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Régis GIGNOUX : L’APPEL DU CLOWN (1923 au Théâtre du Grand Guignol)

Régis GIGNOUX
L’APPEL DU CLOWN
(Théâtre du Grand Guignol – le 23 mars 1923)

Régis Gignoux L'appel du clown 1923

 

 

 

 

 

 

BIM-BOUM-BEM-BAM-BOM-BÂOOOOOOOOO !!!!!!!

 L’Appel de la forêt, The Call of the Wild, le livre de Jack London sort en 1903 ; le livre suit les pattes du chien Buck qui finira par revenir vers une meute dans le Yukon et devenir enfin un mâle dominant. Notre mâle dominant se nomme Punch (M Gobet) et il attire la Dame (Jane Ader) dans L’Appel du clown, la pièce de théâtre en un acte jouait pour la première fois à Paris en 1923. Le Yukon glacial devient le Théâtre du Grand Guignol.

 

Gignoux L'appel du clown

Comme le loup dans sa forêt du nord-Canada, Punch lance un cri bestial et sauvage.  Ce cri peut enflammer un cœur désespéré. Un moment de fascination extrême et c’est tout le mondequi  bascule. Ce n’est pas son talent, son physique de clown, ses instruments, «-Non, c’est au moment où la salle éclate de rire, se tord en tire-bouchon que j’ai vu votre amoureuse, toute pâle, l’œil fixe, la narine dilatée, les lèvres tremblantes…au moment où vous reculez du piano, comme poursuivi par une bête, et où vous faites « bim-bem-bim-bâo » !  Je ne sais pas faire…ça commence par un cri de chien à la patte cassée, puis c’est un barrissement d’éléphant, un carillon d’amygdales, et votre voix finit en borborygme… »Bim-bem-boum-be-bi »…(Il tousse) Non…Je ne sais pas faire… (Le Monsieur) – Bim-boum-bem-bam-bom-bâooo ! (Punch) – Merveilleux ! Vous savez, vous ! Vous faites ça à volonté, sans effort…Je vous envie…Parce que j’ai essayé …Oui, monsieur…Elle a voulu que j’essaie…elle a exigé…Tout un après-midi, j’ai cherché, j’ai travaillé, j’ai gargouillé. Vous riez ! …Je vous comprends…Résultat : je me suis déchiré la gorge, avec inflammation de la glotte. (Le Monsieur) » (Scène 1)

Ce Bim-boum-bem-bam-bom-bâoo, c’est l’inexplicable, l’incompréhensible. Le trou noir de l’intelligence. Ce rien qui fait perdre tous les moyens. Cet appel de la forêt. Ce retour de l’animalité. L’appel du loup pour que la meute se forme et que les couples s’accouplent. Ce moment d’étrangeté qui accapare le réel et le domine, le soumet. Le Monsieur pose la question à Punch, le clown : «  Mais, entre nous, pourquoi est-ce bim-bada-boum qui l’a ravie, qui l’a affolée, qui l’a appelée ? Elle oublie tout, elle méconnaît tout pour répondre, à cet appel d’un inconnu, d’un rigolo, l’appel du clown…Comprenez-vous cette attraction, ce mystère, ce symbole ? » (Le Monsieur, Scène 1)

Régis Gignoux théâtre du Grand Guignol

Régis Gignoux se réfère au plus célèbre des clowns, Grock, le clown suisse, qui, dès 1922 fait sa tournée en France à L’Empire. Il utilise pour habiller Punch la même grande veste et le pantalon trop large qu’utilisait parfois Grock dans ses spectacles. Comme lui, il est reconnu et parcourt le monde entier. Il ne peut proposer à le Dame amoureuse qu’un rendez-vous dans plusieurs mois, plusieurs années. A la femme dans l’attente, il lui répond que, au mieux, il aura son premier jour de libre en 1926, trois ans plus tard : «  « Regarde ! …Encore huit jours ici, puis l’Angleterre, Londres, Manchester, Liverpool, matinée et soirée tous les jours…Oh ! la ! la ! …Après Copenhague, Stockholm…Christiania, pays pas gais, mais le change est bon…puis l’Amérique : que des chemins de fer, mais rien à faire dans le Pulmann à cause des nègres. Donc, 1923, 1924, on n’en parle pas ; 1925, toujours là-bas ; 1926, Paris du 4 au 7 janvier… » (Punch, scène 4)

Le clown Grock en 1903

Il arrivera à faire pleurer la Dame et de cette vie qu’elle imaginait merveilleuse et trépidante, à force de la rendre terne, routinière et usante : « – Le thé ! Cochonnerie ! Ça coupe l’appétit. Et je dîne de bonne heure. Faut que j’aie digéré avant mes quarante minute de bastringue…Alors bifteck, légumes verts, compote et une vieille bouteille d’Evian…C’est triste le succès. Il nous prive de tout. Je ne peux pas risquer d’être malade. Dans nos métiers, la vogue dure entre cinq et dix ans. Si tu n’as pas fait ta pelote, tu finis malheureux dans les boîtes. Alors, tu comprends, pas de blagues avec le travail, comme je disais au Monsieur ! » (Punch, scène 4)

A force de noirceur, la Dame retrouvera son homme, toujours là, à attendre, « Elle a eu une grande déception…Elle a fait un mauvais voyage…Heureusement que vous l’attendiez à la gare… » (Punch, scène 5) Et c’est dans les bras de son homme qu’elle repartira. Et Punch partira dans un « Bim-boum-bem-bam-bom-bâoo !. »  tonitruant. La belle est désormais vaccinée.

La notoriété de l’artiste, les feux de la rampe en attirent plus d’une dans les raies des lumières des  projecteurs. Mais l’aventure n’est pas où l’on croit : « Voici cet « envers du music-hall » cher à Madame Colette. M Régis Gignoux, lui aussi, oppose la réalité à la façade trompeuse. Mais il ne montre pas d’humbles détresses sous le sourire fardé, ni la mélancolie de la vie errante parmi les chambres d’hôtel solitaires et sans feu. Son clown qui a tourné la tête d’une jeune femme romanesque, est un gentleman méticuleux, soucieux de sa forme et de son hygiène et de son confort, qui tient registre de ses déplacements plusieurs années à l’avance et administre son art en parfait commerçant. La bohème, c’est bon pour la littérature : M Régis Gignoux, plus véridique, nous donne une leçon de bourgeoisie dans une loge de pitre. » (Robert de Beauplan, La Petite illustration n°158 du 18 août 1923)

 

L'appel du Clown 1923

Bien au contraire, Punch sait qu’il a tous les pouvoirs sur ce cœur ensorcelé. Il peut agir à sa guise. Mais il a vu le mari, malheureux et profondément amoureux dans sa loge. Il se doit, depuis le début, de démythifier son personnage. Elle ne le voit pas lui, mais elle voit une icône, un cri. Il la reconduit sur le bon quai de la gare. Il sait qu’il ne pourra que la rendre malheureusement et qu’elle l’aime pour de mauvaises raisons. Le clown a du cœur. Comme dans Tour est bien qui finit bien, de William Shakespeare, à la comtesse qui dit au clown qu’il restera un faquin calomniateur, celui-ci répondra  :  « Je suis un prophète, Madame, et c’est par le chemin le plus court que la vérité doit être dite. » (Acte I, scène 3)

Jacky Lavauzelle

Henri DUVERNOIS (Seul 1922) TROMPEUSES APPARENCES

HENRI DUVERNOIS

SEUL
(Comédie en un acte)
Première, le 28 octobre 1922
Au Théâtre du Grand Guignol

 Henri Duvernois SEUL Théâtre

TROMPEUSES

APPARENCES

 La publicité ou la réclame, cette forme achevée de la société du spectacle, dirait les situationnistes, n’est pas naît en 1922, mais elle trouve un essor particulier dans ces années après-guerre, comme ensuite avec la naissance de la télévision ou d’internet. Après les années qui suivent la Grande Guerre, les ouvrages se tapissent de réclames pour le corps et la santé. Il faut jouir du monde, il faut plaire. Il faut oublier cette mort qui, pendant quatre années, a occupé les pensées, les journaux, les conversations. L’apparence prend désormais une place primordiale. Il faut sortir et se montrer. Il faut séduire et paraître.

Henri Duvernois nous propose plus qu’un portrait d’artiste, il nous livre toute une époque en un acte. Cette volonté de jouissance habite notre artiste et son ami, comme il parfume cette riche bourgeoise. La nôtre est jeune, très jeune « on ne dirait pas qu’elle est naît en 1900…pendant l’Exposition…non, ça paraît trop vieux, trop loin…On ne dirait même pas qu’elle est naît d’hier…On croirait qu’elle est née aujourd’hui, pour la rage des dames et la perdition des messieurs… » L’époque va vite, si vite que le temps s’y perd. Il faut donc manger à la table du soir et manger à se faire exploser la pense. L’amour aussi. Les coups de foudre se succèdent, « Au bout de cinq minutes, j’étais follement épris… »

Eugène Bricot, joué par M Gobet lors de la première au Théâtre du Grand Guignol, en octobre 1922, est un poète à fort potentiel. Sa pauvre chambre, avec un  « ameublement à la fois sordide et prétentieux », un « rideau d’une penderie cache des vêtements », décrite en introduction résume déjà la pièce : cacher sa pauvreté, paraître important, savoir se donner des airs afin de pouvoir parcourir les lieux mondains de la ville.

Madame Frutte, jouée par Mme Hellé, la femme de ménage, s’amuse même à faire le rapide et pauvre descriptif de ce qu’elle trouve dans l’appartement : « dans le buffet ! Il a des inventions. Voyons que je marque…Une chemise…il a l’autre sur lui…Un faux-col… il a l’autre sur lui…Et qu’est-ce que c’est encore. (Elle sort un plastron et une paire de manchettes qui tiennent au bout de ficelles.) Ah ! oui…Je vois ce que c’est…Il sera allé au bal…C’est pour l’habit de soirée…Une drôle de mode…Faudrait pas avoir à se déshabiller…Un mouchoir…il a l’autre sur lui…Un point, c’est tout…La vaisselle, maintenant. (Elle met une fourchette, un couteau et une assiette dans une terrine.)…Je mange mieux que lui ! …(Elle tire le rideau et passe un coup de brosse sur les vêtements qui sont pendus.) Faut pas trop les bousculer, ils ne voudraient plus rien savoir… »

Henri Duvernois SEUL Théâtre du Guignol

Et cet Eugène, le poète, martyrise la poésie de la même manière, « je suis poète, mais je n’aime pas les descriptions. »  Sa prétention s’affiche, « je suis malin ! », « je dis ça parce que j’en suis sûr ! », il est comme son ami, joué par M. Scott, qui lui dit : « je suis comme toi, j’aime mieux parler qu’écouter. » La poésie reste un excellent moyen de rentrer et briller dans les soirées mondaines.

RECLAMES (4)

Et la femme du monde, Eugène l’a trouvée, Suzanne Hellas-Dellesponte, jouée par Madame Daurand. Il a sorti le grand jeu : « je crois que j’ai été très éloquent, très…Une éloquence un peu vieux jeu, une éloquence un peu pompier…Que veux-tu ? On a beau être de son temps, il y a des minutes où il faut sortir les petites fleurs et les petits oiseaux…J’ai  trouvé les phrases qu’il fallait dire…si émues, si poétiques !… »

A force de discours pompeux, il ne sait même plus reconnaître le vrai du faux. Dans l’excitation de la soirée, le vin aidant, il en devient « sincère » : « Et, surtout, j’étais sincère ! J’allais ! J’allais !…Elle était comme grisée. Elle murmurait : « Encore ! C’est si bon ! C’est si beau ! C’est si grand ! Monsieur Bricot, parlez-moi encore des étoiles. Personne n’a parlé des étoiles comme vous…On est comme transportée. »

Le poisson rentre dans le filet, seul et heureux. « Si bien qu’à la fin sa tête est tombée sur mon épaule et qu’elle a promis de venir chez moi…Enfin, je ne sais pas si elle a peur de trop m’aimer, mais ce dont je suis sûr, c’est qu’elle m’admire ! »

RECLAMES (2)

Il est tellement certain de l’avoir hypnotisée, qu’il lui a donnée un rendez-vous dans sa chambre loqueteuse. C’est même désormais un atout. Elle est riche, elle veut de la folie, de la poésie, elle veut sublimer cette réalité. Elle ne recherche pas un parti, elle veut du rêve. « Cette grande dame qui a un hôtel rue de la Faisanderie, des automobiles, des larbins, des perles et des zibelines. C’est la Marchesa d’Amaëgui qui vient rendre visite à son poète. »

Entre temps, les deux amis sortent et Suzanne arrive. Le moindre petit écrit qu’elle trouve la transporte. Elle est aux anges. Tous ces mots transforment le réel en quelque chose de magnifique  et de luxuriant : « Exquis ! Quel mystère ! Magnifique ! Splendide ! La mouche en feu…Et je comprends tout ! C’est un cri qui sent le cuir…en y réfléchissant…l’acajou est si bien ciré que les cols de cygne semblent incendiés quand il y a du soleil…Je comprends tout ! C’est merveilleux ! Merveilleux ! »

RECLAMES (3)

Elle se cache derrière un rideau, avec des petits trous, « il y a des trous pour voir, qu’on dirait faits exprès »,  afin de faire une surprise à son poète. Malheureusement, celui-ci, à son retour, montre sa vraie nature, grossière et intéressé. « Le menu de monsieur : Fromage de tête…Roquefort. (Lisant la bouteille) ‘Château des ducs d’Annonay’, poil au nez ! Mazette ! Tu te soignes, Eugène ! Cher monsieur, mettez –vous donc à votre aise…On transpire chez vous, madame la duchesse ! Ah ! qu’on est bien!…Je tombe la veste ! Je la tombe…Une ! Deux ! Le pantalon…Ne vous gênez pas, je t’en prie…Les bretelles…zou ! Trois, les godasses…la gauche…v’lan ! (Il lance une bottine)  La droite…v’lan ! (Il l’autre et considère son orteil qui passe par la chaussette trouée.) Vous avez là, monsieur, un bien joli orteil…Oh ! le petit coquin qui prend l’air ! (Il l’agite dans la direction du rideau.) Bonjour ! Bonjour ! De toute évidence, la mère Frutte est la dernière des vaches. C’est plus sale ici que quand elle est entrée. (Il se campe devant la petite glace) Joli garçon ! Vieille chanson :  « Elle disait Qu’elle venait De la messe et du sermon. C’était pas vrai, Elle venait, De se fair’ chatouiller l’menton !Ton ton taine, ton ton ton »  (Il s’approche de la glace) Ton, ton, taine…un gros bouton ! Mais tu as de l’acné, mon chéri…  « Lacné, ton doux regard se voile » (Il presse sur le bouton.) Envoyé ! A pu d’bouton, le p’tit coco. (Il prend la pose et annonce successivement : les jambes écartées et croisant les bras.) L’Arlequin du Saint Marceaux. (La main sur la garde d’une épée imaginaire.) Le mignon Henri III. (Sombre et le poing au menton.) Charles-Quint devant le tombeau de Charlemagne ! Je vas me foutre à poils, tonnerre de bonsoir ! »

RECLAMES (5)

Il se met à sa table de travail, Suzanne toujours épiant derrière le rideau, de plus en plus étonnée, effrayée. La poésie sera tout autant martyrisée. « Et maintenant, au travail…Qui c’est qui va fumer une bonne pipe ? C’est kiki ! Au travail !…A moi le système breveté !…Le dictionnaire, le coupe-papier. (Il prend le coupe-papier et l’envoie au hasard dans les feuillets d’un dictionnaire.) P. Pouzzolane ! terre volcanique rougeâtre que l’on rencontre près de Pouzzole, en Italie…Bon ! (Il refait la même opération.) T. Thermal… Ah ! Pouzzolane ! Souvenir thermal….Le gaz de ton tonneau thermal, Pouzzolane ! Et puis, crotte…Crotte…et recrotte ! … « 

Henri Duvernois SEUL Théâtre du Guignol 1922

Quand il voit le rideau bougé, comprenant qu’une personne se trouve chez lui, il se montre peureux et lâche : « Sortez d’ici, s’il vous plaît…Halte ! Hand up ! Je me rends ! Prenez tout ce que vous voudrez ! » C’est Suzanne qui se découvre et qui le rassure, « N’ayez pas peur ! …Ce n’est que moi ! »

Suzanne a donc vu le véritable Eugène, faux et lâche. Suzanne  semble perdue pour lui. Pourra-t-il la récupérer ?  C’est l’enjeu de la pièce. Comment, à ce point de déchéance devant l’être convoité, pourra-t-il remonter la pente ? 

D’abord, il fait le point sur lui, ce qu’il est réellement. Il fait le détail de tous ses défauts. Il prend le parti de la transparence. Il va ainsi l’attendrir. « J’aurais voulu paraître devant vous beau, élégant, idyllique…et je vous ai offert ça ! Mes chansons…ce déshabillé de cocu…de cocu de vaudeville…ma pauvre gueule…la pauvre gueule qu’on fait quand on se croit seul et que tout de même on n’est pas expressément heureux…Vous m’avez vu manger avec mes doigts comme un porc, boire à même le litre, comme  un routier…J’ai démonté devant vous le mécanisme de mon petit métier…Oui…je vous ai fait rentrer dans les coulisses du Guignol…Vous avez vu ce que c’était que l’inspiration : un coupe-papier et un dictionnaire…Par les trous de ce rideau, vous avez pu contempler mon orteil qui vous a fait un petit bonjour…J’ai été grotesque…Mais attendez un peu le bouquet ! Pas seulement grotesque…Lâche aussi… »Hands up ! Je me rends ! Prenez ce que vous voulez !… » Donc, grotesque, lâche,…idiot, grossier, écœurant… »

Il lui propose ensuite de tout oublier. Si lui n’est qu’un homme ordinaire, elle doit être une femme exceptionnelle, une grande âme. Elle seule peut dépasser tout ça. Elle a bien voulu dépasser la misère de l’appartement, la pauvreté de l’artiste. Pourquoi ne ferait-elle pas de même avec son âme. Il n’est pas un grand poète, soit ! Mais elle est une grande Dame. «Jje vous demande de faire l’effort le plus énorme, le plus magnifique qu’une femme déçue ait jamais tenté…Je vous demande l’impossible…Ecoutez, madame, écoutez, Suzanne, je vous demande de considérer tout ça comme nul et non avenu ! »

Suzanne accepte tout, toutes les conditions d’Eugène. Il ne lui reste plus qu’à reconstruire autour de Suzanne le monde qu’elle attend. Il faut tuer cette image précédente, « Ah ! Suzanne, vous êtes-vous jamais demandé pourquoi l’on représentait l’amour avec un arc et des flèches ? …C’est parce qu’il tue le ridicule…simplement… »

Et Eugène hypnotise enfin Suzanne, et comme son Ami, au début de la pièce, il devient le serpent devant le petit mulot ou l’oiselet sans réaction : « vous ne connaissez pas…, vous ne m’entendrez plus…vous ne regarderez plus…vous me verrez beau…vous me trouverez drôle…tu gronderas tout à l’heure la mère Frutte…tu te pencheras…tu me traiteras…reste avec moi et tu verras…Dis, tu veux bien rester ? (Suzanne enlève son chapeau.) Ah ! tu veux bien ! tu veux bien !… » Régis Gignoux dans Comœdia soulignait qu’ « après des fouilles précises, il suffit d’un dernier coup de pioche pour qu’une Vénus sorte de terre, nue comme la Vérité. »

Eugène a réussi. Suzanne tombe dans ses bras comme un fruit mûr. Elle ne s’appartient plus. Eugène a réussi son tour de magicien, rattraper une situation qui semblait totalement perdue, se sauver de la situation la plus ridicule et grotesque. Il a utilisé les grands moyens, mais « qu’importe le flacon… »

Jacky Lavauzelle

Henri Duvernois SEUL Théâtre du Guignol Première le 28 10 1922

Les Rôles et les acteurs lors de la première :
Eugène Bricot est joué par M Gobet
L’Ami par M Scott
Madame Hellas-Dellesponte est jouée par Madame Daurand
Madame Frutte est jouée par Mme Hellé

Texte : La Petite Illustration n°140 du 7 avril 1923