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LA POÉSIE AU FÉMININ Anthologie des poétesses depuis la Grèce antique

DE L’ORAGE ET DES POÈMES

https://www.kobo.com/fr/fr/ebook/la-poesie-au-feminin

Les anthologies reprennent traditionnellement les écrivains nationaux en très grande majorité.
Dans ces derniers, les femmes sont toujours les exceptions.
Nombreuses anthologies françaises ne contiennent souvent aucune poésie de poétesse.
À la marge, pour les anthologies françaises par exemple, nous trouvons au mieux quelques sonnets de Louise labbé, la Comtesse de Noailles, et une fois ou deux Pernette du Guillet avec un seul poème.
Si, comme le dit Maria Teresa Wilms Montt, « il est difficile d’être une femme dans ce monde », nous pouvons assurer qu’il est encore plus difficile d’être une poétesse dans ce monde d’hommes.
Si l’on demande de citer dix ou vingt poètes, il est à peu près certain que nous n’aurons aucune poétesse.
Nous avons à ce stade plusieurs options :
La première, qu’il n’existe que très peu de poétesses en ce monde et dans les époques passées.
La seconde, que leur qualité littéraire était moindre que celle des hommes, notamment des plus grands, Verlaine, Rimbaud, Pouchkine, Pessoa, Whitman, Mandelstam et bien d’autres.

Le but de cet ouvrage est de montrer que ni la première ni la seconde ne sont recevables.

Qu’en plus d’une quantité incroyable de grandes poétesses, toutes les thématiques, traditionnelles ou novatrices, sont abordées, religieuses, athées, psychologiques, émotionnelles, symbolistes, etc.

Un point commun relie toutefois les auteures présentées ici : l’engagement.
L’écriture n’est jamais formelle.
Aucune formalité mais une vitale nécessité d’écrire.

L’engagement dans la vie, dans l’écriture, dans la passion, dans l’existence.

Tout est entier et total. Il n’y a pas de freins ou de convenances.

Cet engagement provoque la libération émotionnelle et la puissance, retenue ou non, des corps et des esprits.

Dans des époques troublées et avec la toute puissance des hommes sur les femmes, de la Grèce, où la femme n’était pas une citoyenne à part entière, jusqu’aux écrivaines soviétiques sous le joug de la toute puissance doublée avec la terreur communiste, jusqu’aux écrivaines chiliennes, argentines sous le joug d’un pouvoir machiste affirmé.

Il s’agit pour moi de rencontres dans l’esprit, les corps, les émotions, les désirs, la nostalgie et les projets.
En quelques mots, l’aventure de la vie.
De nos vies.
Pour reprendre Tsvétaëva :
« Il y aura de l’orage ! … Il y aura de l’amour ! … Il y aura des poèmes ! »  

Jacky Lavauzelle


****

LISTE DES POÉTESSES
DANS CET OUVRAGE

Sappho (630 av. J.-C. – 580 av. J.-C.)
Al-Hansā’ (575-645)
Hildegarde de Bingen (1098-1179)
Marie de France (v 1160- v 1210)
Christine de Pisan (1364- 1430)
Marguerite d’Angoulême (1492-1549)
Pernette du Guillet (1518 ou 1520 – 1545)
Louise Labé (1524-1566)
Catherine Des Roches (1542-1587)
Marie de Romieu (vers 1545 – vers 1590)
Marseille d’Altouvitis (1577 – 1606)
Élisabeth-Sophie Chéron (1648 – 1711)
Hedvig Charlotta Nordenflycht (1718-1763)
Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)
Annette von Droste-Hülshoff (1797 – 1848)
Elizabeth Barrett Browning (1806-1861)
Caroline Pavlova (1807-1893)
Élisa Mercœur (1809 – 1835)
Louise-Victorine Ackermann (1813 – 1890)
Emily Brontë (1818 – 1848)
Emily Dickinson (1830-1886)
Rosalía de Castro (1837- 1885)
Louisa Siefert (1845 – 1877)
Vittoria Aganoor (1855-1910)
Zinaïda Nicolaïevna Hippius (1869-1945)
Mirra Lokhvitskaïa (1869- 1905)
Teffi (1872-1952)
Anna de Noailles (1876-1933)
Renée Vivien (1877 – 1909)
Virginia Woolf (1882–1941)
Sophia Parnok (1885 -1933)
Delmira Agustini (1886 – 1914)
Anna Akhmatova (1889-1966)
Marie Skobtsova (1891-1945)
Alfonsina Storni (1892 – 1938)
Marina Tsvetaïeva (1892-1941)
Maria Teresa Wilms Montt (1893 -1921)
Florbela Espanca (1894-1930)
Colette Peignot (1903-1938)

Table des matières
DE L’ORAGE ET DES POÈMES 9
SAPPHO Σαπφώ 11
ENTRE LÉGENDE & HISTOIRE UNE VIE DE SAPPHO 13
μνος στην Αφροδίτη HYMNE À APHRODITE 15
Ωδή εις Ανακτορία ODE AU PALAIS ODE À LA FEMME AIMÉE 17
Al-H̠ansā’ 19
DE L’INFLUENCE EXERCÉE PAR LES FEMMES POÈTES DANS L’ANCIENNE ARABIE 21
LE DIWAN D’AL HANSA’ 25
Le Diwan D’Al-H̠ansā’ I 27
Le Diwan D’Al-H̠ansā’ XIII 29
Le Diwan D’Al-H̠ansā’ XIV 30
Le Diwan D’Al-H̠ansā’ XVI 31
Le Diwan D’Al-H̠ansā’ XVII 33
Le Diwan D’Al-H̠ansā’ XVIII 33
Le Diwan D’Al-H̠ansā’ XIX 34
Le Diwan D’Al-H̠ansā’ XX 34
Le Diwan D’Al-H̠ansā’ XXI 35
Hildegarde de BINGEN HILDEGARDE VON BINGEN 37
LES VISIONS DE HILDEGARDE VON BINGEN 38
BIOGRAPHIE DE HILDEGARDE VON BINGEN 39
O BEATA INFANTIA Ô ENFANCE BIENHEUREUSE 41
DE SANCTA MARIA À MARIE 42
O AETERNE DEUS Ô DIEU ÉTERNEL 44
O MAGNE PATER Ô PÈRE MAJESTUEUX 45
Marie de FRANCE 47
LA PREMIÈRE FEMME À ÉCRIRE DES VERS EN FRANÇAIS 48
VIE DE MARIE DE FRANCE LES FABLES & LES LAIS 49
LAIS de Marie de France PROLOG LE PROLOGUE DES LAIS 51
LE FRAISNE LE LAI DU FRÊNE 55
Christine de PIZAN ou Christine de PISAN 87
Vers 1364– 1430 87
LA VIE DOULOUREUSE DE CHRISTINE DE PISAN 88
SEULETE SUY SEULE JE SUIS 89
LES DOUCEURS DU MARIAGE BALLADE 91
RONDEAU JE VAIS 94
RONDEAU JE NE SAIS COMMENT JE DURE 95
Marguerite d’ANGOULÊME
Marguerite de France
Marguerite de Navarre 97
MARGUERITE D’ANGOULÊME UNE FEMME PLEINE DE COEUR ET DE SENS 98
Portrait de François Ier, son frère 99
SATYRES ET NYMPHES DE LA REINE DE NAVARRE 100
ÊPITRES 101
AIMEZ LA FERMEMENT 103
RÉPONSE À CLÈMENT MAROT 104
J’AIME UNE AMIE ENTIÈREMENT PARFAITE 105
Pernette du GUILLET Vers 1518-1500 – 7 juillet 1545 107
RYMES DE GENTILE ET VERTUEUSE DAME 107
RYMES I LE HAULT POUVOIR DES ASTRES LE POUVOIR DES ASTRES 108
RYMES VIII IÀ N’EST BESOING QUE PLUS EI ME SOUCIE RIEN NE PEUT ME NUIRE 109
RYMES XII LE CORPS RAVY, L’AME S’EN EMERVEILLE LE RAVISSEMENT DU CORPS 110
RYMES XIV LE GRAND DESIR DU PLAISIR ADMIRABLE LE PUISSANT DÉSIR 111
RYMES XV POUR CONTENTER CELUY, QUI ME TOURMENTE CELUI QUI ME TOURMENTE 112
RYMES XVII JE SUIS TANT BIEN, QUE JE NE LE PUIS DIRE UNIQUE AU MONDE 114
RYMES XXI SI LE SERUIR MERITE RECOMPENSE DÉSIR & PLAISIR 115
RYMES XXII EN DAULPHINÉ CERES FAISOIT ENCOR MOISSON VÉNUS SERA FROIDE PENDANT DEUX HIVERS 116
RYMES XXVI IAY ESTÉ PAR UN VN LONG TEMPS ESPÉRANCE ET VENGEANCE 117
Louise LABÉ 119
LES SONNETS 119
SONNET I 123
SONNET II 124
SONNET III 125
SONNET IV 126
SONNET V 127
SONNET VI 128
SONNET VII 129
SONNET VIII 130
SONNET IX 131
SONNET X 132
SONNET XI 133
SONNET XII 134
SONNET XIII 135
SONNET XIV 136
SONNET XV 137
SONNET XVI 138
SONNET XVII 139
SONNET XIX 140
SONNET XX 141
SONNET XXIII 142
LES DAMES DES ROCHES
Catherine Des Roches 143
(Catherine Fradonnet) 143
Madeleine Des Roches 143

MÈRE & FILLE INSÉPARABLES & COMPLÉMENTAIRES 145
LA PUCE CATHERINE DES ROCHES 147
A ma mere À MA MÈRE 151
Marie de ROMIEU 153
Vers 1545 (Viviers en Ardèche)– Vers 1590 153
LA PRÉÉMINENCE DE LA FEMME SUR L’HOMME 154
DE LA PRÉÉMINENCE DE LA FEMME SUR L’HOMME BRIEF DISCOURS EN VERS. 155
QUE MES VERS CHANTENT 157
ÉLÉGIE 158
Marseille d’ALTOUVITIS 161
LE TALENT DE VERSIFIER 162
IL S’EN VA CE CRUEL VAINQUEUR 163
STANCES 164
Élisabeth-Sophie CHÉRON 165
MADEMOISELLE CHÉRON 166
FRAGMENTS DE L’ODE AYANT POUR SUJET LA DESCRIPTION DE TRIANON 167
Hedvig Charlotta NORDENFLYCHT 173
28 novembre 1718 – 29 juin 1763 173
Nöje i enslighet PLAISIR DANS LA SOLITUDE 174
LES FEMMES par MADAME DE STAËL 1814 176
DE L’INSTRUCTION DES FEMMES ET DE LA CARRIÈRE LITTÉRAIRE POUR ELLES par Louise d’Alq en 1893 177
Marceline DESBORDES-VALMORE 185
ÉLÉGIES 187
L’INQUIÉTUDE 188
LE CONCERT 189
PRIÈRE AUX MUSES 191
LE BILLET 193
L’INSOMNIE 194
SON IMAGE 195
L’IMPRUDENCE 196
À L’AMOUR 197
LES LETTRES 199
LA NUIT D’HIVER 201
LE SOUVENIR 204
LA SÉPARATION 205
LA PROMENADE D’AUTOMNE 207
ÉLÉGIE 209
Annette von DROSTE-HÜLSHOFF 211
Die Lerche L’ALOUETTE 213
Elizabeth Barrett BROWNING 217
Sonnets from the Portuguese 217
SONNETS PORTUGAIS 217
SONNET I 218
SONNET II 219
SONNET III 220
SONNET IV 221
SONNET V 222
SONNET VI 223
SONNET VII 224
SONNET VIII 225
SONNET IX 226
SONNET XI 227
SONNET XIII 228
SONNET XIV 229
SONNET XV 230
Élisa MERCŒUR 231
UN AN DE PLUS 233
DEMAIN 234
RÊVERIE 235
LE RÉVEIL D’UNE VIERGE 236
LA GLOIRE 237
PAYSAGE 243
LA NEIGE 245
Caroline PAVLOVA 247
Кароли́на Ка́рловна Па́влова 247
QUAND TA VOIX EST SI TENDRE 248
ПОЭТ LE POÈTE 249
IMPROMPTU 250
Louise-Victorine ACKERMANN 251
POÉSIES PHILOSOPHIQUES (1871) 251
I MON LIVRE 253
II À LA COMÈTE DE 1861 255
III 256
LES MALHEUREUX 256
IV L’AMOUR ET LA MORT 259
V 264
LE POSITIVISME 264
Emily BRONTË 265
THE NIGHT IS DARKENING ROUND ME LA NUIT TOUT AUTOUR DE MOI 267
POETICAL FRAGMENTS ‘TWAS OF THOSE DARK CLOUDY DAYS FRAGMENTS POÉTIQUES DE CES SOMBRES JOURS NUAGEUX 269
FAIR SINKS THE SUMMER EVENING NOW UNE CLAIRE SOIRÉE D’ÉTÉ 271
I’LL NOT WEEP JE NE PLEURERAI PAS ! 274
THE OLD STOIC LE VIEUX STOÏQUE 276
NO COWARD SOUL IS MINE L’ÂME ARDENTE 277
Remembrance Souvenir COLD IN THE EARTH LE FROID DANS LA TERRE 279
I’LL COME WHEN THOU ART SADDEST JE VIENDRAI QUAND TU SERAS VRAIMENT TRISTE 282
Emily DICKINSON 285
SIC TRANSIT GLORIA MUNDI AINSI PASSE LA GLOIRE DU MONDE 1852 287
ON THIS WONDROUS SEA SUR CETTE MERVEILLEUSE MER 1853 294
WHEN ROSES CEASE TO BLOOM QUAND LES ROSES FINIRONT DE FLEURIR 295
WHOSE CHEEK IS THIS ? A QUI CETTE JOUE 296
1859 296
A LITTLE EAST TO JORDAN UN PEU A L’EST DU JOURDAIN 297
1860 297
POOR LITTLE HEART ! PAUVRE PETIT CŒUR ! 299
1861 299
I’VE KNOW A HEAVEN LIKE A TENT J’AI CONNU UN CIEL 1861 301
OF BRONZE AND BLAZE DE BRONZE ET DE FEU 303
1862 303
I GAINED IT SO JE L’AI GAGNÉ AINSI 1863 305
THE SPRY ARMS OF THE WIND LES VAILLANTS DU BRAS DU VENT 307
1864 307
AFTER THE SUN COMES OUT LA TRANSFORMATION DU MONDE 1866 311
THE MURMURING OF BEES LE MURMURE DES ABEILLES 312
1867 312
AFTER A HUNDRED YEARS UN SIECLE APRÈS 1868 314
THE DUTIES OF THE WIND ARE FEW LES DEVOIRS ET LES PLAISIRS DU VENT 1869 315
A NOT ADMITTING OF THE WOUND LA BLESSURE 1870 317
THAT THIS SHOULD FEEL THE NEAD OF DEATH LE BESOIN DE LA MORT 1870 318
THE DAYS THAT WE CAN SPARE NOS FONDAMENTAUX 319
1871 319
UNTIL THE DESERT KNOWS AU GALOP DANS NOS RÊVES 320
1872 320
HAD WE OUR SENSES LA RAISON & LA FOLIE 321
1873 321
WONDER IS NOT PRECISLY KNOWING LE PLAISIR DEVENU DOULEUR 322
THAT SHORT POTENTIAL STIR 323
L’ÉCLAT DE LA MORT 323
LONG YEARS APART L’ABSENCE DE LA SORCIÈRE 324
1876 324
IT WAS A QUIET SEEMING DAY LE COQUELICOT DANS LE NUAGE 1877 325
TO MEND EACH TATTERED FAITH RÉPARER LA FOI EN LAMBEAUX 1878 326
WE TALKED WITH EACH OTHER LES SABOTS DE L’HORLOGE 327
1879 327
GLASS WAS THE STREET LA RUE DE VERRE 328
1880 328
THE THINGS THAT NEVER CAN COME BACK LES CHOSES QUI JAMAIS NE REVIENNENT 329
1881 329
HE ATE AND DRANK THE PRECIOUS WORDS LES MOTS PRÉCIEUX 1882 330
NO LADDER NEEDS THE BIRD BUT SKIES DONNER DES AILES AUX CHERUBINS 331
1883 331
UPON HIS SADDLE SPRUNG A BIRD LA NOTE DE L’OISEAU 332
1884 332
TAKE ALL AWAY FROM ME, BUT LEAVE ME ECSTASY LAISSEZ-MOI L’EXTASE 1885 333
LES ULTIMES POÈMES 1886 334
THE IMMORTALITY SHE GAVE LA FORCE DE L’AMOUR HUMAIN 334
OF GLORY NOT A BEAM IS LEFT 335
LES ÉTOILES 335
Rosalía de CASTRO
María Rosalía Rita de Castro, 337
Adios, ríos ADIEUX 339
Louisa SIEFERT 343
« TRÈS FÉMININ DE SENTIMENT TRÉS VIRIL D’EXPRESSION » 344
RAYONS PERDUS 345
PRÉFACE I 346
PRÉFACE II 347
INQUIÉTUDE 348
EN PASSANT EN CHEMIN DE FER 351
POURQUOI ? 353
L’ABBAYE 354
AUJOURD’HUI, HIER, DEMAIN 356
I. AUJOURD’HUI 356
II. HIER 357
III. DEMAIN 358
RÊVERIE 359
SOUVENIRS D’ENFANCE 361
LA VIE 375
Vittoria AGANOOR 377
PASQUA ARMENA PÂQUES ARMÉNIENNES 378
LA SERENATA LA SÉRÉNADE 380
CHE COSA IO TEMO J’AI PEUR 381
IO VIDI J’AI VU 383
TRIONFO TRIOMPHE 385
Zinaïda Nicolaïevna HIPPIUS
Зинаи́да Никола́евна Ги́ппиус 387
Бессилье IMPUISSANCE 389
Цветы ночи LES FLEURS DE LA NUIT 390
Однообразие MONOTONIE 392
ЛЮБОВЬ-ОДНА L’AMOUR EST UN 394
Молитва LA PRIÈRE 396
ПОСЛЕДНЕЕ ULTIME 397
Как все C’EST AINSI 398
Швея LA COUTURIÈRE 399
Электричество ÉLECTRICITÉ 401
ДАР L’OFFRANDE 402
ЛУНА И ТУМАН   LUNE ET BRUME 403
Пауки   LES ARAIGNÉES 404
Свобода LIBERTÉ 406
БРАЧНОЕ КОЛЬЦО   L’ALLIANCE 408
НЕЛЮБОВЬ LES VOLETS 410
У порога À LA PORTE 412
Молодому веку LE JEUNE ÂGE 413
Страшное EFFRAYANT ! 415
Сегодня на земле AUJOURD’HUI SUR TERRE 416
Веселье FÊTE D’OCTOBRE 417
Дни LES JOURS 418
Так есть C’EST AINSI 419
КЛЮЧ  LA SOURCE 420
БУДЕТ ESPÉRANCE 421
Неотступное IMPLACABLE 422
Наставление   GUIDE 424
Всё равно DE TOUTE FAÇON 425
Отъезд LE DÉPART 426
Mirra LOKHVITSKAÏA
Мирра Лохвицкая 427
Темно в туманной вышине SILENCE & SOUFFRANCE 429
Хотела б я свои мечты LA DOUCEUR DES PLAISIRS 430
ВЕЧЕРНЯЯ ЗВЕЗДА L’ÉTOILE DE NUIT 431
Спаситель, вижу Твой чертог LE ROYAUME DE LA GLOIRE 432
ЭЛЕГИЯ ÉLÉGIE 433
И ветра стон LES PENSÉES SOMBRES 434
Сопернице MA RIVALE 435
Кто — счастья ждет, кто — просит славы LES FAUSSES VISIONS 437
Я люблю тебя JE T’AIME COMME… 438
Дневной кошмар неистощимой скуки LE HÉROS INCONNU 439
Мне ненавистен красный цвет ROUGE 440
КРЕСТ La Croix Люблю я солнца красоту LA NOIRE ÉTERNITÉ 441
TEFFI
Tэ́ффи 443
Мой черный карлик целовал мне ножки LE NAIN 445
Ты меня, мое солнце… DE TOUTE FAÇON 446
Перед картой России DANS UN PAYS ÉTRANGE 448
Anna de NOAILLES 449
POÈME DE L’AMOUR 449
AMBITION DES FEMMES 467
Renée VIVIEN « Sapho 1900 » 469
CENDRES ET POUSSIÈRES 471
L’AUTOMNE 472
TON ÂME 473
PROPHÉTIE 474
LUCIDITÉ 475
LASSITUDE 476
LES ARBRES 477
DEVANT LA MORT D’UNE AMIE 478
LE VENT DES VAISSEAUX 479
LES QUATRE VENTS 480
LE RIRE DES VENTS 481
LES DIEUX LARES S’IRRITENT… 482
LE PALAIS DU POÈTE 483
UNE CHAPELLE 484
CHAPELLE DE MARINS 485
ESSOR D’UNE MOUETTE 486
AUX MOUETTES 487
LA MAUVAISE AUBERGE 488
PÉCHÉ D’ORGUEIL 489
VENUE DU JOUR 490
À MON DÉMON FAMILIER 491
AUBE 492
LE DERNIER DIEU 493
DOMINATION DU POÈME 494
ORGUEIL DE POÈTE 495
AVEU DANS LE SILENCE 496
DÉFAITE 497
TRAÎTRISE DU REGARD 498
LE POÈTE 499
PALAIS SOUS LA MER 500
INTANGIBLE 501
VOILE IMPATIENTE 502
LA MOUETTE QUI S’ÉLEVA 503
Virginia WOOLF 505
BLUE & GREEN BLEU & VERT 507
GREEN VERT 507
BLUE & GREEN BLEU & VERT 509
BLUE BLEU 509
THE WAVES LES VAGUES 1931 511
SUICIDE NOTE   1941 515
Sara TEASDALE 517
THE YEARS LES ANNÉES 518
THERE WILL COMME SOFT RAINS LES PLUIES DOUCES 519
NIGHT SONG AT AMALFI CHANT NOCTURNE À AMALFI 520
THE SOLITARY LA SOLITAIRE 521
PEACE PAIX 522
NIGHT IN ARIZONA NUIT EN ARIZONA 523
Sophia PARNOK
Софи́я Я́ковлевна Парно́к 525
На каштанах пышных ты венчальные JE CONSTRUIS MON ÂME 527
Не небо — купол безвоздушный TÉNÈBRES ET LUMIÈRE 528
Какой неистовый покойник! AMOUR & HAINE 530
Где море? Где небо? Вверху ли, внизу? LE BRUIT DES RAMES 532
Есть имена, как душные цветы LES FLEURS ÉTOUFFANTES 533
Все глаза под солнцем LES YEUX SOUS LE SOLEIL 534
Вспомяните: всех голов мне дороже CESSEZ DE M’AIMER ! 536
Этот вечер был тускло-палевый AU THEÂTRE DE L’UNION 537
Каждый вечер я молю LA MÉMOIRE ENDORMIE 539
В те дни младенческим напевом MÉLODIE INFANTILE 540
Срок настал LE FAUCHEUR NÉGLIGENT 541
Еще не дух, почти не плоть COMME UNE PIERRE 542
Агарь AGAR  544
Кто разлюбляет плоть L’AMOUR DE LA CHAIR 546
Под зеркалом небесным LA PENSÉE DU CERF 547
С детства помню LES POIRES DE MON ENFANCE 548
Трудно, трудно LE MONDE N’EST PLUS SI VASTE 549
Я тебе прощаю все грехи LA MUSIQUE N’EST PAS POUR LES YEUX 551
Цыганская песня CHANSON GITANE 552
Delmira AGUSTINI 553
LETTRE DE FRANCISCO VILLAESPESA 554
EL LIBRO BLANCO LE LIVRE BLANC 555
EL POETA Y LA ILUSION LE POÈTE ET L’ILLUSION 556
EL INTRUSO L’INTRUS 559
EXPLOSIÓN EXPLOSION 560
DE CANTOS DE LA MAÑANA LE CHANT DU MATIN 561
SUPREMO IDILIO IDYLLE SUPRÊME 562
LA BARCA MILAGROSA 565
LA BARQUE MIRACULEUSE 565
UN ALMA UNE ÂME 568
Los Cálices Vacíos LES CALICES VIDES 569
NOCTURNO NOCTURNE 570
DEBOUT SUR MON ORGUEIL 572
MI MUSA TRISTE MA TRISTE MUSE 573
AL CLARO DE LUNA AU CLAIR DE LUNE 577
A EROS À ÉROS 578
INTIMA INTIME 579
EL NUDO LE NU 582
INEXTINGUIBLES 583
TU BOCA TA BOUCHE 584
Anna AKHMATOVA
Анна Ахматова 585
На руке его много блестящих колец MA BAGUE 586
Хорони, хорони меня, ветер!  MON DERNIER RÊVE 587
Тот же голос, тот же взгляд LES MOTS SIMPLES 589
Молюсь оконному лучу  LE SANCTUAIRE 590
Подушка уже горяча L’OREILLER EST DÉJÀ CHAUD 591
И когда друг друга проклинали 592
LA BLANCHE PASSION 592
Ночь моя LE PIÈGE 593
Читая Гамлета LECTURE DE HAMLET (I) 594
Читая Гамлета LECTURE DE HAMLET (II) 595
Женская истерия L’HYSTÉRIE FÉMININE 596
На землю саван тягостный возложен 597
TSARSKOÏE SELO 597
ХОЧЕШЬ ЗНАТЬ… VOULEZ-VOUS SAVOIR… ? 598
Любовь L’AMOUR 599
Подражание И. Ф. Анненскому IMITATION D’INNOKENTI ANNENSKI 600
Протертый коврик под иконой LA PEUR DU DÉSIR 602
Венеция VENISE 604
Вечером LE SOIR 605
Твой белый дом и тихий сад оставлю AMOUR ET TENDRESSE À VENDRE 607
Вижу выцветший флаг над таможней LE DRAPEAU SUR LES DOUANES 608
Как ты можешь смотреть на Неву… LES AILES DES ANGES NOIRS 609
Уединение LA SOLITUDE 610
Разлука LA SÉPARATION 612
Я улыбаться перестала LE SILENCE DE L’AMOUR 613
Она сначала обожжёт UNE LARME SALÉE 614
И мнится — голос человека LA VOIX DE L’HOMME 616
Просыпаться на рассвете QUAND LA JOIE ÉTOUFFE 617
Призрак FANTÔME 618
Слух чудовищный бродит по городу UNE RUMEUR MONSTRUEUSE 619
Тот город LA GRÂCE DE LA PREMIÈRE CHANSON 621
Заклинание L’INCANTATION 623
Тихо льется тихий Дон LE CALME DON 624
Про стихи À PROPOS DES POÈMES 625
А умирать поедем в Самарканд SAMARCANDE, PATRIE DES ROSES ÉTERNELLES 626
Музыка LA MUSIQUE 627
Marie SKOBTSOVA 629
Мария (Скобцова)
Elizaveta Kuzmina-Karavayeva (1891-1945) 629

Бодрствуйте, молитесь обо мне… UN ÉCLAT DE MON ÂME 630
А медный и стертый мой грошик UNE ÉTOILE D’OR 631
Alfonsina STORNI 633
HOMBRE PEQUEÑITO PETIT HOMME 634
UN LÁPIZ UN CRAYON 635
NO VOLERÁS VOUS NE REVIENDREZ PAS 637
EN EL FONDO DEL MAR AU FOND DE LA MER 638
DOLOR DOULEUR 640
MACARILLA Y TRÉBOL  (1938) 643
DIOS-FUERZA DIEU-FORCE 644
MAR DE PANTALLA LA MER À L’ÉCRAN I 645
DIBUJOS ANIMADOS DESSINS ANIMÉS II 647
PLANOS DE UN CREPÚSCULO PLANS D’UN CRÉPUSCULE 648
LA SIRENA LA SIRÈNE 649
SIRENA DE BUQUE EN PUERTO SIRÈNE DE BATEAU AU PORT 650
TÚ ME QUIERES BLANCA TU ME VEUX BLANCHE 651
VOY A DORMIR JE VAIS DORMIR 657
Marina Ivanovna TSVETAÏEVA
Марина Ивановна Цветаева 659
Маме MAMAN 660
На солнце, на ветер, на вольный простор LES ALÉAS DES RÊVES 662
ПРАВДА LA VÉRITÉ 1910 664
КОШКИ LES CHATS 1911 665
Он приблизился, крылатый  LE PLUS IMPORTANT DES MOTS 666
Моим стихам, написанным так рано LES VINS LES PLUS PRÉCIEUX 668
Вы, идущие мимо меня LA FUMÉE ÉTERNELLE 669
Все глаза под солнцем TOUS LES YEUX 671
Лежат они, написанные наспех LES AMAZONES (Ils sont écrits à la hâte) 673
Соперница, а я к тебе приду AU CLAIR DE LUNE 674
Вот опять окно LA FENÊTRE 675
Имя твоё TON NOM 677
Откуда такая нежность? D’OÚ VIENT UNE TELLE TENDRESSE ? 679
Ахматовой À ANNA AKHMATOVA 681
Я бы хотела жить с Вами LES GOUTTELETTES DU TEMPS 683
Новый год я встретила одна SEULE 685
В лоб целовать EMBRASSER 686
Каждый стих — дитя любви TSAR OU VOLEUR (Chaque vers est un enfant d’amour) 687
 Мой день беспутен и нелеп NON-SENS (Ma journée est dissolue et ridicule) 688
Я — есмь. Ты — будешь LA SÉPARATION 689
Я — страница твоему перу LA PAGE BLANCHE ET LA TERRE NOIRE (Je suis une page sous ta plume) 690
Писала я на аспидной доске LE TABLEAU NOIR (J’ai écris sur le tableau noir) 691
Кто создан из камня AUTOPORTRAIT (Certains sont de pierre) 693
Седые волосы  LES CHEVEUX GRIS 695
 Письмо   LA LETTRE 697
О путях твоих пытать не буду LES VAGUES DE TON CORPS 699
ПОПЫТКА РЕВНОСТИ TENTATIVE DE JALOUSIE 701
Жив, а не умер LE DÉMON EST EN MOI (Vivant et non mort) 705
Поэма лестницы POÉME DE L’ESCALIER 708
САД LE JARDIN 734
В синее небо ширя глаза L’ORAGE 737
DOUCE FRANCE 1939 738
О слёзы на глазах! JE REFUSE ! (Ô LARMES DANS LES YEUX!) 739
Maria Teresa WILMS MONTT 741
AUTODEFINICIÓN AUTO-DÉFINITION 743
ALTA MAR HAUTE MER 745
BELZEBUTH BELZÉBUTH 746
OFRENDA OFFRENDE 749
MAHMÚ 751
Florbela ESPANCA
Flor Bela de Alma da Conceição 755
NIHIL NOVUM RIEN DE NOUVEAU 757
MEU FADO MON FADO 758
SONHANDO RÊVANT 760
VERSOS VERS 762
SONHANDO RÊVANT 764
O TEU OLHAR DANS TES YEUX 766
EU MOI 768
EU Q’RIA SER O MAR INGENTE E FORTE LE SOLEIL ET LA MER 769
SEM REMÉDIO SANS REMÉDE 771
A MINHA DOR MA DOULEUR 772
A VIDA LA VIE 773
ÓDIO? LA HAINE ? 774
QUE IMPORTA QU’IMPORTE ? 776
FANATISMO FANATISME 778
FUMO FUMÉE 779
SE TU VIESSES VER-ME HOJE A TARDINHA LES MAGIQUES FATIGUES 780
SER POETA ÊTRE POÈTE 781
EU MOI 782
VOLÚPIA LA VOLUPTÉ 783
Colette PEIGNOT 785
JE L’AI VUE 786
ESMERALDA 789
LA VIE RÉPOND 792
LE CORBEAU 793
ILS CRAIGNENT 796
ARCHANGE OU PUTAIN 797

EMILY BRONTË (1846) No Coward Soul Is Mine – L’ÂME ARDENTE

LITTERATURE ANGLAISE -English Literature – English poetry

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EMILY BRONTË
30 July 1818 – 19 December 1848
30 Juillet 1818 – 19 décembre 1848

Traduction – Translation

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

French and English text
texte bilingue français-anglais

 


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No Coward Soul Is Mine

L’ÂME ARDENTE

1846

 




No coward soul is mine
Mon âme n’est pas lâche
No trembler in the world’s storm-troubled sphere
Elle ne tremble pas dans ce tumultueux monde troublé
I see Heaven’s glories shine
Je vois scintiller les gloires du Ciel
And Faith shines equal arming me from Fear
Et la Foi brille tout autant en m’apaisant contre la Peur

*

O God within my breast
O Dieu dans ma poitrine
Almighty ever-present Deity
Déité omnipotente, omniprésente
Life, that in me hast rest,
La vie, en moi, s’apaise,
As I Undying Life, have power in Thee
Comme, Immortelle Vie, j’ai force en Toi






*

Vain are the thousand creeds
Vaines sont les mille croyances
That move men’s hearts, unutterably vain,
Qui chamboulent les cœurs des hommes, inutilement vaines,
Worthless as withered weeds
Inutiles comme des mauvaises herbes séches
Or idlest froth amid the boundless main
Ou l’écume fougueux des mers sans bornes

*

To waken doubt in one
Pour immiscer le doute en une âme
Holding so fast by thy infinity,
Collée à son infinité,
So surely anchored on
Aussi sûrement ancrée sur
The steadfast rock of Immortality.
Le ferme rocher de l’Immortalité

*

 





*

With wide-embracing love
Avec cet amour si large,
Thy spirit animates eternal years
Ton esprit anime les éternelles années
Pervades and broods above,
Au sommet, au-dessus, tout en haut,
Changes, sustains, dissolves, creates and rears
Il change, soutient, dissout, il crée, il s’ouvre

*

Though earth and moon were gone
Même si la terre et la lune étaient parties
And suns and universes ceased to be
Et les soleils et les univers avaient cessé d’être
And Thou wert left alone
Et qu’il ne resterait que Toi
Every Existence would exist in thee
Toute existence existerait en toi




There is not room for Death
Il n’y a pas de place pour la Mort
Nor atom that his might could render void
Ni atome que sa puissance pourrait éclater
Since thou art Being and Breath
Puisque tu es Être et Souffle
And what thou art may never be destroyed.
Et que ce que tu es ne peut jamais être détruit.


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SUPPLEMENT

LES SOEURS BRONTË
EN 1846
LA CONDUITE DE BRANWELL
LE TERRIBLE HIVER 1846

« 3 mars 1846. J’entrai dans la chambre de Branwell pour lui parler, une heure environ après mon retour : ce fut peine perdue. J’aurais pu m’épargner cet embarras : il ne fit pas attention à moi ; et ne me répondit pas ; il était stupéfié. Mes craintes n’étaient pas vaines. J’apprends que pendant mon absence il s’est procuré un souverain sous prétexte de payer une dette ; il est sorti immédiatement, a fait changer le souverain à la première taverne, et en a fait l’emploi que vous pouvez supposer. *** a conclu son rapport en disant que c’était un être désespéré, ce qui n’est que trop vrai. Dans son état présent, il est presque impossible de rester dans la même chambre que lui. Ce que l’avenir nous réserve, je ne le sais pas. »

« 31 mars 1846. Papa continue d’aller assez bien, sauf les fréquents chagrins que lui cause la misérable conduite de Branwell. Ici il n’y a de changement qu’en pis… »

 






« 19 décembre 1846…… J’espère que vous n’êtes pas complètement gelée ; le froid est ici terrible. Je ne me rappelle pas un tel hiver ; il est digne du pôle. L’Angleterre, dirait-on, a glissé dans la zone arctique ; le ciel semble couvert de glace, la terre est gelée, le vent est pénétrant comme une lame à double tranchant. Nous avons eu, en conséquence de cette température, des rhumes et des toux terribles. La pauvre Anne a souffert cruellement de son asthme ; maintenant elle va beaucoup mieux. Il y a eu deux nuits la semaine dernière où sa toux et sa difficulté de respirer faisaient peine à voir et à entendre, et où elle a dû beaucoup souffrir ; elle supporte cela comme elle supporte toutes les afflictions, sans se plaindre, en se contentant de soupirer de temps à autre, lorsque la douleur est trop vive. Elle a un héroïsme de résignation extraordinaire ; je l’admire, mais je ne saurais l’imiter.

Vous dites que je dois avoir des masses de choses à vous raconter que voulez-vous que je vous raconte ; il ne se passe rien ici, rien qui soit d’une nature agréable à raconter. Un petit incident est venu la semaine dernière nous rappeler à la vie ; mais s’il ne vous donne pas plus de plaisir qu’il ne nous en a donné, vous n’aurez pas à me remercier de vous en avoir fait part. Cet incident était tout simplement l’arrivée d’un officier du shérif qui était venu rendre une visite à B… pour l’inviter à payer ses dettes, ou à faire un tour à York. Nécessairement il a fallu payer ses dettes. Il n’est pas agréable de perdre ainsi de l’argent de temps à autre ; mais à quoi servirait-il d’insister sur ce sujet ? Cela ne le rendra pas meilleur. »

Émile Montégut
critique français (1825 – 1895)
Miss Brontë, sa Vie et ses Œuvres
II. — La Vie littéraire et la Mort de Miss Brontë
Revue des Deux Mondes
2e, tome 10, 1857






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LES TROIS SOEURS BRONTË
par/by Branwell Brontë
From left to right: Anne, Emily and Charlotte
De gauche à droite : Anne, Emily et Charlotte

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EMILY BRONTË (1838) I’m Happiest When Most Away – LES MONDES DE LUMIERE

LITTERATURE ANGLAISE -English Literature – English poetry

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EMILY BRONTË
30 July 1818 – 19 December 1848
30 Juillet 1818 – 19 décembre 1848

Traduction – Translation

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

French and English text
texte bilingue français-anglais

 


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I’m Happiest When Most Away
LES MONDES DE LUMIERE

1838

 




I’m happiest when most away
Je suis la plus heureuse quand le plus loin possible
I can bear my soul from its home of clay
Mon âme s’éloigne de son foyer d’argile
On a windy night when the moon is bright
Dans une nuit venteuse quand la lune est brillante
And the eye can wander through worlds of light—
Et que l’œil peut vagabonder dans les mondes de lumière-

 






*

When I am not and none beside—
Quand je ne suis plus et quand plus rien n’existe,
Nor earth nor sea nor cloudless sky—
Ni la terre ni la mer ni le ciel sans nuages –
But only spirit wandering wide
Mais errant, seul, un esprit
Through infinite immensity.
Dans l’immensité infinie.

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SUPPLEMENT

LES SOEURS BRONTË
DE FIN 1839 à 1841

Charlotte ne resta pas longtemps dans cette maison inhospitalière, où le maître seul avait trouvé grâce à ses yeux. Elle revint à Haworth à la fin de 1839. Deux années s’écoulèrent encore, et ses espérances reculaient sans cesse à l’horizon. Pour tromper les ennuis de sa vie monotone, Charlotte se remit à écrire avec une nouvelle rage. La grande dépense de Charlotte et de ses sœurs semble avoir été celle du papier durant les années qui précédèrent l’apparition de Jane Eyre. La quantité de papier qu’elles achetaient excitait l’étonnement de l’honnête marchand qui le leur vendait.




« Je me demandais ce qu’elles en faisaient, disait-il à Mme Gaskell ; je pensais quelquefois qu’elles devaient collaborer aux magazines. Lorsque mes provisions étaient épuisées, j’avais toujours peur de les voir venir ; elles semblaient si contrariées lorsque j’étais à sec. J’ai bien des fois fait le voyage d’Halifax pour acheter une demi-rame, dans la crainte d’être pris au dépourvu. » Charlotte s’était remise en effet à caresser ses rêves de littérature. Elle commença un roman qui devait avoir la proportion de ceux de Richardson. De temps à autre, elle et son frère Branwell envoyaient des essais à Wordsworth et à Coleridge. Branwell écrivait quelquefois dans un journal de province, Emilie composait ses poèmes. Toutes ces jeunes têtes étaient en fermentation, et ce tumulte intellectuel fait même un singulier contraste avec la vie silencieuse du presbytère. Charlotte n’a pas encore trouvé sa voie ; elle est pleine de maladresse, elle cherche, et s’égare. L’éducation n’est pas complète ; cinq ou six années de malheurs sont encore nécessaires à la formation de ce talent…

Émile Montégut
critique français (1825 – 1895)
Miss Brontë, sa Vie et ses Œuvres
I. — La Vie anglaise, la Famille et la Jeunesse de Miss Brontë
Revue des Deux Mondes
2e, tome 10, 1857






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LES TROIS SOEURS BRONTË
par/by Branwell Brontë
From left to right: Anne, Emily and Charlotte
De gauche à droite : Anne, Emily et Charlotte

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EMILY BRONTË : I’ll come when thou art saddest – Je viendrai quand tu seras vraiment triste

LITTERATURE ANGLAISE -English Literature – English poetry

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EMILY BRONTË
30 July 1818 – 19 December 1848
30 Juillet 1818 – 19 décembre 1848

Traduction – Translation

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

French and English text
texte bilingue français-anglais

 


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I’ll come when thou art saddest

Je viendrai quand tu seras vraiment triste

 

 




I’ll come when thou art saddest
Je viendrai quand tu seras vraiment triste
Laid alone in the darkened room
Seul dans ta sombre salle
  When the mad day’s mirth has vanished
Quand la joie de la journée débridée sera dissipée
And the smile of joy is banished
Et quand sera banni le sourire de la joie
From evening’s chilly gloom
Dans la froide obscurité du soir

 






*

I’ll come when the heart’s real feeling
Je viendrai quand de ton cœur le vrai sentiment
 Has entire unbiased sway
Régnera sereinement
And my influence o’er thee stealing
Et mon influence, s’immisçant en toi,
Grief deepening joy congealing
Alourdissant ton chagrin, momifiant ta joie
Shall bear thy soul away 
  Transportera ton âme   






*
Listen ’tis just the hour
Ecoute ! c’est l’heure
  The awful time for thee
Pour toi, le terrifiant instant est arrivé
Dost thou not feel upon thy soul
Ne sens-tu pas sur ton âme
  A flood of strange sensations roll
Déferler d’étranges flots de sensations
Forerunners of a sterner power
Annonciateurs d’un plus sévère pouvoir
Heralds of me
Hérauts de moi-même 

 





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SUPPLEMENT

LES SOEURS BRONTË
VERS 1841

En 1841, Charlotte quitta de nouveau Haworth pour une position de gouvernante. Cette fois elle tomba dans une maison hospitalière et chez des maîtres bienveillants, mais elle s’aperçut bientôt que ce métier n’était décidément pas fait pour elle. La société des enfants ne convient pas aux personnes tristes et éprouvées par la douleur. Sa timidité lui créait une foule de petits obstacles. « Je ne sais comment faire pour réprimer la familiarité bruyante des enfans. J’éprouve une difficulté extrême à demander aux domestiques ou à ma maîtresse les choses qui me sont nécessaires, quelque besoin que j’en aie. J’ai moins de peine à supporter les plus grands embarras qu’à descendre à la cuisine pour prier qu’on m’en délivre. Je suis une folle, mais Dieu sait que je ne puis faire autrement. » Charlotte d’ailleurs à cette date avait l’esprit bien loin des occupations vulgaires auxquelles elle était assujettie. Dans sa tête commençaient à bouillonner confusément une foule de personnages, de paysages, d’aventures, qui cherchaient à se dégager de leurs limbes, et imploraient Charlotte de les faire venir au jour. Charlotte n’avait pas un instant à donner à l’imagination, qui devenait de plus en plus impérieuse. En outre, elle réfléchit que ce métier de gouvernante, avec des gages de 16 liv. (400 fr.) par an, n’était pas un avenir. Elle reprit le projet, déjà abandonné une fois, de tenir un pensionnat, Celui de miss Wooler était à vendre. Il lui avait été offert ; mais deux difficultés l’arrêtaient : il lui fallait un petit capital et deux années de travaux préparatoires dans l’étude du français et de l’allemand. Elle décida sa tante à risquer une petite somme qui devait être partagée entre les premiers frais d’établissement et les frais d’éducation supplémentaire qui lui était devenue indispensable. La tante consentit : Charlotte et Emilie partirent pour le continent et débarquèrent à Bruxelles, dans le pensionnat de M. Héger, où elles devaient compléter leur éducation.

 






Les deux sœurs transportèrent avec elles sur le continent les aiguillons de souffrance qui les avaient blessées sans relâche, et sentirent plus vivement leurs piqûres au milieu d’un monde étranger. Leur timidité était telle qu’une dame anglaise, qui les invitait de temps à autre à venir chez elle, cessa de le faire, parce qu’elle s’aperçut que ces invitations leur causaient plus de peine que de plaisir. Emilie prononçait à peine quelques monosyllabes : quant à Charlotte, elle causait quelquefois éloquemment, lorsqu’elle était en veine de sociabilité ; mais avant de se décider, elle avait l’habitude de se détourner sur sa chaise de manière à cacher son visage à son interlocuteur. Toutes les gaucheries de la solitude étaient désormais inséparables de leur personne. Les deux sœurs vécurent à peu près exclusivement dans la société l’une de l’autre ; elles avaient à Bruxelles deux amies d’enfance, l’une d’elles mourut bientôt. Ces deux écolières, dont l’une avait vingt-six ans et l’autre vingt, n’avaient dans leur exil qu’une pensée : apprendre bien vite ce qu’il leur était nécessaire de savoir et quitter ce monde maudit. Le continent leur faisait horreur. Tout autour d’elles était si différent de leur manière de vivre et de sentir. Elles flairaient des corruptions qui leur étaient inconnues. Jamais Scythe ou Germain antique n’a été plus scandalisé de la corruption de la Grèce et de Rome que ces deux petites sauvages du Yorkshire ne le furent des mœurs et du culte qu’elles avaient sous les yeux. Les impressions de Charlotte sont loin d’être favorables au continent en général, au peuple belge et à la religion catholique en particulier ; mais elles sont curieuses, et nous en transcrivons quelques-unes en lui en laissant toute la responsabilité.

« Si l’on doit juger du caractère national des Belges par le caractère de la plupart des jeunes filles de l’école, c’est un caractère singulièrement froid, égoïste, bête et inférieur. Elles sont très indociles, et donnent beaucoup de peine à leurs maîtresses. Leurs principes sont pourris au cœur. Nous les évitons, ce qui n’est pas difficile, car nous avons sur notre front la marque réprouvée du protestantisme et de l’anglicisme. On parle du danger auquel les protestants s’exposent en allant vivre dans les pays catholiques, où ils courent risque de perdre leur foi. Le conseil que je donnerai à tous les protestants assez assotés pour se faire catholiques est d’aller sur le continent, d’assister soigneusement à la messe pendant quelque temps, d’en bien noter les momeries, ainsi que l’aspect idiot et mercenaire de tous les prêtres, et puis, s’ils sont disposés à voir autre chose dans le papisme qu’un système de pauvres mensonges bien puérils, qu’ils se fassent papistes, et grand bien leur en advienne ! Je considère le méthodisme, le quakerisme et les opinions extrêmes de la haute et de la basse église comme des folies, mais le catholicisme romain surpasse tout cela. En même temps permettez-moi de vous dire qu’il y a quelques catholiques qui sont aussi religieux que peuvent l’être des chrétiens pour qui la Bible est un livre scellé, et qui valent mieux que beaucoup de protestants. »

Émile Montégut
critique français (1825 – 1895)
Miss Brontë, sa Vie et ses Œuvres
I. — La Vie anglaise, la Famille et la Jeunesse de Miss Brontë
Revue des Deux Mondes
2e, tome 10, 1857






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LES TROIS SOEURS BRONTË
par/by Branwell Brontë
From left to right: Anne, Emily and Charlotte
De gauche à droite : Anne, Emily et Charlotte

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POEMES D’EMILY BRONTË – POEMS OF EMILY BRONTË

LITTERATURE ANGLAISE -English Literature – English poetry

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EMILY BRONTË
30 July 1818 – 19 December 1848
30 Juillet 1818 – 19 décembre 1848

Traduction – Translation

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

French and English text
texte bilingue français-anglais

 


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POEMS OF EMILY BRONTË

POEMES D’EMILY BRONTË

The night is darkening round me
La Nuit tout autour de moi
1837

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POETICAL FRAGMENTS
‘TWAS OF THOSE DARK CLOUDY DAYS
Ces sombres jours
1838

‘Twas one of those dark, cloudy days
C’était l’un de ces sombres jours caligineux
That sometimes come in summer blaze,
Qui parfois recouvrent la flamboyance de l’été,

*

I’m happiest when most away
Les Mondes de lumière
1838

I’m happiest when most away
Je suis la plus heureuse quand le plus loin possible
I can bear my soul from its home of clay
 Mon âme s’éloigne de son foyer d’argile


*

 Fair sinks the summer evening now 
Une Claire soirée d’été
1839

Fair sinks the summer evening now
Passe la claire soirée d’été
In scattered glory round;
Tout autour dans une gloire diffuse ;

 









Riches I hold in light esteem,
Les richesses, je les estime peu,
And Love I laugh to scorn;
Et l’amour, je le méprise ;

 






*

No coward soul is mine
L’Âme ardente
1846

*

 I’ll come when thou art saddest
Je viendrai quand tu seras vraiment triste

 

*
 





*

,





*******

SUPPLEMENT

LES DERNIERS JOURS D’EMILY

Pourtant, et malgré le sincère désir de la mort qu’elle a toujours laissé voir, Emily se sentait si nécessaire dans la maison qu’elle s’acharnait à vivre. On ne put obtenir qu’elle renonçât à une seule de ses occupations ordinaires. « Je n’ai jamais rien vu qui lui ressemblât, écrivait encore Charlotte. Plus forte qu’un homme, plus simple qu’un enfant. Le seul point affreux était que, pleine de sollicitude pour les autres, pour elle-même elle n’avait aucune pitié. De ses mains tremblantes, de ses jambes affaiblies, de ses pauvres yeux fatigués, elle exigeait le même service que quand elle était bien portante. Et c’était un supplice inexprimable d’être là auprès d’elle, d’assister à tout cela, et de ne rien oser lui dire. »




Le 18 décembre 1848, Emily, qui la veille encore avait pris froid dans une promenade sur les bruyères, s’obstina cependant à vouloir se lever. Elle commença à se peigner, assise près du feu. Le peigne tomba de ses mains ; elle essaya de se baisser pour le ramasser, mais elle était trop faible, elle ne put. Sa toilette finie, elle descendit au salon et se mit à un ouvrage de couture. Vers deux heures, elle était si pâle que ses sœurs la supplièrent d’aller se coucher. Elle refusa d’un signe de tête, fit un effort pour se lever, s’appuya sur le sofa, Elle était morte.




Le corps de cette chère jeune fille repose maintenant dans un caveau de l’église de Haworth, tout au sommet de cette colline qu’elle a si passionnément aimée. Son âme aussi, j’imagine, doit avoir obtenu la permission d’y demeurer à jamais, puisque tout autre séjour lui était impossible. Je crois bien même l’y avoir vue, dans la visite que j’ai faite à la petite église du village : c’était une âme pâle et douce, tout odorante du parfum des bruyères. Elle flottait devant moi ; mais quand je voulus l’approcher, je ne vis plus rien.




Je me réjouis pourtant de la savoir là, et j’en vins à envier l’heureux destin qui lui était échu. Elle n’a point connu, comme sa sœur Charlotte, les fortes émotions de la renommée ; mais le désir de la renommée n’a été pour elle « qu’un rêve léger qui s’est évanoui avec le matin ». Et la voici en revanche qui possède un privilège plus rare, la fidèle amitié de cœurs pareils au sien. Je n’oublierai pas de quelle touchante manière son nom me fut révélé pour la première fois. C’était à Dresde, sur la terrasse de Brühl, un soir d’été, il y a quatre ou cinq ans. L’orchestre du Belvédère jouait des valses dans le lointain ; une odeur tranquille me venait des jardins, par delà le fleuve ; et la jeune Anglaise avec qui je causais voulut bien m’avouer que, entre tous les romans, celui qu’elle préférait était Wuthering Heights, d’Emily Brontë. Elle eut pour me faire cet aveu un gracieux sourire un peu gêné, et baissa la tête, toute rougissante, comme s’il s’était agi d’une confidence trop hardie. Mais bientôt elle reprit courage : elle me récita, j’en jurerais, le roman tout entier ; elle me peignit le caractère d’Emily Brontë ; elle me dit comment ses amies et elle s’étaient promis de garder toujours un culte exclusif à cette noble mémoire. Oui, plus de quarante ans après sa mort, Emily excite encore dans les âmes des jeunes filles de son pays de pieux enthousiasmes. Et tandis que sa sœur Charlotte et George Eliot et Mistress Browning entrent peu à peu dans l’oubli, tous les jours arrivent de nouvelles guirlandes au tombeau de cette Emily Brontë, qui « joignait à l’énergie d’un homme la simplicité d’un enfant ».

Préface de Théodore de Wyzewa
Pour sa traduction de UN AMANT
D’Emily Brontë
1892







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LES TROIS SOEURS BRONTË
par/by Branwell Brontë
From left to right: Anne, Emily and Charlotte
De gauche à droite : Anne, Emily et Charlotte

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EMILY BRONTË – Fair sinks the summer evening now (1839) UNE CLAIRE SOIREE D’ETE

LITTERATURE ANGLAISE -English Literature – English poetry

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EMILY BRONTË
30 July 1818 – 19 December 1848
30 Juillet 1818 – 19 décembre 1848

Traduction – Translation

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

French and English text
texte bilingue français-anglais

 


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Fair sinks the summer evening now

UNE CLAIRE SOIREE D’ETE

August 30, 1839
30 août 1839

 




Fair sinks the summer evening now
Passe la claire soirée d’été
In scattered glory round;
Tout autour dans une gloire diffuse ;
  The sky upon its holy brow
Le ciel sur son front sacré
Wears not a cloud that speaks of gloom.
Ne loge pas un seul ténébreux nuage.

 






*

The old tower, shrined in golden light,
La vieille tour, ornée d’un halo flavescent,
 
Looks down on the descending sun;
Contemple le soleil descendant ;
 So softly evening blends with night,
Alors doucement, le soir tant se confond avec la nuit,
 You scarce can say when day is done.
Que la fin du jour devient un mystère.

 

 






*

And this is just the joyous hour
Et c’est l’heure joyeuse
 When we were wont to burst away
Où nous nous dérobions
  T’ escape from labour’s tyrant power
Afin d’échapper au pouvoir tyrannique du travail
And cheerfully go out to play.
Et allions jouer au-dehors tendrement. 




*

Then why is all so sad and lone?
Alors, pourquoi tout est-il si triste et abandonné ?
 
No merry footstep on the stair,
Pas de pas joyeux dans l’escalier,
No laugh, no heart-awaking tone,
Pas de rire, pas d’éveil du cœur,
  But voiceless silence everywhere.
Mais un silence aphone partout.




*

 I’ve wandered round our garden ground,
J’ai erré tout autour de notre jardin,
 
And still it seemed at every turn
Et il me semblait, à chaque tour,
That I should greet approaching feet,
Que des pas de moi s’approchaient,
And words upon the breezes hung.
Et que des mots vers moi se portaient.




*

In vain, they will not come to-day,
Aujourd’hui, ils ne viendront pas, en vain,
 
And morning’s beams will rise as drear.
Et les rais du matin se lèveront aussi tristes.
 Then tell me, are they gone for aye,
Alors dis-moi, sont-elles pour toujours parties,
Or gleams the sun amongst the mists of care?
Les étincelles de soleil parmi les brumes de chagrin ?




*

Be still, reviving hope doth say,
Sois tranquille,  pour l’espoir salvateur,
 
Departed joys ’tis fond to mourn,
Les joies disparues sont plus douces à pleurer,
 Think every storm that rides its way
Quand chaque tempête sur son parcours
 Prepared a more divine return.
Prépare un plus divin retour.

August 30, 1839
30 août 1839


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SUPPLEMENT

EMILY BRONTË
DE 1837 A 1842

De 1837 à 1842, Emily resta seule à Haworth, avec son père et sa tante. Elle s’occupait du ménage, soignait la vieille servante Tabby, qui s’était cassé la jambe, surveillait l’éducation de ses chiens, de ses chats et de ses poules, et, aux heures de liberté, courait parmi les bruyères, sous le vent qui soufflait. Pendant les vacances, la famille se réunissait, et la joyeuse vie d’autrefois recommençait. Personne autant qu’Emily ne paraissait s’y plaire.

Il y avait aussi, dans ces années, un desservant (curate) qui venait souvent dans la maison des Brontë et qui semble avoir fait sur Emily une impression assez vive. C’était un beau jeune homme plein de galanterie, et miss Ellen Nussey, l’amie des demoiselles Brontë, a raconté à miss Mary Robinson que sa présence au presbytère mettait dans les yeux d’Emily un éclat inaccoutumé. 






Le bonheur d’Emily devait être de peu de durée. En 1842, sur les instances de Charlotte, la pauvre fille se laissa mener à Bruxelles, où un maître de pension s’offrait à compléter son éducation, et notamment à lui apprendre le français. La compagnie de sa sœur n’empêcha pas ce séjour en Belgique d’être pour Emily un affreux exil. Comme partout et toujours, c’est elle qui là-bas parut la mieux douée, la plus intéressante et la plus belle des deux sœurs. « Sa faculté d’imagination était si vive, elle avait un tel art pour se représenter les scènes et les caractères, et son raisonnement était, en outre, si serré, que je la croyais destinée à l’avenir le plus haut. » C’est en ces termes que parlait d’elle, plus tard, le maître de pension bruxellois. Mais il se plaignait en même temps de cette nature sombre, concentrée, inabordable, qu’il lui avait vue tout le temps qu’il l’avait connue. Des dames anglaises qui habitaient aux environs de Bruxelles se trouvèrent forcées à rompre toutes relations avec les demoiselles Brontë, qu’elles avaient d’abord invitées chez elles : Emily ne leur disait pas un mot ; elle restait des heures dans leur salon, immobile et les yeux baissés. Elle étudiait consciencieusement le français, le dessin, la musique ; elle étonnait ses maîtres par la sûreté et la rapidité de ses progrès ; mais sa tristesse de jour en jour s’aggravait. Elle n’avait d’autre consolation que d’écrire des vers, à l’insu de tous, et de lire Hoffmann, dont les noires inventions concordaient avec les rêves tragiques qu’elle portait en elle.

Préface de Théodore de Wyzewa
Pour sa traduction de UN AMANT
D’Emily Brontë
1892






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LES TROIS SOEURS BRONTË
par/by Branwell Brontë
From left to right: Anne, Emily and Charlotte
De gauche à droite : Anne, Emily et Charlotte

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EMILY BRONTË (1838) POETICAL FRAGMENTS ‘TWAS OF THOSE DARK CLOUDY DAYS

LITTERATURE ANGLAISE -English Literature – English poetry

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EMILY BRONTË
30 July 1818 – 19 December 1848
30 Juillet 1818 – 19 décembre 1848

Traduction – Translation

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

French and English text
texte bilingue français-anglais

 


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POETICAL FRAGMENTS
‘TWAS OF THOSE DARK CLOUDY DAYS
CES SOMBRES JOURS

1838

 




‘Twas one of those dark, cloudy days
C’était l’un de ces sombres jours caligineux
That sometimes come in summer blaze,
Qui parfois recouvrent la flamboyance de l’été,
When heaven drops not, when earth is still,
Quand rien n’arrive du ciel, quand la terre est paisible,
  And deeper green is on the hill.
Quand la colline s’habille du vert le plus intense.

 






*

Lonely at her window sitting
Solitaire à sa fenêtre assise
While the evening steals away,
Alors que s’esquive le soir
Fitful winds foreboding, flitting
Troublé par des vents menaçants, flottant
Through a sky of cloudy grey. 
À travers un ciel aux nuages gris.






There are two trees in a lonely field,
Il y a deux arbres dans un champ nu,
They breathe a spell to me;
Me murmurant un maléfice ;
A dreary thought their dark boughs yield,
La pensée triste que des lugubres branches,
  All waving solemnly.
Diffusent solennellement.

·····

What is that smoke that ever still
Quelle est cette fumée qui toujours
Comes rolling down the dark brown hill?
S’enroule sur la montagne obscure ?

Still as she spoke the ebon clouds
Comme elle parlait encore aux nuages blafards
Would part and sunlight shone between,
Un éclat solaire pénétrant s’immisça,
But dreary, strange, and pale and cold.
Mais si triste, si étrange, si pâle et si froid.

·····

Away, away, resign thee now
Partez, partez ! résignez-vous désormais
To scenes of gloom and thoughts of fear;
Aux scènes d’obscurité, aux pensées terrifiantes !
I trace the figure on thy brow,
Je trace la figure sur ton front,
Welcome at last, though once so drear.
Que nous accueillons enfin dans sa grande tristesse.

 

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SUPPLEMENT

LES SOEURS BRONTË
DE FIN 1839 à 1841

Charlotte ne resta pas longtemps dans cette maison inhospitalière, où le maître seul avait trouvé grâce à ses yeux. Elle revint à Haworth à la fin de 1839. Deux années s’écoulèrent encore, et ses espérances reculaient sans cesse à l’horizon. Pour tromper les ennuis de sa vie monotone, Charlotte se remit à écrire avec une nouvelle rage. La grande dépense de Charlotte et de ses sœurs semble avoir été celle du papier durant les années qui précédèrent l’apparition de Jane Eyre. La quantité de papier qu’elles achetaient excitait l’étonnement de l’honnête marchand qui le leur vendait.




« Je me demandais ce qu’elles en faisaient, disait-il à Mme Gaskell ; je pensais quelquefois qu’elles devaient collaborer aux magazines. Lorsque mes provisions étaient épuisées, j’avais toujours peur de les voir venir ; elles semblaient si contrariées lorsque j’étais à sec. J’ai bien des fois fait le voyage d’Halifax pour acheter une demi-rame, dans la crainte d’être pris au dépourvu. » Charlotte s’était remise en effet à caresser ses rêves de littérature. Elle commença un roman qui devait avoir la proportion de ceux de Richardson. De temps à autre, elle et son frère Branwell envoyaient des essais à Wordsworth et à Coleridge. Branwell écrivait quelquefois dans un journal de province, Emilie composait ses poèmes. Toutes ces jeunes têtes étaient en fermentation, et ce tumulte intellectuel fait même un singulier contraste avec la vie silencieuse du presbytère. Charlotte n’a pas encore trouvé sa voie ; elle est pleine de maladresse, elle cherche, et s’égare. L’éducation n’est pas complète ; cinq ou six années de malheurs sont encore nécessaires à la formation de ce talent…

Émile Montégut
critique français (1825 – 1895)
Miss Brontë, sa Vie et ses Œuvres
I. — La Vie anglaise, la Famille et la Jeunesse de Miss Brontë
Revue des Deux Mondes
2e, tome 10, 1857






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LES TROIS SOEURS BRONTË
par/by Branwell Brontë
From left to right: Anne, Emily and Charlotte
De gauche à droite : Anne, Emily et Charlotte

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EMILY BRONTË The Old Stoic Le Vieux stoïque 1841

LITTERATURE ANGLAISE -English Literature – English poetry

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EMILY BRONTË
30 July 1818 – 19 December 1848
30 Juillet 1818 – 19 décembre 1848

Traduction – Translation

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

French and English text
texte bilingue français-anglais

 


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THE OLD STOIC

LE VIEUX STOÏQUE

March 1841
Mars 1841

 




Riches I hold in light esteem,
Les richesses, je les estime peu,
And Love I laugh to scorn;
Et l’amour, je le méprise ;
And lust of fame was but a dream,
Et la luxure de la gloire : un rêve,
That vanished with the morn:
Disparu au petit matin :

 






*

And if I pray, the only prayer
Et si je prie, la seule prière
That moves my lips for me
Qui meut mes lèvres
  Is, « Leave the heart that now I bear,
Est : « Laisse désormais le cœur que je porte,
 And give me liberty! »
Et donne-moi la liberté! »

 






*
Yes, as my swift days near their goal:
Oui, alors que mes derniers jours arrivent :
 ‘Tis all that I implore;
C’est tout ce que je demande ;
In life and death a chainless soul,
Dans la vie et dans la mort, une âme sans chaînes,
 With courage to endure.
Avec le courage de supporter.

 

*
 
 

 





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SUPPLEMENT

LES SOEURS BRONTË
VERS 1841

En 1841, Charlotte quitta de nouveau Haworth pour une position de gouvernante. Cette fois elle tomba dans une maison hospitalière et chez des maîtres bienveillants, mais elle s’aperçut bientôt que ce métier n’était décidément pas fait pour elle. La société des enfants ne convient pas aux personnes tristes et éprouvées par la douleur. Sa timidité lui créait une foule de petits obstacles. « Je ne sais comment faire pour réprimer la familiarité bruyante des enfans. J’éprouve une difficulté extrême à demander aux domestiques ou à ma maîtresse les choses qui me sont nécessaires, quelque besoin que j’en aie. J’ai moins de peine à supporter les plus grands embarras qu’à descendre à la cuisine pour prier qu’on m’en délivre. Je suis une folle, mais Dieu sait que je ne puis faire autrement. » Charlotte d’ailleurs à cette date avait l’esprit bien loin des occupations vulgaires auxquelles elle était assujettie. Dans sa tête commençaient à bouillonner confusément une foule de personnages, de paysages, d’aventures, qui cherchaient à se dégager de leurs limbes, et imploraient Charlotte de les faire venir au jour. Charlotte n’avait pas un instant à donner à l’imagination, qui devenait de plus en plus impérieuse. En outre, elle réfléchit que ce métier de gouvernante, avec des gages de 16 liv. (400 fr.) par an, n’était pas un avenir. Elle reprit le projet, déjà abandonné une fois, de tenir un pensionnat, Celui de miss Wooler était à vendre. Il lui avait été offert ; mais deux difficultés l’arrêtaient : il lui fallait un petit capital et deux années de travaux préparatoires dans l’étude du français et de l’allemand. Elle décida sa tante à risquer une petite somme qui devait être partagée entre les premiers frais d’établissement et les frais d’éducation supplémentaire qui lui était devenue indispensable. La tante consentit : Charlotte et Emilie partirent pour le continent et débarquèrent à Bruxelles, dans le pensionnat de M. Héger, où elles devaient compléter leur éducation.

 

 






Les deux sœurs transportèrent avec elles sur le continent les aiguillons de souffrance qui les avaient blessées sans relâche, et sentirent plus vivement leurs piqûres au milieu d’un monde étranger. Leur timidité était telle qu’une dame anglaise, qui les invitait de temps à autre à venir chez elle, cessa de le faire, parce qu’elle s’aperçut que ces invitations leur causaient plus de peine que de plaisir. Emilie prononçait à peine quelques monosyllabes : quant à Charlotte, elle causait quelquefois éloquemment, lorsqu’elle était en veine de sociabilité ; mais avant de se décider, elle avait l’habitude de se détourner sur sa chaise de manière à cacher son visage à son interlocuteur. Toutes les gaucheries de la solitude étaient désormais inséparables de leur personne. Les deux sœurs vécurent à peu près exclusivement dans la société l’une de l’autre ; elles avaient à Bruxelles deux amies d’enfance, l’une d’elles mourut bientôt. Ces deux écolières, dont l’une avait vingt-six ans et l’autre vingt, n’avaient dans leur exil qu’une pensée : apprendre bien vite ce qu’il leur était nécessaire de savoir et quitter ce monde maudit. Le continent leur faisait horreur. Tout autour d’elles était si différent de leur manière de vivre et de sentir. Elles flairaient des corruptions qui leur étaient inconnues. Jamais Scythe ou Germain antique n’a été plus scandalisé de la corruption de la Grèce et de Rome que ces deux petites sauvages du Yorkshire ne le furent des mœurs et du culte qu’elles avaient sous les yeux. Les impressions de Charlotte sont loin d’être favorables au continent en général, au peuple belge et à la religion catholique en particulier ; mais elles sont curieuses, et nous en transcrivons quelques-unes en lui en laissant toute la responsabilité.

« Si l’on doit juger du caractère national des Belges par le caractère de la plupart des jeunes filles de l’école, c’est un caractère singulièrement froid, égoïste, bête et inférieur. Elles sont très indociles, et donnent beaucoup de peine à leurs maîtresses. Leurs principes sont pourris au cœur. Nous les évitons, ce qui n’est pas difficile, car nous avons sur notre front la marque réprouvée du protestantisme et de l’anglicisme. On parle du danger auquel les protestants s’exposent en allant vivre dans les pays catholiques, où ils courent risque de perdre leur foi. Le conseil que je donnerai à tous les protestants assez assotés pour se faire catholiques est d’aller sur le continent, d’assister soigneusement à la messe pendant quelque temps, d’en bien noter les momeries, ainsi que l’aspect idiot et mercenaire de tous les prêtres, et puis, s’ils sont disposés à voir autre chose dans le papisme qu’un système de pauvres mensonges bien puérils, qu’ils se fassent papistes, et grand bien leur en advienne ! Je considère le méthodisme, le quakerisme et les opinions extrêmes de la haute et de la basse église comme des folies, mais le catholicisme romain surpasse tout cela. En même temps permettez-moi de vous dire qu’il y a quelques catholiques qui sont aussi religieux que peuvent l’être des chrétiens pour qui la Bible est un livre scellé, et qui valent mieux que beaucoup de protestants. »

Émile Montégut
critique français (1825 – 1895)
Miss Brontë, sa Vie et ses Œuvres
I. — La Vie anglaise, la Famille et la Jeunesse de Miss Brontë
Revue des Deux Mondes
2e, tome 10, 1857






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LES TROIS SOEURS BRONTË
par/by Branwell Brontë
From left to right: Anne, Emily and Charlotte
De gauche à droite : Anne, Emily et Charlotte

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Remembrance – Souvenir EMILY BRONTË – COLD IN THE EARTH – FROID DANS LA TERRE 1846

LITTERATURE ANGLAISE -English Literature – English poetry

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EMILY BRONTË
30 July 1818 – 19 December 1848
30 Juillet 1818 – 19 décembre 1848

Traduction – Translation

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

French and English text
texte bilingue français-anglais

 


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Remembrance – Souvenir

COLD IN THE EARTH
FROID DANS LA TERRE

1846

 




Cold in the earth—and the deep snow piled above thee,
Froid dans la terre – et la lourde neige au-dessus de toi,
 Far, far removed, cold in the dreary grave!
Loin, lointain, froid dans la triste tombe !
 Have I forgot, my only Love, to love thee,
Ai-je oublié, mon seul amour, de t’aimer,
Severed at last by Time’s all-severing wave?
Séparés par la vague du Temps qui tout sépare ?

*

Now, when alone, do my thoughts no longer hover
Pourquoi, seule, mes pensées ne chevauchent-elles plus
Over the mountains, on that northern shore,
Sur les montagnes, sur de septentrionales rives,
Resting their wings where heath and fern leaves cover
Reposant leurs ailes là où les bruyères et les fougères recouvrent
Thy noble heart forever, ever more?
Ton coeur noble pour toujours, à tout jamais ?






*
Cold in the earth—and fifteen wild Decembers,
Froid dans la terre – et quinze Décembres sauvages,
From those brown hills, have melted into spring;
De ces collines brunes, ont fondu au printemps ;
 Faithful, indeed, is the spirit that remembers
Fidèle, en effet, l’esprit qui se souvient
After such years of change and suffering!
Après de telles années de changements et de souffrance !

*

Sweet Love of youth, forgive, if I forget thee,
Doux Amour de jeunesse, pardonne, si je t’oublie,
While the world’s tide is bearing me along;
Alors que la marée du monde me saisit ;
Other desires and other hopes beset me,
D’autres désirs et d’autres espoirs me poursuivent,
 Hopes which obscure, but cannot do thee wrong!
Des espoirs qui t’obscurcissent, mais ne peuvent te faire du tort !  

 *

No later light has lightened up my heaven,
Pas une lumière n’a illuminé mon paradis,
No second morn has ever shone for me;
Aucune aube nouvelle n’a jamais plus scintillé pour moi ;
All my life’s bliss from thy dear life was given,
Tout le bonheur de ma vie, de ta précieuse vie m’a été donné,
All my life’s bliss is in the grave with thee.
Tout le bonheur de ma vie est avec toi dans la tombe.
*
But, when the days of golden dreams had perished,
Mais, les jours de rêves dorés ayant péri,
And even Despair was powerless to destroy,
Et même le Désespoir fut impuissant à détruire,
Then did I learn how existence could be cherished,
J’ai appris alors comment l’existence pouvait être chérie,
Strengthened, and fed without the aid of joy.
Renforcée et nourrie sans l’aide de la joie.
*
 





*
 Then did I check the tears of useless passion—
J’ai conservé alors les larmes d’une passion inutile –
Weaned my young soul from yearning after thine;
Épuisé ma jeune âme dans l’absence de la tienne ;
Sternly denied its burning wish to hasten
Refusé sévèrement son vif désir de se hâter
Down to that tomb already more than mine.
Jusqu’à cette tombe déjà plus que la mienne.
 

*

And, even yet, I dare not let it languish,
Et, même là, je n’ose le laisser langoureux,
 Dare not indulge in memory’s rapturous pain;
Ni m’attarder à la délicieuse douleur de la mémoire ;
  Once drinking deep of that divinest anguish,
Jadis, moi qui buvais profondément de cette divine angoisse,
How could I seek the empty world again?
Comment pourrais-je chercher à nouveau la vacuité de ce monde ?





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SUPPLEMENT

LES SOEURS BRONTË
EN 1846
LA CONDUITE DE BRANWELL
LE TERRIBLE HIVER 1846

« 3 mars 1846. J’entrai dans la chambre de Branwell pour lui parler, une heure environ après mon retour : ce fut peine perdue. J’aurais pu m’épargner cet embarras : il ne fit pas attention à moi ; et ne me répondit pas ; il était stupéfié. Mes craintes n’étaient pas vaines. J’apprends que pendant mon absence il s’est procuré un souverain sous prétexte de payer une dette ; il est sorti immédiatement, a fait changer le souverain à la première taverne, et en a fait l’emploi que vous pouvez supposer. *** a conclu son rapport en disant que c’était un être désespéré, ce qui n’est que trop vrai. Dans son état présent, il est presque impossible de rester dans la même chambre que lui. Ce que l’avenir nous réserve, je ne le sais pas. »

« 31 mars 1846. Papa continue d’aller assez bien, sauf les fréquents chagrins que lui cause la misérable conduite de Branwell. Ici il n’y a de changement qu’en pis… »

 






« 19 décembre 1846…… J’espère que vous n’êtes pas complètement gelée ; le froid est ici terrible. Je ne me rappelle pas un tel hiver ; il est digne du pôle. L’Angleterre, dirait-on, a glissé dans la zone arctique ; le ciel semble couvert de glace, la terre est gelée, le vent est pénétrant comme une lame à double tranchant. Nous avons eu, en conséquence de cette température, des rhumes et des toux terribles. La pauvre Anne a souffert cruellement de son asthme ; maintenant elle va beaucoup mieux. Il y a eu deux nuits la semaine dernière où sa toux et sa difficulté de respirer faisaient peine à voir et à entendre, et où elle a dû beaucoup souffrir ; elle supporte cela comme elle supporte toutes les afflictions, sans se plaindre, en se contentant de soupirer de temps à autre, lorsque la douleur est trop vive. Elle a un héroïsme de résignation extraordinaire ; je l’admire, mais je ne saurais l’imiter.

Vous dites que je dois avoir des masses de choses à vous raconter que voulez-vous que je vous raconte ; il ne se passe rien ici, rien qui soit d’une nature agréable à raconter. Un petit incident est venu la semaine dernière nous rappeler à la vie ; mais s’il ne vous donne pas plus de plaisir qu’il ne nous en a donné, vous n’aurez pas à me remercier de vous en avoir fait part. Cet incident était tout simplement l’arrivée d’un officier du shérif qui était venu rendre une visite à B… pour l’inviter à payer ses dettes, ou à faire un tour à York. Nécessairement il a fallu payer ses dettes. Il n’est pas agréable de perdre ainsi de l’argent de temps à autre ; mais à quoi servirait-il d’insister sur ce sujet ? Cela ne le rendra pas meilleur. »

Émile Montégut
critique français (1825 – 1895)
Miss Brontë, sa Vie et ses Œuvres
II. — La Vie littéraire et la Mort de Miss Brontë
Revue des Deux Mondes
2e, tome 10, 1857






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LES TROIS SOEURS BRONTË
par/by Branwell Brontë
From left to right: Anne, Emily and Charlotte
De gauche à droite : Anne, Emily et Charlotte

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EMILY BRONTË – The night is darkening round me – LA NUIT TOUT AUTOUR DE MOI

LITTERATURE ANGLAISE -English Literature – English poetry

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EMILY BRONTË
30 July 1818 – 19 December 1848
30 Juillet 1818 – 19 décembre 1848

Traduction – Translation

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

French and English text
texte bilingue français-anglais

 


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The night is darkening round me

LA NUIT TOUT AUTOUR DE MOI
1837

 




The night is darkening round me,
La nuit tout autour de moi,
The wild winds coldly blow;
Les vents sauvages plus forts, plus froids ;
But a tyrant spell has bound me,
Mais un sort tyrannique me lie,
And I cannot, cannot go.
Mais je ne peux, je ne peux partir.

 






*
The giant trees are bending
Se penchent les arbres géants,
Their bare boughs weighed with snow;
Branches nues, lourdes de neige ;
The storm is fast descending,
La tempête rapidement dévale
And yet I cannot go.
Et pourtant je ne peux partir.
 
*
Clouds beyond clouds above me,
Nuages au-delà, nuages au-dessus de moi,
Wastes beyond wastes below;
Déchets au-delà, déchets au-dessous;
But nothing drear can move me;
Mais rien ne peut m’ébranler ;
I will not, cannot go.
Je ne veux et ne peux pas partir.
 





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SUPPLEMENT

LES SOEURS BRONTË
EN 1837

« 1837….. Si je pouvais toujours vivre avec vous, si chaque jour je pouvais lire la Bible avec vous, si vos lèvres et les miennes pouvaient boire en même temps, et dans la même coupe, les eaux de la fontaine de clémence, j’espérerais, j’aurais la confiance de devenir meilleure que ne me le permettent maintenant mes mauvaises et vagabondes pensées et mon cœur corrompu. Souvent je trace le plan de la vie heureuse que nous pourrions mener ensemble, nous fortifiant l’une l’autre dans cette vertu de l’abnégation et de d’oubli de soi, dans cette dévotion brûlante et bénie que les premiers saints atteignirent si souvent. Mes yeux se remplissent de larmes lorsque je mets en contraste les bénédictions d’une telle vie, illuminée par les espérances de l’éternité, avec l’état misérable dans lequel je vis maintenant, incertaine que je suis d’avoir jamais ressenti la contrition véritable, péchant en pensée et en acte, aspirant après la sainteté que je n’atteindrai jamais, jamais, mordue parfois au cœur de cette pensée que les sinistres doctrines calvinistes sont vraies, l’âme obscurcie enfin par les ombres de la mort spirituelle. Si la perfection chrétienne est nécessaire au salut, je ne serai jamais sauvée ; mon cœur est une serre chaude pour les mauvaises pensées, et lorsque je prends une décision, c’est à peine si je me souviens d’implorer la direction de mon Rédempteur. Je ne sais comment prier, je ne peux incliner ma vie à la grande fin de faire le bien, je vais caressant constamment mon propre plaisir, poursuivant la satisfaction de mes propres désirs : j’oublie Dieu ; Dieu ne m’oubliera-t-il pas ? Et cependant je connais la grandeur de Jéhovah ; j’adore sa parole, j’adore la pureté de la foi chrétienne ; mes croyances sont droites, mes actes horriblement pervers. »

Ces lettres maladives expriment bien des choses : d’abord elles nous font apercevoir la civilisation protestante avec tout son cortège de sentiments particuliers ; ensuite elles nous donnent un état vrai de l’âme de Charlotte. Ce qui frappe le plus dans ces lettres, ce ne sont pas les infirmités morales dont Charlotte s’accuse, et qui sont le résultat des circonstances de sa vie, c’est la lutte qu’elles laissent entrevoir entre la nature et la religion. Les tentations dont parle Charlotte, les mauvaises pensées dont elle s’accuse ne sont pas toutes évidemment de vaines imaginations enfantées par une conscience protestante ; elle y revient trop souvent pour que ces tourments n’aient pas eu d’autres causes. La cause véritable, c’est sa nature passionnée qui se révolte, qui jette dans tout son être un incendie qui l’effraie, et qu’elle s’occupe incessamment à éteindre. Il me semble reconnaître dans ces lettres l’accent même de Jane Eyre, et je m’étonne que mistress Gaskell n’en ait pas fait l’observation. Quelles peuvent être les tentations et les faiblesses dont s’accuse une jeune fille de vingt ans, de nature passionnée, d’éducation religieuse ? La réponse est trop facile. Ce sont les tentations et les faiblesses de la petite gouvernante qu’elle nous a si merveilleusement décrites. Le grand souci de la vie de Charlotte, ce fut de réprimer sa nature ; nous avons vu qu’elle avait peur de trop aimer, et qu’elle faisait tous ses efforts pour étouffer en elle la voix du cœur. Elle réussit. Elle trouva dans les circonstances malheureuses de son existence la preuve évidente que le bonheur n’était pas fait pour elle, et que la résignation était un acte de raison. En considérant ses traits, elle se dit que le mariage n’était pas fait pour elle, et qu’elle devait s’habituer à cette idée ; elle se persuada enfin que la nature, en la faisant ardente, malheureuse et laide, l’avait formée pour le devoir seul, et que le sacrifice était sa destinée. Elle resta fidèle à cette noble persuasion, et le devoir fut l’âme de sa vie.

 






Nous sommes ici dans les régions morales les plus hautes : les infirmités, les déviations, les tourments d’une telle conscience sont plus élevés et plus nobles que bien des vertus. Les sentiments de tendresse les plus délicats, la bonté la plus touchante, avaient trouvé le moyen d’éclore dans cette âme lassée de ses propres orages. En elle, on ne rencontre aucun des vilains petits sentiments d’aigreur et de jalousie qu’engendrent les espoirs déçus et les passions concentrées. Savez-vous ce qu’elle faisait au moment où elle s’accusait d’être une proie marquée pour la damnation ? Elle remplaçait la servante Tabby. Tabby s’était cassé la jambe, et avait en conséquence été obligée d’abandonner son service. Miss Branwell jugeait que cette circonstance, jointe au grand âge de Tabby, exigeait qu’elle fût remplacée : elle pouvait vivre avec les économies qu’elle avait faites ; elle avait une sœur qui résidait à Haworth, et quant aux dépenses qu’entraînerait sa maladie, M. Brontë y pourvoirait. M. Brontë, aussi généreux qu’il était pauvre, accepta ce plan avec difficulté. Cependant la prudence et les raisonnements d’économie domestique de miss Branwell avaient fini par l’emporter ; mais les demoiselles Brontë firent une opposition silencieuse à cette décision : elles furent maussades, et s’abstinrent de manger jusqu’à ce qu’elles l’eussent emporté. Tabby resta dans la maison, et tous les soins du ménage retombèrent sur les jeunes filles ; elles ne s’en plaignirent pas. Charlotte et Emilie firent la cuisine comme si elles n’avaient jamais lu Shakespeare et Scott. « Emilie et moi, nous sommes suffisamment occupées, comme bien vous pouvez supposer ; je repasse et je fais les chambres ; Emilie s’occupe de la boulangerie et de la cuisine. Nous sommes de si singuliers animaux que nous préférons cet arrangement de choses à l’ennui d’avoir parmi nous une nouvelle figure. J’ai beaucoup excité la colère de ma tante en brûlant le linge la première fois que j’ai essayé de repasser ; je m’en tire beaucoup mieux maintenant. Les sentiments humains sont d’étranges choses. J’éprouve plus de bonheur à faire les lits et à frotter les carreaux ici que je n’en aurais à vivre ailleurs comme une belle dame. »

Une telle personne, malgré sa laideur physique, ne pouvait manquer d’être intéressante. Si elle n’avait rien de ce qui peut exciter la passion ou plaire à la plupart des hommes, elle avait toutes les qualités requises pour commander l’estime et piquer la curiosité.

Émile Montégut
critique français (1825 – 1895)
Miss Brontë, sa Vie et ses Œuvres
I. — La Vie anglaise, la Famille et la Jeunesse de Miss Brontë
Revue des Deux Mondes
2e, tome 10, 1857






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LES TROIS SOEURS BRONTË
par/by Branwell Brontë
From left to right: Anne, Emily and Charlotte
De gauche à droite : Anne, Emily et Charlotte

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