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GIBOULÉES – ÉMILE POUVILLON

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LITTÉRATURE FRANÇAISE

ÉMILE POUVILLON

né le 10 octobre 1840 à Montauban et mort le 7 octobre 1906 à Jacob-Bellecombette

GIBOULÉES 

Paru dans le magazine
LISEZ-MOI
N°15- 10 avril 1906

 

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Isaac Levitan , Исаак Ильич Левитан , Nénuphars, 1895

Pluie et soleil. Des nuages courent, légers, d’une blancheur de ouate ; ils s’épaississent peu à peu, se gonflent, alentis, lourds de chaleur. Puis, ils crèvent.

Une averse pour rire, un coup d’arrosoir à fines gouttelettes sur les feuilles, sur les fleurs nouvellement nées. Trois gouttes, et c’est fini ; aussi prompte que l’éclaboussure de l’hirondelle ricochant de l’aile au fil de l’eau, l’averse a disparu.

La pluie s’en est allée, les diamants restent.

Dans l’allée de la vigne, sous les voûtes des pêchers et des pruniers en fleurs, c’est, semé en l’air, jeté au fin bout des branches, tout le joli scintillement des rivières adamantines, la flambée des grenats et des rubis tressés en guirlandes sur la robe blanche du printemps.

Les joailleries s’éteignent brusquement. Sur le rire étincelant du soleil, c’est, de nouveau, le rideau tiré d’un nuage. L’air franchit, le vent souffle. Autre giboulée. De la neige, cette fois. Oh ! pas bien méchante ! des flocons espacés qui, dans la bouffée de la bise, se mêlent aux pétales tombés des amandiers en fleurs.

Et, déjà, la neige ne coule plus. C’est, maintenant, une pincée de grésil, une averse blanche qui tambourine à roulements légers ; telle une musique pour un ballet de fées.

Tout est blanc une minute. Comme une jonchée de perles dans le jardin des légendes, le givre se tasse aux plis de l’herbe, aux creux des sillons.

Une minute. Et le décor a changé. C’est le soleil, c’est la chaleur, un bien-être où les plantes se dilatent, où les papillons éclosent. Neigeux comme la fleur des pruniers, soufrés comme la fleur du saule, les papillons festonnent, hésitent en l’air, naïfs et frileux, étonnés de vivre…

Les papillons festonnent ; les lézards, en des fuites brusques ; une couleuvre glisse dans l’herbe sèche, le long d’un talus ; des ébats de grenouilles troublent l’eau épaisse, irisée qui tiédit au bord de la source.

La chaleur monte.

Une odeur fade de pourriture végétale se lève des fossés vaseux, des ruisseaux obstrués de feuilles et de branches.

La chaleur monte ; l’orage menace ; le ciel encore une fois s’obscurcit. C’est, d’abord, une buée grise, laiteuse, comme de la sève en suspension ; puis, la tache s’épaissit, tourne au noir bleuté, livide, les fleurs paraissent encore plus blanches.

Près de moi, à l’entrée d’un champ de blé, un prunier s’étale, vêtu de blanc jusqu’au bout des branches. Fragile et paisible en ses habits de triomphe, il sourit sous la menace.

Le vent se lève. Brutal, il couche devant lui les jeunes blés, balance l’éventail fleuri des ormeaux. Il approche, et, tout à coup, arrachées ensemble, les fleurs trop mûres du prunier s’envolent, effrayées, s’éparpillent à terre.

L’arbre est tout noir, maintenant.

Et une tristesse me vient à penser que c’est fini, que la plus jeune saison de l’année, la plus charmante, est déjà close.

Oh ! cette mort du printemps blanc !

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LA POÉSIE DE VALÉRI BRIOUSSOV – Валерий Брюсов – Стихи

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LITTÉRATURE RUSSE
POÉSIE RUSSE
Русская литература
Русская поэзия
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Poésie de Valéri Brioussov


Portrait de Valéri Brioussov par Mikhaïl Vroubel (1906)
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VALERI BRIOUSSOV
Валерий Яковлевич Брюсов

1er décembre 1873- 9 octobre 1924
1 декабря 1873 г. – 9 октября 1924 г.

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TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE
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LA POÉSIE DE VALÉRI BRIOUSSOV 
Валерий Брюсов
Стихи

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Mon Rêve
1895

Моя мечта

Le rêve de l’eunuque  – Jean-Jules-Antoine Lecomte du Nouÿ

Моей мечте люб кругозор пустынь,
Mon rêve aime l’horizon des déserts,
Она в степях блуждает вольной серной.
Où il peut errer dans les steppes sans soufre.

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Le Maçon
1901
Каменщик


 — Каменщик, каменщик в фартуке белом,
– Hé ! toi, le maçon, le maçon en tablier blanc !
Что ты там строишь? кому?
Que construis-tu là-bas ? pour qui ?

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L’ESCALIER
1902
Лестница

Всё каменней ступени,
Plus hautes, ces marches, avec plus de pierres,
Всё круче, круче всход.
Plus raides, plus resserrées.

PIERRES
1903
КАМЕНЩИК

Камни, полдень, пыль и молот,
Pierres, midi, poussière et marteau,
Камни, пыль, и зной.
Pierres, poussière et chaleur.

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LE FILS PRODIGUE
1903
Блудный сын

Ужели, перешедши реки,
Après avoir traversé la rivière,
Завижу я мой отчий дом
  Je revois ma maison

Retour du fils prodigue, Pompeo Batoni

ORPHEE ET EURYDICE
1904
ОРФИЯ И ЭВРИДИКА

Jean-Baptiste Camille Corot, Orphée ramène Eurydice des Enfers

Орфей
Orphée
Слышу, слышу шаг твой нежный,
J’entends, j’entends ton pas doux,

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LE MOINE
1906
Монах

Saint François, Francisco de Zurbarán

На поле жизненного боя,
Sur le champ de bataille de la vie
Где Рок влечет нас, как самум, –
Où la Fatalité nous attire dans un déluge –

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MONOTONIE – POÈME DE ZINAÏDA HIPPIUS – 1895 – Поэзия Зинаиды Гиппиус -Однообразие

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LITTÉRATURE RUSSE
POÉSIE RUSSE
Русская литература
Русская поэзия
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Poésie de Zinaïda Hippius
Поэзия Зинаиды Гиппиус
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Zinaïda Nicolaïevna Hippius
Зинаи́да Никола́евна Ги́ппиус

8 novembre 1869 Beliov Russie – 9 septembre 1945 Paris,
8 ноября 1869 Белёв, Российская империя — 9 сентября 1945 Париж Франция

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TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE
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MONOTONIE
1895
Однообразие

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В вечерний час уединенья,
Le soir, dans un instant de solitude,
Уныния и утомленья,
De lassitude et de découragement,
Один, на шатких ступенях,
Seule, sur des marches tremblantes,…





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L’ÉTOILE DE NUIT – POÈME DE MIRRA LOKHVITSKAÏA – Мирра Лохвицкая-

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LITTÉRATURE RUSSE
POÉSIE RUSSE
Русская литература

Русская поэзия
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Poésie de Mirra Lokhvitskaïa
Поэзия Мирры Лохвицкой
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Mirra Lokhvitskaïa
Мирра Лохвицкая

Maria Alexandrovna Lokhvitskaïa
Мария Александровна Лохвицкая
19 novembre 1869 Saint-Pétersbourg – 27 août 1905 Saint-Pétersbourg

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L’ÉTOILE DE NUIT
1889-1895
ВЕЧЕРНЯЯ ЗВЕЗДА
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TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE
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Ты, чистая звезда, скажи мне, есть ли там,
Toi, pure étoile, dis-moi s’il y a
В селениях твоих забвенье и покой?
Dans tes villages l’oubli et la paix ?…

1889—1895

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Poésie de Mirra Lokhvitskaïa
Поэзия Мирры Лохвицкой
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L’ORAGE – Poème de Marina Tsvétaïeva – Марина Ивановна Цветаева- 1936 – В синее небо ширя глаза

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LITTÉRATURE RUSSE
POÉSIE RUSSE
Русская литература

Русская поэзия


TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE


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Marina Tsvétaïeva – photo de Pierre Choumoff ( Пётр Ива́нович Шу́мов )

Marina Ivanovna Tsvetaïeva
Марина Ивановна Цветаева

poétesse russe
русская поэтесса
Moscou 26 septembre 1892 – Ielabouga 31 août 1941
26 сентября 1892, Москва — 31 августа 1941, Елабуга

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L’ORAGE
1936
В синее небо ширя глаза
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Arkhip Kouïndji, Архип Иванович Куинджи, L’Elbrouz, Clair de lune, Эльбрус, Лунная ночь, 1890, 1895

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В синее небо ширя глаза —
Dans le ciel bleu, les yeux écarquillés –
Как восклицаешь: — Будет гроза!
Comment tu t’exclames : – Il y aura de l’orage ! …

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Marina Tsvétaïeva – Marina Tsvetaeva – en 1924

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Poésie de Marina Tsvétaïéva
Поэзия Марины Чветаевой

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Eloy Gonzalo – Plaza de Cascorro – El Héroe de Cascorro – Madrid – Элой Гонсало- 贡萨洛埃洛伊 -Guerra de Independencia cubana

Madrid – Мадрид – 马德里
Guerra de Independencia cubana
Guerre d’Indépendance Cubaine
Eloy Gonzalo
Элой Гонсало
El Héroe de Cascorro
Plaza de Cascorro
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Madrid Blason Artgitato  Madrid L'Ours & L'arbousier Artgitato La estatua del oso y del madroño

Photo Jacky Lavauzelle
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Madrid Drapeau Artgitato


Eloy Gonzalo (Monumento)
1868-1897
贡萨洛埃洛伊
Элой Гонсало
El Héroe de Cascorro
Plaza de Cascorro

Eloy Gonzalo Plaza de Cascorro Madrid Artgitato (1) Eloy Gonzalo Plaza de Cascorro Madrid Artgitato (2) Eloy Gonzalo Plaza de Cascorro Madrid Artgitato (4) Eloy Gonzalo Plaza de Cascorro Madrid Artgitato (5) Eloy Gonzalo Plaza de Cascorro Madrid Artgitato (6)

Guerre de Cuba – Guerra de Cuba
Guerra de Independencia cubana
1895-1898

Chronique de la quinzaine – 14 avril

« L’incertitude la plus grande continue de régner sur la solution du conflit ouvert au sujet de Cuba entre l’Espagne et les États-Unis. Offres de médiation pontificale ; adjurations des puissances ; négociations suspendues ou interrompues, puis reprises ; message du président Mac-Kinley annoncé, puis ajourné, puis lu ; armistice refusé, puis accordé par le gouvernement espagnol, puis rejeté par les insurgés ; qu’est-ce qui va sortir de là, quelle sera la fin : la paix ou la guerre ? Il est impossible de le dire, nul ne le sait encore. Chaque jour, et plusieurs fois par jour, un revirement brusque se produit ; et, le soir, les craintes de guerre viennent chasser les espérances de paix que le matin avait fait renaître. Ces continuels et rapides changemens, ces secousses nerveuses imprimées à l’opinion aggravent sérieusement le danger d’une situation périlleuse en elle-même : il ne faudrait pas qu’aux difficultés internationales pussent s’ajouter des embarras ou des troubles intérieurs qui ne laisseraient d’autre issue que la guerre, et que l’on vît se compliquer d’une seconde crise, une crise qui n’est déjà que trop redoutable.

Depuis deux ou trois ans, depuis le commencement de l’insurrection cubaine, c’est-à-dire depuis le mois de février 1895, il était à prévoir que cette crise éclaterait à la première occasion. Or, l’occasion se trouve toujours quand on la cherche, et même sans qu’on l’ait cherchée, si, des deux nations entre lesquelles le différend peut s’élever, l’une est souveraine d’un pays où l’autre a des intérêts considérables d’engagés ; si une révolution désole ce pays et menace ces intérêts ; si la nation souveraine semble impuissante à rétablir l’ordre ; si, enfin, la nation intéressée, — comme c’est le cas des États-Unis vis-à-vis de Cuba, — n’est séparée que par quelques lieues de mer de ce pays à feu et à sang ; et si, en outre, derrière les intérêts directement en cause et sous la raison d’humanité qu’il n’est jamais difficile ni mauvais d’invoquer, se cachent et s’agitent des convoitises anciennes. On se rappelle avec quelle impatience, dès la fin de l’année 1896, M. Canovas del Castillo, alors président du Conseil des ministres, l’Espagne entière, et l’on pourrait presque dire toute l’Europe, attendaient le message que le Président sortant de la République américaine, M. Cleveland, devait adresser au Congrès. Ce message parut ; il disait : « L’île de Cuba est si près de nous qu’à peine est-elle séparée de notre territoire. Nos intérêts pécuniaires engagés dans l’île occupent le second rang, ils viennent immédiatement après ceux du gouvernement et du peuple espagnols. On calcule, sur des bases certaines, que les capitalistes américains ont, pour le moins, de 30 à 50 millions de dollars employés en plantations, chemins de fer, exploitations minières et autres entreprises à Cuba. Le mouvement commercial entre les États-Unis et Cuba qui, en 1889, représentait environ 74 millions de dollars, s’éleva, en 1893, à près de 163 millions, et en 1894, un an avant le début de l’insurrection actuelle, atteignait encore 96 millions de dollars. Les États-Unis se trouvent donc inévitablement impliqués dans la lutte, soit par les vexations, soit par les dommages matériels qu’ils ont à souffrir. » C’était le motif principal que la Confédération avait de se mêler des affaires de Cuba, — affaires américaines presque autant qu’espagnoles, selon M. Cleveland, — mais ce n’était pas le seul : il en énumérait bien d’autres.

La présence à New-York de la Junte insurrectionnelle cubaine qui faisait de cette ville le bureau de recrutement et le centre de ravitaillement des insurgés en ressources de toute nature, hommes, armes, argent ; la présence à Cuba de citoyens américains, plus ou moins récens, plus ou moins authentiques, mais qui couvraient et, de par leurs papiers mis en règle, scellés du sceau du consulat, avaient le droit de couvrir du drapeau de l’Union leurs intrigues et leurs démarches ; la présence, un peu partout, dans l’immense étendue des quarante-cinq États, surtout dans les États du Sud, dans la Floride, vers l’îlot de Key-West, « d’élémens turbulens et aventureux », surexcités et prêts à partir en campagne quand passerait un flibustier, le Laurada ou le Three Friends ; tout cela (M. Cleveland le déclarait en termes soigneusement choisis et pesés), tout cela créait au gouvernement américain des tracas incessans, l’obligeait à une surveillance minutieuse sur les côtes et dans les ports, était pour lui une cause de gros soucis et de grosses dépenses ; et il se fondait là-dessus pour presser l’Espagne d’en finir. Il l’en sollicitait d’ailleurs par des considérations plus hautes, pour mettre un terme aux maux d’une rébellion et d’une répression également impitoyables, qui l’une et l’autre ravageaient et ruinaient l’île, l’une sous prétexte de l’affranchir, l’autre à l’effet de la pacifier. Pour cette pacification de Cuba, si l’Espagne ne réussissait pas d’elle-même, et à elle seule, à l’assurer ; s’il était démontré par les événemens, ou si elle avouait qu’elle n’y pouvait réussir dans un délai fixé, en recourant à des moyens qu’il indiquait, M. Cleveland proposait les bons et amicaux offices des États-Unis, laissant entendre qu’au cas où le gouvernement espagnol ne les accepterait point, après les avoir vainement proposés, la République imposerait au besoin ces bons offices devenus nécessaires.

Tel était, à la fin de 1896, l’état des esprits, ou plutôt de l’esprit officiel, à Washington, et voici ce qu’il était à Madrid : M. Canovas ne se sentait pas du tout incliné à accueillir, si bienveillante qu’elle fût dans les intentions et si modérée dans la forme, l’intervention des États-Unis. Il repoussait énergiquement cette proposition de M. Cleveland, de ses conseillers et du Congrès, que les affaires cubaines étaient presque des affaires américaines. Rien, suivant lui, ne se débattait à Cuba qui regardât personne au monde, hormis les Cubains insurgés et les Espagnols ; et c’était à l’Espagne seule de se débrouiller avec les rebelles, comme elle l’entendait, en vertu de ce principe que chacun est maître chez soi et de ce fait qu’à Cuba elle était chez elle. Elle emploierait les moyens qu’elle jugerait les meilleurs, ferait les concessions qu’elle voudrait, s’il lui plaisait d’en faire et lorsqu’il lui plairait ; elle userait à son gré de l’indulgence ou de la force et ne mesurerait ses coups qu’à son pouvoir et à sa volonté. Sans nier que les États-Unis eussent à Cuba des intérêts, M. Canovas soutenait que le gouvernement espagnol, à l’exclusion de tout autre, avait qualité pour les faire respecter et n’y avait jamais failli. Il se refusait à admettre qu’on lui assignât une limite de temps et, tout en écoutant les avis qu’on lui donnait avant qu’il les demandât, il se réservait d’examiner s’il les trouverait compatibles avec la dignité et la souveraineté de l’Espagne, afin de décider s’il les suivrait ou non.

Le président Cleveland l’invitait à opérer des réformes dans l’organisation et l’administration de l’île ; et certes, des réformes, il en ferait. « N’est-ce pas moi, disait-il avec quelque fierté, qui, étant ministre des Colonies en 1865, ai provoqué l’enquête qui a ouvert la voie à l’affranchissement des esclaves de Cuba et de Puerto-Rico ? Et pourtant, j’avais contre moi, en ce temps-là, bien des intérêts ligués, bien des préjugés aussi, et je choquais fort les idées des hommes les plus en vue de mon propre parti. Une réforme, quelle qu’elle soit, n’est donc pas pour me faire peur, et, dans cette voie, j’irai autrement loin que les libéraux eux-mêmes, je les étonnerai par mon libéralisme. Seulement, je veux prendre mon heure. Si nous avons la guerre actuelle, c’est peut-être parce qu’on a permis à certains meneurs de croire, en 1878, lorsque a été conclu le pacte du Zanjon qui devait clore la guerre de Dix ans, que l’insurrection était un métier profitable. Il faut maintenant, et d’abord, prouver à Gomez et aux autres qu’elle ne rapportera rien, que la défaite et le châtiment. Après quoi, nous verrons ; et quant à moi, ma décision est prise. J’ai là vingt-trois décrets tout préparés, mais ils ne sortiront de mon tiroir pour être soumis à la signature de la Régente que plus tard, lorsqu’il sera évident que ce que l’Espagne octroie de bonne grâce, on ne l’a ni arraché par la violence, ni surpris par la ruse. Victorieuse, elle peut donner beaucoup ; mais jusqu’à la victoire, rien. »

C’était le moment où le ministère, voyant les marchés étrangers se fermer devant lui, prenait la résolution de faire appel, pour son emprunt de 400 millions, au patriotisme espagnol, et où, d’un bout à l’autre de la Péninsule, ce patriotisme exalté répondait ; tout le pays, des Pyrénées au détroit de Gibraltar, était comme soulevé d’un admirable élan. Quoi qu’on en dît alors entre politiciens de club ou de café, la position de M. Canovas était très forte ; si forte, que M. Sagasta, absent de Madrid, restait tranquillement aux eaux ; que tous les partis, unanimes pour un jour, ne voyaient point d’autre gouvernement possible que celui de M. Canovas ; et que les rares adversaires que la nécessité ne désarmait pas, enfans perdus des groupes extrêmes, étaient obligés, pour tâcher d’affaiblir cette situation, d’inventer on ne sait quels dissentimens imaginaires entre la Reine et le président de son Conseil, la Couronne se trouvant ainsi avoir subitement en eux des défenseurs inattendus. Pour fournir les 400 millions qu’on sollicitait d’elle après tant d’autres sacrifices, — 200 000 hommes à Cuba, et 25 000 aux Philippines, — l’Espagne faisait un héroïque effort, qui permettait à M. Canovas de prendre, en quelque sorte, sa température, et, par-là, de mesurer de quoi cette nation si fière et si vaillante serait capable.

Porté par ce grand mouvement national, — bien qu’assurément il considérât une guerre extérieure, se greffant sur ces guerres coloniales, comme une calamité qu’il devait tout faire pour détourner ou éloigner, bien qu’il s’attachât scrupuleusement à conserver avec la République américaine ces « relations de bon voisinage » instituées par le « Traité de paix et d’amitié » de 1795, — M. Canovas del Castillo ne s’effrayait pas, au point de dévorer en silence les humiliations, de l’éventualité d’une intervention armée des États-Unis dans la question cubaine. Il savait mieux que personne que les États-Unis avaient l’argent, qui est, dit-on, le nerf de la guerre ; mais, d’autre part, il savait que l’argent n’en est pas le seul nerf ; qu’il y en a d’autres ; et que l’orgueil historique d’un peuple qui fut très puissant en est un. Et il savait encore, — renseignement positif, et argument de fait, — pourquoi les États-Unis avaient en somme été assez coulans, il y a quelques années, dans leur querelle avec le Chili, et pourquoi ils s’étaient gardés de pousser l’affaire à bout : il était fixé, aussi bien qu’eux-mêmes, sur la valeur exacte de leur marine militaire. La marine espagnole, il en était persuadé, supportait au moins la comparaison, et comme l’Espagne n’a, du reste, pas plus que les États-Unis, adhéré aux actes internationaux sur la course ; que, notamment, elle n’a pas signé l’Acte de Paris de 1856, il faisait, en cas d’extrême urgence, état de cette suprême ressource, la délivrance de lettres de marque à ses hardis marins de Biscaye et de Catalogne. Sur mer, la guerre, tout compté, ne l’épouvantait point, et sur terre, non plus, il ne la regardait pas à l’avance comme désespérée. Il raisonnait ainsi : Nous n’irions pas attaquer les Américains chez eux, seul terrain vraiment favorable pour les milices fédérales. Viendraient-ils, eux, nous attaquer chez nous ? Ah I s’ils y venaient ! Napoléon s’y est brisé. Le plus probable, c’est que Cuba serait le champ de bataille où nous nous rencontrerions. Eh bien ! l’Espagne a là-bas 200 000hommes de troupes excellentes, qui ne meurent que de ne pas se battre et de n’avoir jamais à étreindre que le vide. Si les États-Unis veulent la guerre, que nous ne voulons pas ; s’ils violent notre droit, que nous consentons à faire aussi complaisant que possible, dans les limites où il nous est permis de le faire sans déchoir, nous pourrons en courir la chance. — Mais cette guerre, M. Canovas voulait l’écarter à tout prix, pourvu que ce ne fût pas au prix de l’honneur espagnol : justement parce qu’il était sûr d’avoir le droit de son côté, il tenait à ne pas perdre cet avantage et, si les choses en venaient au pire, à avoir pour témoin le monde civilisé.

Que peut-être, après cela, dans le secret de son cœur, quand le télégraphe lui annonçait qu’on venait, aux États-Unis, de pendre en effigie Weyler, son général en chef, de brûler le drapeau espagnol, de déposer dans les deux Chambres des résolutions enflammées contre l’Espagne, et quand il songeait aux « dessous » de cette campagne de tribune et de presse, à tout ce qu’il y avait d’appétits aiguisés derrière cet étalage de beaux sentimens, il n’eût pas une vive tendresse pour cette politique de mercachifles, de porte-balles, — comme il lui arrivait parfois de la qualifier en ses heures d’amertume, — cela est bien certain, et cela n’est que trop naturel ; ici encore toute l’Espagne était avec lui. Mais officiellement, la correction la plus sévère, puisqu’il n’y avait plus à parler de cordialité, présidait aux rapports mutuels des États-Unis et de l’Espagne. Jusqu’à la fin de 1896, tout au moins, M. Canovas déclarait n’avoir eu à se plaindre, en aucune occasion, ni du président, M. Cleveland, ni du secrétaire d’État, M. Olney, ni de leur représentant à Madrid, M. Hannis Taylor, qui depuis… mais alors il n’y avait pas à Madrid de diplomate plus parfaitement diplomate que le ministre des États-Unis. M. Canovas se proclamait sans défiance à son égard, sinon envers son entourage. Et il était décidé, — comme il savait l’être, — à empêcher avec la dernière énergie toute manifestation hostile par laquelle les étudians ou le peuple de Madrid eussent pu être tentés de riposter aux démonstrations américaines. Sans doute, dans les mois qui suivirent, la froideur alla augmentant. M. Mac-Kinley avait remplacé M. Cleveland à la Maison-Blanche, et le général Woodford, M. Hannis Taylor à la Plaza de San Martin. En même temps que ses lettres de créance, le général avait remis une note à laquelle il y avait bien à faire une réponse assez délicate, mais, au total, on n’avait pas pu encore oublier que M. Mac-Kinley avec placé sa haute magistrature sous l’invocation des paroles évangéliques : « Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ! » Et cette bonne volonté, le gouvernement espagnol croyait en avoir donné, pour sa part, des gages et des marques, en publiant, avant l’arrivée du général Woodford, avant toute injonction ou requête de M. Mac-Kinley, avant même le moment primitivement fixé par M. Canovas et sitôt qu’on avait pu dire avec quelque apparence de vérité que les provinces occidentales de l’île étaient à peu près pacifiées, le décret royal du 4 février, qui, réorganisant à Cuba les conseils municipaux et les conseils provinciaux, organisait, par surcroît, au sommet de la hiérarchie, un Conseil d’administration avec compétence étendue en matière de budget, d’impôt, et de douanes.

Si ce décret n’était pas entré tout de suite en pleine application, la faute n’en était qu’à l’état de guerre qui se perpétuait dans la partie orientale, dans les provinces de Santa-Clara et de Puerto-Principe. Mais ce qui était promis était promis, et il n’y avait plus à tirer prétexte, pour l’opposition, de l’entêtement de M. Canovas, et pour les États-Unis, de la dureté arriérée de l’Espagne. L’opposition demandait à cor et à crique l’on joignît à l’action militaire l’action politique : c’était fait ; et les États-Unis, que l’on essayât d’apaiser les rebelles par des satisfactions de principe : cela aussi était fait. M. Canovas s’y était résigné, toujours par amour de la paix, mais sans se bercer de vaines illusions, sans croire qu’il éviterait l’inévitable, ni qu’il le retarderait longtemps ; ce n’étaient pas, il le sentait trop, des libertés que voulaient les insurgés cubains, ce n’était pas même l’autonomie sous la souveraineté ou la suzeraineté de l’Espagne, c’était la séparation absolue ; ce n’étaient pas des garanties pour les Cubains et les Américains de Cuba que voulaient les États-Unis ; il le voyait clairement, ni les uns ni les autres ne se contentaient de si peu ; et il mourut dans cette pensée, sous les balles d’Angiolillo, le 8 août de l’année dernière.

Ce jour-là, 8 août 1897, doit faire date dans l’histoire du conflit hispano-américain, encore qu’il ne s’y soit passé rien de plus que la mort de M. Canovas del Castillo. Parle fait même de sa disparition et de son remplacement, — après le court intérim du général Azcarraga, — par M. Sagasta et le cabinet libéral, où M. Gullon recevait les Affaires étrangères, tandis que M. Moret prenait les Colonies ; par ce fait ou ces deux faits mêmes, le ton, sinon le fond, de la politique américaine changeait. La réputation d’énergie indomptable dont jouissait légitimement M. Canovas avait, en dépit de tout, fait réfléchir jusqu’aux jingoes les plus ardens. Mais le renom de M. Sagasta, en Espagne et au dehors, était loin d’être celui d’un homme énergique ; et, de même que sa mollesse ou son indécision dans l’affaire de Melilla au Maroc et la peine infinie qu’il avait paru devoir prendre pour réunir, de l’autre côté du détroit, presque à portée de canon des côtes espagnoles, une armée de 40 000 hommes, avaient certainement contribué à abuser les Cubains sur le ressort et la résistance de l’Espagne, et ainsi à fomenter et à déchaîner l’insurrection ; de même, à son retour aux affaires, il fut tout de suite manifeste que les récriminations ou les objurgations des États-Unis allaient devenir plus pressantes, plus impérieuses, plus acrimonieuses. Le rappel du général Weyler, et l’envoi du maréchal Blanco, investi du mandat de porter à Cuba son autonomie, ne furent guère, à Cuba et aux États-Unis, interprétés que comme des signes de défaillance ou de lassitude. Maximo Gomez ne jeta pas l’épée, ne se sentit pas le désir de fuir la manigua et les manigueros et de se réfugier dans une petite maison tranquille qui n’aurait ni une cour, ni un arbre, — comme il disait en 1878. — Et les clameurs ne tombèrent pas, dans les Chambres américaines. Après les réformes du 4 février, la Constitution antiliane du 25 novembre 1897 était tenue pour insuffisante. L’insurrection se moquait bien de ce ministère cubain et de cette Chambre cubaine, au moyen desquels on s’était flatté de l’amadouer ! On lui donnait cela, donc elle obtiendrait davantage : on rompait, donc elle avançait ; on relâchait le lien avec la métropole, donc elle le détacherait ou le trancherait ; et elle la ferait, cette seconde république d’Haïti, où il y aurait à se partager tant de places, de titres et de galons ! L’action politique, encore une fois, échouait et faisait échouer l’action militaire qu’elle entravait, sans autre résultat que d’irriter et d’affaiblir le plus espagnol des partis cubains, le parti constitutionnel.

Cependant la guerre s’éternisait ; les intérêts américains continuaient d’être lésés, et l’opinion américaine se montait et s’échauffait de plus en plus. La Junte cubaine à New-York la tenait savamment en haleine. Chaque jour amenait une nouvelle affaire Ruis ou Sanguily. Tout était motif à réclamations, à protestations, à enquêtes, à rapports. Le consul général Lee, pour les cas ordinaires, et, au moindre incident, tel ou tel envoyé officiel ou officieux, tel ou tel ami du Président Mac-Kinley, tel ou tel membre du Congrès recevaient ou se donnaient mission de surveiller et de dénoncer la « barbarie, la « cruauté », l’« inhumanité » des autorités espagnoles, de montrer aussi qu’elles étaient incapables de venir à bout des insurgés, qu’aucune province n’était pacifiée, pas même Pinar del Rio, qu’aucune ville n’était sûre, pas même la Havane ; — ce qui n’empêchait pas les navires flibustiers de naviguer sous pavillon américain, et les dollars américains d’affluer dans la caisse de la Junte cubaine. D’une part, on reprochait à l’Espagne de ne pas pouvoir vaincre l’insurrection ; et, de l’autre, on faisait ou on laissait faire tout ce qu’il fallait pour qu’elle ne pût pas la vaincre. Petit à petit, le mal s’envenima, et l’on pouvait déjà être inquiet sur le dénouement, lorsque récemment, par une fatalité terrible, dans les eaux de Cuba, sauta le vaisseau américain le Maine. Par quoi fut déterminée l’explosion ? Était-elle due à une cause intérieure ou extérieure ? Était-ce une allumette américaine ou une torpille espagnole qui avait mis le feu aux poudres ? C’est ce que furent chargés de rechercher contradictoirement, ou parallèlement, des scaphandriers espagnols et des scaphandriers américains, et ce sur quoi les deux commissions aboutirent à des conclusions différentes. Les conclusions américaines, — telles qu’elles furent formulées dans le message adressé au Congrès le 28 mars par M. Mac-Kinley, — étaient celles-ci : « La perte du Maine n’a été à aucun égard le résultat d’une faute ou d’une négligence de la part d’aucun des officiers ou des hommes de l’équipage ; — le navire a été détruit par l’explosion d’une mine sous-marine, qui a causé l’explosion partielle de deux ou de plusieurs des soutes de l’avant ; — aucune preuve n’a été obtenue, de nature à permettre d’attribuer à une personne ou à des personnes quelconques l’explosion du Maine. » Ce troisième paragraphe atténuait un peu l’effet des deux autres, mais l’effet subsistait quand même, d’autant que M. Mac-Kinley ajoutait : « J’ai prescrit que la décision du conseil d’enquête et les vues du gouvernement à ce sujet soient communiquées au gouvernement de Sa Majesté la Reine régente, et je ne me permets pas de douter que l’esprit de justice de la nation espagnole ne lui dicte une ligne de conduite inspirée par l’honneur et par les relations amicales des deux gouvernemens. Il sera du devoir du pouvoir exécutif de faire connaître au Congrès le résultat de cette démarche, et en attendant, un examen réfléchi est recommandé. »

Là-dessus, reprise des anciens griefs et échange de notes, d’un côté du moins toujours plus exigeantes, et comminatoires à ce degré que la dernière a pu être qualifiée d’ultimatum. Le général Weyler, afin de rendre plus difficile le recrutement de l’insurrection et de faire le désert devant elle, avait ordonné de rassembler et de retenir près de certaines villes les paysans et ouvriers auxquels la guerre enlevait leur travail et que la misère eût pu jeter dans les rangs de l’ennemi. D’où le nom de « concentrés », reconcentrados. Soit négligence, soit impossibilité de faire mieux, il semble que la condition de ces reconcentrados, placés ainsi en surveillance, ait été assez malheureuse et qu’enlevés de chez eux malgré eux, sous le drapeau espagnol ils aient parfois manqué presque du nécessaire. Les États-Unis ont demandé qu’ils fussent renvoyés dans leurs foyers et qu’on leur donnât les secours dont ils avaient besoin. Le gouvernement espagnol, à peine ce souhait exprimé, s’est empressé d’y accéder, et la Reine régente a pris l’initiative, pour leur venir en aide, de former un comité de dames patronnesses, à la tête duquel elle s’est elle-même inscrite. Sur ce point les États-Unis ont reçu, par conséquent, la satisfaction qu’ils se sont cru en droit de poursuivre, au nom de la simple « humanité ». Le second point devait exciter et a excité, en effet, plus de répugnances du côté espagnol, parce qu’il touchait au fond de la question. Les États-Unis demandaient que l’Espagne accordât un armistice aux insurgés cubains ; ce qui, indirectement, était leur reconnaître la qualité de belligérans réguliers : car, d’un gouvernement constitué et souverain à des sujets rebelles, — qui n’ont pas de gouvernement, qui ne sont ni une nation, ni un État, — dans la rigueur du droit, il n’y a point de belligérance. La concession de l’armistice, aux yeux des Espagnols, avait encore cet inconvénient de paraître préjuger une solution du différend cubain contraire aux intérêts et aux vœux de l’Espagne, de pouvoir passer pour la préface ou le préambule de la séparation. M. Sagasta a compris que concéder ce point, sans y être moralement forcé, serait mettre contre soi le sentiment espagnol et pousser aux excès un patriotisme chatouilleux sur l’honneur et avec lequel il ne faut pas jouer. Il a refusé, tout d’abord, et l’on a pu croire qu’une rupture était imminente. C’est à ce moment que le Souverain Pontife a proposé sa médiation, ou, plus exactement, son arbitrage. L’idée en a été accueillie à Madrid, par la majorité de l’opinion, avec faveur et reconnaissance, et il est singulier qu’elle ait réveillé ailleurs les susceptibilités protestantes et qu’on ait recommencé à crier comme jadis : « Pas de papisme ! No popery ! » — Eh quoi ! ne s’agit-il pas, ainsi qu’on se fait gloire de le dire, d’empêcher l’effusion du sang, de sauver des milliers de vies d’hommes ? Et si c’est de cela qu’il s’agit, s’il n’y a pas d’arrière-pensées, de combinaisons et de calculs, si l’on parle sans haine et sans hypocrisie, qui donc est en meilleure posture pour atteindre ce but sacré que « le vieillard sans armes, vêtu de blanc » :

Quel vecchio inerme, vestito di bianco ?

Serait-ce qu’entre une nation catholique et une nation en grande partie protestante, il y ait contre son impartialité cas de suspicion légitime ? Mais M. de Bismarck ne l’a pas suspectée dans l’affaire des Carolines, et quand Léon XIII a eu prononcé contre lui, il n’a pas fait appel de sa sentence. Où trouver au monde un arbitre qui soit placé en de pareilles conditions d’impartialité ; qui, pour ainsi dire, tienne moins à cette terre ; et sur qui, — précisément parce qu’il ne s’y rattache guère en aucun point particulier, parce que son domaine est de partout et de nulle part, — la force matérielle ait moins de prises ? S’il est un juge international désigné, c’est ce souverain supra-national, qui n’a d’État que l’Église universelle et de peuple que le troupeau des fidèles. Les grands évêques d’Amérique, le cardinal Gibbons et Mgr Ireland, non plus que les prélats américains qui vivent à Rome, Mgr O’Connell et Mgr Keane, n’avaient pas de doutes à ce propos ; ils savaient bien qu’on n’attendrait de leur religion nul sacrifice qui pût coûter à leur patriotisme. On s’adressait à Léon XIII au nom de l’humanité ; pasteur et père commun, il répondait au nom de Dieu. « Au nom de Dieu, écrivait-il à la reine Marie-Christine, je demande à Votre Majesté, si elle n’y voit pas un inconvénient, que je peux ne pas connaître, de fêter les saints jours où nous sommes, en accordant à Cuba une trêve, une suspension d’hostilités, pour que, les passions étant calmées, on retire enfin les résultats des efforts qui de plusieurs côtés sont faits au profit de la paix entre les sujets de Votre Majesté. » Appuyée par une double démarche des représentans des six grandes puissances à Madrid et à Washington, la prière du Pape a été entendue ; l’Espagne a consenti à l’armistice, et le Président Mac-Kinley a différé de quelques jours l’envoi de son message au Congrès. Si maintenant le sang cubain et le sang espagnol coulent encore, s’il doit bientôt couler et se mêler aux autres du sang américain, la faute n’en est ni aux puissances, ni au Pape, ni à l’Espagne ; mais seulement aux insurgés qui repoussent l’armistice sans l’indépendance, et aux États-Unis qui ne font peut-être pas pour la conciliation et pour la paix définitive tout ce que cette « humanité » qu’ils invoquent, leur commanderait, et que le juste souci de leur dignité ne leur défendrait pas de faire.

Que contient, en effet, à y regarder de près, le message de M. Mac-Kinley ? Beaucoup de phrases et de périphrases pour ne pas dire ce qu’il dit et dire ce qu’il ne dit pas. On imaginerait malaisément un document plus significatif sous son apparente insignifiance, plus clair sous sa verbosité diffuse, plus belliqueux sous son allure bonhomme. La proposition capitale, celle à laquelle il faut aller tout droit et qu’il faut retenir, est la suivante, et comme elle est la plus pleine, elle est aussi la plus courte : « La solution est à présent aux mains du Congrès. C’est une responsabilité solennelle. J’ai épuisé toutes les tentatives pour sortir de l’intolérable situation qui est à nos portes. Prêt à exécuter toute obligation qui m’est imposée par la constitution et par la loi, j’attends votre décision. » Ainsi, que le Congrès marche, M. Mac-Kinley le suivra. Cette déclaration faite, il importe peu que M. Mac-Kinley reconnaisse ou ne reconnaisse point aux Cubains la belligérance. S’il ne la reconnaît point, c’est qu’il a ses raisons : « La reconnaissance n’est pas nécessaire pour que les États-Unis puissent intervenir à Cuba dans l’intention de pacifier l’île. Lier notre pays, maintenant, par la reconnaissance d’un gouvernement quelconque à Cuba pourrait nous entraîner en des embarras d’obligations internationales envers l’organisation ainsi reconnue. » Les États-Unis doivent et veulent trouver à Cuba place nette, quand ils interviendront, quand le moment sera arrivé de voir « s’il existe dans l’île de Cuba un gouvernement capable d’assurer les devoirs et de remplir les fonctions qu’il a à remplir chez une nation indépendante ». Le reste du message est négligeable, même les quatre motifs que M. Mac-Kinley allègue à l’appui de l’intervention américaine et qui sont : 1° la cause de l’humanité ; 2° la protection des citoyens américains qui habitent Cuba ; 3° le préjudice sérieux subi par le commerce des États-Unis ; 4° la paix de l’Amérique compromise par les interminables insurrections cubaines. Relèvera-t-on enfin le passage, relatif à l’explosion du Maine, où, rappelant que l’Espagne a proposé une enquête d’experts étrangers dont elle acceptait par avance la décision, M. Mac-Kinley se borne à constater purement et simplement « qu’il n’a été fait aucune réponse à cette proposition » ? On le pourrait, s’il n’était inutile d’insister et si ce fait ne primait pas toutes les paroles, que « la solution est à présent entre les mains du Congrès ». C’est donc la suite que le Congrès entend donner au message du Président qui mesurera la vraie portée de ce message, en lui-même volontairement ambigu. Et c’est aussi l’écho dont il retentira dans les cœurs espagnols.

Or, si l’on peut en croire les dernières nouvelles, pour ce qui est du Congrès fédéral, la commission des Affaires étrangères de chacune des deux assemblées a délibéré hier sur la question. Celle du Sénat a déjà arrêté les termes de la résolution qui sera discutée aujourd’hui. Le texte en serait catégorique et supprimerait toute équivoque : la commission s’y prononcerait ouvertement pour l’emploi de la force afin de chasser l’Espagne de Cuba ; et il ne serait pas douteux que ces conclusions ne fussent adoptées. La commission de la Chambre montrerait un peu plus de prudence ou un peu moins de précipitation ; toutefois, les députés républicains se prononceraient pour l’intervention armée immédiate ; si l’autre parti contribue à former la majorité, ce qui, dit-on, est probable, la proposition conjointe pourrait être votée et, comme M. Mac-Kinley a renoncé à faire, dans ce cas, usage du veto présidentiel, il n’y aurait plus de recours, et ce serait la guerre. Il n’y a pas à se dissimuler que tout paraît l’annoncer, hélas ! et la préparer. Le consul général Lee a quitté la Havane, il est rentré à Washington ; le ministre américain à Madrid, le général Woodford, a expédié sa famille à Biarritz, s’est enfermé dans l’hôtel de la Légation, et il fait ses malles ; le ministre d’Espagne à Washington s’apprête à remettre ses services à notre ambassadeur, M. Jules Cambon.

La fierté castillane commence à déborder et gronde, tandis que le jingoïsme redouble aux États-Unis et fait rage. L’affaire n’est plus diplomatique, elle échappe à la direction des gouvernemens, au moins des deux gouvernemens espagnol et américain. En Espagne, ni M. Sagasta, ni le parti libéral, ni aucun parti, ni la monarchie même ne sont de force à se mettre en travers du courant, et s’ils reculaient au-delà de la ligne que cette fierté castillane elle-même leur trace, ils risqueraient d’être emportés. De même aux États-Unis ; ni M. Mac-Kinley, ni le Congrès, s’il en avait le désir qu’il n’a pas, ni le parti démocrate, ni aucun parti ne pourraient contenir et retenir plus longtemps une politique patiemment, infatigablement menée depuis 1815 ou 1820. Rien ni personne ne pourrait retarder l’heure, que l’on espère enfin venue, où se réalisera la prédiction de M. Adams et où, détachée de l’arbre espagnol, la pomme de Cuba tombera sur la terre américaine. Et ce sera une belle application de la doctrine de Monroe : l’Amérique aux Américains. Reste à savoir si les puissances européennes, — en première ligne celles qui, de droit historique, possèdent des colonies en Amérique, — n’auraient pas un mot à dire, si elles ne le diront pas, et si l’Amérique du Sud, l’Amérique latine, peut assister, impassible et indifférente, à cet envahissement de l’hémisphère occidental par l’Amérique anglo-saxonne.

Le Parlement français vient de s’ajourner au 1er juin. La Chambre des députés élue en 1893 n’est peut-être pas encore, légalement, tout à fait morte, mais elle est plongée dans une léthargie d’où l’on aime à penser qu’elle ne sortira pas, et M. Henri Brisson a déjà répandu sur elle les pleurs de son éloquence funéraire. Malgré ces larmes officielles, elle ne sera pas très regrettée. Peut-être n’a-t-elle pas mérité tout le mal qu’on a dit d’elle, mais elle n’a pas mérité non plus qu’on en dît trop de bien. Elle a été une des Chambres les plus flottantes, les plus incohérentes, les plus « déboussolées » que nous ayons eues, et si, vers la fin de sa vie, elle a semblé un peu se reprendre et se fixer, elle a fait payer au ministère sa fidélité toujours chancelante par cent quatre-vingts interpellations dans l’espace de moins de deux ans. « On ne canonise que les morts ! » disait-on un jour à Mgr Ireland, qu’on accusait d’être venu en France, à son retour de Rome, canoniser la République. « Encore faut-il, riposta l’archevêque de Saint-Paul, qu’ils aient bien vécu ! » Même lorsqu’elle sera définitivement morte, on ne canonisera pas cette Chambre : elle n’a pas assez bien vécu. — Puisse le suffrage universel, à qui la parole appartient maintenant, nous en envoyer une dont on fasse, quand elle nous quittera, une plus magnifique oraison funèbre !
CHARLES BENOIST
Le Directeur-gérant, F. BRUNETIERE

Francis Charmes
Chronique de la quinzaine
L’Espagne et les États-Unis
14 avril 1898
Revue des Deux Mondes, 4e période
tome 146, 1898 – pp 946-958

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Eloy Gonzalo (Monumento)
1868-1897
贡萨洛埃洛伊
Элой Гонсало
El Héroe de Cascorro
Plaza de Cascorro

PIAZZA CAVOUR – PLACE CAVOUR – Rome – Roma

Les Places de Rome
le Piazze di Roma
ROME – ROMA

Armoirie de Rome

 Photos Jacky Lavauzelle

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Flag_of_Lazio

le piazze di Roma
Les places de Rome
Rione Prati – Quartier Prati

PIAZZA CAVOUR
Monumento a Cavour

Piazza Cavour Place Cavour Rome Roma artgitato 0

CAMILLE CAVOUR
Camillo Paolo Filippo Giulio Benso
comte de Cavour
1810-1861
premier Président du conseil du royaume d’Italie

Camillo Cavour Camille Cavour Piazza Cavour artgitato

JARDIN DE LA PLACE CAVOUR
il giardino di Piazza Cavour
Réalisé par Nicodemo Severi entre 1895 et 1911
realizzato tra il 1895 e il 1911

Piazza Cavour Place Cavour Rome Roma artgitato 1 Piazza Cavour Place Cavour Rome Roma artgitato 3

« Le comte de Cavour n’était pas encore sorti de ces graves difficultés et déjà il en surgissait une nouvelle qu’il avait toujours redouté d’aborder. L’esprit provincial n’avait pas abdiqué devant l’élan patriotique qui avait envahi l’Italie entière. A Milan, à Florence, à Naples, on ne s’inclinait pas aisément devant la prépondérance de Turin. En cessant d’être Lombards, Toscans, Napolitains, les hommes du parti national ne se souciaient pas de devenir des Piémontais, et ils se demandaient quelle serait désormais la capitale du Royaume. Une seule ville pouvait faire taire ou concilier toutes ces rivalités. La question de Rome naquit ainsi de la constitution même de toutes les contrées en un État unique. Les groupes révolutionnaires l’avaient posée et résolue de tout temps : le siège du gouvernement italien, selon eux, devait être établi au Quirinal.  »
COMTE BENEDETTI
Le comte de Cavour et le prince de Bismarck
LA REVUE DES DEUX MONDES
TOME 137 – 1896

Piazza Cavour Place Cavour Rome Roma artgitato 4 Piazza Cavour Place Cavour Rome Roma artgitato 7 Piazza Cavour Place Cavour Rome Roma artgitato 8 Piazza Cavour Place Cavour Rome Roma artgitato 10 Monumento a Cavour Piazza Cavour Place Cavour Rome Roma artgitato 11 Monumento a Cavour Piazza Cavour Place Cavour Rome Roma artgitato 12 Monumento a Cavour

Monument à Cavour
Monumento a Cavour
Statue de bronze
statua bronzea

plateforme en granit et piédestal en marbre
piattaforma in granito e un piedistallo in marmo
allégorie de l’Italie et de Rome, de la Pensée et de l’Action
allegorie dell’Italia e di Roma, del Pensiero e dell’Azione
Stefano Galletti

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LE THEÂTRE ADRIANO
Il Teatro Adriano
« Politeama Adriano »
1898
7 juin 1898 : Mise en scène de la Bohème de Puccini
7 giugno – La bohème di PucciniPiazza Cavour Place Cavour Rome Roma artgitato 5 LE THEÂTRE ADRIANO Teatro Adriano

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Chiesa Valdese di Roma

Piazza Cavour Place Cavour Rome Roma artgitato 61 Chiesa Valdese di Roma Piazza Cavour Place Cavour Rome Roma artgitato 6 Chiesa Valdese di Roma

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Le Fontane Gemelle – Les Fontaines jumelles
Palazzo di Giustizia – Palais de Justice
il più grandioso tra gli edifici dell’epoca umbertina
La plus grand édifice du règne du roi Humbert
Fu voluto dal ministro Giuseppe Zanardelli
Commandé par le ministre Giuseppe Zanardelli
1889 -1911

Piazza Cavour Place Cavour Rome Roma artgitato 2 La Fontaine du Palais de Justice Piazza Cavour Place Cavour Rome Roma artgitato 9 Palazzo di Giustizia Piazza Cavour Place Cavour Rome Roma artgitato 91 Palazzo di Giustizia Piazza Cavour Place Cavour Rome Roma artgitato 92 Palazzo di Giustizia

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COMTE BENEDETTI
Le comte de Cavour et le prince de Bismarck
1ère Partie
LA REVUE DES DEUX MONDES
TOME 137 – 1896

« Les premières impressions de Cavour, ses premières manifestations furent d’une tout autre nature. Il était encore enfant que déjà il se révoltait contre un état de choses qui blessait tous ses instincts. Entré fort jeune et sans préparation littéraire à l’école militaire de Turin, il y fit de brillantes études scientifiques. Il fut choisi, parmi les cadets, pour faire partie du corps des pages ; cette faveur froissa son âme éprise déjà de liberté. Attaché en cette qualité à la maison du prince de Carignan, depuis le roi Charles-Albert, il se montra réfractaire aux devoirs de sa charge. Il déplut à ce prince et fut rayé du cadre des jeunes favorisés. Il a, depuis, révélé lui-même les sentimens qu’il apportait à la cour. A quelqu’un qui lui demandait comment les pages étaient habillés : « Parbleu, répondait-il, comment voulez-vous que nous fussions habillés, si ce n’est comme des laquais que nous étions ; j’en rougissais de honte. » Sorti de l’école dans les premiers rangs, il fut incorporé dans le génie ; il avait seize ans. Envoyé en garnison à Gênes, il s’y montra actif, laborieux, faisant preuve d’aptitudes qui le signalèrent à l’attention de ses chefs. Il s’y trouvait encore quand éclata la révolution de 1830 ; il y applaudit sans retenue, ne dissimulant pas des opinions libérales qui s’étaient affermies et développées dans un milieu que de vieilles traditions rendaient accessible aux mouvemens patriotiques. Dès ce moment, il eut, de la liberté ou plutôt des doctrines qui l’ont engendrée, une conception large et impérieuse. On envisageait à Turin autrement qu’à Gênes les événemens dont Paris avait été le théâtre. Charles-Albert n’avait rien oublié, et après son avènement au trône, en 1831, Cavour fut envoyé au fort de Bard qu’on jugeait opportun de mettre en bon état de défense. Cette disgrâce le blessa ; six mois après il donnait sa démission et il rentrait dans ses foyers. »

LES PONTS DE ROME : PONTE UMBERTO I ROMA

ROME – ROMA
PONTS DE ROME
Ponti Roma

Armoirie de Rome

Photos Jacky Lavauzelle

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PONTE UMBERTO I

UmbertoI_signature

105 mètres
Relie la Piazza del Tribunali (devant le Palazzo di Giustizia – Palais de Justice de Rome) et la Piazza Navona via la Via Zanardelli

Construit entre 1885 et 1895

UMBERTO I – HUMBERT Ier
1844-1904

Ponte Umberto I Roma Rome Montabone Luigi 1878

Ponte Umberto I Pont Umberto Ier Artgitato Ponte Umberto I Pont Umberto Ier Artgitato2 Ponte Umberto I Pont Umberto Ier Artgitato3

LES PONTS DE ROME : PONTE REGINA MARGHERITA – PONTI ROMA

ROME – ROMA
PONTS DE ROME
Ponti di Roma

Armoirie de Rome

Traduction & Photos Jacky Lavauzelle

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Flag_of_Lazio

PONTE REGINA MARGHERITA

103 mètres
Construit entre 1886 et 1891
Dédié à la Reine Marguerite de Savoie
Margherita Maria Teresa Giovanna di Savoia
Epouse du roi Umberto I
Consorte di Re Umberto I

Margherita Maria Teresa Giovanna di Savoia Queen Margharitha di Savoia

Umberto_I_di_Savoia Umberto I Ponti di Roma Les Ponts de Rome artgitato

trois arches – tre arcate


Progettista Angelo Vescovali
Concepteur Angelo Vescovali
[1826-1895]
[Ponte Garibaldi, Ponte Umberto I, Ponte Palatino, Ponte Regina Margherita e Ponte Cavour]

 

Ponte Margherita Roma Rome 2 Ponte Margherita Roma Rome 3

Ponte Margherita Roma Rome 5 Fiume tevere Ponte Margherita Roma Rome 4 Ponte Margherita Roma Rome

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Photos Jacky Lavauzelle
artgitato
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Ponti Roma
Les Ponts de Rome

Fäderna av Erik Axel Karlfeldt – Poème Suédois de Karlfeldt – NOS PERES

karlfeldt dikter
Dikter av Erik Axel Karlfeldt

Traduction – Texte Bilingue
Erik Axel Karlfeldts dikter
Karlfeldt poet
Poesi
Poésie


LITTERATURE SUEDOISE
POESIE SUEDOISE

Svensk litteratur
svensk poesi


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Traduction Jacky Lavauzelle

Erik Axel Karlfeldt
1864 – 1931

översättning – Traduction

Vildmarks och kärleksvisor
CHANTS DES BOIS ET CHANTS D’AMOUR
1895

Fäderna

Nos Pères

Ej finns deras namn på hävdens blad
Ils n’ont pas leurs noms sur les journaux
 – de levde i ringhet och frid –
Ils vécurent dans l’honneur et la paix
men jag skönjer ändå deras långa rad
mais je discerne toujours leur longue portée
allt upp i den urgrå tid.
jusqu’aux temps les plus anciens.

*

Ja, här i det gamla Järnbärarland
Oui, ici, dans cet ancien pays du fer
  de bröto åker på älvens strand
ils  partaient sur la rive de la rivière
och malm ur gruvan bredvid.
et sortirent le minerai de la mine voisine.
De kände ej trältjänst, förstodo ej krus,
Sans se courber, sans manières,
  de sutto som drottar i eget hus
tel un seigneur dans sa propre maison
och togo sitt högtidsrus.
buvant et festoyant.

*

  De kysste flickor i livets vår,
Ils embrassaient les filles au printemps de la vie,
en vart deras trofasta brud.
et prenaient une fidèle épouse.
De ärade kungen, de fruktade Gud
Honorant le roi, craignant Dieu
 och dogo i stillhet, mätta av år.
ils mourraient enfin en silence, saturés d’années.

*

Mina fäder!  I smärtans och frestelsens stund
Mes pères ! Quand la douleur et la tentation sont là
fick jag styrka vid tanken på er.
je reprends des forces grâce à vous.
Som ni vårdat och älskat ert ärvda pund,
Comme vous avez soigné et aimé ces livres reçus en héritage,
vill jag småle nöjd åt vad ödet ger.
Je souris satisfait de ce que le destin apporte.

*

 Vid njutningens vinkande överflöd
Face aux plaisirs abondants faciles
har jag tänkt på er kamp, på ert torftiga bröd:
je pense à vos luttes, à votre pain maigre:
har jag rätt att begära mer?
Ai-je le droit d’en demander plus ?

*

 Det har svalkat som bad i den strömmande älv,
Refroidi comme la rivière qui coule,
när mot lustan jag kämpat mig trött,
quand contre la convoitise je me suis battu longuement,
det har lärt mig att rädas mitt eget kött
j’ai appris à craindre ma propre chair
mer än världens ondska och satan själv.
plus que le mal et que Satan lui-même dans le monde.

*

Mina fäder, jag ser er i drömmarnas stund,
Mes pères, je vous vois en rêve,
och min själ blir beklämd och vek.
et mon âme s’angoisse et se retourne.
  Jag är ryckt som en ört ur sin groningsgrund,
Je me sens arraché comme une herbe par des mains,
  halvt nödd, halvt villig er sak jag svek.
pas assez près, pas assez proche, il me semble avoir échoué.

*

 Nu fångar jag toner ur sommar och höst
Maintenant, je prends les tonalités de l’été et de l’automne
och ger dem visans lekande röst:
et je prends une juste voix enjouée :
låt gå, det är också ett värv.
je me laisse aller, et c’est tout aussi important.

*

 Men klingar det fram ur min dikt någon gång
Mais mon poème parfois
en låt av stormsus och vattusprång,
chante le bruissement de tempête et la chute d’une cascade,
en tanke manlig och djärv,
une audacieuse pensée d’homme,
finns där lärkspel och vårljus från fattig hed
des jeux de lumière du printemps sur la lande
och suckar ur milsdjup skog –
et des soupirs de la forêt aux profondeurs infinies 
ni ha sjungit det tyst genom många led
Vous les avez chanté tranquillement souvent
vid yxans klang, bakom fora och plog.
au son de la hache, derrière la charrette et la charrue.


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Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO
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Karlfeldt poesi
karlfeldt dikter

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