TOMBÉE DE NUIT – ÉMILE POUVILLON

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LITTÉRATURE FRANÇAISE

EMILE POUVILLON

né le 10 octobre 1840 à Montauban et mort le 7 octobre 1906 à Jacob-Bellecombette

TOMBÉE DE NUIT

Paru dans le le magazine
LISEZ-MOI
N°46 – 25 juillet 1907

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La Faneuse de Julien Dupré, vers 1880
&
Buste de Pouvillon par Bourdelle
Musée Ingres-Bourdelle de Montauban

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La nuit tombe. L’autan, qui souffle depuis le matin, a charrié des nuages ; ils couvrent, maintenant, tout le ciel. Le vent s’est calmé. La soirée se fait lourde avec des odeurs errantes, des odeurs chaudes d’herbe mûre et de chèvre-feuille en fleurs…
Nous montons au flanc d’une combe silencieuse où chante un rossignol solitaire…
D’en haut, une vaste étendue de pays se découvre ; terre er ciel, tout est cendré, amolli dans une brume diffuse…
La pluie menace ; des groupes d’agitent au penchant des combes. L’ombre les enveloppe. De près, on distingue une charrette ; des gens se pressent autour avec des gestes rapides, haletants. Ils chargent du foin coupé. La charrette roule sans bruit sur l’herbe fraîche ; les bœufs se hâtent vers la maison, vers le lumignon tremblant qui les regarde venir, piqué haut dans l’obscur de la colline.
La charrette est loin, et la maison. Maintenant, c’est devant nous, au bord de la route, l’entrée d’une allée de chênes qui descend raide en ligne droite. Si épaisse est l’obscurité qu’il semble, en pénétrant là-dessous, qu’on entre dans du velours ! C’est quelque chose de moelleux et de compact qui s’écarte de vous, à mesure qu’on avance. Une lueur pâlit tout au bout, très loin, comme le reflet qui tremble au fond d’un puits ; et, sur les côtés, les bordures d’arbres ont des trous plus clairs, des trous comme des yeux qui regardent.

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