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Madrid – Мадрид – 马德里
戈雅普拉多博物馆雕像
Francisco Goya Museo del Prado

Francisco Goya Madrid

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Madrid Blason Artgitato  Madrid L'Ours & L'arbousier Artgitato La estatua del oso y del madroño

Photo Jacky Lavauzelle
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Madrid Drapeau Artgitato


FRANCISCO GOYA MADRID
Statue de Francisco Goya devant le Musée du Prado
Estatua de Francisco Goya Museo del Prado
Statue of painter Francisco Goya, Museo del Prado
Статуя Франсиско Гойи Музей Прадо
戈雅普拉多博物馆雕像

Francisco Goya Artgitato Madrid Le Prado Museo del Prado (1)

FRANCISCO GOYA MADRID   Francisco Goya Artgitato Madrid Le Prado Museo del Prado (3) Francisco Goya Artgitato Madrid Le Prado Museo del Prado (4)

FRANCISCO GOYA MADRID Francisco Goya Artgitato Madrid Le Prado Museo del Prado (5)

FRANCISCO GOYA MADRID  Francisco Goya Artgitato Madrid Le Prado Museo del Prado (6) Francisco Goya Artgitato Madrid Le Prado Museo del Prado (7) Francisco Goya Artgitato Madrid Le Prado Museo del Prado (8)

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FRANCISCO GOYA MADRID  Francisco Goya Artgitato Madrid Le Prado Museo del Prado (11)

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GOYA VU PAR THEOPHILE GAUTIER

« Francisco Goya y Lucientes est le petit-fils encore reconnaissable de Vélasquez, Après lui viennent les Aparico, les Lopez ; la décadence est complète, le cycle de l’art est fermé. Qui le rouvrira ?C’est un étrange peintre, un singulier génie que Goya ! Jamais originalité ne fut plus tranchée, jamais artiste espagnol ne fut plus local. ― Un croquis de Goya, quatre coups de pointe dans un nuage d’aqua-tinta en disent plus sur les mœurs du pays que les plus longues descriptions. Par son existence aventureuse, par sa fougue, par ses talents multiples, Goya semble appartenir aux belles époques de l’art, et cependant, c’est en quelque sorte un contemporain : il est mort à Bordeaux en 1828.
Avant d’arriver à l’appréciation de son œuvre, esquissons sommairement sa biographie. Don Francisco Goya y Lucientes naquit en Aragon de parents dans une position de fortune médiocre, mais cependant suffisante pour ne pas entraver ses dispositions naturelles. Son goût pour le dessin et la peinture se développa de bonne heure. Il voyagea, étudia à Rome quelque temps, et revint en Espagne, où il fit une fortune rapide à la cour de Charles IV, qui lui accorda le titre de peintre du roi. Il était reçu chez la reine, chez le prince de Benavente et la duchesse d’Albe, et menait cette existence de grand seigneur des Rubens, des Van Dick et des Vélasquez, si favorable à l’épanouissement du génie pittoresque. Il avait, près de Madrid, une casa de campo délicieuse, où il donnait des fêtes et où il avait son atelier.
Goya a beaucoup produit ; il a fait des sujets de sainteté, des fresques, des portraits, des scènes de mœurs, des eaux-fortes, des aqua-tinta, des lithographies, et partout, même dans les plus vagues ébauches, il a laissé l’empreinte d’un talent vigoureux ; la griffe du lion raie toujours ses dessins les plus abandonnés. Son talent, quoique parfaitement original, est un singulier mélange de Vélasquez, de Rembrandt et de Reynolds ; il rappelle tour à tour ou en même temps ces trois maîtres, mais comme le fils rappelle ses aïeux, sans imitation servile, ou plutôt par une disposition congéniale que par une volonté formelle.
On voit de lui, au musée de Madrid, le portrait de Charles IV et de la reine à cheval : les têtes sont merveilleusement peintes, pleines de vie, de finesse et d’esprit ; un Picador et le Massacre du 2 mai, scène d’invasion. Le duc d’Ossuna possède plusieurs tableaux de Goya, et il n’est guère de grande maison qui n’ait de lui quelque portrait ou quelque esquisse. L’intérieur de l’église de San-Antonio de la Florida, où se tient une fête assez fréquentée, à une demi-lieue de Madrid, est peint à fresque par Goya avec cette liberté, cette audace et cet effet qui le caractérisent. À Tolède, dans une des salles capitulaires, nous avons vu de lui un tableau représentant Jésus livré par Judas, effet de nuit que n’eût pas désavoué Rembrandt, à qui je l’eusse attribué d’abord, si un chanoine ne m’eût fait voir la signature du peintre émérite de Charles IV. Dans la sacristie de la cathédrale de Séville, il existe aussi un tableau de Goya, d’un grand mérite, sainte Justine et sainte Ruffine, vierges et martyres, toutes deux filles d’un potier de terre, comme l’indiquent les alcarazas et les cantaros groupés à leurs pieds.
La manière de peindre de Goya était aussi excentrique que son talent : il puisait la couleur dans des baquets, l’appliquait avec des éponges, des balais, des torchons, et tout ce qui lui tombait sous la main, il truellait et maçonnait ses tons comme du mortier, et donnait les touches de sentiment à grands coups de pouce. À l’aide de ces procédés expéditifs et péremptoires, il couvrait en un ou deux jours une trentaine de pieds de muraille. Tout ceci nous paraît dépasser un peu les bornes de la fougue et de l’entrain ; les artistes les plus emportés sont des lécheurs en comparaison. Il exécuta, avec une cuiller en guise de brosse, une scène du Dos de Mayo, où l’on voit des Français qui fusillent des Espagnols. C’est une œuvre d’une verve et d’une furie incroyables. Cette curieuse peinture est reléguée sans honneur dans l’antichambre du musée de Madrid.
L’individualité de cet artiste est si forte et si tranchée, qu’il nous est difficile d’en donner une idée même approximative. Ce n’est pas un caricaturiste comme Hogarth, Bamburry ou Cruishanck : Hogarth, sérieux, flegmatique, exact et minutieux comme un roman de Richardson, laissant toujours voir l’intention morale ; Bamburry et Cruishank si remarquables pour leur verve maligne, leur exagération bouffonne, n’ont rien de commun avec l’auteur des Caprichos. Callot s’en rapprocherait plus, Callot, moitié Espagnol, moitié Bohémien ; mais Callot est net, clair, fin, précis, fidèle au vrai, malgré le maniéré de ses tournures et l’extravagance fanfaronne de ses ajustements ; ses diableries les plus singulières sont rigoureusement possibles ; il fait grand jour dans ses eaux-fortes, où la recherche des détails empêche l’effet et le clair-obscur, qui ne s’obtiennent que par des sacrifices. Les compositions de Goya sont des nuits profondes où quelque brusque rayon de lumière ébauche de pâles silhouettes et d’étranges fantômes.
C’est un composé de Rembrandt, de Watteau et des songes drolatiques de Rabelais ; singulier mélange ! Ajoutez à cela une haute saveur espagnole, une forte dose de l’esprit picaresque de Cervantès, quand il fait le portrait de la Escalanta et de la Gananciosa, dans Rinconete et Cortadillo, et vous n’aurez encore qu’une très imparfaite idée du talent de Goya. Nous allons tâcher de le faire comprendre, si toutefois cela est possible, avec des mots.
Les dessins de Goya sont exécutés à l’aqua-tinta, repiqués et ravivés d’eau-forte ; rien n’est plus franc, plus libre et plus facile, un trait indique toute une physionomie, une traînée d’ombre tient lieu de fond, ou laisse deviner de sombres paysages à demi-ébauchés ; des gorges de sierra, théâtres tout préparés pour un meurtre, pour un sabbat ou une tertulia de Bohémiens ; mais cela est rare, car le fond n’existe pas chez Goya. Comme Michel-Ange, il dédaigne complètement la nature extérieure, et n’en prend tout juste que ce qu’il faut pour poser des figures, et encore en met-il beaucoup dans les nuages. De temps en temps, un pan de mur coupé par un grand angle d’ombre, une noire arcade de prison, une charmille à peine indiquée ; voilà tout. Nous avons dit que Goya était un caricaturiste, faute d’un mot plus juste. C’est de la caricature dans le genre d’Hoffmann, où la fantaisie se mêle toujours à la critique, et qui va souvent jusqu’au lugubre et au terrible ; on dirait que toutes ces têtes grimaçantes ont été dessinées par la griffe de Smarra sur le mur d’une alcôve suspecte, aux lueurs intermittentes d’une veilleuse à l’agonie. On se sent transporté dans un monde inouï, impossible et cependant réel. ― Les troncs d’arbre ont l’air de fantômes, les hommes d’hyènes, de hiboux, de chats, d’ânes ou d’hippopotames ; les ongles sont peut-être des serres, les souliers à bouffettes chaussent des pieds de bouc ; ce jeune cavalier est un vieux mort, et ses chausses enrubannées enveloppent un fémur décharné et deux maigres tibias ; ― jamais il ne sortit de derrière le poêle du docteur Faust des apparitions plus mystérieusement sinistres.
Les caricatures de Goya renferment, dit-on, quelques allusions politiques, mais en petit nombre ; elles ont rapport à Godoï, à la vieille duchesse de Benavente, aux favoris de la reine, et à quelques seigneurs de la cour, dont elles stigmatisent l’ignorance ou les vices. Mais il faut bien les chercher à travers le voile épais qui les obombre. ― Goya a encore fait d’autres dessins pour la duchesse d’Albe, son amie, qui n’ont point paru, sans doute à cause de la facilité de l’application. ― Quelques-uns ont trait au fanatisme, à la gourmandise et à la stupidité des moines, les autres représentent des sujets de mœurs ou de sorcellerie.
Le portrait de Goya sert de frontispice au recueil de son œuvre. C’est un homme de cinquante ans environ, l’œil oblique et fin, recouvert d’une large paupière avec une patte-d’oie maligne et moqueuse, le menton recourbé en sabot, la lèvre supérieure mince, l’inférieure proéminente et sensuelle ; le tout encadré dans des favoris méridionaux et surmonté d’un chapeau à la Bolivar ; une physionomie caractérisée et puissante.
La première planche représente un mariage d’argent, une pauvre fille sacrifiée à un vieillard cacochyme et monstrueux par des parents avides. La mariée est charmante avec son petit loup de velours noir et sa basquine à grandes franges, car Goya rend à merveille la grâce andalouse et castillane ; les parents sont hideux de rapacité et de misère envieuse. Ils ont des airs de requin et de crocodile inimaginables ; l’enfant sourit dans des larmes, comme une pluie du mois d’avril, ce ne sont que des yeux, des griffes et des dents ; l’enivrement de la parure empêche la jeune fille de sentir encore toute l’étendue de son malheur. ― Ce thème revient souvent au bout du crayon de Goya, et il sait toujours en tirer des effets piquants. Plus loin, c’est el coco, croque-mitaine, qui vient effrayer les petits enfants et qui en effraierait bien d’autres, car, après l’ombre de Samuel dans le tableau de la Pythonisse d’Endor, par Salvator Rosa, nous ne connaissons rien de plus terrible que cet épouvantail. Ensuite ce sont des majos qui courtisent des fringantes sur le Prado ; ― de belles filles au bas de soie bien tiré, avec de petites mules à talon pointu qui ne tiennent au pied que par l’ongle de l’orteil, avec des peignes d’écaille à galerie, découpés à jour et plus hauts que la couronne murale de Cybèle ; des mantilles de dentelles noires disposées en capuchon et jetant leur ombre veloutée sur les plus beaux yeux noirs du monde, des basquines plombées pour mieux faire ressortir l’opulence des hanches, des mouches posées en assassines au coin de la bouche et près de la tempe ; des accroche-cœurs à suspendre les amours de toutes les Espagnes, et de larges éventails épanouis en queue de paon ; ce sont des hidalgos en escarpins, en frac prodigieux, avec le chapeau demi-lune sous le bras et des grappes de breloques sur le ventre, faisant des révérences à trois temps, se penchant au dos des chaises pour souffler, comme une fumée de cigare, quelque folle bouffée de madrigaux dans une belle touffe de cheveux noirs, ou promenant par le bout de son gant blanc quelque divinité plus ou moins suspecte ; ― puis des mères utiles, donnant à leurs filles trop obéissantes les conseils de la Macette de Régnier, les lavant et les graissant pour aller au sabbat. ― Le type de la mère utile est merveilleusement bien rendu par Goya, qui a, comme tous les peintres espagnols, un vif et profond sentiment de l’ignoble ; on ne saurait imaginer rien de plus grotesquement horrible, de plus vicieusement difforme ; chacune de ces mégères réunit à elle seule la laideur des sept péchés capitaux ; le diable est joli à côté de cela. Imaginez des fossés et des contrescarpes de rides ; des yeux comme des charbons éteints dans du sang ; des nez en flûte d’alambic, tout bubelés de verrues et de fleurettes ; des mufles d’hippopotame hérissés de crins roides, des moustaches de tigre, des bouches en tirelire contractées par d’affreux ricanements, quelque chose qui tient de l’araignée et du cloporte, et qui vous fait éprouver le même dégoût que lorsqu’on met le pied sur le ventre mou d’un crapaud. ― Voilà pour le côté réel ; mais c’est lorsqu’il s’abandonne à sa verve démonographique que Goya est surtout admirable ; personne ne sait aussi bien que lui faire rouler dans la chaude atmosphère d’une nuit d’orage de gros nuages noirs chargés de vampires, de stryges, de démons, et découper une cavalcade de sorcières sur une bande d’horizons sinistres.
Il y a surtout une planche tout à fait fantastique qui est bien le plus épouvantable cauchemar que nous ayons jamais rêvé ; ― elle est intitulée : Y aun no se van. C’est effroyable, et Dante lui-même n’arrive pas à cet effet de terreur suffocante ; représentez-vous une plaine nue et morne au-dessus de laquelle se traîne péniblement un nuage difforme comme un crocodile éventré ; puis une grande pierre, une dalle de tombeau qu’une figure souffreteuse et maigre s’efforce de soulever. ― La pierre, trop lourde pour les bras décharnés qui la soutiennent et qu’on sent près de craquer, retombe malgré les efforts du spectre et d’autres petits fantômes qui roidissent simultanément leurs bras d’ombre ; plusieurs sont déjà pris sous la pierre un instant déplacée. L’expression de désespoir qui se peint sur toutes ces physionomies cadavéreuses, dans ces orbites sans yeux, qui voient que leur labeur a été inutile, est vraiment tragique ; c’est le plus triste symbole de l’impuissance laborieuse, la plus sombre poésie et la plus amère dérision que l’on ait jamais faites à propos des morts. La planche Buen viage, où l’on voit un vol de démons, d’élèves du séminaire de Barahona qui fuient à tire-d’aile, et se hâtent vers quelque œuvre sans nom, se fait remarquer par la vivacité et l’énergie du mouvement. Il semble que l’on entende palpiter dans l’air épais de la nuit toutes ces membranes velues et onglées comme les ailes des chauves-souris. Le recueil se termine par ces mots : Y es ora. ― C’est l’heure, le coq chante, les fantômes s’éclipsent, car la lumière paraît,
― Quant à la portée esthétique et morale de cette œuvre, quelle est-elle ? Nous l’ignorons. Goya semble avoir donné son avis là-dessus dans un de ses dessins où est représenté un homme, la tête appuyée sur ses bras et autour duquel voltigent des hiboux, des chouettes, des coquecigrues. ― La légende de cette image est : El suenho de la razon produce monstruos. C’est vrai, mais c’est bien sévère.
Ces caprices sont tout ce que la Bibliothèque royale de Paris possède de Goya. Il a cependant produit d’autres œuvres : la Tauromaquia, suite de 33 planches, les Scènes d’invasion qui forment 20 dessins, et devaient en avoir plus de 40 ; les eaux-fortes d’après Vélasquez, etc., etc.
La Tauromaquia est une collection de scènes représentant divers épisodes du combat de taureaux, à partir des Mores jusqu’à nos jours. ― Goya était un aficionado consommé, et il passait une grande partie de son temps avec les toreros. Aussi était-il l’homme le plus compétent du monde pour traiter à fond la matière. Quoique les attitudes, les poses, les défenses et les attaques, ou, pour parler le langage technique, les différentes suertes et cogidas soient d’une exactitude irréprochable, Goya a répandu sur ces scènes ses ombres mystérieuses et ses couleurs fantastiques. ― Quelles têtes bizarrement féroces ! quels ajustements sauvagement étranges ! quelle fureur de mouvement ! Ses Mores, compris un peu à la manière des Turcs de l’empire sous le rapport du costume, ont les physionomies les plus caractéristiques. ― Un trait égratigné, une tache noire, une raie blanche, voilà un personnage qui vit, qui se meut, et dont la physionomie se grave pour toujours dans la mémoire. Les taureaux et les chevaux, bien que parfois d’une forme un peu fabuleuse, ont une vie et un jet qui manquent bien souvent aux bêtes des animaliers de profession : les exploits de Gazul, du Cid, de Charles Quint, de Romero, de l’étudiant de Falces, de Pepe Illo, qui périt misérablement dans l’arène, sont retracés avec une fidélité tout espagnole. ― Comme celles des Caprichos, les planches de la Tauromaquia sont exécutées à l’aqua-tinta et relevées d’eau-forte.
Les Scènes d’invasion offriraient un curieux rapprochement avec les Malheurs de la guerre, de Callot. ― Ce ne sont que pendus, tas de morts qu’on dépouille, femmes qu’on viole, blessés qu’on emporte, prisonniers qu’on fusille, couvents qu’on dévalise, populations qui s’enfuient, familles réduites à la mendicité, patriotes qu’on étrangle, tout cela est traité avec ces ajustements fantastiques et ces tournures exorbitantes qui feraient croire à une invasion de Tartares au XIVème siècle. Mais quelle finesse, quelle science profonde de l’anatomie dans tous ces groupes qui semblent nés du hasard et du caprice de la pointe ! Dites-moi si la Niobé antique surpasse en désolation et en noblesse cette mère agenouillée au milieu de sa famille devant les baïonnettes françaises ! ― Parmi ces dessins qui s’expliquent aisément, il y en a un tout à fait terrible et mystérieux, et dont le sens, vaguement entrevu, est plein de frissons et d’épouvantements. C’est un mort à moitié enfoui dans la terre, qui se soulève sur le coude, et, de sa main osseuse, écrit sans regarder, sur un papier posé à côté de lui, un mot qui vaut bien les plus noirs du Dante : Nada (néant). Autour de sa tête, qui a gardé juste assez de chair pour être plus horrible qu’un crâne dépouillé, tourbillonnent, à peine visibles dans l’épaisseur de la nuit, de monstrueux cauchemars illuminés çà et là de livides éclairs. Une main fatidique soutient une balance dont les plateaux se renversent. Connaissez-vous quelque chose de plus sinistre et de plus désolant ?
Tout à fait sur la fin de sa vie, qui fut longue, car il est mort à Bordeaux à plus de quatre-vingts ans, Goya a fait quelques croquis lithographiques improvisés sur la pierre, et qui portent le titre de Dibersion de Espanha ; ― ce sont des combats de taureaux. On reconnaît encore, dans ces feuilles charbonnées par la main d’un vieillard sourd depuis longtemps et presque aveugle, la vigueur et le mouvement des Caprichos et de la Tauromaquia. L’aspect de ces lithographies rappelle beaucoup, chose curieuse ! la manière d’Eugène Delacroix dans les illustrations de Faust.
Dans la tombe de Goya est enterré l’ancien art espagnol, le monde à jamais disparu des toreros, des majos, des manolas, des moines, des contrebandiers, des voleurs, des alguazils et des sorcières, toute la couleur locale de la Péninsule. ― Il est venu juste à temps pour recueillir et fixer tout cela. Il a cru ne faire que des caprices, il a fait le portrait et l’histoire de la vieille Espagne, tout en croyant servir les idées et les croyances nouvelles. Ses caricatures seront bientôt des monuments historiques. »

Théophile Gautier
Voyage en Espagne
charpentier, 1859
pp. 89-124
Chapitre VIII

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FRANCISCO GOYA MADRID

Real Basílica de San Francisco el Grande – Basilique de Saint-François-le-Grand – Madrid – Сан – Франциско-эль-Гранде Базилика – 旧金山昆内特拉格兰教堂

Madrid – Мадрид – 马德里
Basilique de Saint-François-le-Grand
Real Basílica de San Francisco el Grande

Basilica San Francisco el grande Basilique saint François Madrid Artgitato (9)
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Photo Jacky Lavauzelle
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Madrid Drapeau Artgitato


Real Basílica
de San Francisco el Grande MADRID
Basilique de Saint-François-le-Grand
Сан – Франциско-эль-Гранде Базилика
旧金山昆内特拉格兰教堂

 

Real Basílica de San Francisco el Grande

 Basilica San Francisco el grande Basilique saint François Madrid Artgitato (1)

Basilica San Francisco el grande Basilique saint François Madrid Artgitato (2)

San Simón & San Felipe
saint Simon & saint Philippe

« Simon et Jude parcoururent ensuite plusieurs villes de Perse, pour y prêcher la religion de Jésus-Christ. Les deux magiciens les ayant précédés dans une de ces villes, ameutèrent le peuple par leurs mensonges. Simon fut traîné devant l’image du soleil, et Jude devant celle de la lune, pour offrir de l’encens à ces divinités.
Au lieu d’obéir, les Apôtres brisèrent ces idoles, en invoquant le nom de Jésus-Christ. Les prêtres, furieux, les firent mourir cruellement. Saint Simon fut scié en deux, et saint Jude, après avoir subi plusieurs tortures cruelles, eut la tête tranchée.
Dieu ne laissa pas leur mort sans punition ; car à l’heure même, bien que le temps fût très-calme, il s’éleva une si terrible tempête, que les temples des faux Dieux furent renversés, leurs images réduites en poussière ; les deux magiciens et un grand nombre de païens furent brûlés par le feu du ciel, ou écrasés sous les ruines de leurs temples. »

 Comtesse de Ségur
Les Actes des Apôtres (1866)
Librairie de L. Hachette et Cie, 1867
pp. 262-266
LXVIII-SAINT SIMON ET SAINT JUDE, APÔTRES ET MARTYRS

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saint Philippe

« Saint Philippe, après avoir converti beaucoup d’âmes en Asie Mineure, passa en Scythie, où il resta plusieurs années et convertit un grand nombre de païens. Puis il revint en Phrygie.
Étant entré dans un temple, à Hierapolis, il y trouva une vipère monstrueuse que le peuple adorait. Le saint Apôtre se jeta à genoux et pria le Seigneur d’ouvrir les yeux de ce pauvre peuple et de le délivrer de la puissance du démon.
Sa prière fut exaucée, car la vipère poussa un sifflement horrible et mourut aussitôt. Le peuple, frappé de ce miracle, écouta la parole de Philippe et demanda le baptême.
Les prêtres et les magistrats de la ville, ne pouvant souffrir un pareil changement, qui les privait des riches offrandes qu’on offrait à la vipère, se saisirent de Philippe ; ils le fouettèrent cruellement, le crucifièrent, et, pendant qu’il était sur la croix, ils l’assommèrent à coups de pierres, craignant que ses paroles ne convertissent la foule qui assistait à ce sanglant spectacle.
Mais Dieu fit voir combien ce crime lui faisait horreur. Un tremblement de terre épouvantable fit tomber les plus beaux et les plus importants monuments de la ville. La terre s’entr’ouvrit sous les pieds des prêtres et des magistrats et les engloutit dans un abîme qui se referma immédiatement après.
Les idolâtres, effrayés de ce prodige, permirent aux nouveaux convertis de détacher le saint Apôtre. Mais lui, voulant mourir sur la croix comme son Divin Maître, leur défendit de le faire ; et après avoir prié pour ce pauvre peuple aveuglé par ses prêtres, il expira. C’était le 1er mai, en l’année 54. Quelques auteurs croient que c’était en l’année 87, et que saint Philippe avait 87 ans.
Le corps du Saint fut enlevé et enseveli par les Chrétiens. Une partie de ses ossements est à Rome, dans l’église des Saints-Apôtres, comme je vous l’ai déjà dit, le reste est à Toulouse, dans l’église de Saint-Sernin, à Troyes, à Florence. Sa tête était à Paris, à Notre-Dame, l’autre portion est à l’église de Saint-Jacques et Saint-Philippe-du-Haut-Pas.
Voilà tout ce qu’on sait sur saint Philippe. »

 Comtesse de Ségur
Les Actes des Apôtres (1866)
Librairie de L. Hachette et Cie, 1867
pp. 252-254
LXVI-SAINT PHILIPPE, APÔTRE ET MARTYR

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Real Basílica de San Francisco el Grande

Basilica San Francisco el grande Basilique saint François Madrid Artgitato (4)

San Mateo
Mateo el Evangelista
Matthieu-Lévi ou saint Matthieu

Basilica San Francisco el grande Basilique saint François Madrid Artgitato (5)

San Judas Tadeo
Judas Thaddée
« 
Saint Jude était frère de saint Jacques le Mineur, et comme lui, cousin de Notre-Seigneur. Son vrai nom était Judas ; on l’appelait aussi Thadée, comme on le voit dans les Évangiles de saint Matthieu et de saint Marc. Pour ne pas le confondre avec Judas Iscariote, le traître, on l’appelle communément Jude ou Thadée. Quand les apôtres se séparèrent, après la Pentecôte, Simon et Jude partirent : le premier, pour l’Égypte, le second, pour la Mésopotamie, province de l’Asie. Quelques auteurs assurent que saint Simon quitta l’Égypte pour aller prêcher la foi dans toute l’Afrique et puis dans l’Angleterre ou Grande-Bretagne, et que saint Jude alla dans l’Arabie. Ensuite tous deux retournèrent en Perse, où les Juifs avaient été jadis emmenés en captivité. On ne sait aucun détail certain sur leur Apostolat dans l’Asie. On raconte qu’à leur arrivée en Perse, dans le camp de Baradach qui marchait avec une nombreuse armée contre les Indiens, toutes les idoles devinrent muettes. »

 Comtesse de Ségur
Les Actes des Apôtres (1866)
Librairie de L. Hachette et Cie, 1867
pp. 262-266
LXVIII-SAINT SIMON ET SAINT JUDE, APÔTRES ET MARTYRS

Basilica San Francisco el grande Basilique saint François Madrid Artgitato (6) Basilica San Francisco el grande Basilique saint François Madrid Artgitato (7) Basilica San Francisco el grande Basilique saint François Madrid Artgitato (8)  Basilica San Francisco el grande Basilique saint François Madrid Artgitato (11)Intérieur de la coupole
 Real Basílica de San Francisco el Grande
Basilica San Francisco el grande Basilique saint François Madrid Artgitato (13)

Intérieur de la coupole Real Basílica de San Francisco el Grande

Basilica San Francisco el grande Basilique saint François Madrid Artgitato (14) Basilica San Francisco el grande Basilique saint François Madrid Artgitato (16)

Saint André
San Andres

« Le martyre de saint André nous a été raconté par des prêtres et des diacres de Grèce et d’Asie, témoins oculaires de ses derniers instants.
I. Saint André et quelques autres disciples furent appelés par le Seigneur à trois reprises successives. La première fois, le Seigneur les appela à sa connaissance. André était un jour auprès de son maître Jean, lorsque celui-ci s’écria : « Voici venir l’Agneau de Dieu… etc. » Et aussitôt André alla rejoindre Jésus, et resta près de lui toute une journée. Il amena aussi à Jésus son frère Simon, l’ayant rencontré sur son chemin. Puis, le jour suivant, il revint à son métier, qui était de pêcher le poisson. Mais, quelque temps après, Jésus l’appela à sa familiarité. Étant venu, avec une grande foule, au bord du lac de Génésareth, que l’on appelle aussi mer de Galilée, il entra dans la barque de Simon et d’André, et prit une masse énorme de poisson. Alors André appela Jacques et Jean, qui étaient dans une autre barque ; et ils suivirent le Seigneur : après quoi, de nouveau, ils revinrent à leur métier. Mais bientôt le Seigneur les appela une troisième fois, et cette fois à son discipulat. Se promenant un jour sur les bords du même lac, où André et ses compagnons étaient occupés à pêcher, il leur fit signe de jeter leurs filets, en leur disant : « Suivez-moi, je vous ferai pêcheurs d’hommes ! » Et ils le suivirent, et jamais plus ils ne revinrent à leur métier de pêcheurs. Une quatrième fois encore, du reste, le Seigneur appela André ; ce fut, cette fois, à son apostolat, ainsi que le raconte l’évangéliste saint Marc, en son chapitre troisième. Il appela ceux qu’il s’était choisis, et ils vinrent à lui, et il fit en sorte qu’ils fussent au nombre de douze.
Après l’ascension du Seigneur, les apôtres s’étant séparés, André alla pêcher en Scythie, et Matthieu en Éthiopie. Or les Éthiopiens, refusant d’admettre la prédication de Matthieu, lui arrachèrent les yeux, le lièrent de chaînes, et le jetèrent en prison, avec l’intention de le mettre à mort peu de jours après. Alors un ange apparut à saint André, et lui enjoignit de se rendre en Éthiopie auprès de saint Matthieu. Saint André ayant répondu qu’il ne connaissait pas le chemin, l’ange lui ordonna d’aller au bord de la mer, et, là, d’entrer dans le premier vaisseau qu’il rencontrerait. C’est ce que s’empressa de faire André ; et le vaisseau ne tarda pas à le conduire, avec un vent favorable, jusqu’à la ville où était saint Matthieu. Puis, sous la garde de l’ange, il pénétra dans la prison de l’évangéliste, et, à sa vue, pleura beaucoup et pria. Et voici que le Seigneur, à sa demande, rendit à Matthieu le bienfait de la vue, dont l’avait privé la cruauté des infidèles. Et Matthieu sortit de sa prison, et se rendit à Antioche. Mais André, au contraire, resta en Éthiopie, où les habitants, furieux de l’évasion de son ami, s’emparèrent de lui et le traînèrent par les places, les mains liées. Son sang coulait en abondance : et lui, cependant, il ne cessait pas de prier Dieu pour ses persécuteurs, de telle sorte qu’il finit par les convertir. Et c’est après cela qu’il partit pour la Grèce. – Voilà, du moins, ce que l’on raconte ; mais j’ai, quant à moi, beaucoup de peine à y croire : car le fait de la délivrance et de la guérison de saint Matthieu par saint André impliquerait, – chose bien peu vraisemblable, – que ce grand évangéliste n’aurait pu obtenir, par lui-même ; ce que son frère André aurait si facilement obtenu pour lui. »

 

Basilica San Francisco el grande Basilique saint François Madrid Artgitato (17) Basilica San Francisco el grande Basilique saint François Madrid Artgitato (18) Basilica San Francisco el grande Basilique saint François Madrid Artgitato (19)

Real Basílica de San Francisco el Grande Basilica San Francisco el grande Basilique saint François Madrid Artgitato (20)

saint Thomas
Santo Tomás

« Dans sa Vie et mort des Saints, Isidore dit de saint Thomas : « Thomas, disciple du Christ, et qui ressemblait au Sauveur, fut incrédule en entendant, mais crut dès qu’il vit. Il prêcha l’Évangile aux Parthes, aux Mèdes, aux Perses, aux Hircaniens, et aux habitants de la Bactriane. Abordant à la plage de l’Orient et pénétrant jusqu’aux nations de l’intérieur, il y poursuivit sa prédication jusqu’au jour de son martyre. Il mourut transpercé d’un coup de lance. » Et Chrysostome dit aussi que Thomas parvint jusqu’aux régions des Rois Mages, qui jadis étaient venus adorer le Christ, qu’il les baptisa, et fit d’eux des soutiens de la foi. chrétienne. »

Jacques de Voragine
La Légende dorée (1261-1266)
Traduction par T. de Wyzewa.
 Perrin et Cie, 1910 – pp. 31-37
V SAINT THOMAS, APÔTRE

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Real Basílica de San Francisco el Grande

La porte d’Alcalá – Puerta de Alcalá Madrid – 阿尔卡拉门 – Пуэрта-де-Алькала

Madrid – Мадрид – 马德里
Puerta de Alcala
Пуэрта-де-Алькала – 阿尔卡拉门
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Madrid Blason Artgitato  Madrid L'Ours & L'arbousier Artgitato La estatua del oso y del madroño

Photos Jacky Lavauzelle
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Madrid Drapeau Artgitato



Porte d’Alcalá
Puerta de Alcalá
阿尔卡拉门
Пуэрта-де-Алькала

Porte d'Alcalá Puerta de Alcalá Madrid Artgitato (2) Porte d'Alcalá Puerta de Alcalá Madrid Artgitato (3) Porte d'Alcalá Puerta de Alcalá Madrid Artgitato (4) Porte d'Alcalá Puerta de Alcalá Madrid Artgitato (5) Porte d'Alcalá Puerta de Alcalá Madrid Artgitato (6) Porte d'Alcalá Puerta de Alcalá Madrid Artgitato (7)

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LA PORTE D’ALCALA
DANS MILITONA DE THEOPHILE GAUTIER

« — Le lundi, c’est le jour des taureaux, et, mon cher don Andrès ! n’essayez pas de le nier, il vous serait plus agréable d’être en ce moment-ci à la porte d’Alcala qu’assis devant mon piano. Votre passion pour cet affreux plaisir est donc incorrigible ? Oh ! quand nous serons mariés, je saurai bien vous ramener à des sentiments plus civilisés et plus humains. »

Théophile Gautier
Militona (1847)
Hachette, 1860 pp. 1-20
Premier Chapitre

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LA PORTE D’ALCALA
DANS LE VOYAGE EN ESPAGNE
DE THEOPHILE GAUTIER

« L’on a dit et répété de toutes parts que le goût des courses de taureaux se perdait en Espagne, et que la civilisation les ferait bientôt disparaître ; si la civilisation fait cela, ce sera tant pis pour elle, car une course de taureaux est un des plus beaux spectacles que l’homme puisse imaginer ; mais ce jour-là n’est pas encore arrivé, et les écrivains sensibles qui disent le contraire n’ont qu’à se transporter un lundi, entre quatre et cinq heures, à la porte d’Alcala, pour se convaincre que le goût de ce féroce divertissement n’est pas encore près de se perdre. »

Théophile Gautier
Voyage en Espagne
charpentier, 1859 – pp. 71-88
Chapitre VII

LA PUERTA DE TOLEDO – LA PORTE DE TOLEDE – MADRID -Пуэрта-де-Толедо- 该普尔塔托莱多

Madrid – Мадрид – 马德里
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Madrid Blason Artgitato  Madrid L'Ours & L'arbousier Artgitato La estatua del oso y del madroño

Photos Jacky Lavauzelle
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Madrid Drapeau Artgitato



LA PUERTA DE TOLEDO
La Porte de Tolède
该普尔塔托莱多
Пуэрта-де-Толедо

LA PUERTA DE TOLEDO La Porte de Tolède Artgitato Madrid 1 LA PUERTA DE TOLEDO La Porte de Tolède Artgitato Madrid 2 LA PUERTA DE TOLEDO La Porte de Tolède Artgitato Madrid 3 LA PUERTA DE TOLEDO La Porte de Tolède Artgitato Madrid 4 LA PUERTA DE TOLEDO La Porte de Tolède Artgitato Madrid 5 LA PUERTA DE TOLEDO La Porte de Tolède Artgitato Madrid 6 LA PUERTA DE TOLEDO La Porte de Tolède Artgitato Madrid 7

LA PORTE DE TOLEDE EN 1831

« J’étais sorti de Madrid par une belle matinée du mois d’avril 1831. Je traversai le pont de Tolède, et, continuant ma promenade en montant à gauche un étroit sentier, j’arrivai à la porte d’un cimetière. Elle était ouverte ; j’entrai.
Je n’avais pas encore vu de cimetière en Espagne. Celui de la porte de Tolède est de construction moderne, comme tous ceux de Madrid, car il n’y a pas plus de trente ans qu’on a cessé d’enterrer dans les églises de cette capitale.
Ce cimetière n’est pas, ainsi que ceux de Paris, un jardin coquet, joyeusement coupé de berceaux et de charmilles, où serpentent des allées de sable jaune bordées de fleurs et de tombeaux ; c’est un champ stérile et sans ombrage ; c’est une vaste enceinte carrée, ayant une chapelle à l’entrée, une haute croix de pierre au milieu, et tout à l’entour des galeries ouvertes, protégées par un toit revêtu de tuiles reposant sur des piliers de bois peint en vert. »

Revue des Deux Mondes – 1835 – tome 1
Lord Feeling (Antoine Fontaney)
Les cimetières de Madrid
I – LE CAMPO SANTO DE LA PORTE DE TOLEDE

Calle de Alcalá – Rue d’Alcala – 阿尔卡拉街 – Улица Алькала – MADRID

Madrid – Мадрид – 马德里
Calle de Alcalá – Улица Алькала
阿尔卡拉街

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Photo Jacky Lavauzelle
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Madrid Drapeau Artgitato


Calle de Alcalá
La Rue d’Alcala
阿尔卡拉街
Улица Алькала

La calle de Alcalá La Rue d'Alcala Madrid Artgitato 1 La calle de Alcalá La Rue d'Alcala Madrid Artgitato 2 La calle de Alcalá La Rue d'Alcala Madrid Artgitato 3 La calle de Alcalá La Rue d'Alcala Madrid Artgitato 4

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LA RUE D’ALCALA EN 1858

« Ce n’est pas que l’ordre soit difficile à garder. Placez-vous, par exemple, à la Puerta del Sol : elle vous mène à tout, elle est le confluent des principales rues : d’un côté la calle Mayor, de l’autre la rue d’Alcala, la carrera San-Geronimo, la Montera et les Carrelas. C’est dans ces limites qu’est concentrée l’activité de Madrid et ce qui s’y fait de commerce…
Puisque nous sommes revenus à la Puerta del Sol, allons-nous-en du côté du Prado. Vous pouvez, si vous voulez, prendre une voiture. Les petits coupés sont assez bien tenus, ils coûtent un franc la course ; quand ils sont libres, ils arborent un petit carton sur lequel il y a écrit : se alquila, à louer ; mais naturellement on ne peut bien flâner qu’à pied. Vous pouvez prendre indifféremment la rue d’Alcala ou la carrera San-Geronimo ; toutes deux vous mènent au Prado. « 

John Lemoinne
Quelques Jours en Espagne
Revue des Deux Mondes, 2e période, tome 16, 1858
pp. 423-445

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LA RUE D’ALCALA EN 1847

« D’autres ont été simplement rasés ; on y a établi des marchés, on y a formé des places. Il en est enfin qui ont été livrés à l’industrie particulière et que l’industrie a utilisés à son profit. Ces changements ne donnent-ils pas un tout autre aspect à une ville ? Il est certain que Madrid possède en ce moment des quartiers qui s’embellissent chaque jour et qui peuvent rivaliser avec les quartiers les plus renommés des autres capitales : telle est la rue d’Alcala, qui s’étend du Prado à la porte du Soleil, et forme, avec la rue Mayor, qui lui succède, la principale artère de Madrid. Imaginez parallèlement à la rue d’Alcala la rue San-Geronimo, la belle et vaste rue d’Atocha, toutes deux conduisant au Prado, qui les couronne, et vous pourrez prendre une idée de la partie remarquable de la ville. Là est le mouvement, là est la vie ; c’est le beau côté de la médaille. Si vous voulez connaître le revers, vous n’avez qu’à aller fouiller un instant le quartier de Lavapiès, dont les pauvres maisons cachent des existences plus pauvres encore, et où la misère espagnole s’étale dans toute sa nudité. »

Charles de Mazade
Madrid et la société espagnole en 1847
Revue des Deux Mondes, Période Initiale, tome 18
1847-pp. 317-353

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LA RUE D’ALCALA PAR THEOPHILE GAUTIER

« La calle del Caballero de Gracia franchie, il déboucha dans cette magnifique rue d’Alcala, qui s’élargit en descendant vers la porte de la ville, ainsi qu’un fleuve approchant de la mer, comme si elle se grossissait des affluents qui s’y dégorgent. »

Théophile Gautier
Militona -1847
Hachette, 1860 -pp. 1-20
Premier Chapitre

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LA CALLE DE ALCALA
DANS LE VOYAGE EN ESPAGNE
DE THEOPHILE GAUTIER
1859

« Le lundi, jour de taureaux, dia de toros, est un jour férié ; personne ne travaille, toute la ville est en rumeur ; ceux qui n’ont pas encore pris leurs billets marchent à grands pas vers la calle de Carretas, où est situé le bureau de location, dans l’espoir de trouver quelque place vacante ; car, disposition qu’on ne saurait trop louer, cet énorme amphithéâtre est entièrement numéroté et divisé en stalles, usage que l’on devrait bien imiter dans les théâtres de France. La calle de Alcala, qui est l’artère où viennent se dégorger les rues populeuses de la ville, est pleine de piétons, de cavaliers et de voitures ; c’est pour cette solennité que sortent de leurs remises poudreuses les calesines et les carrioles les plus baroques et les plus extravagantes, et que se produisent au jour les attelages les plus fantastiques, les mules les plus phénoménales. »

Théophile Gautier
Voyage en Espagne
charpentier, 1859 – pp. 71-88
Chapitre VII

Le palais de Cybèle -Palacio de Cibeles -Паласио-де-Сибелес – 帕拉西奥一同庆祝

Madrid – Мадрид – 马德里
PLAZA DE CIBELES –  Place de Cybèle
帕拉西奥一同庆祝 –  Паласио-де-Сибелес
LE PALAIS DE CYBELE
PALACIO DE CIBELES

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Photo Jacky Lavauzelle
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Madrid Drapeau Artgitato


Le palais de Cybèle
Palacio de Cibeles
Паласио-де-Сибелес
帕拉西奥一同庆祝

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Place de Cybèle plaza de cibeles artgitato palais de Cybèle Palacio de Cibeles  (1) Place de Cybèle plaza de cibeles artgitato palais de Cybèle Palacio de Cibeles  (2) Place de Cybèle plaza de cibeles artgitato palais de Cybèle Palacio de Cibeles  (3) Place de Cybèle plaza de cibeles artgitato palais de Cybèle Palacio de Cibeles  (4) Place de Cybèle plaza de cibeles artgitato palais de Cybèle Palacio de Cibeles  (5) Place de Cybèle plaza de cibeles artgitato palais de Cybèle Palacio de Cibeles  (6) Place de Cybèle plaza de cibeles artgitato palais de Cybèle Palacio de Cibeles  (7) Place de Cybèle plaza de cibeles artgitato palais de Cybèle Palacio de Cibeles  (8) Place de Cybèle plaza de cibeles artgitato palais de Cybèle Palacio de Cibeles  (9) Place de Cybèle plaza de cibeles artgitato palais de Cybèle Palacio de Cibeles  (10) Place de Cybèle plaza de cibeles artgitato palais de Cybèle Palacio de Cibeles  (11) Place de Cybèle plaza de cibeles artgitato palais de Cybèle Palacio de Cibeles  (12) Place de Cybèle plaza de cibeles artgitato palais de Cybèle Palacio de Cibeles  (13) Place de Cybèle plaza de cibeles artgitato palais de Cybèle Palacio de Cibeles  (14) Place de Cybèle plaza de cibeles artgitato palais de Cybèle Palacio de Cibeles  (15)

 

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CYBELE
Par L’Encyclopédie

CYBELE, s. f. (Myth.) divinité du Paganisme. On l’adora sous les noms d’Ops, Rhée, Vesta, la Bonne-déesse, la mere des Dieux, Dyndimene, la mere Idée, Bérécinthe, &c. Elle étoit fille du ciel & de la terre, & femme de Saturne. Elle fut appellée Cybele du mont Cybelus en Phrigie, où l’on racontoit qu’elle avoit été exposée après sa naissance, nourrie par des bêtes sauvages, & épousée par un patre, & où elle avoit un culte particulier. On la représentoit sur un char traîné par des lions, avec une tour sur la tête, une clé à la main, & un habit parsemé de fleurs. Elle aima Atys, qui eut tant de mépris pour cette bonne fortune, qu’il aima mieux se priver de ce dont il auroit eu besoin pour en bien profiter, que de céder à la poursuite de la bonne déesse. Il se fit cette belle opération sous un pin où il mourut, & qui lui fut consacré. La mere Idée fut envoyée de Pessinunte à Rome sous la forme d’une pierre brute, où elle fut introduite par Scipion Nasica, pour satisfaire aux livres sibyllins où les Romains avoient lû que l’expulsion des Carthaginois dépendoit de l’établissement de son culte en Italie ; ils ordonnoient encore que Cybele fût reçue à son arrivée par le plus honnête homme ; ce qui fixa le choix sur Nasica. Ses prêtres s’appellerent galli, dactyles, curetes, corybantes ; ils promenoient sa statue dans les rues, chantant, dansant, faisant des contorsions, se déchiquetant le corps & escamotant des aumônes. C’étoit à son honneur qu’on célébroit la taurobolie. Voyez Taurobolie ; voyez aussi Corybantes, Dactyles, Curetes, &c. On lui sacrifioit tous les ans à Rome une truie, au nom des préteurs, par la main d’un de ses prêtres & d’une prêtresse de Vénus. On a prétendu que ses lions désignoient son empire sur les animaux qu’elle produit & nourrit ; sa couronne, les lieux habités dont la terre est couverte ; sa clé, les greniers où l’on renferme les semences après la récolte ; sa robe, les fleurs dont la terre s’émaille ; son mariage avec Saturne, la nécessité du tems pour la génération de toute chose. A la bonne heure. »

Diderot
L’Encyclopédie, 1re éd.
1751 – Tome 4, p. 585

Jardines del Descubrimiento – Jardin des découvertes – Monumento al Descubrimiento de América – Madrid – Мадрид – 马德里

       Jardines del Descubrimiento - Jardin des découvertes - Madrid Artgitato (11) Madrid – Мадрид – 马德里
Jardines del Descubrimiento
Jardin des découvertes
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Photo Jacky Lavauzelle
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Madrid Drapeau Artgitato


Jardines del Descubrimiento
Jardin des Découvertes
Jardines del Descubrimiento
Don Jorge Juan y Santacilia
Monumento al Descubrimiento de América
Monument à la Découverte de l’Amérique

 

DON JORGE JUAN Y SANTACILIA
1713-1773
Jorge_Juan_y_Santacilia

Scientifique, mathématicien, officier de la marine espagnole
Científico, matemático, oficial de la marina española

Jardines del Descubrimiento - Jardin des découvertes - Madrid Artgitato (5)

BLAS DE LEZO Y OLAVARRIETA
1689 -1741

Amiral espagnol
Almirante español
Stratège de la marine espagnole
Estratega de la Armada Española

Blas_de_Lezo_unknown_author

Jardines del Descubrimiento - Jardin des découvertes - Madrid Artgitato (8)

Jardines del Descubrimiento - Jardin des découvertes - Madrid Artgitato (9)

DON BLAS DE LEZO
AMIRAL DES GALIONS

« Mr. Anson, avant de partir pour son expédition, eut soin de se pourvoir, non seulement des voyages imprimés, qui pourroient lui être de quelque usage, mais aussi des meilleures rélations manuscrites qu’il put avoir de tous les Etablissemens Espagnols sur les Côtes du Сhili, du Pérou, et du Méxique : il compara soigneusement ce qu’il trouva dans ces rélations, avec le témoignage de ses Prisonniers, et avec les lumières qu’il tira de plusieurs personnes intelligentes, qui lui tombèrent entre les mains dans la Mer du Sud. Il eut aussi le bonheur de trouver, dans quelques-unes des captures qu’il fit, un grand nombre de Lettres et de papiers de la dernière importance. Plusieurs de ces Lettres, écrites par le Viceroi du Pérou au Viceroi de Santa Fée, aux Présidens de Panama et du Chili, à Don Blas de Lezo, Amiral des Galions, et à divers autres personnages revêtus des premières charges, contenoient ordinairement un abrégé de celles auxquelles elles servoient de réponse ; ce qui mit Mr. Anson au fait d’une partie considérable de la correspondance qu’il y avoit eu entre ces Officiers, quelque tems avant notre arrivée sur ces Côtes, Nous avons pris outre cela une grande quantité de Lettres, que des personnes, employées par le Gouvernement, écrivoient à leurs Amis et à leurs Correspondans. Ces Lettres étoient remplies de narrations rélatives aux affaires publiques, et renfermoient quelquefois des réfléxions où il n’entroit aucun déguisement sur les vues et la conduite de leurs Supérieurs. Ce sont-là les matériaux dont a été formé le récit de quelques évènemens rélatifs aux Espagnols, et qui doivent paroître presque incroyables à la prémière vue. De ce genre est la rélation des malheurs qu’éprouva l’Escadre de Pizarro. Cependant cette partie de la relation, qui regarde la conspiration d’ Orellana et de ses Compagnons, est encore confirmée par une autre autorité que celle des Lettres interceptées, je veux dire, le témoignage d’un Anglois qui se trouvoit à bord du Vaisseau de Pizarro lors de la révolte, et qui s’étoit souvent entretenu avec Orellana. D’autres témoins du même fait, qu’on a eu occasion d’interroger, en ont confirmé les principales circonstances par leur déposition : desorte que ce fait, quoique très étrange, ne peut être révoqué en doute. »

Richard Walter
Voyage autour du monde fait dans les années 1740
1, 2, 3, 4, par George Anson

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Monumento al Descubrimiento de América
Monument à la Découverte de l’Amérique

Jardines del Descubrimiento - Jardin des découvertes - Madrid Artgitato (2)

Jardines del Descubrimiento - Jardin des découvertes - Madrid Artgitato (7)

Jardines del Descubrimiento - Jardin des découvertes - Madrid Artgitato (4)

Jardines del Descubrimiento - Jardin des découvertes - Madrid Artgitato (6)

Jardines del Descubrimiento - Jardin des découvertes - Madrid Artgitato (3)

La place Colomb – Plaza de Colón – 哥伦布广场 – Плаза-де-Колон- Madrid – Мадрид – 马德里

Madrid – Мадрид – 马德里
La place Colomb – Plaza de Colón
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Madrid Blason Artgitato  Madrid L'Ours & L'arbousier Artgitato La estatua del oso y del madroño

Photo Plaza de Colon Jacky Lavauzelle
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Madrid Drapeau Artgitato


La Place Colomb
Plaza de Colón
哥伦布广场
Плаза-де-Колон

La Place Colomb Plaza de Colon Madrid Artgitato

Christophe Colomb
Cristoforo Colombo
Cristobal Colón
Кристоф Коломб
1451 – 1506

Ridolfo_Ghirlandaio_Columbus

Merveilleuse entreprise, l’Europe se trouvait sous l’émotion d’un fait plus important encore, et qui est devenu, non sans raison, le point de départ de l’ère des temps modernes. Une dernière invasion définitivement triomphante, effaçant de ce monde les vestiges de l’empire romain, avait assis le barbare aux portes de la civilisation. Depuis la prise de Constantinople, la chrétienté, menacée dans ses foyers, devait s’attendre à la continuité de l’état de guerre religieuse que le Coran impose à ses sectateurs ; dès lors plus d’expédition possible en Orient, plus de rapport facile avec les Échelles, l’Égypte, les Indes, possédées ou parcourues par le mahométan ; la navigation de la Méditerranée devenait des plus dangereuses, et le commerce, sinon la subsistance de l’Europe, était compromis. Un immense besoin d’expansion portait vers l’inconnu une activité, qui, en même temps qu’elle perdait ses anciens débouchés, se trouvait surexcitée par le travail intellectuel précurseur de la Renaissance.

On croyait bien alors que la terre était ronde ; mais, à défaut de moyens exacts d’appréciation, on était loin de se faire une idée de ses dimensions ; et, soit qu’on les réduisît outre mesure, soit qu’on s’exagérât la distance réelle des limites de l’extrême Orient, on s’imaginait retrouver les Indes au delà de l’océan Atlantique, sans se rendre compte de l’étendue possible des grandes mers, dont la Méditerranée n’est qu’une miniature.

Telles sont les pensées qui, après avoir guidé Chr. Colomb, l’ont constamment suivi dans sa carrière, et lui ont même longtemps survécu. Le but de l’amiral génois, c’est de substituer une nouvelle route à celle de l’Égypte et de la mer Rouge, c’est de prendre à revers le pays des épices et de remonter le Gange. Dès la première île qu’il découvre, il se croit aux Indes ; et il impose aux habitants du Nouveau-Monde un nom d’emprunt, qu’ils ne perdront jamais. Á Cuba, il se croit en Chine et s’étonne de ne pas y rencontrer le grand khan des Tartares ; et, quoique son expédition ne lui ait pas fait rencontrer les produits de l’extrême Orient qu’il était venu chercher, il se fait fort d’en envoyer au roi d’Espagne, autant qu’il plaira à ce souverain de lui en demander.

Il est donc bien certain que Colomb ne cherchait pas un nouveau monde, et que les préoccupations scientifiques n’entraient pour rien dans ses visées. Trois objets remplissent ses intentions : la conquête politique, qui s’effectue sans le moindre scrupule, au nom du droit du plus fort ; les relations commerciales et internationales que les gens de l’époque entendaient en vrais forbans, toutes les fois qu’une force suffisante ne les tenait pas en respect ; enfin, le prosélytisme religieux, d’autant plus redoutable qu’il était encore très-naïf. Ceux qui vinrent après Colomb, et qui furent, pour la plupart, des aventuriers de la pire espèce, n’eurent pas d’autres mobiles que ceux qui viennent d’être indiqués ; mais une cupidité sans frein et l’absence de tout sentiment d’humanité leur dictèrent une autre conduite : l’histoire n’aura pas assez d’exécrations pour la raconter.

Si les aventuriers envahisseurs de l’Amérique ne s’étaient montrés que cruels, on les aurait peut-être plus facilement oubliés ; mais ils furent inintelligents, et leur nom revient forcément à la pensée toutes les fois que l’on songe au passé de ce malheureux pays.

En effet, autant par suite de la disparition des monuments qu’on a détruits ou laissé perdre, que par suite de l’état d’ignorance et du défaut de traditions chez un grand nombre des peuples de cette immense contrée, l’Amérique n’a point d’histoire. Il y avait là cependant une civilisation propre, qui s’est malheureusement perdue elle-même, mais dont les vestiges ont été en partie retrouvés : réunir ces éléments, les coordonner, et en tirer les conclusions historiques qu’ils peuvent contenir, telle est la mission que s’est imposée le comité d’archéologie américaine. À peine constituée, cette réunion de savants a donné, dans la Revue américaine, des études pleines d’intérêt. Associée à la Société d’Ethnographie, elle espère former aussi une intéressante collection d’objets spéciaux à la science qu’elle cultive ; mais elle a compris en même temps que ce qu’il faut avant tout, dans un pareil ordre de recherches, c’est la multiplication des éléments de travail qui font généralement défaut. À cet effet, le comité compte entreprendre ou favoriser la publication des plus précieux documents qui seront à sa disposition.

On ne pouvait mieux commencer que par la lettre où Christophe Colomb rend compte des premiers rapports du monde ancien avec le monde nouveau. M. Lucien de Rosny, qui a bien voulu se charger de ce travail, l’a exécuté avec tout le soin et l’entente désirables : le texte, en certains points fautif ou douteux, a été comparé et autant que possible amendé ; tout en le serrant de près, la traduction n’y est pas asservie, on n’y oublie point les nécessités de la clarté et de l’intelligence ; enfin, des notes, aussi complètes qu’on peut les souhaiter, donnent non-seulement aux gens du monde, mais aux savants mêmes, des indications indispensables pour posséder complètement l’esprit de la situation. Ce petit ouvrage doit à de pareilles conditions un intérêt des plus vifs ; il sera la base de la collection de tout Américaniste.

ALPHONSE CASTAING
Président du Comité
(1822-1888)
Membre du Conseil en 1870
Membre de la Société ethnographique

PREFACE à la
LETTRE DECHRISTOPHE COLOMB
 SUR LA DÉCOUVERTE DU NOUVEAU-MONDE
 Publiée d’après la rarissime version latine conservée à la Bibliothèque impériale
 TRADUITE EN FRANÇAIS COMMENTÉE
 ET ENRICHIE DE NOTES PUISÉES AUX SOURCES ORIGINALES
par Lucien de Rosny
1865

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Eloy Gonzalo – Plaza de Cascorro – El Héroe de Cascorro – Madrid – Элой Гонсало- 贡萨洛埃洛伊 -Guerra de Independencia cubana

Madrid – Мадрид – 马德里
Guerra de Independencia cubana
Guerre d’Indépendance Cubaine
Eloy Gonzalo
Элой Гонсало
El Héroe de Cascorro
Plaza de Cascorro
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Madrid Blason Artgitato  Madrid L'Ours & L'arbousier Artgitato La estatua del oso y del madroño

Photo Jacky Lavauzelle
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Madrid Drapeau Artgitato


Eloy Gonzalo (Monumento)
1868-1897
贡萨洛埃洛伊
Элой Гонсало
El Héroe de Cascorro
Plaza de Cascorro

Eloy Gonzalo Plaza de Cascorro Madrid Artgitato (1) Eloy Gonzalo Plaza de Cascorro Madrid Artgitato (2) Eloy Gonzalo Plaza de Cascorro Madrid Artgitato (4) Eloy Gonzalo Plaza de Cascorro Madrid Artgitato (5) Eloy Gonzalo Plaza de Cascorro Madrid Artgitato (6)

Guerre de Cuba – Guerra de Cuba
Guerra de Independencia cubana
1895-1898

Chronique de la quinzaine – 14 avril

« L’incertitude la plus grande continue de régner sur la solution du conflit ouvert au sujet de Cuba entre l’Espagne et les États-Unis. Offres de médiation pontificale ; adjurations des puissances ; négociations suspendues ou interrompues, puis reprises ; message du président Mac-Kinley annoncé, puis ajourné, puis lu ; armistice refusé, puis accordé par le gouvernement espagnol, puis rejeté par les insurgés ; qu’est-ce qui va sortir de là, quelle sera la fin : la paix ou la guerre ? Il est impossible de le dire, nul ne le sait encore. Chaque jour, et plusieurs fois par jour, un revirement brusque se produit ; et, le soir, les craintes de guerre viennent chasser les espérances de paix que le matin avait fait renaître. Ces continuels et rapides changemens, ces secousses nerveuses imprimées à l’opinion aggravent sérieusement le danger d’une situation périlleuse en elle-même : il ne faudrait pas qu’aux difficultés internationales pussent s’ajouter des embarras ou des troubles intérieurs qui ne laisseraient d’autre issue que la guerre, et que l’on vît se compliquer d’une seconde crise, une crise qui n’est déjà que trop redoutable.

Depuis deux ou trois ans, depuis le commencement de l’insurrection cubaine, c’est-à-dire depuis le mois de février 1895, il était à prévoir que cette crise éclaterait à la première occasion. Or, l’occasion se trouve toujours quand on la cherche, et même sans qu’on l’ait cherchée, si, des deux nations entre lesquelles le différend peut s’élever, l’une est souveraine d’un pays où l’autre a des intérêts considérables d’engagés ; si une révolution désole ce pays et menace ces intérêts ; si la nation souveraine semble impuissante à rétablir l’ordre ; si, enfin, la nation intéressée, — comme c’est le cas des États-Unis vis-à-vis de Cuba, — n’est séparée que par quelques lieues de mer de ce pays à feu et à sang ; et si, en outre, derrière les intérêts directement en cause et sous la raison d’humanité qu’il n’est jamais difficile ni mauvais d’invoquer, se cachent et s’agitent des convoitises anciennes. On se rappelle avec quelle impatience, dès la fin de l’année 1896, M. Canovas del Castillo, alors président du Conseil des ministres, l’Espagne entière, et l’on pourrait presque dire toute l’Europe, attendaient le message que le Président sortant de la République américaine, M. Cleveland, devait adresser au Congrès. Ce message parut ; il disait : « L’île de Cuba est si près de nous qu’à peine est-elle séparée de notre territoire. Nos intérêts pécuniaires engagés dans l’île occupent le second rang, ils viennent immédiatement après ceux du gouvernement et du peuple espagnols. On calcule, sur des bases certaines, que les capitalistes américains ont, pour le moins, de 30 à 50 millions de dollars employés en plantations, chemins de fer, exploitations minières et autres entreprises à Cuba. Le mouvement commercial entre les États-Unis et Cuba qui, en 1889, représentait environ 74 millions de dollars, s’éleva, en 1893, à près de 163 millions, et en 1894, un an avant le début de l’insurrection actuelle, atteignait encore 96 millions de dollars. Les États-Unis se trouvent donc inévitablement impliqués dans la lutte, soit par les vexations, soit par les dommages matériels qu’ils ont à souffrir. » C’était le motif principal que la Confédération avait de se mêler des affaires de Cuba, — affaires américaines presque autant qu’espagnoles, selon M. Cleveland, — mais ce n’était pas le seul : il en énumérait bien d’autres.

La présence à New-York de la Junte insurrectionnelle cubaine qui faisait de cette ville le bureau de recrutement et le centre de ravitaillement des insurgés en ressources de toute nature, hommes, armes, argent ; la présence à Cuba de citoyens américains, plus ou moins récens, plus ou moins authentiques, mais qui couvraient et, de par leurs papiers mis en règle, scellés du sceau du consulat, avaient le droit de couvrir du drapeau de l’Union leurs intrigues et leurs démarches ; la présence, un peu partout, dans l’immense étendue des quarante-cinq États, surtout dans les États du Sud, dans la Floride, vers l’îlot de Key-West, « d’élémens turbulens et aventureux », surexcités et prêts à partir en campagne quand passerait un flibustier, le Laurada ou le Three Friends ; tout cela (M. Cleveland le déclarait en termes soigneusement choisis et pesés), tout cela créait au gouvernement américain des tracas incessans, l’obligeait à une surveillance minutieuse sur les côtes et dans les ports, était pour lui une cause de gros soucis et de grosses dépenses ; et il se fondait là-dessus pour presser l’Espagne d’en finir. Il l’en sollicitait d’ailleurs par des considérations plus hautes, pour mettre un terme aux maux d’une rébellion et d’une répression également impitoyables, qui l’une et l’autre ravageaient et ruinaient l’île, l’une sous prétexte de l’affranchir, l’autre à l’effet de la pacifier. Pour cette pacification de Cuba, si l’Espagne ne réussissait pas d’elle-même, et à elle seule, à l’assurer ; s’il était démontré par les événemens, ou si elle avouait qu’elle n’y pouvait réussir dans un délai fixé, en recourant à des moyens qu’il indiquait, M. Cleveland proposait les bons et amicaux offices des États-Unis, laissant entendre qu’au cas où le gouvernement espagnol ne les accepterait point, après les avoir vainement proposés, la République imposerait au besoin ces bons offices devenus nécessaires.

Tel était, à la fin de 1896, l’état des esprits, ou plutôt de l’esprit officiel, à Washington, et voici ce qu’il était à Madrid : M. Canovas ne se sentait pas du tout incliné à accueillir, si bienveillante qu’elle fût dans les intentions et si modérée dans la forme, l’intervention des États-Unis. Il repoussait énergiquement cette proposition de M. Cleveland, de ses conseillers et du Congrès, que les affaires cubaines étaient presque des affaires américaines. Rien, suivant lui, ne se débattait à Cuba qui regardât personne au monde, hormis les Cubains insurgés et les Espagnols ; et c’était à l’Espagne seule de se débrouiller avec les rebelles, comme elle l’entendait, en vertu de ce principe que chacun est maître chez soi et de ce fait qu’à Cuba elle était chez elle. Elle emploierait les moyens qu’elle jugerait les meilleurs, ferait les concessions qu’elle voudrait, s’il lui plaisait d’en faire et lorsqu’il lui plairait ; elle userait à son gré de l’indulgence ou de la force et ne mesurerait ses coups qu’à son pouvoir et à sa volonté. Sans nier que les États-Unis eussent à Cuba des intérêts, M. Canovas soutenait que le gouvernement espagnol, à l’exclusion de tout autre, avait qualité pour les faire respecter et n’y avait jamais failli. Il se refusait à admettre qu’on lui assignât une limite de temps et, tout en écoutant les avis qu’on lui donnait avant qu’il les demandât, il se réservait d’examiner s’il les trouverait compatibles avec la dignité et la souveraineté de l’Espagne, afin de décider s’il les suivrait ou non.

Le président Cleveland l’invitait à opérer des réformes dans l’organisation et l’administration de l’île ; et certes, des réformes, il en ferait. « N’est-ce pas moi, disait-il avec quelque fierté, qui, étant ministre des Colonies en 1865, ai provoqué l’enquête qui a ouvert la voie à l’affranchissement des esclaves de Cuba et de Puerto-Rico ? Et pourtant, j’avais contre moi, en ce temps-là, bien des intérêts ligués, bien des préjugés aussi, et je choquais fort les idées des hommes les plus en vue de mon propre parti. Une réforme, quelle qu’elle soit, n’est donc pas pour me faire peur, et, dans cette voie, j’irai autrement loin que les libéraux eux-mêmes, je les étonnerai par mon libéralisme. Seulement, je veux prendre mon heure. Si nous avons la guerre actuelle, c’est peut-être parce qu’on a permis à certains meneurs de croire, en 1878, lorsque a été conclu le pacte du Zanjon qui devait clore la guerre de Dix ans, que l’insurrection était un métier profitable. Il faut maintenant, et d’abord, prouver à Gomez et aux autres qu’elle ne rapportera rien, que la défaite et le châtiment. Après quoi, nous verrons ; et quant à moi, ma décision est prise. J’ai là vingt-trois décrets tout préparés, mais ils ne sortiront de mon tiroir pour être soumis à la signature de la Régente que plus tard, lorsqu’il sera évident que ce que l’Espagne octroie de bonne grâce, on ne l’a ni arraché par la violence, ni surpris par la ruse. Victorieuse, elle peut donner beaucoup ; mais jusqu’à la victoire, rien. »

C’était le moment où le ministère, voyant les marchés étrangers se fermer devant lui, prenait la résolution de faire appel, pour son emprunt de 400 millions, au patriotisme espagnol, et où, d’un bout à l’autre de la Péninsule, ce patriotisme exalté répondait ; tout le pays, des Pyrénées au détroit de Gibraltar, était comme soulevé d’un admirable élan. Quoi qu’on en dît alors entre politiciens de club ou de café, la position de M. Canovas était très forte ; si forte, que M. Sagasta, absent de Madrid, restait tranquillement aux eaux ; que tous les partis, unanimes pour un jour, ne voyaient point d’autre gouvernement possible que celui de M. Canovas ; et que les rares adversaires que la nécessité ne désarmait pas, enfans perdus des groupes extrêmes, étaient obligés, pour tâcher d’affaiblir cette situation, d’inventer on ne sait quels dissentimens imaginaires entre la Reine et le président de son Conseil, la Couronne se trouvant ainsi avoir subitement en eux des défenseurs inattendus. Pour fournir les 400 millions qu’on sollicitait d’elle après tant d’autres sacrifices, — 200 000 hommes à Cuba, et 25 000 aux Philippines, — l’Espagne faisait un héroïque effort, qui permettait à M. Canovas de prendre, en quelque sorte, sa température, et, par-là, de mesurer de quoi cette nation si fière et si vaillante serait capable.

Porté par ce grand mouvement national, — bien qu’assurément il considérât une guerre extérieure, se greffant sur ces guerres coloniales, comme une calamité qu’il devait tout faire pour détourner ou éloigner, bien qu’il s’attachât scrupuleusement à conserver avec la République américaine ces « relations de bon voisinage » instituées par le « Traité de paix et d’amitié » de 1795, — M. Canovas del Castillo ne s’effrayait pas, au point de dévorer en silence les humiliations, de l’éventualité d’une intervention armée des États-Unis dans la question cubaine. Il savait mieux que personne que les États-Unis avaient l’argent, qui est, dit-on, le nerf de la guerre ; mais, d’autre part, il savait que l’argent n’en est pas le seul nerf ; qu’il y en a d’autres ; et que l’orgueil historique d’un peuple qui fut très puissant en est un. Et il savait encore, — renseignement positif, et argument de fait, — pourquoi les États-Unis avaient en somme été assez coulans, il y a quelques années, dans leur querelle avec le Chili, et pourquoi ils s’étaient gardés de pousser l’affaire à bout : il était fixé, aussi bien qu’eux-mêmes, sur la valeur exacte de leur marine militaire. La marine espagnole, il en était persuadé, supportait au moins la comparaison, et comme l’Espagne n’a, du reste, pas plus que les États-Unis, adhéré aux actes internationaux sur la course ; que, notamment, elle n’a pas signé l’Acte de Paris de 1856, il faisait, en cas d’extrême urgence, état de cette suprême ressource, la délivrance de lettres de marque à ses hardis marins de Biscaye et de Catalogne. Sur mer, la guerre, tout compté, ne l’épouvantait point, et sur terre, non plus, il ne la regardait pas à l’avance comme désespérée. Il raisonnait ainsi : Nous n’irions pas attaquer les Américains chez eux, seul terrain vraiment favorable pour les milices fédérales. Viendraient-ils, eux, nous attaquer chez nous ? Ah I s’ils y venaient ! Napoléon s’y est brisé. Le plus probable, c’est que Cuba serait le champ de bataille où nous nous rencontrerions. Eh bien ! l’Espagne a là-bas 200 000hommes de troupes excellentes, qui ne meurent que de ne pas se battre et de n’avoir jamais à étreindre que le vide. Si les États-Unis veulent la guerre, que nous ne voulons pas ; s’ils violent notre droit, que nous consentons à faire aussi complaisant que possible, dans les limites où il nous est permis de le faire sans déchoir, nous pourrons en courir la chance. — Mais cette guerre, M. Canovas voulait l’écarter à tout prix, pourvu que ce ne fût pas au prix de l’honneur espagnol : justement parce qu’il était sûr d’avoir le droit de son côté, il tenait à ne pas perdre cet avantage et, si les choses en venaient au pire, à avoir pour témoin le monde civilisé.

Que peut-être, après cela, dans le secret de son cœur, quand le télégraphe lui annonçait qu’on venait, aux États-Unis, de pendre en effigie Weyler, son général en chef, de brûler le drapeau espagnol, de déposer dans les deux Chambres des résolutions enflammées contre l’Espagne, et quand il songeait aux « dessous » de cette campagne de tribune et de presse, à tout ce qu’il y avait d’appétits aiguisés derrière cet étalage de beaux sentimens, il n’eût pas une vive tendresse pour cette politique de mercachifles, de porte-balles, — comme il lui arrivait parfois de la qualifier en ses heures d’amertume, — cela est bien certain, et cela n’est que trop naturel ; ici encore toute l’Espagne était avec lui. Mais officiellement, la correction la plus sévère, puisqu’il n’y avait plus à parler de cordialité, présidait aux rapports mutuels des États-Unis et de l’Espagne. Jusqu’à la fin de 1896, tout au moins, M. Canovas déclarait n’avoir eu à se plaindre, en aucune occasion, ni du président, M. Cleveland, ni du secrétaire d’État, M. Olney, ni de leur représentant à Madrid, M. Hannis Taylor, qui depuis… mais alors il n’y avait pas à Madrid de diplomate plus parfaitement diplomate que le ministre des États-Unis. M. Canovas se proclamait sans défiance à son égard, sinon envers son entourage. Et il était décidé, — comme il savait l’être, — à empêcher avec la dernière énergie toute manifestation hostile par laquelle les étudians ou le peuple de Madrid eussent pu être tentés de riposter aux démonstrations américaines. Sans doute, dans les mois qui suivirent, la froideur alla augmentant. M. Mac-Kinley avait remplacé M. Cleveland à la Maison-Blanche, et le général Woodford, M. Hannis Taylor à la Plaza de San Martin. En même temps que ses lettres de créance, le général avait remis une note à laquelle il y avait bien à faire une réponse assez délicate, mais, au total, on n’avait pas pu encore oublier que M. Mac-Kinley avec placé sa haute magistrature sous l’invocation des paroles évangéliques : « Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ! » Et cette bonne volonté, le gouvernement espagnol croyait en avoir donné, pour sa part, des gages et des marques, en publiant, avant l’arrivée du général Woodford, avant toute injonction ou requête de M. Mac-Kinley, avant même le moment primitivement fixé par M. Canovas et sitôt qu’on avait pu dire avec quelque apparence de vérité que les provinces occidentales de l’île étaient à peu près pacifiées, le décret royal du 4 février, qui, réorganisant à Cuba les conseils municipaux et les conseils provinciaux, organisait, par surcroît, au sommet de la hiérarchie, un Conseil d’administration avec compétence étendue en matière de budget, d’impôt, et de douanes.

Si ce décret n’était pas entré tout de suite en pleine application, la faute n’en était qu’à l’état de guerre qui se perpétuait dans la partie orientale, dans les provinces de Santa-Clara et de Puerto-Principe. Mais ce qui était promis était promis, et il n’y avait plus à tirer prétexte, pour l’opposition, de l’entêtement de M. Canovas, et pour les États-Unis, de la dureté arriérée de l’Espagne. L’opposition demandait à cor et à crique l’on joignît à l’action militaire l’action politique : c’était fait ; et les États-Unis, que l’on essayât d’apaiser les rebelles par des satisfactions de principe : cela aussi était fait. M. Canovas s’y était résigné, toujours par amour de la paix, mais sans se bercer de vaines illusions, sans croire qu’il éviterait l’inévitable, ni qu’il le retarderait longtemps ; ce n’étaient pas, il le sentait trop, des libertés que voulaient les insurgés cubains, ce n’était pas même l’autonomie sous la souveraineté ou la suzeraineté de l’Espagne, c’était la séparation absolue ; ce n’étaient pas des garanties pour les Cubains et les Américains de Cuba que voulaient les États-Unis ; il le voyait clairement, ni les uns ni les autres ne se contentaient de si peu ; et il mourut dans cette pensée, sous les balles d’Angiolillo, le 8 août de l’année dernière.

Ce jour-là, 8 août 1897, doit faire date dans l’histoire du conflit hispano-américain, encore qu’il ne s’y soit passé rien de plus que la mort de M. Canovas del Castillo. Parle fait même de sa disparition et de son remplacement, — après le court intérim du général Azcarraga, — par M. Sagasta et le cabinet libéral, où M. Gullon recevait les Affaires étrangères, tandis que M. Moret prenait les Colonies ; par ce fait ou ces deux faits mêmes, le ton, sinon le fond, de la politique américaine changeait. La réputation d’énergie indomptable dont jouissait légitimement M. Canovas avait, en dépit de tout, fait réfléchir jusqu’aux jingoes les plus ardens. Mais le renom de M. Sagasta, en Espagne et au dehors, était loin d’être celui d’un homme énergique ; et, de même que sa mollesse ou son indécision dans l’affaire de Melilla au Maroc et la peine infinie qu’il avait paru devoir prendre pour réunir, de l’autre côté du détroit, presque à portée de canon des côtes espagnoles, une armée de 40 000 hommes, avaient certainement contribué à abuser les Cubains sur le ressort et la résistance de l’Espagne, et ainsi à fomenter et à déchaîner l’insurrection ; de même, à son retour aux affaires, il fut tout de suite manifeste que les récriminations ou les objurgations des États-Unis allaient devenir plus pressantes, plus impérieuses, plus acrimonieuses. Le rappel du général Weyler, et l’envoi du maréchal Blanco, investi du mandat de porter à Cuba son autonomie, ne furent guère, à Cuba et aux États-Unis, interprétés que comme des signes de défaillance ou de lassitude. Maximo Gomez ne jeta pas l’épée, ne se sentit pas le désir de fuir la manigua et les manigueros et de se réfugier dans une petite maison tranquille qui n’aurait ni une cour, ni un arbre, — comme il disait en 1878. — Et les clameurs ne tombèrent pas, dans les Chambres américaines. Après les réformes du 4 février, la Constitution antiliane du 25 novembre 1897 était tenue pour insuffisante. L’insurrection se moquait bien de ce ministère cubain et de cette Chambre cubaine, au moyen desquels on s’était flatté de l’amadouer ! On lui donnait cela, donc elle obtiendrait davantage : on rompait, donc elle avançait ; on relâchait le lien avec la métropole, donc elle le détacherait ou le trancherait ; et elle la ferait, cette seconde république d’Haïti, où il y aurait à se partager tant de places, de titres et de galons ! L’action politique, encore une fois, échouait et faisait échouer l’action militaire qu’elle entravait, sans autre résultat que d’irriter et d’affaiblir le plus espagnol des partis cubains, le parti constitutionnel.

Cependant la guerre s’éternisait ; les intérêts américains continuaient d’être lésés, et l’opinion américaine se montait et s’échauffait de plus en plus. La Junte cubaine à New-York la tenait savamment en haleine. Chaque jour amenait une nouvelle affaire Ruis ou Sanguily. Tout était motif à réclamations, à protestations, à enquêtes, à rapports. Le consul général Lee, pour les cas ordinaires, et, au moindre incident, tel ou tel envoyé officiel ou officieux, tel ou tel ami du Président Mac-Kinley, tel ou tel membre du Congrès recevaient ou se donnaient mission de surveiller et de dénoncer la « barbarie, la « cruauté », l’« inhumanité » des autorités espagnoles, de montrer aussi qu’elles étaient incapables de venir à bout des insurgés, qu’aucune province n’était pacifiée, pas même Pinar del Rio, qu’aucune ville n’était sûre, pas même la Havane ; — ce qui n’empêchait pas les navires flibustiers de naviguer sous pavillon américain, et les dollars américains d’affluer dans la caisse de la Junte cubaine. D’une part, on reprochait à l’Espagne de ne pas pouvoir vaincre l’insurrection ; et, de l’autre, on faisait ou on laissait faire tout ce qu’il fallait pour qu’elle ne pût pas la vaincre. Petit à petit, le mal s’envenima, et l’on pouvait déjà être inquiet sur le dénouement, lorsque récemment, par une fatalité terrible, dans les eaux de Cuba, sauta le vaisseau américain le Maine. Par quoi fut déterminée l’explosion ? Était-elle due à une cause intérieure ou extérieure ? Était-ce une allumette américaine ou une torpille espagnole qui avait mis le feu aux poudres ? C’est ce que furent chargés de rechercher contradictoirement, ou parallèlement, des scaphandriers espagnols et des scaphandriers américains, et ce sur quoi les deux commissions aboutirent à des conclusions différentes. Les conclusions américaines, — telles qu’elles furent formulées dans le message adressé au Congrès le 28 mars par M. Mac-Kinley, — étaient celles-ci : « La perte du Maine n’a été à aucun égard le résultat d’une faute ou d’une négligence de la part d’aucun des officiers ou des hommes de l’équipage ; — le navire a été détruit par l’explosion d’une mine sous-marine, qui a causé l’explosion partielle de deux ou de plusieurs des soutes de l’avant ; — aucune preuve n’a été obtenue, de nature à permettre d’attribuer à une personne ou à des personnes quelconques l’explosion du Maine. » Ce troisième paragraphe atténuait un peu l’effet des deux autres, mais l’effet subsistait quand même, d’autant que M. Mac-Kinley ajoutait : « J’ai prescrit que la décision du conseil d’enquête et les vues du gouvernement à ce sujet soient communiquées au gouvernement de Sa Majesté la Reine régente, et je ne me permets pas de douter que l’esprit de justice de la nation espagnole ne lui dicte une ligne de conduite inspirée par l’honneur et par les relations amicales des deux gouvernemens. Il sera du devoir du pouvoir exécutif de faire connaître au Congrès le résultat de cette démarche, et en attendant, un examen réfléchi est recommandé. »

Là-dessus, reprise des anciens griefs et échange de notes, d’un côté du moins toujours plus exigeantes, et comminatoires à ce degré que la dernière a pu être qualifiée d’ultimatum. Le général Weyler, afin de rendre plus difficile le recrutement de l’insurrection et de faire le désert devant elle, avait ordonné de rassembler et de retenir près de certaines villes les paysans et ouvriers auxquels la guerre enlevait leur travail et que la misère eût pu jeter dans les rangs de l’ennemi. D’où le nom de « concentrés », reconcentrados. Soit négligence, soit impossibilité de faire mieux, il semble que la condition de ces reconcentrados, placés ainsi en surveillance, ait été assez malheureuse et qu’enlevés de chez eux malgré eux, sous le drapeau espagnol ils aient parfois manqué presque du nécessaire. Les États-Unis ont demandé qu’ils fussent renvoyés dans leurs foyers et qu’on leur donnât les secours dont ils avaient besoin. Le gouvernement espagnol, à peine ce souhait exprimé, s’est empressé d’y accéder, et la Reine régente a pris l’initiative, pour leur venir en aide, de former un comité de dames patronnesses, à la tête duquel elle s’est elle-même inscrite. Sur ce point les États-Unis ont reçu, par conséquent, la satisfaction qu’ils se sont cru en droit de poursuivre, au nom de la simple « humanité ». Le second point devait exciter et a excité, en effet, plus de répugnances du côté espagnol, parce qu’il touchait au fond de la question. Les États-Unis demandaient que l’Espagne accordât un armistice aux insurgés cubains ; ce qui, indirectement, était leur reconnaître la qualité de belligérans réguliers : car, d’un gouvernement constitué et souverain à des sujets rebelles, — qui n’ont pas de gouvernement, qui ne sont ni une nation, ni un État, — dans la rigueur du droit, il n’y a point de belligérance. La concession de l’armistice, aux yeux des Espagnols, avait encore cet inconvénient de paraître préjuger une solution du différend cubain contraire aux intérêts et aux vœux de l’Espagne, de pouvoir passer pour la préface ou le préambule de la séparation. M. Sagasta a compris que concéder ce point, sans y être moralement forcé, serait mettre contre soi le sentiment espagnol et pousser aux excès un patriotisme chatouilleux sur l’honneur et avec lequel il ne faut pas jouer. Il a refusé, tout d’abord, et l’on a pu croire qu’une rupture était imminente. C’est à ce moment que le Souverain Pontife a proposé sa médiation, ou, plus exactement, son arbitrage. L’idée en a été accueillie à Madrid, par la majorité de l’opinion, avec faveur et reconnaissance, et il est singulier qu’elle ait réveillé ailleurs les susceptibilités protestantes et qu’on ait recommencé à crier comme jadis : « Pas de papisme ! No popery ! » — Eh quoi ! ne s’agit-il pas, ainsi qu’on se fait gloire de le dire, d’empêcher l’effusion du sang, de sauver des milliers de vies d’hommes ? Et si c’est de cela qu’il s’agit, s’il n’y a pas d’arrière-pensées, de combinaisons et de calculs, si l’on parle sans haine et sans hypocrisie, qui donc est en meilleure posture pour atteindre ce but sacré que « le vieillard sans armes, vêtu de blanc » :

Quel vecchio inerme, vestito di bianco ?

Serait-ce qu’entre une nation catholique et une nation en grande partie protestante, il y ait contre son impartialité cas de suspicion légitime ? Mais M. de Bismarck ne l’a pas suspectée dans l’affaire des Carolines, et quand Léon XIII a eu prononcé contre lui, il n’a pas fait appel de sa sentence. Où trouver au monde un arbitre qui soit placé en de pareilles conditions d’impartialité ; qui, pour ainsi dire, tienne moins à cette terre ; et sur qui, — précisément parce qu’il ne s’y rattache guère en aucun point particulier, parce que son domaine est de partout et de nulle part, — la force matérielle ait moins de prises ? S’il est un juge international désigné, c’est ce souverain supra-national, qui n’a d’État que l’Église universelle et de peuple que le troupeau des fidèles. Les grands évêques d’Amérique, le cardinal Gibbons et Mgr Ireland, non plus que les prélats américains qui vivent à Rome, Mgr O’Connell et Mgr Keane, n’avaient pas de doutes à ce propos ; ils savaient bien qu’on n’attendrait de leur religion nul sacrifice qui pût coûter à leur patriotisme. On s’adressait à Léon XIII au nom de l’humanité ; pasteur et père commun, il répondait au nom de Dieu. « Au nom de Dieu, écrivait-il à la reine Marie-Christine, je demande à Votre Majesté, si elle n’y voit pas un inconvénient, que je peux ne pas connaître, de fêter les saints jours où nous sommes, en accordant à Cuba une trêve, une suspension d’hostilités, pour que, les passions étant calmées, on retire enfin les résultats des efforts qui de plusieurs côtés sont faits au profit de la paix entre les sujets de Votre Majesté. » Appuyée par une double démarche des représentans des six grandes puissances à Madrid et à Washington, la prière du Pape a été entendue ; l’Espagne a consenti à l’armistice, et le Président Mac-Kinley a différé de quelques jours l’envoi de son message au Congrès. Si maintenant le sang cubain et le sang espagnol coulent encore, s’il doit bientôt couler et se mêler aux autres du sang américain, la faute n’en est ni aux puissances, ni au Pape, ni à l’Espagne ; mais seulement aux insurgés qui repoussent l’armistice sans l’indépendance, et aux États-Unis qui ne font peut-être pas pour la conciliation et pour la paix définitive tout ce que cette « humanité » qu’ils invoquent, leur commanderait, et que le juste souci de leur dignité ne leur défendrait pas de faire.

Que contient, en effet, à y regarder de près, le message de M. Mac-Kinley ? Beaucoup de phrases et de périphrases pour ne pas dire ce qu’il dit et dire ce qu’il ne dit pas. On imaginerait malaisément un document plus significatif sous son apparente insignifiance, plus clair sous sa verbosité diffuse, plus belliqueux sous son allure bonhomme. La proposition capitale, celle à laquelle il faut aller tout droit et qu’il faut retenir, est la suivante, et comme elle est la plus pleine, elle est aussi la plus courte : « La solution est à présent aux mains du Congrès. C’est une responsabilité solennelle. J’ai épuisé toutes les tentatives pour sortir de l’intolérable situation qui est à nos portes. Prêt à exécuter toute obligation qui m’est imposée par la constitution et par la loi, j’attends votre décision. » Ainsi, que le Congrès marche, M. Mac-Kinley le suivra. Cette déclaration faite, il importe peu que M. Mac-Kinley reconnaisse ou ne reconnaisse point aux Cubains la belligérance. S’il ne la reconnaît point, c’est qu’il a ses raisons : « La reconnaissance n’est pas nécessaire pour que les États-Unis puissent intervenir à Cuba dans l’intention de pacifier l’île. Lier notre pays, maintenant, par la reconnaissance d’un gouvernement quelconque à Cuba pourrait nous entraîner en des embarras d’obligations internationales envers l’organisation ainsi reconnue. » Les États-Unis doivent et veulent trouver à Cuba place nette, quand ils interviendront, quand le moment sera arrivé de voir « s’il existe dans l’île de Cuba un gouvernement capable d’assurer les devoirs et de remplir les fonctions qu’il a à remplir chez une nation indépendante ». Le reste du message est négligeable, même les quatre motifs que M. Mac-Kinley allègue à l’appui de l’intervention américaine et qui sont : 1° la cause de l’humanité ; 2° la protection des citoyens américains qui habitent Cuba ; 3° le préjudice sérieux subi par le commerce des États-Unis ; 4° la paix de l’Amérique compromise par les interminables insurrections cubaines. Relèvera-t-on enfin le passage, relatif à l’explosion du Maine, où, rappelant que l’Espagne a proposé une enquête d’experts étrangers dont elle acceptait par avance la décision, M. Mac-Kinley se borne à constater purement et simplement « qu’il n’a été fait aucune réponse à cette proposition » ? On le pourrait, s’il n’était inutile d’insister et si ce fait ne primait pas toutes les paroles, que « la solution est à présent entre les mains du Congrès ». C’est donc la suite que le Congrès entend donner au message du Président qui mesurera la vraie portée de ce message, en lui-même volontairement ambigu. Et c’est aussi l’écho dont il retentira dans les cœurs espagnols.

Or, si l’on peut en croire les dernières nouvelles, pour ce qui est du Congrès fédéral, la commission des Affaires étrangères de chacune des deux assemblées a délibéré hier sur la question. Celle du Sénat a déjà arrêté les termes de la résolution qui sera discutée aujourd’hui. Le texte en serait catégorique et supprimerait toute équivoque : la commission s’y prononcerait ouvertement pour l’emploi de la force afin de chasser l’Espagne de Cuba ; et il ne serait pas douteux que ces conclusions ne fussent adoptées. La commission de la Chambre montrerait un peu plus de prudence ou un peu moins de précipitation ; toutefois, les députés républicains se prononceraient pour l’intervention armée immédiate ; si l’autre parti contribue à former la majorité, ce qui, dit-on, est probable, la proposition conjointe pourrait être votée et, comme M. Mac-Kinley a renoncé à faire, dans ce cas, usage du veto présidentiel, il n’y aurait plus de recours, et ce serait la guerre. Il n’y a pas à se dissimuler que tout paraît l’annoncer, hélas ! et la préparer. Le consul général Lee a quitté la Havane, il est rentré à Washington ; le ministre américain à Madrid, le général Woodford, a expédié sa famille à Biarritz, s’est enfermé dans l’hôtel de la Légation, et il fait ses malles ; le ministre d’Espagne à Washington s’apprête à remettre ses services à notre ambassadeur, M. Jules Cambon.

La fierté castillane commence à déborder et gronde, tandis que le jingoïsme redouble aux États-Unis et fait rage. L’affaire n’est plus diplomatique, elle échappe à la direction des gouvernemens, au moins des deux gouvernemens espagnol et américain. En Espagne, ni M. Sagasta, ni le parti libéral, ni aucun parti, ni la monarchie même ne sont de force à se mettre en travers du courant, et s’ils reculaient au-delà de la ligne que cette fierté castillane elle-même leur trace, ils risqueraient d’être emportés. De même aux États-Unis ; ni M. Mac-Kinley, ni le Congrès, s’il en avait le désir qu’il n’a pas, ni le parti démocrate, ni aucun parti ne pourraient contenir et retenir plus longtemps une politique patiemment, infatigablement menée depuis 1815 ou 1820. Rien ni personne ne pourrait retarder l’heure, que l’on espère enfin venue, où se réalisera la prédiction de M. Adams et où, détachée de l’arbre espagnol, la pomme de Cuba tombera sur la terre américaine. Et ce sera une belle application de la doctrine de Monroe : l’Amérique aux Américains. Reste à savoir si les puissances européennes, — en première ligne celles qui, de droit historique, possèdent des colonies en Amérique, — n’auraient pas un mot à dire, si elles ne le diront pas, et si l’Amérique du Sud, l’Amérique latine, peut assister, impassible et indifférente, à cet envahissement de l’hémisphère occidental par l’Amérique anglo-saxonne.

Le Parlement français vient de s’ajourner au 1er juin. La Chambre des députés élue en 1893 n’est peut-être pas encore, légalement, tout à fait morte, mais elle est plongée dans une léthargie d’où l’on aime à penser qu’elle ne sortira pas, et M. Henri Brisson a déjà répandu sur elle les pleurs de son éloquence funéraire. Malgré ces larmes officielles, elle ne sera pas très regrettée. Peut-être n’a-t-elle pas mérité tout le mal qu’on a dit d’elle, mais elle n’a pas mérité non plus qu’on en dît trop de bien. Elle a été une des Chambres les plus flottantes, les plus incohérentes, les plus « déboussolées » que nous ayons eues, et si, vers la fin de sa vie, elle a semblé un peu se reprendre et se fixer, elle a fait payer au ministère sa fidélité toujours chancelante par cent quatre-vingts interpellations dans l’espace de moins de deux ans. « On ne canonise que les morts ! » disait-on un jour à Mgr Ireland, qu’on accusait d’être venu en France, à son retour de Rome, canoniser la République. « Encore faut-il, riposta l’archevêque de Saint-Paul, qu’ils aient bien vécu ! » Même lorsqu’elle sera définitivement morte, on ne canonisera pas cette Chambre : elle n’a pas assez bien vécu. — Puisse le suffrage universel, à qui la parole appartient maintenant, nous en envoyer une dont on fasse, quand elle nous quittera, une plus magnifique oraison funèbre !
CHARLES BENOIST
Le Directeur-gérant, F. BRUNETIERE

Francis Charmes
Chronique de la quinzaine
L’Espagne et les États-Unis
14 avril 1898
Revue des Deux Mondes, 4e période
tome 146, 1898 – pp 946-958

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Eloy Gonzalo (Monumento)
1868-1897
贡萨洛埃洛伊
Элой Гонсало
El Héroe de Cascorro
Plaza de Cascorro

Temple d’Amon de Debod -El Templo de Debod- Храм Амона Дебод – 德波阿蒙神庙 – Madrid

Madrid – Мадрид – 马德里
Temple d’Amon de Debod
El Templo de Debod
Храм Амона Дебод
德波阿蒙神庙
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Madrid Blason Artgitato  Madrid L'Ours & L'arbousier Artgitato La estatua del oso y del madroño

Photo Jacky Lavauzelle
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Madrid Drapeau Artgitato


Temple d’Amon de Debod
El Templo de Debod
Храм Амона Дебод
德波阿蒙神庙

Cadeau de l’Egypte à l’Espagne en 1968
Regalo de Egipto a España en 1968
reconstruit en 1972
inauguración el 18 de julio de 1972
Inauguration le 18 juillet 1972

Temple d'Amon de Debod Madrid artgitato (1) Temple d'Amon de Debod Madrid artgitato (2) Temple d'Amon de Debod Madrid artgitato (3) Temple d'Amon de Debod Madrid artgitato (4) Temple d'Amon de Debod Madrid artgitato (5) Temple d'Amon de Debod Madrid artgitato (6) Temple d'Amon de Debod Madrid artgitato (7) Temple d'Amon de Debod Madrid artgitato (8) Temple d'Amon de Debod Madrid artgitato (9)

DEBOD en 1821
« Dans la matinée du 27, je guettai sur le tillac l’aube du jour, pour jouir de la vue de la belle île de Philæ. J’avais la plus vive curiosité de voir ses ruines ; mais quand l’aurore vint les éclairer, elles surpassèrent encore mon attente. Nous traversâmes le fleuve, et nous passâmes trois heures qui nous parurent des minutes à parcourir l’île, que je me reservais d’examiner en détail à mon retour. Je remarquai plusieurs blocs de pierres chargés d’hiéroglyphes parfaitement exécutés, qui pouvaient s’enlever, ainsi qu’un obélisque de granit d’environ vingt-deux pieds de long sur deux de large. Ce monument était également à mon avis susceptible de transport, étant d’ailleurs situé auprès de la côte. À notre retour au bateau nous mimes enfin à la voile, et dans trois heures de temps nous arrivâmes à Debod. J’avais le temple à y visiter ; mais le vent étant trop favorable pour que nous ne dussions profiter de cet avantage, je remis cette visite aussi à l’époque de notre retour. Nous nous arrêtâmes pour ce jour à la côte au-dessus de Sardib-el-Farras. »
Giovanni Battista Belzoni
Voyages en Égypte et en Nubie
Traduction par G. B. Depping.
 Librarie française et étrangère, 1821  – tome 1, pp. 1-224
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LE DIEU AMON PAR CHAMPOLLION

« Dans le grand tableau du massif de droite, le dieu Amon-Ra, sous la forme de Phré hiéracocéphale, donne la harpé au belliqueux Rhamsès pour frapper vingt-neuf peuples du Nord ou du Midi ; dix-neuf noms de contrées ou de villes subsistent encore ; le reste a été détruit pour appuyer contre le pylône des masures modernes. Le roi des dieux adresse à Méiamoun un long discours dont voici les dix premières colonnes : « Amon-Ra a dit : Mon fils, mon germe chéri, maître du monde, soleil gardien de justice, ami d’Ammon, toute force t’appartient sur la terre entière ; les nations du Septentrion et du Midi sont abattues sous tes pieds ; je te livre les chefs des contrées méridionales ; conduis-les en captivité, et leurs enfants à leur suite ; dispose de tous les biens existant dans leur pays ; laisse respirer ceux d’entre eux qui voudront se soumettre, et punis ceux dont le coeur est contre toi. Je t’ai livré aussi le Nord….. (lacune) ; la Terre-Rouge (l’Arabie) est sous tes sandales, etc. »…
Au fond de cette première cour s’élève un second pylône, décoré de figures colossales, sculptées, comme partout ailleurs, de relief dans le creux ; celles-ci rappellent les triomphes de Rhamsès-Méiamoun dans la neuvième année de son règne. Le roi, la tête surmonte des insignes du fils aîné d’Ammon, entre dans le temple d’Amon-Ra et de la déesse Mouth, conduisant trois colonnes de prisonniers de guerre, imberbes, et enchaînés dans diverses positions ; ces nations, appartenant à une même race, sont nommées Schakalascha, Taônaou et Pourosato.  »

Jean-François Champollion
Lettres écrites d’Égypte et de Nubie en 1828 et 1829
Firmin Didot, 1833
pp. 322-362

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ALEXANDRE ET AMON

« Alexandre alla consulter dans les déserts de la Libye le dieu Ammon, auquel les Grecs donnèrent le nom de Zeus, et les Latins, de Jupiter, quoique les uns et les autres eussent leur Jupiter et leur Zeus chez eux. Lorsqu’on assiégeait une ville, on faisait un sacrifice et des prières aux dieux de la ville pour se les rendre favorables. Ainsi, au milieu même de la guerre, la religion réunissait les hommes, et adoucissait quelquefois leurs fureurs, si quelquefois elle leur commandait des actions inhumaines et horribles. »

Voltaire
Traité sur la tolérance
Garnier, 1879
Œuvres complètes, tome 25
pp. 40-42
CHAPITRE VII
SI L’INTOLÉRANCE A ÉTÉ CONNUE DES GRECS

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LE TEMPLE AMON DE DEBOD

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