wurzeln ließen.
Et dis à ton âme que leurs racines sont dans la mienne. 

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Sonnets from the Portuguese Elizabeth Browning

sonette aus dem portugiesischen Rilke

Elizabeth Barrett Browning Robert Browning 1865 photogravure Julia Margaret Cameron

Robert Browning
photogravure de 1865
De Julia Margaret CameronAlbert Chevallier Tayler Elizabeth Barrett Browning 1909
Peinture d’Elizabeth Barrett Browning
Par Albert Chevalier Tayler
1909

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sonette aus dem portugiesischen Rilke
Dernier Sonnet Portugais

LES PLUS GRANDES PERFORMANCES D’ACTEUR – CINEMA

Performances d'acteur
LES PLUS GRANDES
PERFORMANCES
D’ACTEURS
the best performance of actors

1 TIM CURRY
The Rocky Horror Picture Show
Jim SHARMAN – 1975




2 Jack NICHOLSON
SHINING (Stanley KUBRICK -1980)

3 – AL PACINO
SCARFACE (Brian DE PALMA – 1983)

4 – Marlon BRANDO
APOCALYPSE NOW (Francis Ford Coppola)

5 Orson WELLES & Rita HAYWORTH
LA DAME DE SHANGHAI (Orson WELLES – 1947)

6 Uma THURMAN
KILL BILL (Quentin TARANTINO – 2003)

7 Mickey ROURKE
SIN CITY – Quentin TARANTINO & Robert RODRIGUEZ & Frank MILLER – 2005

8 Robert DE NIRO
RAGING BULL (Martin SCORSESE – 1980)

9 Leonardo DI CAPRIO
The Wolf of Wall Street – Le loup de Wall Street (2013)


 

10 Robert MITCHUM
LA NUIT DU CHASSEUR – The Night of the Hunter  (1955 – Charles LAUGHTON)

11 – Anthony PERKINS
PSYCHOSE (Alfred HITCHCOCK – 1960)

12 – Anthony HOPKINS
LE SILENCE DES AGNEAUX (THE SILENCE OF THE LAMBS – Jonathan DEMME – 1991)

13 Bruce LEE
LA FUREUR DU DRAGON (猛龍過江 – WAY OF THE DRAGON – Bruce LEE – 1972)

14 – Peter LORRE
M. LE MAUDIT  – M – Eine Stadt sucht einen Mörder – Fritz LANG – 1931 

15 – Javier BARDEM
MAR ADENTRO
Alejandro AMENABAR – 2004

16- Jim CARREY
THE MASK
Chuck RUSSEL – 1994

17 Nathalie PORTMAN
BLACK SWAN
Darren ARONOFSKY – 2010


 18 – Charlie CHAPLIN
LA RUEE VERS L’OR – THE GOLD RUSH – Charlie CHAPLIN – 1921

19- Bette DAVIS & JOAN CRAWFORD
QU’EST-IL ARRIVE A BABY JANE ? – WHAT EVER HAPPENED TO BABY JANE
Robert ALDRICH – 1962

 20- MARLON BRANDO & AL PACINO
LE PARRAIN – THE GOD FATHER – Francis Ford Coppola – 1972

 21- AL PACINO
UN APRES-MIDI DE CHIEN – DOG DAY AFTERNOON
SIDNEY LUMET – 1976

 22- CHARLIE CHAPLIN
LE DICTATEUR (THE GREAT DICTATOR – Charlie CHAPLIN – 1940)

23 – Jean-Pierre LEAUD
LA MAMAN ET LA PUTAIN
Jean EUSTACHE – 1973

 24 – Tom HULCE
AMADEUS
Miloš FORMAN – 1984

25- Toshiro MIFUNE
LE GARDE DU CORPS – 用心棒
Akira KUROSAWA – 1961


26 – Jean-Louis BARRAULT
LES ENFANTS DU PARADIS
Marcel CARNE – 1945

27 – Dustin HOFFMAN
TOOTSIE
Sidney POLLACK – 1983

28 – Elizabeth TAYLOR & Paul NEWMAN
LA CHATTE SUR UN TOIT BRÛLANT – CAT ON A HOT TIN ROOF
Richard BROOKS – 1958

29- Klaus KINSKI
AGUIRRE, LA COLERE DES DIEUX – AGUIRRE DER ZORN GOTTES
Werner HERZOG – 1972

30- Robert DE NIRO
TAXI DRIVER
Martin SCORSESE – 1976

31- Marlon BRANDO
UN TRAMWAY NOMME DESIR – A STREET CAR NAMED DESIRE – Elia KAZAN – 1951

32- Jules BERRY
LES VISITEURS DU SOIR
Marcel CARNE – 1942


33 – Ricardo DARIN
LES NEUF REINES – NUEVE REINAS – Fabian BIELINSKY – 2000

34 – James DEAN
LA FUREUR DE VIVRE – REBELWITHOUT A CAUSE –  Nicholas RAY – 1955

35 – Bruno GANZ
LA CHUTE – Der UNTERGANG
Oliver Hirschbiegel – 2004

36 – Philip Seymour HOFFMAN
TRUMAN CAPOTE
Bennett MILLER – 2005 

37 Maggie CHEUNG & Tony LEUNG & Jet LI
HERO -英雄 -Zhang Yimou – 2002

38 – Michel SIMON
L’ATALANTE – Jean VIGO – 1934

39- Charles LAUGHTON
Témoin à charge (Witness for the Prosecution – Billy Wilder – 1957)

40 – Tony CURTIS & Jack LEMMON & Marylin MONROE
CERTAINS L’AIMENT CHAUD – SOME LIKE IT HOT – Billy WILDER – 1959

41- Louis de FUNES
LES AVENTURES DE RABBI JACOB – Gérard OURY – 1973

42 – Anatoli Alekseïevitch SOLONITSYNE
ANDREÏ ROUBLEV – Андрей Рублёв – Andreï TARKOVSKI – 1966

43- Klaus KINSKI
NOSFERATU, FANTÔME DE LA NUIT – PHANTOM DER NACHT
Werner HERZOG -1979

44 – Gregory PECK
LA MAISON DU DOCTEUR EDWARDES – SPELLBOUND – Alfred HITCHCOCK – 1945

45 – Mickey ROURKE
THE WRESTLER
DARREN ARONOFSKY – 2009

46 – Jeff BRIDGES & John GOODMAN
THE BIG LEBOWSKI
Joël & Ethan COEN – 1998


47 – Malcom McDOWELL
ORANGE MECANIQUE – A CLOCKWORK ORANGE – Stanley KUBRICK – 1971

48- Marion COTILLARD
LA MÔME – Olivier DAHAN – 2007 

49- Toshirō MIFUNE
BARBEROUSSE – 赤ひげ
Akira KUROSAWA – 1965

 50- Alain DELON
MONSIEUR KLEIN – Joseph LOSEY – 1976

 51- Markku PELTOLA
L’HOMME SANS PASSE – Mies vailla menneisyyttä – Aki KAURISMÄKI – 2002

52- BJÖRK
DANCER IN THE DARK
LARS VON TRIER – 2000

53- Victor SJÖSTRÖM
LES FRAISES SAUVAGES –  Smultronstället – Ingmar BERGMAN – 1957

54- R. Lee Ermey
FULL METAL JACKET
Stanley KUBRICK – 1987

55 – Montgomery CLIFT
TANT QU’IL Y AURA DES HOMMES – From Here to Eternity – Fred ZINNEMANN – 1953

56 – Alain DELON
LE SAMOURAÏ
Jean-Pierre MELVILLE – 1967

 57 – Vittorio GASSMAN & Alberto SORDI
LA GRANDE GUERRE – La Grande Guerra- Mario MONICELLI – 1959

58 – Will SMITH
ALI – Michael MANN – 2001

59 – Gary OLDMAN
DRACULA – BRAM STOCKER’S DRACULA – FRANCIS FORD COPPOLA – 1992

60 – Tom HANKS
SEUL AU MONDE – CAST AWAY – Robert ZEMECKIS – 2000

61- Katy BATES & James CAAN
MISERY – Bob REINER – 1990

62 – Emil JANNINGS
LE DERNIER DES HOMMES – DER LETZTE MANN – Friedrich Wilhelm MURNAU – 1925

63 – Holly HUNTER
LA LEçON DE PIANO – THE PIANO
Jane CAMPION – 1993

64 – Renée FALCONETTI
JEANNE D’ARC (1928 Jacques DREYER)

 

LES AMOUREUX SONT SEULS AU MONDE d’Henri DECOIN 1948








 Henri DECOIN
LES AMOUREUX SONT SEULS AU MONDE
1948

LA VALSE DES COEURS

LES AMOUREUX SONT SEULS AU MONDE Henry Decoin Artgitato

Scénario, adaptation et dialogues Henri Jeanson

DIX HUIT ANS et TRENTE CINQ MINUTES

Gérard Favier arrive dans une auberge, près d’une forêt. Il retrouve son épouse Sylvia.

Il rejoue leur première rencontre qui s’est déroulée, ici-même, il y a dix-huit ans et « trente-cinq minutes ! » : « Moi, je m’appelle Sylvia…Vous ne connaissez de moi qu’un petit nom… » Comme Gérard s’est mis au piano, il est interpellé par le patron de l’auberge qui lui demande de remplacer les musiciens qui ne sont toujours pas présents, afin d’animer un mariage. « On avait commandé des musiciens, ils devaient être là à midi et demi et ils ne sont pas arrivés ; ils ont raté le car, c’est sûr ! » Gérard s’y prête de bonne grâce jusqu’à l’arrivée des musiciens en vélo avec deux heures de retard.

NOTRE AMOUR N’A PAS CHANGE

Cette première partie s’articule autour de ce temps qui s’est arrêté depuis dix-huit ans comme si rien ne s’était passé et que le couple, loin d’avoir vécu ce laps de temps ensemble, venait de se rencontrer pour la première fois. Ils utilisent les mêmes mots et boivent la même fine à l’eau. Il modifie les aiguilles de la pendule, « c’est à une heure vingt-cinq que nous nous sommes connus…- il y a …- Trente-cinq minutes ! …- Et dix-huit ans ! – Dans cette même salle, …- Avec la même fine imbuvable…- Le même portrait de Fallières et le même calendrier, qui déjà retardait de quelques années…- Il y avait aussi une noce, toute pareille à celle-ci. – C’est merveilleux ! – Tu as ramassé cette écharpe, c’était la même, avec la même désinvolture qu’autrefois, et j’ai eu la même bizarre petite contraction à la gorge. – Tu vois qu’on peut revivre les instants trop vite écoulés, « bisser » un souvenir à succès ! – Toi qui ne voulais pas venir… notre amour n’a pas changé… – Il nous a reconnus ! Et le piano, joue-t-il toujours aussi faux ? C’était un fameux Chaudron !»





LES PORTE-BONHEUR PORTE QUELQUEFOIS BONHEUR

Après ces dix-huit ans, s’aiment-ils encore ? Le retour aux sources afin de redonner un nouvel élan. Rien n’est changé. Mais dix-huit ans ont passé. Favier est reconnu dans son métier. Il n’est plus ce jeune compositeur inconnu. Il a besoin d’acheter sept porte-bonheur, « pour la semaine », au petit garçon dans la rue qui ouvre le film. A la fin de cet épisode à l’auberge, il retrouve le garçonnet. Il lui remet l’intégralité de la somme récoltée par Sylvia pour sa prestation. « On a donné une représentation à ton bénéfice…Tu vois, les porte-bonheur porte quelquefois bonheur ! »

TU N’AS JAMAIS ETE FICHU DE L’ECRIRE

Mais sept bonheurs pour la semaine montrent combien ils sont éphémères et combien la dure réalité est là. « Amor extorqueri non pote, elabi pote. Il n’est pas possible que l’amour s’évanouisse brutalement, mais il peut lentement s’échapper. » (Publilius Syrus) Le bocal du bonheur est-il bien refermé ? Les anciens amants devenus maris s’obligent à penser que rien n’a changé. Ils sont trop insistants à retrouver le moindre détail, comme des naufragés sur leur île. Et si rien n’a changé, leur amour est toujours aussi flamboyant. « -Tu reconnais cette allée d’arbres ? – Je connais même les arbres par leur nom de baptême. Ils ont été nos premiers témoins…Ce vieux bouleau ! – Ils n’ont pas vieilli ! – Rappelle-toi…On a fait quelques pas sans rien dire et puis…- C’est ce jour-là que tu m’as promis de composer une belle chanson d’amour pour moi toute seule… – J’y ai souvent pensé, à cette chanson…Mais tu n’as jamais été fichu de l’écrire ! – Des chansons d’amour, il en existe de toutes faites qui nous vont comme des gants. » Déjà, une faille. Cette promesse jamais tenue. Qu’il tiendra pour une autre. Mais pas pour Sylvia. Rien n’est changé, mais le temps est passé aussi sur cette promesse.

LA FIN FAIBLIT

Voici venir la douce et resplendissante élève. D’abord un son, une musique. Quelqu’un joue son concerto. Favier sait que c’est une jeune fille qui joue. Et déjà, Favier analyse son âme. « Elle joue remarquablement… C’est une femme… Ou plutôt une jeune fille…Elle joue bleu…Elle a de l’imagination et aussi de la sensibilité…Elle est romanesque, secrète…Et pourtant spontanée. Elle rêve encore sa vie…Oh, ce n’est qu’une enfant ! …Je l’attends à l’allegro ! » Il s’agit de la jeune Monelle qui se permet en plus de critiquer son œuvre. « Le début est brillant, mais la fin faiblit… »

JE VOUS AIME…CE N’EST PAS MA FAUTE

Il a tout compris en écoutant l’interprétation de sa composition. Elle devient rapidement son élève. Un premier récital. Un énorme succès. Monelle est folle amoureuse de son professeur et maître. « Je n’oublierai jamais ce que vous avez fait pour moi ! ». Jusqu’à la déclaration : « Je vous aime ! Oui, je vous aime !…Il n’y a pas de quoi rire…Je ne pense qu’à vous depuis ce récital…La preuve que je vous aime, c’est que je vous l’ai dit ! …Parfaitement, je vous aime ! C’est bien mon droit, à la fin du compte ! Je vous aimerai sans vous si vous continuez… Je vous aime, là ! Ce n’est pas ma faute !»

RIEN N’EST PLUS FRAGILE QU’UNE JEUNE FILLE

La séance de cinéma. Se retrouvent les Favier, Monelle et Ludo, l’ami du couple. Des gants oubliés. Sylvia y retourne et, à son retour, observe les nouveaux amoureux. Elle comprend que son couple est en péril, mais elle veut à tout prix le bonheur de son mari. Elle est prête à s’effacer si elle constate qu’il n’y a plus rien entre eux. Elle essaie toutefois de le raisonner : « –Il ne faut pas jouer les enfants…Il faudra être très gentil avec Monelle. Rien n’est plus fragile qu’une jeune fille…Tu ne l’aimes pas, j’en suis sûre, puisque je suis là…Si tu l’aimais, si tu l’aimais vraiment, je disparaîtrais…Je t’ai toujours dit que je vivais pour te rendre heureux. Si tu pouvais être heureux sans moi, je n’aurais plus qu’à m’escamoter. J’ai souvent pensé à ces choses… » Déjà l’idée du suicide est là, en germe, dans la pensée de Sylvia.

JE REPRENDRAI CONFIANCE

Ils se donnent deux mois sans voir la petite Monelle. « Dans deux mois, elle n’y songera plus… » Mais l’absence de la jeune élève rend notre maître impuissant. Il ne peut plus écrire une seule note de musique. Son imagination et sa création se sont taries. Sylvia est consciente de l’étendue du carnage :  « –Moi, je sais qu’elle s’appelle Monelle son obsession, et qu’elle est charmante. » Sylvia prend la décision que son Mari et Monelle se revoient. « – Qu’il revoie Monelle et si cette tristesse qu’il manifeste depuis deux mois ne l’abandonne pas, c’est que je me serai trompée…En ce cas, je reprendrai confiance… »

LE FEU A REPRIS

Favier rentre, transformé. Quelque chose d’important s’est passée. Il a retrouvé l’inspiration. Pendant que sa femme lui parle de douleur et de souffrance. « Moi, aujourd’hui, pour la première fois depuis…depuis longtemps, je me suis senti à nouveau…je ne dirai pas habité, c’est un mot stupide…Mais enfin…le feu a repris…je vais mieux ! Et maintenant, je vais bien t’étonner : la chanson d’amour que je n’ai jamais été fichu d’écrire en huit ans, elle est faite ! Oui, elle est venue en marchant, et dans sa forme définitive. Je ne l’ai pas encore jouée, mais je l’entends déjà : c’est une valse, naturellement ! Et populaire ! Une valse encore sans paroles, forcément, elle vient de naître…C’est merveilleux ! N’est-ce pas ? » Et Favier joue devant Sylvia, en chantant « Les amoureux sont seuls au monde… ». Il lui attribue la paternité de cette phrase. Il l’appellera  La Valse de Sylvia !

UN ETAT D’EXALTATION EXTRAORDINAIRE

La rencontre entre Monelle et Sylvia dans le bar parisien. Monelle lui apprend qu’ils se sont revus. Elle apprend que la valse créée récemment avait pour origine cette rencontre. « On est resté un instant silencieux, puis on est reparti. Il a posé sa main sur mon épaule et il m’a chanté à mi-voix une valse qu’il venait d’imaginer. Il a voulu absolument entrer dans une boîte pour la jouer : il était dans un état d’exaltation extraordinaire. » Sylvia, poignardée en plein cœur, a du mal à retenir son souffle.

Jacky Lavauzelle

  LES PERSONNAGES ET LES INTERPRETATIONS Louis Jouvet joue le compositeur Gérard Favier, Renée Devillers est la femme de Gérard Favier, Dany Robin joue Monelle Picart, la jeune élève découverte par Gérard Favier, Léo Lapara est Ludo, l’ami du couple Favier, Dans la famille Picart : Fernand, le père, joué par Fernand René, Jules, le fils, joué par Philippe Nicaud. Apparitions de Michel Jourdan comme danseur lors de l’épisode du début à la noce, de Micheline Dax pendant le concert et de Nicole Courcel, l’actrice de Rendez-vous de juillet de Jacques Becker tourné l’année suivante en 1949

LES ENFANTS DU PARADIS de Marcel CARNE : LA FRAGILITE DU DEVOILEMENT INTERIEUR

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Marcel CARNE

LES ENFANTS DU PARADIS

1945

 

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LA
FRAGILITÉ
DU DÉVOILEMENT 
INTÉRIEUR

Jacky Lavauzelle

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  • VOUS Y PENSEREZ LE JOUR ET VOUS EN RÊVEREZ LA NUIT !

La caméra qui suit la foule sur le boulevard du crime, passe les haltérophiles, les funambules et les singes.
C’est la vie grouillante et populeuse qui se touche, qui s’entrechoque. La caméra s’arrête au porte du rideau, là où le voile cache. Les gens y rentrent les uns après les autres. Nous sommes dans un espace religieux. Le calme précède le spectacle. Il prépare notre vision à l’unique, au surnaturel. La beauté n’est pas un bien commun. On y va en pèlerinage. « Quand vous l’aurez vu, vous y penserez le jour, vous en rêverez la nuit…On ne paie qu’en sortant ». Les gens paieront, c’est sûr. Ils oublieront leur pingrerie. Assommés encore de tant de beauté.
Quelque chose brillera plus dans le cœur que quelques pièces de monnaie dans la poche.

  • LA VERITE JUSQU’AUX EPAULES

La vérité n’est pas dans la rue, la vérité est ailleurs.
Dans la rue, il n’y a que des moments de vérité. Quant à la vérité de la beauté, elle est dans son bain. La vérité n’est pas entière. Mais qui pourrait supporter toute la vérité, rien que la vérité.  « Le puits ? N’en parlons plus ! C’est fini ! La clientèle devenait trop difficile. Vous comprenez, la vérité jusqu’aux épaules, ils étaient déçus (Garance-Arletty) – Bien sûr, les braves gens davantage. Rien que la vérité, toute la vérité, comme je les comprends ! Le costume vous allez à ravir ! (Pierre-François Lacenaire – Marcel Herrand) – Peut-être, mais c’est toujours le même ! – Quelle modestie et quelle pudeur ! – Oh ! Ce n’est pas ça, mais ils sont vraiment trop laids ! – Oh c’est vrai qu’ils sont trop laids ! ».

  • LA BEAUTE, UNE INSULTE A LA LAIDEUR DU MONDE

La vérité et la beauté, dans le même sac, fermé jusqu’à bonne hauteur.
Le comte Édouard de Montray (Louis Salou) ne dira rien d’autre. Le dévoilement, c’est ce qu’on permet aux autres de voir, ce qu’on leur donne à voir du plus profond de notre être et que l’on a enfoui là, tout au fond de nous-mêmes. L’autre, ne peut en saisir qu’une infime partie. Trop lui donner à voir, c’est risquer l’incompréhension, voire la peur et donc la haine. Le Comte de Montray le sait bien, qui s’entoure des plus belles femmes aux parures étincelantes :   « Vous êtes trop belle pour qu’on vous aime vraiment. La beauté est une exception. Une insulte au monde qui est laid. Rarement les hommes aiment la beauté. Ils la pourchassent, simplement pour ne plus y penser, pour l’effacer, pour l’oublier».

  • PUBLIC, JE VOUS AIME !

Parfois, le petit plus de ce que l’on montre peut être l’origine d’une grande faille ou d’un gigantesque désordre. C’est le « Baptiste ! » crié une fois, rien qu’une, en intensité, au théâtre des funambules par Nathalie (Maria Casarès). Quand Baptiste se montre gai, c’est parce qu’il est trop plein de cet amour qui le subjugue, qui l’inonde à le noyer. Alors, il sourit. Il «brille ». Parfois, le petit plus qu’on donne permet à celui qui donne et à celui qui reçoit de retrouver de la sérénité : (Frédéric Lemaître-Pierre Brasseur) « Quand je joue, je suis éperdument amoureux et quand le rideau tombe, le public s’en va avec mon amour. Vous comprenez, je lui en fais cadeau au public, de mon amour. Il est bien content et moi aussi. Je redeviens sage, calme, libre. Tranquille comme Baptiste ». On lui donne en pâture quelques miettes.

  • APPARITION ! DISPARITION !

Ce qui se cache, bouillonne, vit à tout rompre. Comme Garance, volcanique, comme le théâtre des funambules où les deux familles s’affrontent jusqu’à se battre devant son public. On se cache et l’on montre, même quand on ne montre rien d’autre que la vie, la vie du public. Le directeur des Funambules (énorme Marcel Pérès) : « La comédie ? La comédie ? Mais mon pauvre ami, vous vous trompez de théâtre ! Ici, on ne joue pas ! Nous n’avons pas le droit de jouer la comédie! Nous devons entrer sur scène en marchant sur les mains. Et pourquoi ? Parce qu’on nous aime ! Et pourquoi ? Parce qu’on nous craint ! Si on jouait la comédie, ici, ils n’auraient plus qu’à mettre la clé sous la porte, les autres, les grands, les nobles théâtres. Chez eux, le public s’ennuie à crever ! Leurs pièces de musée, leurs tragédies, leurs péplums. Ils s’égosillent sans bouger. Tandis qu’ici, aux Funambules, c’est vivant, ça saute, ça remue! La vie quoi ! Apparition. Disparition. Exactement comme dans la vie. Pan ! La savate ! Comme dans la vie ! Et quel public ! Il est pauvre, bien sûr, mais il est en or mon public. Tenez ! Regardez-les ! Là-haut au paradis ! »

  • ME LAISSER SEUL AVEC MOI-MÊME. QUELLE INCONSEQUENCE !

Comme Lacenaire…Lacenaire qui se cache des autres. Ecrivain public le jour et malfrat la nuit. Lui, se cache en lui, là où les autres ont voulu qu’il se cache : « Quand j’étais enfant, j’étais déjà plus lucide, plus intelligent que les autres. Ils ne me l’ont pas pardonné !  Ils voulaient que je sois comme eux. Levez la tête Pierre-François ! Regardez-moi ! Baissez les yeux ! Et ils m’ont meublé l’esprit de force avec de vieux livres. Tant de poussière dans une tête d’enfant…Ma mère, qui préférait mon imbécile de frère, et mon directeur de conscience me répétaient sans cesse : ‘Vous êtes trop fier, mon cher. Il faut rentrer en vous-même’. Alors, je suis rentré en moi-même. Je n’ai jamais pu en sortir. Les imprudents ! Me laisser seul avec moi-même ! Et ils me défendaient les mauvaises fréquentations. Quelle inconséquence ! N’aimer personne. Être seul. N’être aimé de personne. Être livre ! »

  • QUAND J’ETAIS MALHEUREUX, JE RÊVAIS

L’autre dans sa globalité est monstrueux. Laid et haineux. Il se contente de l’apparence du bonheur ou de la beauté, d’un rayon ou deux. Baptiste l’a compris : « Ce n’est pas triste un enterrement ! Il suffit qu’il y ait un peu de soleil et tout le monde est content ».  Le masque est donc nécessaire pour vivre son intériorité pleinement. C’est celui du mime qu’a pris Baptiste pour affronter ou résister au monde, la face blanche et immobile, pour ne rien laisser paraître de son visage, juste singer l’autre, qui rit en se voyant : « Quand j’étais malheureux, je dormais, je rêvais. Les gens n’aiment pas qu’on rêve. Ils vous cognent dessus, histoire de vous réveiller un peu. Heureusement, j’avais le sommeil dur. Je leur échappais en dormant. J’espérais, j’attendais. C’est peut-être vous que j’attendais ! »

  • NOS PETITES LUEURS VACILLANTES

L’autre, c’est nous, aussi. Il n’est pas irrécupérable. « Regardez ! Les petites lueurs ! Les petites lumières de Ménilmontant. Les gens s’endorment et s’éveillent. Ils ont chacun cette lueur qui s’allume et qui s’éteint. C’est peu de chose tout ça ». C’est peu, mais l’on a que ça, pour espérer. C’est peu et c’est toujours mieux que rien. Mais dès qu’elles s’éteignent, ces lueurs, chacun remet son masque. Tout le monde possède un sac, un masque ou un voile. Il ne cache pas toujours la vérité ou la beauté, mais souvent des déchirures de l’enfance, profondes et lointaines, comme Lacenaire ou Baptiste. A travers des identités multiples, comme Jéricho (Pierre Renoir) « à cause de la trompette, dit Le Jugement dernier, dit Jupiter, dit La Méduse, dit Marchand de sable,… ». A travers la cécité comme l’aveugle qui cache sa vision dans la rue et la retrouve au troquet.

 Jacky Lavauzelle

GAS-OIL de Gilles GRANGIER – L’ODEUR DU CAFE & DE L’ANDOUILLETTE

GILLES GRANGIER
GAS-OIL
1955

Gas-Oil Gille Grangier Artgitato

L’ODEUR DU CAFE ET DE L’ANDOUILLETTE

« Or l’amitié exige que l’on soit au moins deux à l’éprouver et l’on ne saurait donner longtemps la sienne à qui ne vous la rend pas. C’est un échange qui par la même requiert un lieu. Quand je pense à un ami, je ne puis rester dans l’abstraction, j’évoque des situations, donc des cadres » (Antoine Blondin, Ma vie entre des lignes). Le lieu ici est le cœur de la France, près de Montjoie. Le cadre, le cœur des camionneurs.

LE SON DE LA GAZINIERE ET L’ODEUR DE L’ANDOUILLETTE

L’odeur est là. Pas celle du gas-oil et du moteur. L’odeur de l’école, de l’alcool du barbier. L’odeur des casquettes, des bretelles, du cuir des blousons et des grands pardessus, des chaussons à l’arrière retourné, des pyjamas fermés jusqu’au dernier bouton. L’odeur de la cour de récréation. L’odeur de ces repas en daube venue d’un temps ante-cholestérol, celui des sandwichs aux andouillettes, aux civets de lapin et de l’omelette aux lards.

FAUT LA CHATOUILLER POUR AVOIR L’ADDITION

Le son est là. De la cloche qui dit la rentrée aux boutons de la gazinière qui font clac. Le gros bruit du réveil au gros ronronnement du moteur de la Willeme bien ajusté. Les prénoms qui sonnent, c’est l’Ancien, c’est Jojo, Lulu ou Emile, quand ce n’est pas le Gros Robert. Le son des phrases que l’on entend plus : « envoyer la soudure », « faut la chatouiller pour avoir son addition ?», « J’en connais un qui serait bien resté dans les plumes », « La route ça creuse, c’est comme l’amour. Si je vous disais qu’à moi, ça me donne une vraie fringale l’amour. Y en a, aussitôt fini, c’est une cigarette, moi, faut que je mange ». Le son des enfants qui se lèvent quand l’institutrice rentre et du son de sa voix quand elle punit l’enfant qui s’est retourné pendant la dictée, et qui, pour la peine, fera un problème.

LE GROS GENTIL LOUP ET L’AGNEAU ROMANTIQUE

Quand Jeanne se déshabille, elle devient papillon. Et elle papillonne devant son Jean lisant le Loup et l’Agneau. Elle est légère, sort de sa chrysalide, papillonne. Lui, montre ses atours. Lui, plein, lourd, semble être son père. Il souhaite qu’elle vienne chez lui car « on mangerait mieux ». Bien sûr, Jeanne le reprend « ce qui est fou avec toi, c’est ton côté romantique, la poésie. T’es plein de mystère! ». Aujourd’hui, elle n’aurait même pas le temps d’essayer sa nouvelle robe, que l’on suivrait les ébats sur le parquet, dans une symphonie de râle en Rut majeur, la tête de madame dans le lavabo. Non, là, Jean parle de la femme moderne : « Elle est bachelière, elle est indépendante. Mademoiselle est de son époque. Aujourd’hui, elle vote et elle lit la Série Noire ». Et avant de s’endormir, il met le réveil car il sait qu’il « doit prendre des endives avant cinq heures chez Berthier ». Jeanne dans un éclair de lucidité se demande bien avant de se coucher pourquoi elle l’aime. « Parce que je suis beau même dans le noir ».

L’AMITIE PAR TOUS LES VENTS

Les amis sont soudés et prennent le temps de vivre comme de travailler. Le temps d’une sieste au bord de la route, le temps du beaujolais, le temps de s’arrêter à la moindre panne d’un routier. « T’as besoin d’un coup de main ? » Ils sont solidaires. Même le lapin est meilleur entre ami. « Permettez-moi de vous dire que du lièvre comme ça, vous n’en mangerez pas souvent. Faut pas seulement des herbes et des champignons. Il faut aussi de l’amitié. Ce qui compte dans la vie, c’est d’abord l’amitié. – L’amitié ? L’amitié ? L’amitié et le beaujolais, oui ! »

J’IRAIS LES CHERCHER DANS LE CHARBON, DANS LE CAMBOUIS, DANS LA MERDE !

Pour les truands, les petites-frappes, c’est le chef qui compte. « N’oublie pas que c’est toi qui tiens le volant, mais c’est moi qui conduit ». Les autres ne sont rien. « J’étais seule, une impression affreuse ». « Il est vrai qu’Antoine, il est déjà pas mal oublié ». Rien ne compte plus que de gagner de l’argent. Être riche et vite. Peu importe comment. « Ah ! Pourquoi ? Il vous faut du confort ? Cinquante briques, moi je les attendrais à quatre pattes dans la neige. J’irais les chercher dans le charbon, dans le cambouis, dans la merde.  Seulement, j’étais formé par une génération qu’avait le respect de l’osier. Alors, dites-vous bien que je suis aussi pressé que vous et que le camionneur, j’aime mieux ne pas être dans sa peau! »

LE FOND DE NOTRE COEUR

Les truands comme une verrue pleine de pus seront expurgés. L’Ancien sera soigné par un bon coup de gnole et partira se faire soigner dans un camion à bestiaux. L’amitié est là jusqu’au bout. Ils en parlent et au besoin font parler le cœur.

« Je veux que l’on soit homme, et qu’en toute rencontre Le fond de notre cœur dans nos discours se montre, Que ce soit lui qui parle, et que nos sentiments Ne se masquent jamais sous de vains compliments. »  (Molière, Le Misanthrope)

Jacky Lavauzelle

LA DUCHESSE DE LANGEAIS VS NE TOUCHEZ PAS A LA HACHE – L’Energie Balzacienne découpée à la hache de Rivette

BALZAC  &  Jacques RIVETTE

LA DUCHESSE DE LANGEAIS
& NE TOUCHEZ PAS A LA HACHE  (2007)

BALZAC RIVETTE La Duchesse de Langeais Artgitato peinture-ingres-la-grande-odalisque

L’ENERGIE BALZACIENNE
DECAPITEE PAR LA HACHE DE RIVETTE

Ne Touchez pas à la Hache de Rivette reprend le livre de Balzac paru d’abord sous ce titre en 1833 dans l’Echo de la Jeune France.

Comment Rivette a t-il pu faire d’un des plus beaux romans d’amour un film pesant et ennuyeux ?

Essayons de comprendre pourquoi les ingrédients prennent chez Balzac et pourquoi la sauce semble si lourde dans l’autre cas.

  • LA FRAGILITE ET L’INVULNERABILITE

Ce qui marque d’abord dans la Duchesse de Langeais c’est cette impression d’équilibre. La présentation du couvent de l’île de Majorque : «  Les tempêtes de tout genre qui agitèrent les quinze premières années du dix-neuvième siècle se brisèrent donc devant ce rocher…Une rigidité conventuelle que rien n’avait altérée recommandait cet asile dans toutes les mémoires du monde catholique …Nul couvent n’était d’ailleurs plus favorable au détachement complet des choses d’ici-bas exigé par la vie religieuse». « Nous sommes dans le lieu hors d’atteinte, hors du temps, hors des hommes, « ce roc est protégé de toute atteinte »

Ce qui marque d’abord dans le film de Rivette, c’est sa faille, sa fragilité (que l’on retrouve après dans Balzac), son déséquilibre, marqué par la jambe en bois du Général Arnaud de Montriveau (Guillaume Depardieu) ; alors que la voix du chœur pendant la messe le submerge, il sort, claudiquant, le bruit de la jambe sur le dallage, et se remet face à la mer. Je pense que c’est le meilleur moment du film.

  • L’ENERGIE DU CONTRASTE BALZACIEN CONTRE LA SIMILITUDE MOLLE DE RIVETTE

Balzac agrémente son récit d’oppositions et de différences constantes.  Ce sont celles-ci qui dynamisent le récit : « de la femme, il savait tout ; mais de l’amour, il ne savait rien », « A Paris, tous les hommes doivent avoir aimé. Aucune femme n’y veut de ce dont aucune n’a voulu », « Semblable à tous les gens réellement forts, il était doux dans son parler », « Il voyait d’un côté l’enfer des sables, et de l’autre le paradis terrestre de la plus belle oasis qui fut en ces déserts », « Cette velléité de grandeur, cette réalité de petitesse, ses sentiments froids et ces élans chaleureux », « Et se voyant tous égaux par leur faiblesse, ils se crurent tous supérieurs », « Leurs calculs ne se rencontrent jamais, les uns sont la recette et l’autre est la dépense. De là des mœurs diamétralement opposées ». Reprendre la Duchesse de Langeais sans reprendre ces oppositions, c’est ne pas reprendre la vie du texte, c’est un peu l’amoindrir.

Dans le film, les deux acteurs qui jouent la duchesse et le Général se ressemblent. Ils ont l’air frère et sœur. Nous sommes dans le drame bourgeois triste. Ce qui fait la force des personnages balzaciens c’est déjà de les inscrire dans une histoire, pour le Général, celle des guerres napoléoniennes, la Restauration, la disgrâce, le retour en grâce et pour la duchesse, son histoire familiale, celle du faubourg Saint-Germain, de la mode. La rencontre est toute dans ces oppositions. C’est ce qui en fait la force.

Qui est le général ? Comment est-il ? « Il était petit, large de buste, musculeux comme un lion. Quand il marchait, sa pose, sa démarche, le moindre geste trahissait et je ne sais quelle sécurité de force qui imposait et quelque chose de despotique ». Tout le contraire de la duchesse, plongée dans la frénésie de la mode et des bals et de l’apparence. « Elle vivait dans une sorte de fièvre de vanité, de perpétuelle jouissance qui l’étourdissait. Elle allait assez loin en conversation, elle écoutait tout, et se dépravait à la surface du cœur ». « Elle était coquette, aimable, séduisante jusqu’à la fin de la fête, du bal » Comment un tel animal et une beauté coquette, comment cette Belle et cette Bête ont pu tomber amoureux ? Certainement pas comme dans le film de Rivette, avec la discussion sur le canapé et le rendez-vous à son domicile, ce qui n’est pas réellement passionnant. Dans la Belle et la Bête, comme dans Balzac, nous sommes dans l’effroi : « Elle sentit en le voyant une émotion assez semblable à celle de la peur ».

La rencontre pour la duchesse est préparée, anticipée. Dans le film, une rencontre, un récit à l’écart, des séries de rendez-vous, je t’aime mais tu ne m’aimes pas, renversement des rôles…

  • LA STRUCTURE DES TRIANGLES DANS BALZAC

Des triangles structurants de Balzac, un seul est cité au début du film et le cinéaste ne jouera que de celui-ci. Le récit n’a plus de force, ni de présence. Il devient plat.

LE TRIANGLE DIVIN
C’est celui qui est repris chez Rivette : « La religion, l’amour et la musique ne sont-ils pas la triple expression d’un même fait, le besoin d’expansion dont est travaillée toute âme noble ? Ces trois poésies vont toutes à Dieu, qui dénoue toutes les émotions terrestres. Ainsi cette sainte trinité humaine participe-t-elle des grandeurs infinies de Dieu, que nous ne configurons jamais sans l’entourer des feux de l’amour, des sistres d’or de la musique, de lumière et d’harmonie. N’est-il pas le principe et la fin de nos œuvres ? »

LE TRIANGLE SOCIAL
Ce triangle, qui donne du fond à la lecture et du corps aux personnages. « L’art, la science et l’argent forment le triangle social où s’inscrit l’écu du pouvoir, et d’où doit procéder la moderne aristocratie. Un beau théorème vaut un grand nom. Les Rothschild, ces Fugger modernes, sont princes de fait. Un grand artiste est réellement un oligarque, il représente tout un siècle, et devient presque toujours une loi »

LE TRIANGLE MORAL DU GENERAL
«  Quel homme, en quelque rang que le sort l’ait placé, n’a pas senti dans son âme une jouissance indéfinissable, en rencontrant chez une femme qu’il choisit, même rêveusement, pour sienne, les triples perfections morales, physiques et sociales qui lui permettent de toujours voir en elle tous ses souhaits accomplis ? Si ce n’est pas une cause d’amour, cette flatteuse réunion est sans contredit un des plus grands véhicules du sentiment. Sans la vanité, disait un profond moraliste, l’amour est un convalescent. »

LE TRIANGLE DU PARAÎTRE DE LA DUCHESSE

La coquetterie de la mode (« Une coquetterie naturelle »), le jeu de la représentation (« Elle paraissait devoir être la plus délicieuse des maîtresses en déposant son corset et l’attirail de sa représentation » ; « Sans qu’elle n’est eût l’air de jouer » ; « Elle déploya cette chatterie de paroles, cette fine envie de plaire » ; « N’était-ce pas chez une femme de cette nature un délicieux présage d’amusement » ; « La duchesse de Langeais avait reçu de la nature les qualités nécessaires pour jouer les rôles de coquette »  et le bal (« Depuis dix-huit mois, la duchesse de Langeais menait cette vie creuse, exclusivement remplie par le bal, par des triomphes sans objet, par des passions éphémères, nées et mortes pendant une soirée »)

La rencontre se fait sur une base guerrière et stratégique. Sur la base du jeu et du paraître pour la duchesse.

« Il y eût un moment où elle comprit que la créature aimée était la seule dont la beauté, dont l’esprit pussent être universellement reconnus » ; « Un amant est le constant programme de ses perfections personnelles. Madame de Langeais apprit, jeune encore, qu’une femme pouvait se laisser aimer ostensiblement sans être complice de l’amour, sans l’approuver, sans le contenter autrement que par les plus maigres redevances de l’amour, et plus d’une sainte-nitouche lui révéla les moyens de jouer ces dangereuses comédies » Lui, le général, est aussi dans la conquête guerrière, plus naturelle pour lui, quoique « de l’amour, il ne savait rien ». « Cette difficile, cette illustre conquête… Ces niaiseries flattèrent, à son insu, le général… » « J’aurai pour maîtresse madame de Langeais »

La suite, la rencontre, les jeux, les feux et les dangers de l’amour, c’est en reprenant le livre que vous aurez des émotions réelles.

Dans Rivette, j’ai senti l’ennui, la lourdeur, la nuit. Ce que je ressens en reprenant Balzac, c’est ce regard sur la vie, cette analyse dans le temps donc hors du temps, intemporelle et toujours belle. Dire vite ce que la vie met longtemps à nous dire. Chaque page est belle. Et il y a quelque chose dans chaque phrase, dans chaque respiration de la phrase. Il y a une pensée en action, qui regarde, qui analyse, qui structure.

Il faudrait reprendre le cheminement de la voix de la Duchesse dans le couvent et le jeu, toujours le jeu, entre les ombres et les lumières, entre l’intérieur et l’extérieur, entre ce qui s’entend et ce qui se laisse voir, pour devenir certitude. La certitude que c’est elle, bien elle, uniquement elle. « Cette voix, légèrement altérée par un tremblement qui lui donnait toutes les grâces que prête aux filles leur timidité pudique, tranchait sur la masse du chant, comme celle d’une prima donna sur l’harmonie d’un final ». Comment filmer cette impression dite en une phrase : « La musique, passant du majeur au mineur, sut instruire son auditeur de la situation présente ».

« Il n’y a que le dernier amour d’une femme qui satisfasse le premier amour d’un homme »

Jacky Lavauzelle

Nuits Blanches (Luchino Visconti) – 1957- Le notti bianche – LE LONG VACILLEMENT DE L’ÊTRE

LUCHINO VISCONTI
Nuits blanches (Le notti bianche)

Nuits Blanches Visconti Long vacillement des êtres Artgitato Nuits blanches (Le notti bianche)
NUITS BLANCHE
Le Notti Bianche
1957

LE LONG VACILLEMENT DE L’ÊTRE

L’attente de l’être dans la tranquille sauvagerie. Tout le monde espère. Natalia espère dans la promesse du locataire (Jean Marais), Mario espère le bonheur simple dans la fraîcheur de Natalia, la prostituée espère un moment de douceur, un plaisir d’un soir. La blancheur de la neige et de l’attente. L’attente tout au long de ces nuits abrutissantes.

Une Livourne approximative entremêlée de ruelles et de ponts, de canaux et de quais, de passants et de clochards. Tout ne semble tenir que par les ponts arcboutés sur les êtres vides, livides et transhumants. Les murs défoncés et les ruines posent. Elles sont le décor et l’âme des personnages, décentrés et perdus.

LES RAYONS DE SUAVES ARDEURS

La lente et profonde désarticulation de l’être. Les êtres se chevauchent, se déhanchent, s’arcboutent aussi, se plient, tombent parfois et se relèvent enfin comme dans le rock endiablé de la taverne.

La blondeur enfantine, juvénile, fraîche de Natalia (Maria Schell). Un visage lumineux qui embarque Mario et le locataire.

La blondeur dans l’amour de la loge à l’écoute du Barbier. Une tête sur une épaule. « Et les fleurs exhalaient de suaves odeurs  Autant que les rayons de suaves ardeurs ; Et l’on eût dit des voix timides et flûtées Qui sortaient à la fois des feuilles veloutées ; Et comme un seul accord d’accents harmonieux, Tout semblait s’élever en chœur jusques aux cieux » (Alfred de Vigny, Les Amants de Montmorency).

LES LAIDEURS PARTICULIERES

Le film se pose. Natalia restera toujours dans l’attente d’un autre bonheur. Elle a trouvé. Elle sait. Pourquoi chercher ailleurs. Il n’y a plus qu’à attendre même dans le bruit des larmes, dans le bruit des soupirs.

La noirceur et la poisse de la prostituée (Clara Calamai) à la recherche d’un peu de lumière. Mario se laisse prendre, désabusé. « L’éclat des yeux peut tromper au premier moment. Mais on rencontre souvent des laideurs particulières, vicieuses, psychiques » (Henri Michaux, Un Barbare en Inde). Elle se perd dans les profondeurs, entraîne Mario sur des quais interlopes. Mario d’un dernier coup de reins remonte à la lumière et quitte la malédiction des profondeurs.

IL ABUSE DE LA NUIT

Mario revit. Il est là et dans ses bras Natalia. Tout est beau, trop beau, jusqu’à cette neige recouvrant toutes les misères, toutes les noirceurs et les bassesses. La neige illumine ces deux êtres seuls dans la ville, seuls mais qui la dépassent et la survolent. Ils crient, jouent et s’embrassent dans de longs projets d’avenir joyeux et soyeux.

Le « C’est lui » final, claquant dans la neige et cassant le rêve monté par Mario.  Le personnage accuse le coup, se courbe. La tête tombe. Le mur seul peut encore le retenir. Le manteau sur l’épaule, Mario (Marcello Mastroianni)  se retourne et part en caressant le chien au fond de la nuit. « Il n’abusera pas trop de la lumière des lampes. Il abusera plutôt de la nuit » (Henri Michaux, Un Barbare en Inde).

 

Jacky Lavauzelle

 

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Nuits blanches (Le notti bianche)

AINSI SOIENT ILS : LE COURAGE A HAUTEUR DE LA VOLONTE – L’ENERGIE REBELLE DE JOSE

Série
Ainsi soient ils
Rodolphe TISSOT – Elizabeth MARRE – Olivier PONT

 SaAinsi soient-ils samuel jouy génériquemuel JOUY,

 L’énergie rebelle
Comme Augustin, José Del Sarte (Samuel Jouy) a compris qu’il y a quelque chose qui passe l’homme, qui le dépasse. Il veut comprendre et tout faire pour arriver à saisir un peu de cette vérité. Et ce, malgré son parcours. Mais Augustin, n’était-il pas loin de Dieu avant sa conversion, lui aussi : « C’est quoi, le problème ? – Ton profil ! Aide sociale à l’enfance, foyers, casier, ta vie, les trafics, les stupéfiants, le meurtre du russe. Tu sors à peine de prison. On la savait, que ça ne serait pas simple. »

LA VERITE DES HOMMES ET DU MONDE



Pourtant José va associer l’instinct du cœur et la maîtrise de la parole au service de son combat et de sa quête continuelle de la vérité des hommes et du monde. L’esprit de Dieu ne s’est-il pas reposé au premier jour sur des eaux bourbeuses et informes. C’est pour cela que le Père Etienne Fromenger (Jean-Luc Bideau), le directeur du Séminaire, refusera de lui qu’il utilise la violence. Il est la force. Il doit la canaliser au travers de sa foi, pour qu’elle se transforme en pure énergie : « pas de violence ici ! Je ne le tolérerai jamais … de personne, et surtout pas de toi…Tu as du cœur et du courage. Et ta foi, elle est unique ! Tu t’es battu pour qu’elle existe en toi et pour la préserver. Quand cesseras-tu de te comporter comme un coupable ? Allez ! Va ! »



 José est l’Augustin du XXIème siècle. Comme lui, il se retrouve dans une période troublée. Si Augustin passe par Cicéron, les manichéens, Ambroise et les prières de Monique, sa mère, José reçoit la révélation directement comme un coup de poing : « Je m’appelle José Del Sarte et j’ai rencontré Dieu en prison. Enfin, pas exactement en prison. J’ai rencontré Dieu, le jour où j’ai tué un homme. Je m’en souviens comme si c’était hier. Je me souviens du sang du russe sur mon visage, son sang tiède. Je me souviens de la sueur qui me brûlait les yeux, les gyrophares de la police…j’ai couru, j’ai couru et je suis arrivé devant une église, alors, je me suis planqué là, derrière l’autel et j’ai retenu ma respiration. C’est là que je l’ai senti pour la première fois. Un regard posé sur moi : le Christ ! Il y avait un grand crucifix de bois accroché dans mon dos ; alors, je suis tombé à genoux. J’ai demandé pardon et j’ai pleuré, j’ai pleuré. C’est là que j’ai senti dieu en moi, pour la première fois. »



TOLLE ET LEGE ! PRENDS ET LIS !

Mais Augustin, dans ses Confessions, parle d’une voix qui répète à plusieurs reprises « Prends et lis ! Prends et lis ! » En prenant les épîtres de Saint Paul, il lit : « Ne passez pas votre vie dans les festins et les plaisirs de la table… mais revêtez-vous de votre seigneur Jésus-Christ, et gardez-vous de satisfaire les désirs déréglés de la chair. »

Ils se retrouvent dans la  même lumière et le même contentement. Augustin continue : « à peine, avais-je achevé la lecture de cette phrase qu’une sorte de lumière rassurante s’était répandue en mon cœur, en y dissipant toutes les ténèbres de l’incertitude. »



DIEU VOMIT LES TIEDES !

José a une illumination. Sa découverte de Dieu est moins intellectuelle qu’Augustin. Pour autant, il se rattrape en prison. Il aura la culture et l’énergie. Lors de l’examen de son dossiers aux Capucins, il y a l’évidence de sa force intérieure : « Il semble avoir acquis une énorme culture pendant sa détention, mais la base ?…Qu’est-ce que la base nous cherchons si ce n’est la passion, l’engagement, l’énergie… « Dieu vomit les tièdes », cette phrase est choquante, mais elle est plus vraie que jamais ! « 

Mais juste avant, c’est avec Augustin qu’il rentre en contact avec le Père Fromenger : « Tolle et lege. Prends et lis. Avant sa conversion, Augustin, il était athée, et l’église l’a accepté à l’époque. Pourquoi ? Parce qu’il avait la foi, l’énergie. Vous, aujourd’hui, tout ce que vous acceptez c’est l’ordre des choses. Les vrais paris, les vrais risques, vous ne les prenez jamais ! Ça, la brebis égarée, vous n’allez jamais la chercher, vous ! Vous préférez nous laisser seuls avec les loups ! »



José va droit. Tout droit. Même si les autres pensent qu’il se trompe, que la direction vraie est de l’autre côté, sur l’autre rive. La vérité sera au bout. L’essentiel est d’avancer, de mettre un pied devant l’autre, sans tourner en rond : « en taule, on ne marche pas, on tourne en rond ! On fait les cent pas. Je vais y aller à pieds, c’est cool !
-Toulouse… c’est pas de ce côté ! « 

L’ESPRIT PLUTÔT QUE LA FORCE

Augustin posait le problème de la connaissance vraie dans l’âme. Comment l’expliquer ? La vérité se trouve dans la raison et au-dessus de la raison. José cherche à rentrer aussi dans la vérité, la vérité du monde et des êtres : « Si nous sommes parmi vous, c’est parce qu’ici c’est le monde vrai, le lieu de tous et de chacun, et parce que le monde, c’est vous, c’est nous aussi. Avant d’être ici, moi, je suis passé par d’autres espaces collectifs, la cité, la prison. Ce ne sont pas les espaces de tous et de chacun. Vous savez pourquoi ? Parce que c’est la force qui règne ! Ça c’est une autre vision de la vie ! C’est ça que vous préférez ? Le lieu de la relégation des pauvres, le lieu de l’arbitraire de la loi. Et moi, vous me mettez où ? Quelle place vous m’accordez ? Nous sommes venus ici justement pour ne pas nous exclure du monde, de sa réalité. Pour être à son écoute, pour nous laisser envahir par elle. Qu’est-ce qui va nous arriver si la réalité se retire dès que nous tentons de l’approcher. Nous aussi nous sommes le monde, avec nos erreurs, nos peurs. »



A FORCE D’ANGELISME, ON NE SUPPORTE PLUS LA REALITE !

Tout devient extraordinaire. Il repense le geste simple, le plaisir d’étaler une confiture, mais si celle-ci est à moitié pourrie et qu’il n’y a pas de chauffage : « Vous vous attendiez à quoi ? A un quatre étoiles ? Excusez-moi, mais ça fait huit ans que moi, mes Noëls, je les passe entre quatre murs et une barquette plastifiée et un petit colis de la Croix-Rouge. Le seul cadeau que j’ai reçu, c’est une balle, une petite balle de 9 mm, cadeau de la femme du russe, pour me dire qu’elle ne m’oubliait pas. Là, c’est le premier Noël que je peux passer dehors, libre, depuis huit ans. Avec votre caprice d’enfant gâté, vous êtes en train de tout gâcher. .. – José a raison. A force d’angélisme, on ne supporte plus la réalité. »  

Jacky Lavauzelle