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LE BAL DU CIMETIÈRE – HEINRICH HEINE POÈMES – LE LIVRE DES CHANTS XXII – DIE HEIMKEHR – Die Jungfrau schläft in der Kammer

HEIRICH HEINE POÈMES
DIE HEIMKEHR HEINE
LE LIVRE DES CHANTS
LITTERATURE ALLEMANDE






Christian Johann Heinrich Heine



« Die Jungfrau schläft in der Kammer,
« La jeune fille dans la chambre dort,
Der Mond schaut zitternd hinein;
La lune la regarde frissonnante ;
 Da draußen singt es und klingt es,
On entend des bruits et des chants
Wie Walzermelodein.
Comme des mélodies de valse.

*

Ich will mal schaun aus dem Fenster,
Je veux voir à la fenêtre,
 Wer drunten stört meine Ruh’.
Qui perturbe mon repos.
Da steht ein Todtengerippe,
Il y a une carcasse morte,
Und fidelt und singt dazu:
Jouant du violon et chantant : 

*

Hast einst mir den Tanz versprochen,
Tu m’avais promis une danse,
Und hast gebrochen dein Wort,
Et tu n’as pas tenu promesse,
Und heut ist Ball auf dem Kirchhof,
Et le bal aujourd’hui est dans le cimetière,
Komm mit, wir tanzen dort.
Allez, allons-y danser.

*


*

Die Jungfrau ergreift es gewaltig,
La jeune fille soudain se déchaîne,
Es lockt sie hervor aus dem Haus;
Sort de la maison,
Sie folgt dem Gerippe, das singend
Elle suit le squelette, chantant
Und fidelnd schreitet voraus.
Et jouant du violon devant elle.

*

Es fidelt und tänzelt und hüpfet,
Il joue, sautille et tressaille de joie,
 Und klappert mit seinem Gebein,
Et ses os cliquettent,
 Und nickt und nickt mit dem Schädel
Et le voilà qui salue, hochant la tête
Unheimlich im Mondenschein. »
Sinistrement au clair de lune. « 

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HEINRICH HEINE POEMES
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UNE HISTOIRE DE SOUFFRANCE

Les Mains & La Beauté musicale de Heine

Mais ce qui m’intéressait plus encore que les discours de Heine, c’était sa personne, car ses pensées m’étaient connues depuis longtemps, tandis que je voyais sa personne pour la première fois et que j’étais à peu près sûr que cette fois serait l’unique. Aussi, tandis qu’il parlait, le regardai-je encore plus que je ne l’écoutai. Une phrase des Reisebilder me resta presque constamment en mémoire pendant cette visite : « Les hommes malades sont véritablement toujours plus distingués que ceux en bonne santé. Car il n’y a que le malade qui soit un homme ; ses membres racontent une histoire de souffrance, ils en sont spiritualisés. » C’est à propos de l’air maladif des Italiens qu’il a écrit cette phrase, et elle s’appliquait exactement au spectacle qu’il offrait lui-même. Je ne sais jusqu’à quel point Heine avait été l’Apollon que Gautier nous a dit qu’il fut alors qu’il se proclamait hellénisant et qu’il poursuivait de ses sarcasmes les pâles sectateurs du nazarénisme : ce qu’il y a de certain, c’est qu’il n’en restait plus rien alors. Cela ne veut pas dire que la maladie l’avait enlaidi, car le visage était encore d’une singulière beauté ; seulement cette beauté était exquise plutôt que souveraine, délicate plutôt que noble, musicale en quelque sorte plutôt que plastique. La terrible névrose avait vengé le nazarénisme outragé en effaçant toute trace de l’hellénisant et en faisant reparaître seuls les traits de la race à laquelle il appartenait et où domina toujours le spiritualisme exclusif contre lequel son éloquente impiété s’était si souvent élevée. Et cet aspect physique était en parfait rapport avec le retour au judaïsme, dont les Aveux d’un poète avaient récemment entretenu le public. D’âme comme de corps, Heine n’était plus qu’un Juif, et, étendu sur son lit de souffrance, il me parut véritablement comme un arrière-cousin de ce Jésus si blasphémé naguère, mais dont il ne songeait plus à renier la parenté. Ce qui était plus remarquable encore que les traits chez Heine, c’étaient les mains, des mains transparentes, lumineuses, d’une élégance ultra-féminine, des mains tout grâce et tout esprit, visiblement faites pour être l’instrument du tact le plus subtil et pour apprécier voluptueusement les sinuosités onduleuses des belles réalités terrestres ; aussi m’expliquèrent-elles la préférence qu’il a souvent avouée pour la sculpture sur la peinture. C’étaient des mains d’une rareté si exceptionnelle qu’il n’y a de merveilles comparables que dans les contes de fées et qu’elles auraient mérité d’être citées comme le pied de Cendrillon, ou l’oreille qu’on peut supposer à cette princesse, d’une ouïe si fine qu’elle entendait l’herbe pousser. Enfin, un dernier caractère plus extraordinaire encore s’il est possible, c’était l’air de jeunesse dont ce moribond était comme enveloppé, malgré ses cinquante-six ans et les ravages de huit années de la plus cruelle maladie. C’est la première fois que j’ai ressenti fortement l’impression qu’une jeunesse impérissable est le privilège des natures dont la poésie est exclusivement l’essence. Depuis, le cours de la vie nous a permis de la vérifier plusieurs fois et nous ne l’avons jamais trouvée menteuse.

Émile Montégut
Esquisses littéraires – Henri Heine
Revue des Deux Mondes
Troisième période
Tome 63
1884

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HEINRICH HEINE POÈMES

DIE HEIMKEHR HEINE

ALLA LUNA GIACOMO LEOPARDI A LA LUNE CANTI LES CHANTS XIV

Alla Luna Giacomo Leopardi

Traduction – Texte Bilingue
LITTERATURE ITALIENNE

 

Letteratura Italiana

giacomo-leopardi-poesie-poesia-artgitato-ferrazzi-casa-leopardi

ritratto A Ferrazzi
Portrait de Ferrazzi
casa Leopardi
Recanati
Via Giacomo Leopardi

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GIACOMO LEOPARDI
29 juin 1798 Recanati 14 juin 1837 Naples
Recanati 29 giugno 1798 –
Napoli 14 giugno 1837

Traduction Jacky Lavauzelle

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ALLA LUNA Giacomo Leopardi
CANTI XIV

A LA LUNE
LES CHANTS XIV

OEUVRE DE GIACOMO LEOPARDI

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alla-luna-giacomo-leopardi-a-la-lune-artgitato-caspar-david-friedrich-mondaufgang-uber-dem-meerCaspar David Friedrich
Le Lever de lune sur la mer
Mondaufgang am Meer
1821
Musée de l’Ermitage
Saint Pétersbourg

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ALLA LUNA GIACOMO LEOPARDI A LA LUNE

 O graziosa luna, io mi rammento
O belle lune, je me souviens
 Che, or volge l’anno, sovra questo colle
Que, l’année passée, sur cette colline
Io venia pien d’angoscia a rimirarti:
Plein d’angoisse, je venais te contempler :
 E tu pendevi allor su quella selva
Et tu pendais alors sur cette forêt
 Siccome or fai, che tutta la rischiari.
Eclairant tout, tout comme cette nuit.
 Ma nebuloso e tremulo dal pianto
Mais nébuleux et tremblant, par mes larmes
Che mi sorgea sul ciglio, alle mie luci
Qui assaillaient mes cils, à mes yeux
Il tuo volto apparia, che travagliosa
Ton visage m’apparaissait, car instable
  Era mia vita: ed è, nè cangia stile,
Était ma vie : et elle l’est, non ne change pas,
O mia diletta luna. E pur mi giova
O ma lune bien-aimée. O combien pur devrait
 La ricordanza, e il noverar l’etate
Être le souvenir et le décompte
  Del mio dolore. Oh come grato occorre
De ma douleur. Quelle joie accompagne
Nel tempo giovanil, quando ancor lungo
Ma jeunesse passée, quand, encore imposant,
 La speme e breve ha la memoria il corso,
Apparaît l’espoir et courte la mémoire,
Il rimembrar delle passate cose,
Que dure le souvenir des choses passées,
 Ancor che triste, e che l’affanno duri!
Même tristes, que dure mon tourment !

 

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ALFRED DE MUSSET GRAND LECTEUR DE GIACOMO LEOPARDI
DEUX ÂMES SOEURS

Outre les sonnets de Michel-Ange, Alfred relisait sans cesse, jusqu’à les savoir par cœur, les poésies de Giacomo Leopardi, dont les alternatives de sombre tristesse et de douce mélancolie répondaient à l’état présent de son esprit. Lorsqu’il frappait sur la couverture du volume, en disant : « Ce livre, si petit, vaut tout un poème épique, » il sentait que l’âme de Leopardi était sœur de la sienne. Les Italiens ont la tête trop vive pour aimer beaucoup la poésie du cœur. Il leur faut du fracas et de grands mots. Plus malheureux qu’Alfred de Musset, Leopardi n’a pas obtenu justice de ses compatriotes, même après sa mort. Alfred en était révolté. Il voulut d’abord écrire un article, pour la Revue des Deux-Mondes, sur cet homme qu’il considérait comme le premier poète de l’Italie moderne. Il avait même recueilli quelques renseignements biographiques, dans ce dessein ; mais, en y rêvant, il préféra payer en vers son tribut d’admiration et de sympathie au Sombre amant de la Mort. De là sortit le morceau intitulé Après une lecture, qui parut le 15 novembre 1842.
En faisant la part de son exagération naturelle et de son excessive sensibilité, il faut pourtant reconnaître que, dans cette fatale année 1842, les blessures ne furent pas épargnées à Alfred de Musset. Il se plaignait que, de tous les côtés à la fois, lui venaient des sujets de désenchantement, de tristesse et de dégoût. « Je ne vois plus, disait-il, que les revers de toutes les médailles. »

Paul de Musset
Biographie de Alfred de Musset
Troisième partie
1837-1842
Charpentier, 1888
pp. 185-284

GOOD AND EVIL KHALIL GIBRAN LE BIEN ET LE MAL -THE PROPHET XXII

Good and Evil Khalil Gibran The Prophet
Sur Le Bien & Le Mal

The Prophet XXII
GOOD AND EVIL KHALIL GIBRAN
Littérature Libanaise
Lebanese literature
le-prophete-khalil-gibran-fred-holland-day-1898Photographie de Fred Holland Day
1898



جبران خليل جبران
Gibran Khalil Gibran
1883–1931
le-prophete-khalil-gibran-the-prophete-n

Traduction Jacky Lavauzelle

 

THE PROPHET XXII
 GOOD and EVIL
Le Bien & Le Mal
1923


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Le Bien et le Mal good-and-evil-khalil-gibran-artgitato-le-bien-et-le-mal-victor-orselVictor Orsel 1832
Musée des beaux-arts de Lyon

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And one of the elders of the city said, « Speak to us of Good and Evil. »
Et l’un des anciens de la ville demanda : «Parle-nous du Bien et du Mal. »

And he answered:
Et il répondit :

Of the good in you I can speak, but not of the evil.
Du bien en vous je peux parler, mais pas du mal.

For what is evil but good tortured by its own hunger and thirst?
Car qu’est-ce que le mal, si ce n’est le bien torturé par sa faim et sa soif ?

Verily when good is hungry it seeks food even in dark caves, and when it thirsts, it drinks even of dead waters.
En vérité, quand le bien a faim, il cherche de la nourriture jusque dans les cavernes sombres, et quand il a soif, il boit même des eaux mortes.

You are good when you are one with yourself.
Vous êtes bon quand vous ne faites qu’un avec vous-même.

Yet when you are not one with yourself you are not evil.
Pourtant, quand vous n’êtes pas uni avec vous-même, vous n’êtes pas mauvais.

For a divided house is not a den of thieves; it is only a divided house.
Car une maison divisée n’est pas un repaire de voleurs ; ce n’est qu’une maison divisée.

And a ship without rudder may wander aimlessly among perilous isles yet sink not to the bottom.
Et un navire sans gouvernail peut errer sans but entre les îles périlleuses, mais pas pour autant couler au fond.

You are good when you strive to give of yourself.
Vous êtes bon quand vous vous efforcez de donner de vous-même.

Yet you are not evil when you seek gain for yourself.
Pourtant vous n’êtes pas mauvais quand vous cherchez le gain pour vous-même.

For when you strive for gain you are but a root that clings to the earth and sucks at her breast.
Car quand vous rechercher le gain, vous n’êtes qu’une racine qui s’accroche à la terre et suce son sein.

Surely the fruit cannot say to the root, « Be like me, ripe and full and ever giving of your abundance. »
Certes, le fruit ne peut pas dire à la racine : « Soi comme moi, mûr et plein et toujours donnant par son abondance. »

For to the fruit giving is a need, as receiving is a need to the root.
Car le don pour le fruit est une nécessité, comme recevoir est une nécessité pour la racine.

You are good when you are fully awake in your speech,
Vous êtes bon quand vous êtes complètement éveillé dans votre parole,

Yet you are not evil when you sleep while your tongue staggers without purpose.
Pourtant vous n’êtes pas mauvais quand vous dormez alors que votre langue s’agite sans but.

And even stumbling speech may strengthen a weak tongue.
Et même une parole hésitante peut renforcer une langue faible.

You are good when you walk to your goal firmly and with bold steps.
Vous êtes bon quand vous marchez vers votre but fermement et avec des pas audacieux.

Yet you are not evil when you go thither limping.
Pourtant vous n’êtes pas mauvais quand vous marchez boitant.

Even those who limp go not backward.
Même ceux qui boitent ne vont pas à reculons.

But you who are strong and swift, see that you do not limp before the lame, deeming it kindness.
Mais vous qui êtes fort et rapide, ne boitez pas devant les boiteux, par bonté.

You are good in countless ways, and you are not evil when you are not good,
Vous êtes bon d’innombrables manières, et vous n’êtes pas mauvais quand vous n’êtes pas bon,

You are only loitering and sluggard.
Vous ne faites que flâner et paresser.

Pity that the stags cannot teach swiftness to the turtles.
Dommage que les cerfs ne puissent pas enseigner la rapidité aux tortues.

In your longing for your giant self lies your goodness: and that longing is in all of you.
Dans votre désir de votre moi-géant se trouve votre bonté : et ce désir est en vous tous.

But in some of you that longing is a torrent rushing with might to the sea, carrying the secrets of the hillsides and the songs of the forest.
Mais en certains d’entre vous ce désir est un torrent qui se précipite avec force vers la mer, portant les secrets des coteaux et les chants de la forêt.

And in others it is a flat stream that loses itself in angles and bends and lingers before it reaches the shore.
Et en d’autres, c’est un torrent plat qui se perd en méandres et se courbe et s’attarde avant d’atteindre le rivage.

But let not him who longs much say to him who longs little, « Wherefore are you slow and halting? »
Mais ne laissez pas celui qui a beaucoup d’aspiration dire à celui qui en a moins : « Pourquoi es-tu lent et hésitant ? »

For the truly good ask not the naked, « Where is your garment? » nor the houseless, « What has befallen your house? »
Car les vrais bons ne demandent pas à ceux qui sont nus : « Où est ton vêtement ? » Ni aux sans-abris: «Qu’est-ce qui est arrivée à ta maison? »

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GOOD AND EVIL
LE BIEN ET LE MAL