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SIR WALTER RALEIGH : LIKE HERMIT POOR IN PENSIVE PLACE OBSCURE – Comme un pauvre ermite dans un contemplatif lieu obscur

LITTERATURE ANGLAISE

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SIR WALTER RALEIGH
1552/1554-29 octobre 1618

 

Traduction – Translation

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

French and English text
texte bilingue français-anglais

 


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LES POEMES
DE SIR WALTER RALEIGH

Sir Walter Raleigh’s poems

LIKE HERMIT POOR IN PENSIVE PLACE OBSCURE
Comme un pauvre ermite dans un contemplatif lieu obscur

 Before 1593
Avant 1593

Like hermit poor in pensive place obscure 
Comme un pauvre ermite dans un contemplatif lieu obscur
I mean to spend my days of endless doubt, 
Je veux passer mes jours avec des doutes sans fin,
To wail such woes as time cannot recure, 
Plaindre tant de malheurs que le temps ne pourra jamais apaiser,
Where nought but love shall ever find me out. 
Là où personne sauf l’amour ne pourra me retrouver.
And at my gates despair shall linger still,
Et à mes portes, le désespoir s’attardera encore,
To let in death when love and fortune will.  
La mort entrera quand amour et fortune le voudront.

 




 A gown of grief my body shall attire, 
Une robe de douleur vêtira mon corps,
And broken hope shall be my strength and stay; 
Et l’espoir brisé sera ma force et mon soutien ;
And late repentance, linked with long desire, 
Et la repentance tardive, liée à un si long désir,
Shall be the couch whereon my limbs I’ll lay.
Sera la couche où mes membres se reposeront.
And at my gates despair shall linger still, 
Et à mes portes, le désespoir s’attardera encore,
To let in death when love and fortune will.
La mort entrera quand amour et fortune le voudront.

 




*

 




My food shall be of care and sorrow made; 
Ma nourriture sera et ma crainte et ma peine ;
My drink nought else but tears fallen from mine eyes; 
Ma boisson pas autre chose que les larmes de mes yeux ;
And for my light, in such obscured shade,
Et comme lumière, dans cette ombre obscurcie,
The flames may serve which from my heart arise. 
J’utiliserai les flammes qui sortirons de mon cœur.
And at my gates despair shall linger still, 
Et à mes portes, le désespoir s’attardera encore,
To let in death when love and fortune will. 
La mort entrera quand amour et fortune le voudront.




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LA LOGIQUE DES PASSIONS

Les passions du XVIe siècle sont marquées vivement chez Raleigh. C’est ce qui le rend si intéressant pour nous. Il réunit l’esprit d’aventure, le génie de l’intrigue, le courage guerrier, la liberté du style, la ferveur protestante, l’animosité politique, le luxe italien, l’avidité britannique, et la violence comme l’audace gasconnes ; âme singulière, au sein de laquelle luttent les vices et les grandeurs nés de ces sources diverses, mensonge, fierté, bassesse, magnanimité, cruauté, fourberie, héroïsme. L’antithèse des rhéteurs est impuissante à dire les contrastes d’une telle vie : elle a pour caractère l’excès dans toutes les directions ; sublimité dans le péril, avilissement dans le succès ; rien de modéré, rien d’égal ; aujourd’hui le rôle d’un martyr et demain celui d’un laquais. On ne peut l’expliquer que par la logique des passions, non par celle de la raison.

Philarète Chasles (1798 – 1873)
Walter Raleigh
Revue des Deux Mondes
Période Initiale
Tome 23, 1840

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Raleigh désira tout et fut tout

Il était né dans un temps qui fomentait l’ardeur vague de l’ambition, laissant tout espérer à la témérité, et enivrant de magnifiques promesses les âmes violentes. Nous savons aujourd’hui, fils du XIXe siècle, ce qu’une époque peut contenir de désirs immodérés, d’espérances sans terme et de désirs immodérés, d’espérances sans terme et de désirs insatiables. Raleigh désira être et fut tout ; plus d’une fois il atteignit le succès, et sa renommée incomplète demeura comme suspendue entre tous ces genres de gloire. On l’a vu tout commencer, ne rien accomplir ; de succès en succès n’aboutir qu’à des avortements, et devoir son véritable triomphe à sa prison, lorsque cette ardeur fixée se concentra dans des pensées sévères, et valut à Raleigh la gloire littéraire, celle qui protège encore avec le plus de certitude et de magnificence une renommée équivoque.
A cette leçon curieuse rien ne manque, ni les incidents romanesques d’un drame lointain, ni les péripéties sanglantes ou fatales, ni les bigarrures de la comédie. Si magnanime de temps à autre que certains ne veulent pas croire à ses faiblesses, si dédaigneux de la vérité et de la morale que certains ne veulent pas croire à son héroïsme ; sans arrêt, sans repos, sans scrupule ; âme qui désire tout, ambition qui prétend à tout, générosité qui veut tout donner, avidité qui veut tout prendre, ardeur d’admiration qui embrasse mille espèces de grandeur ; enthousiasme qui ne s’arrête à rien, et qui cherche les objets de la convoitise la plus diverse ; intrigant, vénal, sans pitié ; puis sublime ; — devant une dépense si vaste de qualités annulées ou perdues, l’historien reste comme épouvanté. La vie de Raleigh ne serait elle pas un enseignement énergique, digne de fixer l’attention des temps nouveaux ?

Philarète Chasles (1798 – 1873)
Walter Raleigh
Revue des Deux Mondes
Période Initiale
Tome 23, 1840

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SIR WALTER RALEIGH

SIR WALTER RALEIGH (1596) The Nymph’s Reply to the Shepherd LA REPONSE DE LA NYMPHE AU BERGER

LITTERATURE ANGLAISE

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SIR WALTER RALEIGH
1552/1554-29 octobre 1618

 

Traduction – Translation

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

French and English text
texte bilingue français-anglais

 


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LES POEMES
DE SIR WALTER RALEIGH

Sir Walter Raleigh’s poems

The Nymph’s Reply to the Shepherd
La Réponse de la Nymphe au Berger
1596

 

 




If all the world and love were young,
Si tout le monde et l’amour étaient jeunes,
 
And truth in every shepherd’s tongue,
Et la vérité dans la langue de chaque berger,
These pretty pleasures might me move
Ces plaisirs délicats pourraient me décider
To live with thee and be thy love.
A vivre avec toi et être ton amant.

*

Time drives the flocks from field to fold
Le temps conduit les troupeaux du champ à l’étable
When Rivers rage and Rocks grow cold,
Quand monte l’eau des Rivières et se glacent les Rochers,
And Philomel becometh dumb;
Et Philomèle devient muette ;
The rest complains of cares to come.
Les autres se plaignent des soucis à venir.

*

The flowers do fade, and wanton fields
Les fleurs se fanent et les champs capricieux
To wayward winter reckoning yields;
Se livrent aux désirs de l’hiver ;
 A honey tongue, a heart of gall,
Une langue de miel, un cœur de fiel,
  Is fancy’s spring, but sorrow’s fall.
C’est printemps fantaisiste, c’est le chagrin de l’automne.




*

Thy gowns, thy shoes, thy beds of roses,
Tes robes, tes chaussures, tes lits de roses,
Thy cap, thy kirtle, and thy posies
Ton chapeau, ton jupon et ton petit bouquet de fleurs
 Soon break, soon wither, soon forgotten:
Seront bientôt jaunis, bientôt flétris, bientôt oubliés :
In folly ripe, in reason rotten.
Mûrs en frasques, par la raison pourris.




*

Thy belt of straw and Ivy buds,
Ta ceinture de paille et tes bourgeons de lierre,
Thy coral clasps and amber studs,
Tes attaches de corail et tes boutons ambrés,
 All these in me no means can move
Tout cela ne m’empêchera nullement
 To come to thee and be thy love.
De venir à toi et d’être ton amant.

*

But could youth last and love still breed,
Mais que vive la jeunesse et que persiste l’amour,
Had joys no date nor age no need,
Que la joie soit sans limite et l’âge sans besoin ;
Then these delights my mind might move
Alors ces délices pourraient m’encourager
To live with thee and be thy love.
A vivre avec toi et être ton amant.




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LA LOGIQUE DES PASSIONS

Les passions du XVIe siècle sont marquées vivement chez Raleigh. C’est ce qui le rend si intéressant pour nous. Il réunit l’esprit d’aventure, le génie de l’intrigue, le courage guerrier, la liberté du style, la ferveur protestante, l’animosité politique, le luxe italien, l’avidité britannique, et la violence comme l’audace gasconnes ; âme singulière, au sein de laquelle luttent les vices et les grandeurs nés de ces sources diverses, mensonge, fierté, bassesse, magnanimité, cruauté, fourberie, héroïsme. L’antithèse des rhéteurs est impuissante à dire les contrastes d’une telle vie : elle a pour caractère l’excès dans toutes les directions ; sublimité dans le péril, avilissement dans le succès ; rien de modéré, rien d’égal ; aujourd’hui le rôle d’un martyr et demain celui d’un laquais. On ne peut l’expliquer que par la logique des passions, non par celle de la raison.

Philarète Chasles (1798 – 1873)
Walter Raleigh
Revue des Deux Mondes
Période Initiale
Tome 23, 1840

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Raleigh désira tout et fut tout

Il était né dans un temps qui fomentait l’ardeur vague de l’ambition, laissant tout espérer à la témérité, et enivrant de magnifiques promesses les âmes violentes. Nous savons aujourd’hui, fils du XIXe siècle, ce qu’une époque peut contenir de désirs immodérés, d’espérances sans terme et de désirs immodérés, d’espérances sans terme et de désirs insatiables. Raleigh désira être et fut tout ; plus d’une fois il atteignit le succès, et sa renommée incomplète demeura comme suspendue entre tous ces genres de gloire. On l’a vu tout commencer, ne rien accomplir ; de succès en succès n’aboutir qu’à des avortements, et devoir son véritable triomphe à sa prison, lorsque cette ardeur fixée se concentra dans des pensées sévères, et valut à Raleigh la gloire littéraire, celle qui protège encore avec le plus de certitude et de magnificence une renommée équivoque.

Philarète Chasles (1798 – 1873)
Walter Raleigh
Revue des Deux Mondes
Période Initiale
Tome 23, 1840

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SIR WALTER RALEIGH

LES POEMES DE SIR WALTER RALEIGH – SIR WALTER RALEIGH’S POEMS

LITTERATURE ANGLAISE

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SIR WALTER RALEIGH
1552/1554-29 octobre 1618

 

Traduction – Translation

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

French and English text
texte bilingue français-anglais

 


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LES POEMES DE SIR WALTER RALEIGH

Sir Walter Raleigh’s poems

 

Three things there be that prosper up apace
Trois Choses qui rapidement prospèrent

Three things there be that prosper up apace
Il y a trois choses qui rapidement prospèrent
And flourish, whilst they grow asunder far,
Et s’épanouissent, tant qu’elles croissent loin des deux autres,

 


What is our life?
Qu’est-ce que notre vie ?

What is our life? A play of passion,
Qu’est-ce que notre vie ? Un jeu de passion,
Our mirth the music of division,
Notre joie, la musique de rupture,

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The Nymph’s Reply to the Shepherd
La Réponse de la Nymphe au Berger
1596

If all the world and love were young,
Si tout le monde et l’amour étaient jeunes,
 
And truth in every shepherd’s tongue,
Et la vérité dans la langue de chaque berger,

 


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Like Hermit poor in pensive place obscure
 Comme un pauvre ermite dans un contemplatif lieu obscur
Before 1593
Avant 1593

Like hermit poor in pensive place obscure 
Comme un pauvre ermite dans un contemplatif lieu obscur
I mean to spend my days of endless doubt, 
Je veux passer mes jours avec des doutes sans fin,

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UN HOMME HORS NORME

ARTICLE DE
Philarète Chasles (1798 – 1873)

L’attitude du personnage répond à l’originalité de ses traits ; cet homme semble provoquer le monde, et vous diriez qu’il méprise d’avance ce qu’il a fait et ce qu’il va faire.
C’est en effet l’image corporelle et le type extérieur de l’âme la plus excessive dont les annales modernes aient conservé la trace. Walter Raleigh a tout osé, tout envahi, tout manqué. Les trente biographes qui se sont emparés de cette matière brûlante ont voulu la réduire aux proportions ordinaires, effort inutile : la bizarre création de Dieu leur échappe ; une vie de contradictions gigantesques, lutte de Titan contre le possible et l’impossible, désaccord entre la force humaine et la force des choses ; Campbell, Tytler, Birch, Cayley, Shirley, Naunton, même le docteur Southey, sans compter Prince, Fuller, Wood, Aubery, et l’allemand Totze, n’ont point fait comprendre Raleigh ; eux-mêmes ne l’avaient pas compris. Un article récent de la Revue d’Edimbourg, dont l’auteur a discuté avec la conscience d’un juge plusieurs circonstances relatives à la vie de Raleigh, ne nous satisfait pas davantage. C’est donc un sujet neuf, plein de fécondité, que l’étude de cet homme. Il renferme tout un siècle. Chez lui, les penchants de ce siècle bouillonnent, s’exagèrent, s’extravasent et débordent, sans jamais se régler ou s’accorder. Ame confuse, comme l’a très bien dit Hume, et confusément grande.

Philarète Chasles (1798 – 1873)
Walter Raleigh
Revue des Deux Mondes
Période Initiale
Tome 23, 1840








SIR WALTER RALEIGH

SIR WALTER RALEIGH – WHAT IS OUR LIFE? – Qu’est-ce que notre vie?

LITTERATURE ANGLAISE

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SIR WALTER RALEIGH
1552/1554-29 octobre 1618

 

Traduction – Translation

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

French and English text
texte bilingue français-anglais

 


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LES POEMES
DE SIR WALTER RALEIGH

Sir Walter Raleigh’s poems

WHAT IS OUR LIFE ?
QU’EST-CE QUE NOTRE VIE ?

 

 




What is our life? A play of passion,
Qu’est-ce que notre vie ? Un jeu de passion,
Our mirth the music of division,
Notre joie, la musique de rupture,
Our mother’s wombs the tiring-houses be,
L’utérus de notre mère, un vestiaire
Where we are dressed for this short comedy.
Où nous nous vêtissons pour cette courte comédie.
Heaven the judicious sharp spectator is,
Le ciel, judicieux et piquant spectateur,
That sits and marks still who doth act amiss.
Assiste et observe nos actions et nos chutes.
Our graves that hide us from the setting sun
Nos tombes nous cachent du soleil couchant
Are like drawn curtains when the play is done.
Comme des rideaux tirés quand la pièce est terminée.
Thus march we, playing, to our latest rest,
Ainsi, nous marchons, en jouant, vers notre dernier repos,
Only we die in earnest, that’s no jest.
Mais nous mourons sérieusement, ce n’est pas une farce.




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LA LOGIQUE DES PASSIONS

Les passions du XVIe siècle sont marquées vivement chez Raleigh. C’est ce qui le rend si intéressant pour nous. Il réunit l’esprit d’aventure, le génie de l’intrigue, le courage guerrier, la liberté du style, la ferveur protestante, l’animosité politique, le luxe italien, l’avidité britannique, et la violence comme l’audace gasconnes ; âme singulière, au sein de laquelle luttent les vices et les grandeurs nés de ces sources diverses, mensonge, fierté, bassesse, magnanimité, cruauté, fourberie, héroïsme. L’antithèse des rhéteurs est impuissante à dire les contrastes d’une telle vie : elle a pour caractère l’excès dans toutes les directions ; sublimité dans le péril, avilissement dans le succès ; rien de modéré, rien d’égal ; aujourd’hui le rôle d’un martyr et demain celui d’un laquais. On ne peut l’expliquer que par la logique des passions, non par celle de la raison.

Philarète Chasles (1798 – 1873)
Walter Raleigh
Revue des Deux Mondes
Période Initiale
Tome 23, 1840

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Raleigh désira tout et fut tout

Il était né dans un temps qui fomentait l’ardeur vague de l’ambition, laissant tout espérer à la témérité, et enivrant de magnifiques promesses les âmes violentes. Nous savons aujourd’hui, fils du XIXe siècle, ce qu’une époque peut contenir de désirs immodérés, d’espérances sans terme et de désirs immodérés, d’espérances sans terme et de désirs insatiables. Raleigh désira être et fut tout ; plus d’une fois il atteignit le succès, et sa renommée incomplète demeura comme suspendue entre tous ces genres de gloire. On l’a vu tout commencer, ne rien accomplir ; de succès en succès n’aboutir qu’à des avortements, et devoir son véritable triomphe à sa prison, lorsque cette ardeur fixée se concentra dans des pensées sévères, et valut à Raleigh la gloire littéraire, celle qui protège encore avec le plus de certitude et de magnificence une renommée équivoque.

Philarète Chasles (1798 – 1873)
Walter Raleigh
Revue des Deux Mondes
Période Initiale
Tome 23, 1840

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SIR WALTER RALEIGH

SIR WALTER RALEIGH : Three things there be that prosper up apace – TROIS CHOSES QUI RAPIDEMENT PROSPERENT

LITTERATURE ANGLAISE

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SIR WALTER RALEIGH
1552/1554-29 octobre 1618

 

Traduction – Translation

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

French and English text
texte bilingue français-anglais

 


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LES POEMES
DE SIR WALTER RALEIGH

Sir Walter Raleigh’s poems

Three things there be
that prosper up apace
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TROIS CHOSES QUI RAPIDEMENT PROSPERENT

 

 




Three things there be that prosper up apace
Il y a trois choses qui rapidement prospèrent
And flourish, whilst they grow asunder far,
Et s’épanouissent, tant qu’elles croissent loin l’une des autres,
But on a day, they meet all in one place,
Mais un jour, elles se rencontrent,
And when they meet, they one another mar;
Et quand elles se rencontrent, elles se transforment ;
And they be these: the wood, the weed, the wag.
Ces trois choses-là sont : le bois, l’herbe, le farceur.
The wood is that which makes the gallow tree;
Le bois donne la structure de la potence ;
The weed is that which strings the hangman’s bag;
L’herbe garrote le sac du bourreau ;
The wag, my pretty knave, betokeneth thee.
Le farceur, mon joli coquin, c’est toi.
Mark well, dear boy, whilst these assemble not,
Remarque bien, mon cher garçon, que tant qu’ils ne sont pas assemblés,
Green springs the tree, hemp grows, the wag is wild,
Le vert jaillit de l’arbre, l’herbe croit, le farceur reste un sauvageon,
But when they meet, it makes the timber rot,
Mais quand ils se rencontrent, voici que se putréfie le bois,
It frets the halter, and it chokes the child.
Que la corde se défait, et qu’elle strangule l’enfant.
  Then bless thee, and beware, and let us pray
Alors, sois béni, et prends garde, prions
We part not with thee at this meeting day.
Pour que nous ne soyons pas séparés le jour de cette confrontation.

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LA LOGIQUE DES PASSIONS

Les passions du XVIe siècle sont marquées vivement chez Raleigh. C’est ce qui le rend si intéressant pour nous. Il réunit l’esprit d’aventure, le génie de l’intrigue, le courage guerrier, la liberté du style, la ferveur protestante, l’animosité politique, le luxe italien, l’avidité britannique, et la violence comme l’audace gasconnes ; âme singulière, au sein de laquelle luttent les vices et les grandeurs nés de ces sources diverses, mensonge, fierté, bassesse, magnanimité, cruauté, fourberie, héroïsme. L’antithèse des rhéteurs est impuissante à dire les contrastes d’une telle vie : elle a pour caractère l’excès dans toutes les directions ; sublimité dans le péril, avilissement dans le succès ; rien de modéré, rien d’égal ; aujourd’hui le rôle d’un martyr et demain celui d’un laquais. On ne peut l’expliquer que par la logique des passions, non par celle de la raison.

Philarète Chasles (1798 – 1873)
Walter Raleigh
Revue des Deux Mondes
Période Initiale
Tome 23, 1840

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SIR WALTER RALEIGH

POESIE ANGLAISE ET AMERICAINE Traduction anglaise Jacky Lavauzelle

POESIE ANGLAISE ET AMERICAINE
LITTERATURE ANGLAISE ET AMERICAINE

Littérature anglaise et américaine Traduction Jacky Lavauzelle

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Traduction Anglais Jacky Lavauzelle
ARTGITATO
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Traductions Artgitato Français Portugais Latin Tchèque Allemand Espagnol

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Translation




 

 




LA POESIE ANGLAISE ET AMERICAINE

 

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William BLAKE

Poems from Poetical Sketches – Poèmes tirés des Poetical Sketches
Poems written in a copy of Poetical Sketches – Poèmes écrits dans un exemplaires des Poetical Sketches
Songs of Innocence – Chants d’Innocence (1789)
Songs of Experience – Chants d’Experience (1794)

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Emily BRONTË

Poems – Poèmes

**




Elizabeth Barrett Browning

Sonnets from the Portuguese  (Elizabeth Barrett Browning) Sonette aus dem Portugiesischen  (RILKE) Sonnets du Portugais (J Lavauzelle)
Elizabeth-Barrett-Browning Sonnets from the Portuguese Elizabeth Barrett Browning Sonette aus dem Portugiesischen RILKE**




SAMUEL TAYLOR COLERIDGE

Kubla Khan

IN Xanadu did Kubla Khan
À  Xanadu, Kubla Khan
A stately pleasure-dome decree:
Fit bâtir un majestueux dôme de plaisir :

LA COMPLAINTE DU VIEUX MARINIER
The Rime of the Ancient Mariner

VI

« But tell me, tell me! speak again,
 Mais dis-moi, dis-moi ! parle encore
« Thy soft response renewing—
 Répète ta douce réponse …

La Complainte du vieux marin Trad Jacky Lavauzelle

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Emily DICKINSON

Poems – Poèmes

Emily Dickinson Traduction Jacky Lavauzelle**

Michael DRAYTON

IDEAS – IDEES
Poems – Poèmes

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John GAY

THE BEGGAR’S OPERA
L’OPERA DU GUEUX
SONGS – LES CHANSONS

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 Khalil GIBRAN

Le Prophète  – The Prophet – 1923le-prophete-khalil-gibran-fred-holland-day-1898

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Alfred Edward HOUSMAN

poèmes – poems

Traduction Jacky Lavauzelle
Photographie d’Emil Otto Hoppé d’Alfred Edward Housman

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D. H. LAWRENCE

Les Poèmes de DH Lawrence – DH Lawrence’s Poems

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Thomas MOORE

Poèmes de Thomas Moore – Poems by Thomas Moore

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George ORWELL
1984
Nineteen Eighty-Four
LE PAYS DORÉ 

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Edgar Allan POE

Poems – Poèmes

Edgar Allan Poe Trad Jacky Lavauzelle

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Matthew PRIOR

Poems – Poèmes

**

Sir Walter RALEIGH

Poems – Poèmes

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Sir Walter SCOTT

Poèmes – Poetry

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William SHAKESPEARE

The Sonnets – Les Sonnets
1609

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Percy Bysshe SHELLEY

Poems – Poèmes

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James SHIRLEY

Poems – Poèmes

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Alfred TENNYSON

MARIANA
LA MOUCHE BLEUE




Oscar WILDE

Œuvre
Poems – Poèmes

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William WORDSWORTH

Poems – Poèmes

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Sir Thomas WYATT

Poems – Poèmes

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William Butler YEATS

Poetry of Yeats – La Poésie de Yeats
Poetry of Yeats La Poésie de Yeats William_Butler_Yeats_by_John_Singer_Sargent_1908

Theater of Yeats – Le théâtre de Yeats

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LA POESIE ANGLAISE ET AMERICAINE

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La poésie a-t-elle perdu toute son importance à une époque comme la nôtre ? Quoiqu’on l’ait souvent répété, cela ne me semble vrai qu’à demi ; même à notre époque, je crois qu’elle est encore, sinon une grande page de l’histoire des nations, au moins une des meilleures clés pour nous ouvrir leur caractère. Si je veux connaître la raison ou la conscience d’un homme, je ne lui demanderai pas ce qu’il pense sur une question donnée : sa réponse à cet égard pourrait n’être qu’une notion empruntée ou la conséquence de quelque lieu commun entièrement indépendant de sa nature. Je préfère observer les goûts ou les répugnances qu’il témoigne à son insu, les impressions et les jugemens qui lui échappent au contact de tout ce qui le touche ; ils laissent voir bien plus à nu ce qui vit et palpite au fond de son être. Un avantage analogue, j’imagine, s’attache à la poésie des peuples étrangers elle est comme leur confession involontaire. Elle ne nous met pas seulement sous les yeux un produit de leurs facultés, elle nous montre à l’œuvre leurs facultés mêmes ; elle nous dévoile leurs idées générales, celles dont toutes leurs opinions ne sont que des modulations ; elle nous permet enfin de saisir sous leurs idées tous ces mobiles plus mystérieux, tous ces instincts, ces goûts, ces affections, qui jouent un si grand rôle dans les actions des hommes, et qu’on daigne à peine cependant regarder comme des réalités positives, parce qu’ils ne sont pas des conceptions de l’esprit.

Dans le cas de l’Angleterre, la confession me paraît d’ailleurs offrir un intérêt particulier. Les poètes de l’Italie ou de l’Espagne, par exemple, ne nous révéleraient guère qu’un état intellectuel et moral que nous avons déjà traversé nous-mêmes ; ceux de l’Angleterre au contraire, les derniers surtout, attestent, à mon sens, un mouvement d’idées tout nouveau dans l’histoire, et qui est peut-être la seule condition possible de vie pour les nouvelles institutions de nos sociétés. En tout cas, ce qu’ils reflètent est une phase d’esprit dont nous soupçonnons à peine l’existence, et qui ne s’est pas encore produite en France.

L’Europe entière avait traduit et imité Byron ; elle l’avait admiré avec passion, probablement parce qu’elle retrouvait chez lui ses propres sensations ; elle est restée indifférente pour ses successeurs, probablement parce qu’elle ne reconnaissait pas chez eux sa propre manière de voir et d’apprécier les choses. Quoi qu’il en soit des causes, le fait certain, c’est que Byron est encore regardé chez nous comme le dernier mot du génie poétique de l’Angleterre moderne. S’il nous est venu quelques échos des réputations plus récentes, ils étaient assez vagues. On n’a pas cherché, que je sache, à rapprocher l’un de l’autre les représentans de la littérature du jour ; on n’a pas tenté de faire ressortir les liens de parenté qui les unissent entre eux, en les distinguant tous de l’école byronienne, et naturellement ils nous apparaissent un peu comme des copies effacées de Byron, comme des variétés dégénérées de son espèce.

La Poésie anglaise depuis Byron
J. Milsand
La Revue des Deux Mondes
Tome 11
1851

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LA POESIE ANGLAISE ET AMERICAINE

Littérature anglaise et américaine Traduction Jacky Lavauzelle

ANATOLE FRANCE : CRAINQUEBILLE ou LA VERITE DU SABRE

Anatole France

CRAINQUEBILLE
(1901)
LA VERITE DU SABRE

 

Crainquebille Anatole France Artgitato 1901 dess Hayet

 

Crainquebille parle d’un homme écrasé et broyé par la société, plus encore que par la justice, pour quelques mots, une phrase,  un juron qu’il ne prononça pas. Pauvre, il finira ivrogne sur le trottoir, rejeté, exclu par tous. Le roman finira ainsi : « Crainquebille, la tête basse et les bras ballants, s’enfonça sous la pluie dans l’ombre. » Le roman reste toutefois une condamnation virulente de cette justice. Une justice pour laquelle il n’est pas souhaitable de juger par les faits. Elle reste portée, quasi métaphysiquement, par une infaillibilité naturelle et intrinsèque qu’elle porte en son sein. Il en va de la stabilité du corps social. « Ceux qui veulent que les arrêts des tribunaux soient fondés sur la recherche méthodique des faits sont de dangereux sophistes et des ennemis perfides de la justice civile et de la justice militaire. » Nous y reviendrons.

UNE SI BELLE CEREMONIE

L’œuvre reste néanmoins, malgré le sujet, imbibé d’un humour que nous retrouverons plus tard dans Le Brave Soldat Chveïk de Jaroslav Hašek, publié en 1921, ou dans le Voyage au bout de la nuit de Céline, publié en 1932. Et nous sommes en 1901. Un décalage des situations. Un étonnement devant des situations injustes. Une esthétisation de la laideur. Une naïveté enfantine dans un monde d’adultes froid et mécanique. «  On parle bien à un chien. Pourquoi que vous me parlez pas ? Vous ouvrez jamais la bouche ? Vous avez donc pas peur qu’elle pue ? »… « Crainquebille, reconduit en prison, s’assit sur son escabeau enchaîné, plein d’étonnement et d’admiration…il lui était impossible de concevoir que quelque chose clochât dans une si belle cérémonie. Car, n’allant ni à la messe, ni à l’Elysée, il n’avait, de sa vie, rien vu de si beau qu’un jugement en police correctionnelle »…  « A cette heure, il aurait vu le président Bourriche, une auréole au front, descendre, avec des ailes blanches, par le plafond entr’ouvert, qu’il n’aurait pas été surpris de cette nouvelle manifestation de la gloire judiciaire : « Voilà mon affaire qui continue !»…  « Pour ça, on peut dire que ces messieurs ont été bien doux, bien polis ; pas un gros mot. J’aurais pas cru. Et le cipal avait mis des gants blancs. Vous avez pas vu ? »

UNE JUSTICE MAJESTUEUSE

Anatole France place Jérôme Crainquebille, le marchand des quatre-saisons, devant la justice. Avant même la description de ses soi-disant méfaits. « La majesté de la justice » agit par principes. Anatole France met en relief la raideur et l’infaillibilité de cette institution. Elle n’en est plus à une contradiction près pourvue qu’elle se retrouve sous la protection de toutes les autorités tutélaires. Il décrit ainsi l’opposition de deux bustes : celui de la République qui jouxte celui du Christ.

UNE JUSTE TERREUR

En dessous, la tête du malheureux ahuri devant une telle situation. Les mots, les codes, le contexte de l’arrestation lui apparaissent incompréhensibles, « toutes les lois divines et humaines étaient suspendues sur la tête de Crainquebille. Il en conçut une juste terreur. » C’est un homme apeuré, écrasé, que chacun regarde avec les yeux de la curiosité et de la condescendance.

LA VERITE DU SABRE

Les faits dans la justice décrite étant à proscrire, car trop interprétables, confère l’anecdote de sir Walter Raleigh, il convient de s’en référer à des principes intangibles et sûrs. « La méthode qui consiste à examiner les faits selon les règles de la critique est inconciliable avec la bonne administration de la justice. Si le magistrat avait l’imprudence de suivre cette méthode, ses jugements dépendraient de sa sagacité personnelle, qui le plus souvent est petite, et de l’infirmité humaine qui est constante. Quelle en serait l’autorité ? » … « Le président Bourriche s’assure une sorte d’infaillibilité…Quand l’homme qui témoigne est armé d’un sabre, c’est le sabre qu’il faut entendre et non l’homme. L’homme est méprisable et peut avoir tort. Le sabre ne l’est point et il a toujours raison. »

UNE HAUTE IDEE DE LA JUSTICE

Il est dans « l’étonnement », la stupéfaction, la peur, qui l’inhibe totalement. « Il n’avait pas l’habitude de la discussion, et dans une telle compagnie le respect et l’effroi lui fermaient la bouche. » Il ne comprend pas. Il regarde les yeux grands ouverts ces raideurs et ces hommes endimanchés qui parlent vite.  « Crainquebille ne se livrait à aucune considération historique, politique ou sociale. Il demeurait dans l’étonnement. L’appareil dont il était environné lui faisait concevoir une haute idée de la justice. Pénétré de respect, submergé d’épouvante, il était prêt à s’en rapporter aux juges sur sa propre culpabilité. Dans sa conscience, il ne se croyait pas criminel ; mais il sentait combien c’est peu que la conscience d’un marchand de légumes devant les symboles de la loi et les ministres de la vindicte sociale. Déjà son avocat l’avait à demi persuadé qu’il n’était pas innocent. » Anatole France renverse la culpabilité. Crainquebille, l’innocent devenu coupable, par ignorance. La justice elle-même devient coupable, en campant sur ses fausses certitudes. Il est seul contre tous et contre tous les pouvoirs. Son avocat, sensé le défendre, souhaite qu’il reconnaisse le délit. Il n’est pas de poids à lutter.

Crainquebille Anatole France Artgitato 1901 dess Hayet 3

UN SIMPLE RITUEL LITURGIQUE

La raison de l’arrestation : un « Mort aux vaches ! » qu’aurait lancé Crainquebille l’agent 64. « Mort aux Vaches ! » serait une expression datant de 1870, moins de trente ans avant la parution du livre. Vache pour le mot allemand Wache, le quart, la garde, le poste de police et, par extension, une insulte pour tout ce qui porte l’uniforme. Anatole France nous précise que, pendant l’histoire, cette injure était devenue populaire : « Par ces propos, qui pourtant exprimaient moins la révolte que le désespoir, l’agent 64 se crut insulté. Et comme, pour lui, toute insulte revêtait nécessairement la forme traditionnelle, régulière, consacrée et rituelle, et pour ainsi dire liturgique de « Mort aux vaches ! » c’est sous cette forme que spontanément il recueillit et concréta dans son oreilles les paroles du délinquant : – Ah ! vous avez dit : « Mort aux vaches ! » C’est bon. Suivez-moi. » Même s’il ne se réfère pas à cette origine germanique. « Le sens de cette phrase n’est pas douteux. Si vous feuilletez le Dictionnaire de la langue verte, vous y lirez : « vachard, paresseux, fainéant ; qui s’étend paresseusement comme une vache, au lieu de travailler. – Vache, qui se vend à la police ; mouchard. » Mort aux vaches ! se dit dans un certain monde. »

TESTIS UNUS, TESTIS NULLUS

L’agent de police en cause dans l’Affaire Crainquebille n’est nommé d’abord que par son numéro, comme quelque chose d’informel et d’impersonnel, de mathématique : le représentant de la haute autorité publique éternelle. « Il ne faut pas se fier au témoignage d’un homme : Testis unus, testis nullus. Mais on peut avoir foi dans un numéro. Bastien Matra, de Cinto-Monte, est faillible. Mais l’agent 64, abstraction faite de son humanité, ne se trompe pas. C’est une entité. Une entité n’a rien en elle de ce qui est dans les hommes et les trouble, les corrompt, les abuse. Elle est pure, inaltérable et sans mélange. »

Crainquebille Anatole France Artgitato 1901 dess Hayet 2

CIRCULEZ !

A l’origine de cette méprise, l’agent 64 demande à notre vendeur de quitter les lieux, de « circuler ». Mais notre Crainquebille attend les quatorze sous que lui doit, ce 20 octobre, Rue Montmartre, la cordonnière, Mme Bayard ; cette bourgeoise, prenant tout son temps, met en difficulté notre homme. Il est une double victime ; victime de la force policière alors qu’il n’a commis aucune faute, sinon celle d’être là, victime de l’arrogance et du mépris de cette bourgeoisie montante.

LES INJURES HEROÏQUES DES GARCONS BOUCHERS

Et c’est dans un brouhaha total que la scène se passe. L’agent est au-milieu de quelque chose qui le dépasse et au lieu de gérer la circulation s’acharne sur notre pauvre homme : « l’embarras des voitures était extrême dans la rue Montmartre. Les fiacres, les haquets, les tapissières, les omnibus, les camions, pressés les uns contre les autres, semblaient indissolublement joints et assemblés. Et sur leur immobilité frémissante s’élevaient des jurons et des cris. Les cochers de fiacre échangèrent de loin, et lentement, avec des garçons bouchers des injures héroïques, et les conducteurs d’omnibus, considérant Crainquebille comme la cause de l’embarras, l’appelaient ‘sale poireau’. » Ce capharnaüm de véhicules finit par emprisonner sa charrette et lui interdit le moindre mouvement, « d’ailleurs il lui était impossible maintenant d’avancer ou de reculer. La roue de sa charrette était malheureusement prise dans la roue d’une voiture de laitier. » Crainquebille, victime de l’autorité policière et des a priori des badauds et des commerçants, l’est aussi des circonstances. Même les objets et les choses sont contre lui. Il est seul. Même la bourgeoise qui lui doit les quatorze sous se retire telle une voleuse avec une excuse bien morale : « Mme Bayard, pensant qu’on ne devait rien à un homme conduit au poste, mit les quatorze dans la poche de son tablier. »

UN HOMME A TERRE

Enfin presque. Un homme, un seul, s’avance devant l’agent pour faire sa déclaration. Il a tout entendu. Notre vendeur n’est pas coupable. Il s’agit d’une simple erreur de compréhension. Il y a méprise. Mais l’opinion est contre lui. Il reste un pestiféré. La foule pusillanime, compact contre lui, comme une réaction à un anticorps. Suit la boisson, « moins il gagnait d’argent, plus il buvait d’eau-de-vie »,  l’exclusion, les rancœurs, « le malheur le rendait injuste. Il se revanchait sur ceux qui ne lui voulaient pas de mal et quelquefois sur de plus faible que lui» De sa gargote à la rue.  L’homme pauvre mais debout devient un misérable couché et méprisé, « enfin il était démoralisé. Un homme dans cet état-là, autant dire que c’était un homme par terre et incapable de se relever. Tous les gens qui passent lui pilent dessus. »

UNE AUSTERE DOUCEUR

De ce grand malheur, la vision de la prison lui semble alors idyllique. A manger et à boire, à des heures régulières, une couche sèche et changée. Le voilà à rêver d’y retourner et pour cela doit commettre un délit. Crainquebille brave homme n’en connaît pas. Sauf, peut-être, celui pour lequel il fût injustement condamné. Mais le délit se délite, et le stratagème coule dans le ruisseau comme cette pluie qui tombe et qui finit par lui ruiner la santé. « Le sergeot répondit avec une austère douceur : que ce soye pour une idée ou pour autre chose, ce n’était pas à dire, parce que quand un homme fait son devoir et qu’il endure bien des souffrances, on ne doit pas l’insulter par des paroles futiles. » Crainquebille n’intéresse plus personne. Il n’est même plus capable de commettre un délit. C’est la fin de sa vie sociale, devenu moins que rien. Moins qu’une chose. Il reste une ombre dans la rue. A peine une ombre.

 Jacky Lavauzelle

 Texte dans Lisez-moi du 25 juin 1906 Dessins de Hayet