TRADUCTION ALBANAIS Jacky Lavauzelle – Teksti i përkthimit –

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Traduction Albanais Jacky Lavauzelle
ARTGITATO
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TRADUCTION ALBANAIS

Përkthim

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ALBANAIS
shqiptar
Andon Zako-Cajupi
Mëmëdhe  – Ma Patrie

 

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LE MONDE GRECO-SLAVE


LES ALBANAIS





I.

Sur la limite occidentale du monde gréco-slave, il existe un peuple qui, toujours sous les armes, forme au sein des provinces ottomanes une véritable caste de guerriers, non moins redoutable et plus libre que les castes militaires de l’Asie centrale. Ce peuple, qui a de tout temps exercé une influence prépondérante dans l’empire, fournit encore à la Turquie les meilleures et presque les seules troupes qui lui restent. Cette tribu de soldats, ce sont les Albanais, littéralement les Blancs, ou, selon le vrai sens de l’expression orientale, les hommes indépendans. Leur nationalité, d’origine mystérieuse, remonte jusqu’au temps des Pélages, et les races grecques et slaves ont sans doute trouvé dans l’Albanie leur berceau commun. En effet, le peuple des Blancs s’étendait autrefois sur la plus grande partie de la presqu’île gréco-slave, où son séjour est attesté par les noms albanais de plusieurs villes et bourgades qu’habitent aujourd’hui les Serbes ou les Hellènes. On trouve même encore sur plusieurs points de la Bulgarie, de la Macédoine et de la Bosnie, d’anciens villages où les Albanais sont mêlés aux Tsintsars (Slaves hellénisés). Bien que répandue sur un si vaste territoire, la race albanaise diminue visiblement, et on ne pourrait guère aujourd’hui compter plus d’un million et demi de véritables Albanais sur cette terre qui, il y a quarante-ans, sous. Ali de Janina, en nourrissait encore deux millions.

Plus voisine de l’Europe civilisée que la plupart des autres contrées de l’Orient, puisqu’elle n’est séparée de l’Italie que par un canal étroit, l’Albanie devrait recevoir de l’Occident une influence bienfaisante, et cependant c’est la partie de l’empire turc qui renferme le plus d’élémens de barbarie. D’où vient ce phénomènes ? Quelques-uns en croiront voir la raison dans cet attachement au système de tribus et de clans, qui s’est montré plus opiniâtre en Albanie que dans les autres provinces ottomanes. On aurait tort d’attribuer à cette cause la barbarie des Albanais : cette barbarie a pour principe, non pas simplement la vie de tribu, mais la vie de tribu guerrière, l’esprit inquiet des ortas ou des hordes. L’obstination de ce peuple à garder, même au sein de la paix, les mœurs militaires, a entravé chez lui tout développement, social. Ne pouvant porter la guerre au dehors, il a, comme l’Arabe des déserts, réagi contre lui-même : il s’est décimé de plus en plus par de petits combats entre familles qui ont ouvert dans ses rangs de larges brèches où s’infiltrent les populations voisines ; et, en se multipliant, ces invasions inaperçues ont par degrés soumis l’Albanie à deux influences étrangères, l’une slave, l’autre hellénique, qui se disputent maintenant cette terre d’anarchie.

La race albanaise se désigne elle-même par deux noms généraux : le nom de Mirdites, dérivé du persan mardaïtes (brave), s’applique aujourd’hui à la partie la plus noble de la population, et semble, comme les mots germain, slave, franc, avoir été dans l’origine un titre d’honneur ; le nom de Chkipetars (habitans des rochers) désigne le peuple en général.




Hippocrate a parfaitement caractérisé les Albanais lorsqu’il a dit : « Tous ceux qui habitent un pays montueux, illégal, pourvu d’eau et soumis à ces variations fréquentes dans les saisons, doivent être naturellement d’une haute stature, très propres à l’exercice, pleins de courage, et d’un caractère sauvage et féroce. » On peut ajouter, pour désigner plus particulièrement l’Albanais, qu’il a les yeux petits, le regard droit et fixe, les sourcils minces, le nez effilé, la tête allongée, le front aplati, le cou très long, la poitrine énormément bombée, le reste du corps maigre et nerveux. Doué d’une prodigieuse souplesse de muscles, il porte dans sa démarche et ses attitudes l’air un peu théâtral d’un athlète de l’antiquité. Quoique plein d’esprit naturel, il n’a qu’une médiocre aptitude aux travaux de l’intelligence ; il est avant tout soldat : Suisse de l’Orient, il vend son sang à toutes les bannières, et sert avec une égale fidélité tous les maîtres. On le trouve parmi les gardes du pape et au palais de Naples, comme aux sérails de Bagdad, du Caire, de Maroc, et dans les salles des boyards moldo-valaques.

Les malheurs dont ce peuple est menacé pourraient être conjurés par une direction plus pacifique imprimée à ses institutions. Les conflits sanglans qui éclatent chaque année entre les catholiques latins et les schismatiques grecs pourraient se transformer en une lutte purement morale, mais ce ne serait qu’à l’aide d’une intervention européenne, soit officielle, soit privée. Une société de spéculateurs philantropes qui se vouerait à cette œuvre en y portant de larges vues commerciales, et qui, étrangère aux haines héréditaires des tribus, apparaîtrait au milieu d’elles comme la tribu de la paix et du pardon, comme une nouvelle tribu clémente, succéderait dignement à celle des Klementi, devenus insoucieux de ce beau nom. En adoptant, avec la nationalité des Mirdites ; toute la partie encore saine de leurs mœurs, une telle société acquerrait bientôt en Albanie une grande autorité. La dynastie des Balsichides, qui régna plusieurs siècles à Skadar, à Zeta, à Durazzo, était issue d’une famille française émigrée, celle des seigneurs de Baulx ou Balsa, qui passèrent de Provence en Albanie pendant que Charles Ier occupait le trône de Sicile. Aujourd’hui encore, les Mirdites sont tout aussi disposés que jadis à reconnaître la puissance organisatrice de l’esprit français et à mettre à leur tête des enfans de la France, qui, nouveaux Cadmus, viendraient, armés de lumières, d’industrie et de courage, se dévouer sincèrement à la cause albanaise.

L’Albanie est certainement, de tous les pays soumis de nom à l’empire turc, celui où des hommes éclairés et entreprenans trouveraient le plus à créer. Tels qu’ils furent sous Alexandre, Pyrrhus et Skanderbeg, tels sont, ou plutôt tels seraient encore les Chkipetars, avec leur inflexible caractère s’il paraissait chez eux un héros qui sût réveiller leur enthousiasme. Dans la paix comme dans la guerre, cet enthousiasme ferait des prodiges, et la face de la péninsule gréco-slave serait bientôt changée sous son action puissante. Mais, à défaut de grands hommes ou de natures exceptionnelles, de simples missionnaires pourraient civiliser ces populations. Ce qu’ils ont déjà fait dans la tribu des Klementi, ils le feraient aisément dans toute autre. Il suffirait, pour cela, de quatre à cinq hommes déterminés et fraternellement unis, qui viendraient fonder dans la Mirdita, de concert avec les chefs de phars, quelques écoles et des établissemens d’industrie et d’agriculture. On verrait alors des sentimens plus humains pénétrer ces ames féroces. Jusque dans les montagnes de la Chimère, les rivaux acharnés apprendraient à connaître la pitié et les douceurs du pardon. Ces repaires des Liapes, que l’ancien Grec regardait comme la dernière région terrestre et le siège des ténèbres sans limites, ces Acrocéraunes où commençait le sombre et sauvage Occident, deviendraient alors comme un lumineux fanal entre l’Orient et l’Europe. Que de faits nouveaux se révéleraient à l’historien, dès que ces antiques tribus seraient mieux connues ! Quelle moisson de découvertes feraient les naturalistes, les archéologues, dans ces régions devenues d’un plus facile accès ! Quoi qu’il arrive de ces conquêtes de la science, espérons qu’au moins une vie morale plus haute commencera enfin pour les Chkipetars, et qu’ils ne se verront pas condamnés par notre indifférence à une éternelle barbarie.




Le Monde Gréco-Slave
Cyprien Robert
Revue des Deux Mondes
Tome 29
1842

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Traduction Albanais