*THOMAS MOORE
Traduction – Texte Bilingue
Traduction Jacky Lavauzelle
Thomas Moore
1779-1852
Poem by Thomas Moore
Poème de Thomas Moore
The last rose of summer
Mélodies irlandaises
La Dernière Rose de l’été
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*
‘Tis the last rose of summer,
C’est la dernière rose de l’été,
Left blooming alone ;
Seule et fleurie ;
All her lovely companions
Tous ses charmants compagnons
Are faded and gone ;
Sont fanés et sont partis ;
No flower of her kindred,
Plus aucune fleur de sa famille,
No rose-bud is nigh,
Plus de boutons de rose
To reflect back her blushes,
Reflétant ses rougeoiements,
Or give sigh for sigh.
Ou soupirant à ses soupirs.
*
*
I’ll not leave thee, thou lone one !
Je ne te laisserai pas seule !
To pine on the stem ;
Plantée sur ta tige ;
Since the lovely are sleeping,
Les belles roses dorment,
Go sleep thou with them.
Va dormir avec elles.
Thus kindly I scatter
Gentiment, je jetterai
Thy leaves o’er the bed,
Tes feuilles au sol,
Where thy mates of the garden
Où tes camarades du jardin
Lie scentless and dead.
Sèchent inodores et mortes.
*
*
So soon may I follow,
Que bientôt je te suive,
When friendships decay,
Lorsque mes amitiés s’éteindront,
And from Love’s shining circle
Et que du cercle brillant de l’Amour
The gems drop away.
Les gemmes tomberont.
When true hearts lie wither’d,
Quand les véritables cœurs s’éloigneront,
And fond ones are flown,
Quand mes amours s’envoleront,
Oh ! who would inhabit
Oh! Qui donc habiterait
This bleak world alone ?
Seul dans un sombre monde ?
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Thomas Moore
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Thomas Moore
La Revue des Deux Mondes
1843
Si la force ou la grâce prédomine chez Moore, c’est là une question que l’on n’a guère pris la peine d’examiner, ébloui qu’on était par l’éclat d’un autre génie dont l’énergie formait le caractère distinctif. Byron a exercé une action sociale trop vaste et trop féconde pour que de son temps on ait pu le juger sainement comme artiste ou comme penseur ; maintenant que cette première effervescence s’est calmée, il serait peut-être possible de démontrer que d’autres poètes, ses contemporains, privés d’une popularité aussi exagérée par le but moins sympathique aux passions humaines qu’ils avaient poursuivi savaient déployer, pour atteindre à ce but, des moyens aussi vrais et aussi grands que le poète qui dans sa gloire a pu se croire sans rival.
On découvre chez Moore deux individus, deux talents différents, d’où naissent deux réputations également distinctes, et dont l’une absorbe l’autre. Il est arrivé à Moore ce qui arrive à bon nombre des écrivains qui obtiennent un grand succès de vogue ; il est devenu principalement célèbre par ses qualités secondaires. Né à Dublin, en 1780, il fit paraître sa traduction d’Anacréon en 1800, avant d’avoir atteint l’âge de vingt ans, et publia l’année suivante les Poèmes de Little. Dès ce moment, le siècle assigna une place définitive au poète ; il devint tout de suite le lion à la mode ; on chanta ses chansons et on les lui fit chanter ; on le fêta, on le choya, on le combla d’attentions, mais le comprit-on bien ? Tout en appréciant ce que renfermait de charmant, de gracieux, de raffiné, ce remarquable talent, on ne reconnut pas assez ce qu’il contenait de fort et de viril ; dans ses productions, qui se distinguent avant tout par leur énergie, on se plaisait à admirer le sujet, le story, comme disent les Anglais, les brillantes images, la perfection du vers, et Anacréon Moore fut le nom dont ses contemporains persistèrent à décorer l’auteur de Lalla Rookh.
Pour bien apprécier le talent de Moore, il est nécessaire de diviser ses ouvrages en deux classes, de placer d’un côté les œuvres sérieuses, les chants inspirés qui lui assurent une célébrité durable, de l’autre les mille petites créations élégantes et spirituelles qui lui valurent les applaudissements et les caresses de son temps Parmi les premières, il faut nommer Lalla Rookh, les Mélodies irlandaises, certaines odes et épîtres, et les Rimes sur la route. Aux secondes appartiennent les Poèmes de Little, les innombrables épigrammes et ballades, les chansons érotiques, les chansons de table, les Fables de la Sainte-Alliance, et les autres satires, tableaux parfaits de mœurs contemporaines. Comme les odes d’Anacréon, à titre de traductions, n’entrent point dans les inspirations originales de Moore, elles ne doivent être considérées que du point de vue de l’exécution pure, et, quant au poème célèbre des Amours des Anges, on éprouve un très grand embarras à lui trouver une place. Trop frivole pour être classé parmi les œuvres sérieuses, et trop sérieux pour se ranger parmi les poésies légères, ce poème est d’une nature aussi intermédiaire que son sujet, et, comme les anges, semble destiné flotter incessamment entre les deux sphères.
Le patriotisme de Moore est un fait individuel, isolé ; loin de se présenter comme la conséquence nécessaire de ses idées philosophiques ou politiques, il s’en écarte et ressemble bien plutôt l’amour que ressentent certains hommes pour une seule femme, tandis que le sexe en général ne leur inspire que de l’aversion. Moore aime l’Irlande comme une maîtresse ; tout ce qu’elle demande et tout ce qu’elle veut, il le veut et le demande. Il ne voit qu’elle au monde, et ce n’est pas lui qu’on accuserait jamais de sacrifier au sentiment cosmopolite, ou de perdre un seul instant de vue les intérêts de son propre pays, pour se plonger dans des rêveries plus ou moins stériles sur les besoins et les destinées de l’humanité. Lui-même l’a dit, le seul reproche que pourront lui adresser les ennemis de l’Irlande sera d’avoir, comme Othello, — « aimé non point sagement, mais trop bien. On se persuade trop facilement, en lisant certaines poésies de Moore, que l’homme qui les a écrites appartient au parti ultra-radical, erreur qui a causé plus d’un mécompte parmi certains esprits exaltés. Il y a chez le barde d’Erin une élégance innée, a native elegance, comme disent nos voisins d’outre-Manche, qui s’oppose instinctivement aux mœurs républicaines, et c’est encore un trait distinctif du caractère irlandais, qui, au milieu des complots, des émeutes et de tous les plus funestes excès d’une guerre civile continuelle, trouve moyen de conserver toujours ses allures chevaleresques, cette insouciance de grand seigneur qui ont fait si souvent comparer l’Irlande et la France. Tant et si bien existent chez Moore ces goûts aristocratiques, cet éloignement pour les aspérités et les incorrections si je puis employer le mot, d’une société primitive, que lorsqu’en 1803 les whigs lui donnèrent la place de régistrateur de l’amirauté aux Bermudes, le séjour qu’il fit aux États-Unis, avant de se rendre à son poste, ne lui laissa que des souvenirs pleins d’amertume et de dégoût. L’aspect de ce peuple enfant, de cette nationalité ébauchée, ne le frappa par aucun de ses côtés vraiment grands ; il en saisit toutes les imperfections et les vices, comme plus tard mistriss Trollope en a saisi les incohérences et les ridicules : « J’allai en Amérique, dit Moore dans la préface des Odes et Epîtres, publiées en 1806, sans aucune prévention défavorable ; au contraire, je me livrais à certaines illusions touchant la pureté du gouvernement et le bonheur primitif du peuple… Mon attente fut entièrement trompée, et j’avais envie de dire à l’Amérique comme Horace à sa maîtresse : Intentata nites. » On devine à ce début le ton que prendra Moore plus tard vis-à-vis de cette race factieuse, pauvre d’esprit et prodigue de paroles, née pour être esclave et ambitieuse du pouvoir. » Oubliant sans doute que l’Amérique était la sœur légitime de l’Irlande, qu’elle s’était courbée sous le même joug et qu’elle l’avait secoué, qu’elle avait souffert les mêmes injustices et qu’elle venait de les venger ; oubliant enfin que, si le peuple irlandais avait su en profiter, la capitulation de York-Town ouvrait à la malheureuse Erin le chemin de la liberté, Moore, dans la VIIIe épître adressée à M. Spencer, s’exprime de la manière suivante sur la patrie de Washington : « Tout ce que la création éternellement variée contient de grand ou d’aimable fleurit et se développe ici ; les montagnes s’élèvent avec fierté, les jardins s’épanouissent dans leur éclatante richesse ; de beaux lacs s’étendent, de grands fleuves roulent leurs ondes victorieuses. L’âme (the mind), l’âme seule, sans laquelle le monde n’est qu’un désert, l’homme que de la boue ; l’âme, l’âme seule, enfouie dans un repos stérile, ne fleurit ni ne s’élève, ne s’épand ni ne brille ! Prenez-les tous, chrétiens, mohawks et démocrates, depuis le wigwam jusqu’à la chambre du congrès, depuis l’homme sauvage (esclave ou libre) jusqu’à l’homme civilisé, moins apprivoisé que lui, ce n’est partout que même chaos ténébreux, que même lutte inféconde entre la vie à moitié civilisée et moitié barbare, où tous les maux de l’ancien monde se mêlent à toutes les grossièretés du monde nouveau, tout pervertit, bien que peu de choses séduisent, et où du luxe rien n’est connu que le vice. »
POETES ET ROMANCIERS MODERNES
DE LA GRANDE-BRETAGNE
Signé R. S.
Revue des Deux Mondes
Tome 2
1843