Archives par mot-clé : xxvii

LA LARME SOLITAIRE -HEINRICH HEINE POÈMES – LE LIVRE DES CHANTS XXVII- DIE HEIMKEHR – Was will die einsame Thräne?

HEIRICH HEINE POÈMES
DIE HEIMKEHR HEINE
LE LIVRE DES CHANTS
LITTERATURE ALLEMANDE






Christian Johann Heinrich Heine


 

Was will die einsame Thräne?
Que veut la larme solitaire ?
Sie trübt mir ja den Blick.
Elle qui me ternit la vue.
Sie blieb aus alten Zeiten
Elle qui reste là depuis si longtemps,
In meinem Auge zurück.
Là, sous ma paupière.

*

Sie hatte viel leuchtende Schwestern,
Elle avait tant de brillantes sœurs,
 Die alle zerflossen sind,
Qui toutes s’en sont allées,
Mit meinen Qualen und Freuden,
Avec mes tourments et avec mes joies,
Zerflossen in Nacht und Wind.
Dissoutes dans la nuit et dans le vent.


*

 Wie Nebel sind auch zerflossen
Comme des nuées se sont évanouies
Die blauen Sternelein,
Les petites étoiles bleues,
Die mir jene Freuden und Qualen
Celles qui avaient déposées mes joies et mes peines
 Gelächelt in’s Herz hinein.
Tout au fond de mon cœur

*

Ach, meine Liebe selber
Hélas, mon amour lui-même
Zerfloß wie eitel Hauch!
Est parti comme un souffle vain !
Du alte, einsame Thräne,
Toi, vieille et solitaire larme,
 Zerfließe jetzunder auch.
Disparaît donc de même.

*

****************************************

HEINRICH HEINE POEMES
*************

UNE HISTOIRE DE SOUFFRANCE

Les Mains & La Beauté musicale de Heine

Mais ce qui m’intéressait plus encore que les discours de Heine, c’était sa personne, car ses pensées m’étaient connues depuis longtemps, tandis que je voyais sa personne pour la première fois et que j’étais à peu près sûr que cette fois serait l’unique. Aussi, tandis qu’il parlait, le regardai-je encore plus que je ne l’écoutai. Une phrase des Reisebilder me resta presque constamment en mémoire pendant cette visite : « Les hommes malades sont véritablement toujours plus distingués que ceux en bonne santé. Car il n’y a que le malade qui soit un homme ; ses membres racontent une histoire de souffrance, ils en sont spiritualisés. » C’est à propos de l’air maladif des Italiens qu’il a écrit cette phrase, et elle s’appliquait exactement au spectacle qu’il offrait lui-même. Je ne sais jusqu’à quel point Heine avait été l’Apollon que Gautier nous a dit qu’il fut alors qu’il se proclamait hellénisant et qu’il poursuivait de ses sarcasmes les pâles sectateurs du nazarénisme : ce qu’il y a de certain, c’est qu’il n’en restait plus rien alors. Cela ne veut pas dire que la maladie l’avait enlaidi, car le visage était encore d’une singulière beauté ; seulement cette beauté était exquise plutôt que souveraine, délicate plutôt que noble, musicale en quelque sorte plutôt que plastique. La terrible névrose avait vengé le nazarénisme outragé en effaçant toute trace de l’hellénisant et en faisant reparaître seuls les traits de la race à laquelle il appartenait et où domina toujours le spiritualisme exclusif contre lequel son éloquente impiété s’était si souvent élevée. Et cet aspect physique était en parfait rapport avec le retour au judaïsme, dont les Aveux d’un poète avaient récemment entretenu le public. D’âme comme de corps, Heine n’était plus qu’un Juif, et, étendu sur son lit de souffrance, il me parut véritablement comme un arrière-cousin de ce Jésus si blasphémé naguère, mais dont il ne songeait plus à renier la parenté. Ce qui était plus remarquable encore que les traits chez Heine, c’étaient les mains, des mains transparentes, lumineuses, d’une élégance ultra-féminine, des mains tout grâce et tout esprit, visiblement faites pour être l’instrument du tact le plus subtil et pour apprécier voluptueusement les sinuosités onduleuses des belles réalités terrestres ; aussi m’expliquèrent-elles la préférence qu’il a souvent avouée pour la sculpture sur la peinture. C’étaient des mains d’une rareté si exceptionnelle qu’il n’y a de merveilles comparables que dans les contes de fées et qu’elles auraient mérité d’être citées comme le pied de Cendrillon, ou l’oreille qu’on peut supposer à cette princesse, d’une ouïe si fine qu’elle entendait l’herbe pousser. Enfin, un dernier caractère plus extraordinaire encore s’il est possible, c’était l’air de jeunesse dont ce moribond était comme enveloppé, malgré ses cinquante-six ans et les ravages de huit années de la plus cruelle maladie. C’est la première fois que j’ai ressenti fortement l’impression qu’une jeunesse impérissable est le privilège des natures dont la poésie est exclusivement l’essence. Depuis, le cours de la vie nous a permis de la vérifier plusieurs fois et nous ne l’avons jamais trouvée menteuse.

Émile Montégut
Esquisses littéraires – Henri Heine
Revue des Deux Mondes
Troisième période
Tome 63
1884

****************************************

HEINRICH HEINE POÈMES

HEINE DIE HEIMKEHR

CATULLE XXVII CATULLUS Ad pincernam suum A SON SERVANT

*

CATULLE CATULLUS XXVII

litterarumLittérature Latine
Catulle

Poeticam Latinam

Traduction Jacky Lavauzelle

IMG_4840

CATULLE – CATULLUS
84 av J.-C. – 54 av J.-C.

POESIE XXVII

 Ad pincernam suum 

À SON SERVANT

***

Minister vetuli puer Falerni
Esclave, toi qui nous donne du vin de Falerne,
inger mi calices amariores,
Donne-nous un vin plus sévère,
 ut lex Postumiae iubet magistrae
Par la loi de Posthumia qui nous invite,
ebrioso acino ebriosioris.
Plus ivre que l’ivresse.
at vos quo lubet hinc abite, lymphae
Que les eaux sans relief, je vous prie,
vini pernicies, et ad severos
Ennemis du vin, partent abreuver les sévères
 migrate. hic merus est Thyonianus.
Demeures. Ici n’existe que le pur Bacchus.






 


*************




Ad pincernam suum 
A son servant

**********************
Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO







**********************
Catulle – Catullus
POESIE XXVII

****************************

LA CANAILLE & LES DELICATS
par Ferdinand Brunetière
1882

On a voulu faire de Catulle, sans arguments bien solides, un poète aristocratique, un poète du grand monde, comme de sa Lesbie, sur des inductions plutôt que sur des preuves, ce que Brantôme appelait « une grande et honnête dame. » Je persiste à ne pas croire, pour ma part, que Lesbie fût la célèbre Clodia, mais je crois que bon nombre des fréquentations de Catulle furent parmi la bohème littéraire de Rome. Au surplus, la conciliation n’est pas si difficile. Ce que nous savons, en effet, c’est que, lorsque l’adolescent de Vérone arriva de sa province dans la capitale, il y subsistait, sous le raffinement de quelques habitudes, sous l’étalage du luxe et sous l’apparence de la civilisation, un grand fonds d’antique brutalité romaine. Si nous en pouvions douter, nous rapprendrions au moins de certaines épigrammes de Catulle lui-même, plus grossières que mordantes, et dont l’outrageuse crudité passe tout. C’est bien fait à M. Rostand de nous les avoir traduites. On ne peut pas juger d’un poète en commençant par faire exception de toute une partie de son œuvre, qui peut-être est celle que les contemporains en ont presque le plus goûtée. Là où Catulle est bon, il va jusqu’à l’exquis, et c’est bien de lui que l’on peut dire aussi justement que de personne qu’il est alors le mets des délicats ; mais là où il est grossier, il l’est sans mesure, et c’est bien encore de lui que l’on peut dire qu’il est le charme de la canaille. Or, à Rome, en ce temps-là, dans le sens littéraire de l’un et l’autre mot, la canaille et les délicats, c’était presque tout un. On ne distinguait pas encore, selon le mot d’Horace, la plaisanterie spirituelle de l’insolente rusticité. La curiosité de l’intelligence, vivement éveillée, capable de goûter les finesses de l’alexandrinisme, était en avance, pour ainsi dire, sur la rudesse des mœurs et la vulgarité des habitudes mondaines.





Quand on grattait ces soupeurs qui savaient apprécier les jolies bagatelles du poète, on retrouvait le paysan du Latium, qui s’égayait, au moment du vin, à faire le mouchoir. La raillerie, comme à la campagne, s’attaquait surtout aux défauts ou disgrâces physiques. Je sais bien que, jusque dans Horace, la grossièreté du vieux temps continuera de s’étaler, mais ce ne sera plus de la même manière naïvement impudente. Au temps de Catulle, la délicatesse n’avait pas encore passé de l’esprit dans les manières. Quand il s’élevait seulement un nuage sur les amours du poète et de sa Lesbie, le docte traducteur de Callimaque s’échappait en injures de corps de garde. Cette société très corrompue ne s’était pas encore assimilé la civilisation grecque. Elle s’essayait à la politesse, elle n’y touchait pas encore. Et sous son élégance toute superficielle, elle manquait étrangement de goût. — Il me paraît que, si l’on examinée quel moment de notre histoire la plupart de ces traits conviennent, on trouvera que c’est au XVIe siècle, dans le temps précis que le contact des mœurs italiennes opérait sur la cour des Valois le même effet qu’à Rome, sur les contemporains de César, le contact des mœurs de la Grèce.

Ferdinand Brunetière
Revue littéraire
À propos d’une traduction de Catulle
Revue des Deux Mondes
Troisième période
Tome 54 –  1882

***********************

DEATH KHALIL GIBRAN LA MORT The Prophet XXVII

DEATH Khalil Gibran The Prophet
Sur La Religion

The Prophet XXVII
DEATH KHALIL GIBRAN
Littérature Libanaise
Lebanese literature
le-prophete-khalil-gibran-fred-holland-day-1898Photographie de Fred Holland Day
1898



جبران خليل جبران
Gibran Khalil Gibran
1883–1931
le-prophete-khalil-gibran-the-prophete-n

Traduction Jacky Lavauzelle

 

THE PROPHET XXVII
 DEATH
LA MORT

1923


death-khalil-gibran-la-mort-artgitato-le-triomphe-de-la-mort-peinture-de-pieter-brueghel-lancien-1562Le Triomphe de la Mort
 Pieter Brueghel l’Ancien
1562
Musée du Prado
Museo del Prado
Madrid

*

Then Almitra spoke, saying, « We would ask now of Death. »
Puis Almitra parla en demandant : « Nous voudrions maintenant que vous parliez de la Mort. »

And he said:
Et il dit :

You would know the secret of death.
Vous voudriez connaître le secret de la mort.

But how shall you find it unless you seek it in the heart of life?
Mais comment le trouverez-vous ailleurs qu’en cherchant dans le cœur de la vie?

The owl whose night-bound eyes are blind unto the day cannot unveil the mystery of light.
Le hibou, voyant la nuit, aveugle le jour, ne peut pas dévoiler le mystère de la lumière.

If you would indeed behold the spirit of death, open your heart wide unto the body of life.
Si vous souhaitez réellement voir l’esprit de la mort, ouvrez grand votre cœur vers le corps de la vie.

For life and death are one, even as the river and the sea are one.
Car la vie et la mort sont une, comme le fleuve et la mer ne font qu’un.

In the depth of your hopes and desires lies your silent knowledge of the beyond;
Dans la profondeur de vos espoirs et vos désirs se trouve votre connaissance silencieuse de l’au-delà;

And like seeds dreaming beneath the snow your heart dreams of spring.
Et comme les graines rêvant sous la neige, votre cœur rêve du printemps.

Trust the dreams, for in them is hidden the gate to eternity.
Faites confiance aux rêves, car en eux se cache la porte de l’éternité.

Your fear of death is but the trembling of the shepherd when he stands before the king whose hand is to be laid upon him in honour.
Votre peur de la mort est comme le tremblement du berger quand il se tient devant le roi dont la main va l’honorer en se posant sur lui.

Is the shepherd not joyful beneath his trembling, that he shall wear the mark of the king?
Le berger n’est-il pas joyeux, sous son tremblement, de porter la marque du roi ?

Yet is he not more mindful of his trembling?
N’est-il pas pourtant plus conscient de son tremblement ?

For what is it to die but to stand naked in the wind and to melt into the sun?
Mourir, n’est-ce pas se tenir nu dans le vent et se fondre dans le soleil ?

And what is it to cease breathing, but to free the breath from its restless tides, that it may rise and expand and seek God unencumbered?
Cesser de respirer, n’est-ce pas libérer le souffle de ses marées agitées, afin qu’il s’élève, s’élargisse et recherche Dieu sans encombrements ?

Only when you drink from the river of silence shall you indeed sing.
Ce n’est que quand vous boirez du fleuve du silence que vous chanterez.

And when you have reached the mountain top, then you shall begin to climb.
Et quand vous aurez atteint le sommet de la montagne, que vous commencerez à monter.

And when the earth shall claim your limbs, then shall you truly dance.
Et quand la terre réclamera vos membres, alors vous danserez vraiment.