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CATULLE CATULLUS XI – Ad Furium et Aurelium – À FURIUS ET AURELIUS

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CATULLE CATULLUS XI

litterarumLittérature Latine
Catulle

Poeticam Latinam

Traduction Jacky Lavauzelle

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CATULLE – CATULLUS
84 av J.-C. – 54 av J.-C.

POESIE X

Ad Furium et Aurelium

À FURIUS ET AURELIUS

Furi et Aureli comites Catulli,
Furius et Aurélius, compagnons de Catulle
sive in extremos penetrabit Indos,
Pénétrant les lointaines Indes,
 litus ut longe resonante Eoa
où les rives Orientales résonnent
tunditur unda,
de leurs ondes,
sive in Hyrcanos Arabesve molles,
Marchant dans la lascive Arabie,
seu Sagas sagittiferosve Parthos,
Ou au cœur de la Parthie aux terribles archers,
sive quae septemgeminus colorat
Ou sur les sept embouchures
aequora Nilus,
que le Nil colore,
sive trans altas gradietur Alpes,
Que ce soit sur les hauteurs des Alpes,
Caesaris visens monimenta magni,
Pour visiter les monuments du grand César,
Gallicum Rhenum horribile aequor ulti-
Le Rhin Gaulois ou les horribles
mosque Britannos,
Bretons
omnia haec, quaecumque feret voluntas
Dans toutes ces contrées, conduit par la volonté des
caelitum, temptare simul parati,
Dieux, partout vous me suivez fidèlement,
pauca nuntiate meae puellae
Je vous demande désormais d’apporter à ma maîtresse
non bona dicta.
Ces mots tranchants :
cum suis vivat valeatque moechis,
Qu’elle vive et profite de l’amour,
quos simul complexa tenet trecentos,
à enchaîner des centaines d’amants,
nullum amans vere, sed identidem omnium
En vérité sans nul amour véritable, mais qu’encore et encore, un à un,
ilia rumpens;
Elle les brise ;
nec meum respectet, ut ante, amorem,
Qu’elle n’attende plus mon amour,
qui illius culpa cecidit velut prati
Qui par sa faute est mort
ultimi flos, praetereunte postquam
Comme une fleur saccagée
tactus aratro est.
Au passage d’une charrue.

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À FURIUS ET AURELIUS

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Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO












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Catulle – Catullus
X

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LA CANAILLE & LES DELICATS
par Ferdinand Brunetière
1882

On a voulu faire de Catulle, sans arguments bien solides, un poète aristocratique, un poète du grand monde, comme de sa Lesbie, sur des inductions plutôt que sur des preuves, ce que Brantôme appelait « une grande et honnête dame. » Je persiste à ne pas croire, pour ma part, que Lesbie fût la célèbre Clodia, mais je crois que bon nombre des fréquentations de Catulle furent parmi la bohème littéraire de Rome. Au surplus, la conciliation n’est pas si difficile. Ce que nous savons, en effet, c’est que, lorsque l’adolescent de Vérone arriva de sa province dans la capitale, il y subsistait, sous le raffinement de quelques habitudes, sous l’étalage du luxe et sous l’apparence de la civilisation, un grand fonds d’antique brutalité romaine. Si nous en pouvions douter, nous rapprendrions au moins de certaines épigrammes de Catulle lui-même, plus grossières que mordantes, et dont l’outrageuse crudité passe tout. C’est bien fait à M. Rostand de nous les avoir traduites. On ne peut pas juger d’un poète en commençant par faire exception de toute une partie de son œuvre, qui peut-être est celle que les contemporains en ont presque le plus goûtée. Là où Catulle est bon, il va jusqu’à l’exquis, et c’est bien de lui que l’on peut dire aussi justement que de personne qu’il est alors le mets des délicats ; mais là où il est grossier, il l’est sans mesure, et c’est bien encore de lui que l’on peut dire qu’il est le charme de la canaille. Or, à Rome, en ce temps-là, dans le sens littéraire de l’un et l’autre mot, la canaille et les délicats, c’était presque tout un. On ne distinguait pas encore, selon le mot d’Horace, la plaisanterie spirituelle de l’insolente rusticité. La curiosité de l’intelligence, vivement éveillée, capable de goûter les finesses de l’alexandrinisme, était en avance, pour ainsi dire, sur la rudesse des mœurs et la vulgarité des habitudes mondaines. Quand on grattait ces soupeurs qui savaient apprécier les jolies bagatelles du poète, on retrouvait le paysan du Latium, qui s’égayait, au moment du vin, à faire le mouchoir. La raillerie, comme à la campagne, s’attaquait surtout aux défauts ou disgrâces physiques. Je sais bien que, jusque dans Horace, la grossièreté du vieux temps continuera de s’étaler, mais ce ne sera plus de la même manière naïvement impudente. Au temps de Catulle, la délicatesse n’avait pas encore passé de l’esprit dans les manières. Quand il s’élevait seulement un nuage sur les amours du poète et de sa Lesbie, le docte traducteur de Callimaque s’échappait en injures de corps de garde. Cette société très corrompue ne s’était pas encore assimilé la civilisation grecque. Elle s’essayait à la politesse, elle n’y touchait pas encore. Et sous son élégance toute superficielle, elle manquait étrangement de goût. — Il me paraît que, si l’on examinée quel moment de notre histoire la plupart de ces traits conviennent, on trouvera que c’est au XVIe siècle, dans le temps précis que le contact des mœurs italiennes opérait sur la cour des Valois le même effet qu’à Rome, sur les contemporains de César, le contact des mœurs de la Grèce.

Ferdinand Brunetière
Revue littéraire
À propos d’une traduction de Catulle
Revue des Deux Mondes
Troisième période
Tome 54 –  1882

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CATULLE CATULLUS X Varus me meus ad suos amores LA MAÎTRESSE DE VARUS

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CATULLE CATULLUS X

litterarumLittérature Latine
Catulle

Poeticam Latinam

Traduction Jacky Lavauzelle

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CATULLE – CATULLUS
84 av J.-C. – 54 av J.-C.

POESIE X

Varus me meus ad suos amoreserani

 

LA MAÎTRESSE DE VARUS

Varus me meus ad suos amores
Varus m’entraîne vers l’objet de sa flamme
 visum duxerat e foro otiosum,
M’ayant trouvé au milieu du forum ;
 
scortillum, ut mihi tum repente visum est,
Je rencontre sa maîtresse qui me semblait,
 
non sane illepidum neque invenustum.
Au premier abord, non sans charme ni beauté.
 
Huc ut venimus, incidere nobis
Quand nous arrivâmes, nous parlâmes
 
sermones varii: in quibus, quid esset
De sujets divers : notamment
iam Bithynia; quo modo se haberet;
Sur la Bithynie*; ce qui s’y déroulait;
et quonum mihi profuisset aere.
Et s’y j’en avait tiré quelques profits
 Respondi id quod erat, nihil neque ipsis
Je lui ai répondu qu’à la vérité ni moi
 nec praetoribus esse nec cohorti,
Ni le préteur, ni ma maison,
 
cur quisquam caput unctius referret,
ne nous étions enrichis ;
praesertim quibus esset irrumator
La raison venait avant tout de la débauche
 
praetor, nec faceret pili cohortem.
Du préteur, et de son peu d’intérêt dans notre entreprise.
« At certe tamen » inquit « quod illic
« Du moins cependant» dit-elle, «il s’y trouve
 natum dicitur esse, comparasti
D’incomparables porteurs
 
ad lecticam homines. » Ego, ut puellae
De litière. » Moi, afin de passer aux yeux de la fille
 
unum me facerem beatiorem,
Comme plus chanceux que les autres,
« non » inquam « mihi tam fuit maligne,
« Non» ,dit-je, «je ne peux pas me plaindre,
 
ut, provincia quod mala incidisset,
Dans cette province qui ne m’a pas si bien réussi,
 
non possem octo homines parare rectos. »
J’ai emporté huit porteurs gaillards ».
At mi nullus erat nec hic neque illic,
Il est vrai que je n’avais personne, ni ici ni ailleurs,
 fractum qui veteris pedem grabati
De porter même les restes d’un ancien grabat
 
in collo sibi collocare posset.
Sur ses épaules !
 
Hic illa, ut decuit cinaediorem,
Elle, impertinente, me demanda :
« quaeso » inquit « mihi, mi Catulle, paulum
«Pouvez-vous, mon cher Catulle 
 istos commoda, nam volo ad Serapim
Me prêter ces hommes car je souhaite aller au Temple de Sérapis**. »
 « 
deferri. » « Mane, » inquii puellae,
« Attendez ! » dis-je à la belle,
« istud quod modo dixeram me habere,
« Quand je dis que je les avais,
fugit me ratio: meus sodalis
Je voulais dire : un ami les a apportés,
Cinna est Gaius – is sibi paravit;
Mon ami Cinna Caïus lui-même ;
 
verum utrum illius an mei, quid ad me?
Mais peu importe qu’ils soient à moi ou à lui ?
 
Utor tam bene quam mihi pararim.
Je les utilise à mon gré comme si je les avais payés.
 
Sed tu insulsa male et molesta vivis,
Mais comme vous êtes déplaisante et ennuyeuse
per quam non licet esse neglegentem! »
 De ne pas accepter la moindre négligence de langage ! »

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NOTES

*La Bithynie se trouve au nord-ouest de l’Anatolie, actuelle Turquie. Les grandes citées sont Nicomédie, aujourd’hui Izmit et Nicée, aujourd’hui İznik.

** Sérapis (définition de la Première Encyclopédie – 1751 -Tome 15)
SÉRAPIS, ou SARAPIS (Mythol. Médaill. Inscript. Monum. Pierres gravées & Littérat.) c’était un grand dieu des Egyptiens, connu, selon toute apparence, par ce peuple, longtems avant les Ptolemées, selon l’opinion de M. Cuper, qui nous paraît la plus vraisemblable. Tacite, hist. liv. IV. ch. lxxxiij. le prétend aussi. Les Egyptiens, dit-il, nation superstitieuse, révéraient Sérapis plus qu’aucun autre divinité : Serapin dedita gens superstitionibus super alios colit. Ce n’était pas seulement le dieu tutélaire de toute l’Egypte en général, plusieurs des principales villes de ce royaume l’avaient choisi pour leur parton particulier, & le firent graver sur leurs monnaies en cette qualité ; mais entre toutes ces villes, aucune ne lui rendit des honneurs plus solennels & plus surprenants que celle d’Alexandrie.

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Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO












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Catulle – Catullus
X

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LA CANAILLE & LES DELICATS
par Ferdinand Brunetière
1882

On a voulu faire de Catulle, sans arguments bien solides, un poète aristocratique, un poète du grand monde, comme de sa Lesbie, sur des inductions plutôt que sur des preuves, ce que Brantôme appelait « une grande et honnête dame. » Je persiste à ne pas croire, pour ma part, que Lesbie fût la célèbre Clodia, mais je crois que bon nombre des fréquentations de Catulle furent parmi la bohème littéraire de Rome. Au surplus, la conciliation n’est pas si difficile. Ce que nous savons, en effet, c’est que, lorsque l’adolescent de Vérone arriva de sa province dans la capitale, il y subsistait, sous le raffinement de quelques habitudes, sous l’étalage du luxe et sous l’apparence de la civilisation, un grand fonds d’antique brutalité romaine. Si nous en pouvions douter, nous rapprendrions au moins de certaines épigrammes de Catulle lui-même, plus grossières que mordantes, et dont l’outrageuse crudité passe tout. C’est bien fait à M. Rostand de nous les avoir traduites. On ne peut pas juger d’un poète en commençant par faire exception de toute une partie de son œuvre, qui peut-être est celle que les contemporains en ont presque le plus goûtée. Là où Catulle est bon, il va jusqu’à l’exquis, et c’est bien de lui que l’on peut dire aussi justement que de personne qu’il est alors le mets des délicats ; mais là où il est grossier, il l’est sans mesure, et c’est bien encore de lui que l’on peut dire qu’il est le charme de la canaille. Or, à Rome, en ce temps-là, dans le sens littéraire de l’un et l’autre mot, la canaille et les délicats, c’était presque tout un. On ne distinguait pas encore, selon le mot d’Horace, la plaisanterie spirituelle de l’insolente rusticité. La curiosité de l’intelligence, vivement éveillée, capable de goûter les finesses de l’alexandrinisme, était en avance, pour ainsi dire, sur la rudesse des mœurs et la vulgarité des habitudes mondaines. Quand on grattait ces soupeurs qui savaient apprécier les jolies bagatelles du poète, on retrouvait le paysan du Latium, qui s’égayait, au moment du vin, à faire le mouchoir. La raillerie, comme à la campagne, s’attaquait surtout aux défauts ou disgrâces physiques. Je sais bien que, jusque dans Horace, la grossièreté du vieux temps continuera de s’étaler, mais ce ne sera plus de la même manière naïvement impudente. Au temps de Catulle, la délicatesse n’avait pas encore passé de l’esprit dans les manières. Quand il s’élevait seulement un nuage sur les amours du poète et de sa Lesbie, le docte traducteur de Callimaque s’échappait en injures de corps de garde. Cette société très corrompue ne s’était pas encore assimilé la civilisation grecque. Elle s’essayait à la politesse, elle n’y touchait pas encore. Et sous son élégance toute superficielle, elle manquait étrangement de goût. — Il me paraît que, si l’on examinée quel moment de notre histoire la plupart de ces traits conviennent, on trouvera que c’est au XVIe siècle, dans le temps précis que le contact des mœurs italiennes opérait sur la cour des Valois le même effet qu’à Rome, sur les contemporains de César, le contact des mœurs de la Grèce.

Ferdinand Brunetière
Revue littéraire
À propos d’une traduction de Catulle
Revue des Deux Mondes
Troisième période
Tome 54 –  1882

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