FRANZ KAFKA – JOURNAL INTIME – Tagebücher – 1910 -LE CORPS – Ma force ne suffit plus

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FRANZ KAFKA

3 juillet 1883 Prague – 3 juin 1924 Kierling

 

Traduction Jacky Lavauzelle

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LE JOURNAL INTIME
Tagebücher

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1910
LE CORPS
Ma force ne suffit plus

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Albrecht Dürer, Autoportrait nu, v. 1509, Château de Weimar, détail

1910

[Kafka a 27 ans]

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Kometennacht 17./18. Mai.
Nuit de la comète
Nuit du 17 au 18 mai 1810

Habe ich nicht einmal die Entschlossenheit, diesen Federhalter, dieses Stück Holz täglich in die Hand zu nehmen.
Je n’ai même pas la force de prendre ce stylo, ce morceau de bois dans ma main tous les jours.
Ich glaube schon, daß ich sie nicht habe.
Je pense que je ne l’ai pas.
Ich rudere, reite, schwimme, liege in der Sonne.
Je rame, monte à cheval, nage, je m’allonge au soleil.
Daher sind die Waden gut, die Schenkel nicht schlecht, der Bauch geht noch an, aber schon die Brust ist sehr schäbig und wenn mir der Kopf im Genick …
Par conséquent, mes mollets sont bons, mes cuisses ne sont pas mal, le ventre est toujours en place, mais la poitrine est déjà très mal en point et si la tête est dans mon cou …

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15 November, zehn Uhr.
15 novembre – 10 heures

Ich werde mich nicht müde werden lassen.
Je ne me laisserai pas la fatigue me gagner.
Ich werde in meine Novelle hineinspringen und wenn es mir das Gesicht zerschneiden sollte.
Je vais totalement m’immerger dans ma petite histoire même si ça me coupe le visage.

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18. Dezember.
18 décembre
halb zwölf Uhr.
Onze heures 1/2 du soir

Daß ich, solange ich von meinem Bureau nicht befreit bin, einfach verloren bin, das ist mir über alles klar, es handelt sich nur darum, solange es geht, den Kopf so hoch zu halten, daß ich nicht ertrinke.
Que je sois simplement perdu tant que je ne serai pas libéré de mon bureau, voilà une évidence pour moi, il s’agit seulement de tenir la tête si haute pour que je ne puisse pas me noyer.
Wie schwer das sein wird, welche Kräfte es aus mir wird herausziehn müssen, zeigt sich schon daran, daß ich heute meine neue Zeiteinteilung, von acht bis elf Uhr abends beim Schreibtisch zu sein, nicht eingehalten habe, daß ich dieses sogar gegenwärtig für kein so großes Unglück halte, daß ich diese paar Zeilen nur eilig hingeschrieben habe, um ins Bett zu kommen.
Comme ce sera difficile, combien de force devrai-je trouver en moi-même, on le voit déjà aujourd’hui, puisque je n’ai pas respecté mon nouvel horaire, être au bureau de huit heures à onze heures du soir, qe cela ne me rend pas si malheureux puisque j’écris ces quelques lignes à la hâte avant d’aller me coucher.

25. Dezember.
25 décembre

Elend, elend und doch gut gemeint.
Misérable, misérable et pourtant bien intentionné.
Es ist ja Mitternacht, aber das ist, da ich sehr gut ausgeschlafen bin, nur insofern Entschuldigung, als ich bei Tag überhaupt nichts geschrieben hätte.
Il est minuit, mais comme j’ai très bien dormi, ce n’est qu’une excuse pour ne rien avoir écrit du tout pendant la journée.
Die angezündete Glühlampe, die stille Wohnung, das Dunkel draußen, die letzten Augenblicke des Wachseins, sie geben mir das Recht, zu schreiben, und sei es auch das Elendste.
L’ampoule allumée, l’appartement calme, l’obscurité extérieure, les derniers instants d’éveil, me donnent le droit d’écrire, même les choses les plus misérables.
Und dieses Recht benutze ich eilig. Das bin ich also.
Et j’utilise ce droit à la hâte. C’est bien moi.

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27. Dezember.
27 décembre

Meine Kraft reicht zu keinem Satz mehr aus.
Ma force ne suffit plus pour une seule phrase.
Ja, wenn es sich um Worte handeln würde, wenn es genügte, ein Wort hinzusetzen und man sich wegwenden könnte im ruhigen Bewußtsein, dieses Wort ganz mit sich erfüllt zu haben.
Oui, s’il s’agissait de mots, s’il suffisait de mettre un mot et que vous pouviez vous détourner avec la conscience tranquille d’avoir complètement rempli ce mot de vous-même.

Zum Teil habe ich den Nachmittag verschlafen, während des Wachseins lag ich auf dem Kanapee, überdachte einige Liebeserlebnisse aus meiner Jugend, hielt mich ärgerlich bei einer versäumten Gelegenheit auf (damals lag ich etwas verkühlt im Bett und meine Gouvernante las mir die ‘Kreutzersonate’ vor, wobei sie es verstand, meine Aufregung zu genießen), stellte mir das vegetarische Nachtmahl vor, war mit meiner Verdauung zufrieden und hatte Befürchtungen darüber, ob mein Augenlicht für mein ganzes Leben genügen wird.
En partie, j’ai dormi l’après-midi, alors que j’étais éveillé, je me suis allongé sur le canapé, j’ai reconsidéré certaines expériences amoureuses de ma jeunesse, je suis resté en colère à propos d’une occasion manquée (j’étais couchée dans le lit un peu froid à l’époque et ma gouvernante m’a lu la Sonate de Kreutzer , sachant profiter de mon excitation), puis j’ai dîné végétarien, satisfait de ma digestion et me demandant si ma vue serait suffisante pour toute ma vie.

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FRANZ KAFKA
JOURNAL INTIME

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