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PLUS FORT QUE LA MORT – HEINRICH HEINE POÈMES – LE LIVRE DES CHANTS XXI – DIE HEIMKEHR – Wie kannst du ruhig schlafen

HEIRICH HEINE POÈMES
DIE HEIMKEHR HEINE
BUCH DER LIEDER
LE LIVRE DES CHANTS
LITTERATURE ALLEMANDE






Christian Johann Heinrich Heine


 

Wie kannst du ruhig schlafen,
Comment peux-tu dormir à poings fermés,
Und weißt, ich lebe noch?
Sachant qu’encore je vis ?
Der alte Zorn kommt wieder,
La vieille colère se rallume,
Und dann zerbrech’ ich mein Joch.
Et je vais briser mon joug.

*

Kennst du das alte Liedchen:
Connais-tu cette vieille chanson :
Wie einst ein todter Knab’
Il était une fois un jeune homme mort,
Um Mitternacht die Geliebte
Qui, à minuit, prit sa bien-aimée
Zu sich geholt in’s Grab?
Et l’emmena dans sa  tombe?

*


Glaub’ mir, du wunderschönes,
Crois-moi, ô magnifique,
 Du wunderholdes Kind,
Ô merveilleuse enfant
 Ich lebe und bin noch stärker
Je suis vivant et plus fort encore
Als alle Todten sind!
Que tous morts réunis !

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HEINRICH HEINE POEMES
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UNE HISTOIRE DE SOUFFRANCE

Les Mains & La Beauté musicale de Heine

Mais ce qui m’intéressait plus encore que les discours de Heine, c’était sa personne, car ses pensées m’étaient connues depuis longtemps, tandis que je voyais sa personne pour la première fois et que j’étais à peu près sûr que cette fois serait l’unique. Aussi, tandis qu’il parlait, le regardai-je encore plus que je ne l’écoutai. Une phrase des Reisebilder me resta presque constamment en mémoire pendant cette visite : « Les hommes malades sont véritablement toujours plus distingués que ceux en bonne santé. Car il n’y a que le malade qui soit un homme ; ses membres racontent une histoire de souffrance, ils en sont spiritualisés. » C’est à propos de l’air maladif des Italiens qu’il a écrit cette phrase, et elle s’appliquait exactement au spectacle qu’il offrait lui-même. Je ne sais jusqu’à quel point Heine avait été l’Apollon que Gautier nous a dit qu’il fut alors qu’il se proclamait hellénisant et qu’il poursuivait de ses sarcasmes les pâles sectateurs du nazarénisme : ce qu’il y a de certain, c’est qu’il n’en restait plus rien alors. Cela ne veut pas dire que la maladie l’avait enlaidi, car le visage était encore d’une singulière beauté ; seulement cette beauté était exquise plutôt que souveraine, délicate plutôt que noble, musicale en quelque sorte plutôt que plastique. La terrible névrose avait vengé le nazarénisme outragé en effaçant toute trace de l’hellénisant et en faisant reparaître seuls les traits de la race à laquelle il appartenait et où domina toujours le spiritualisme exclusif contre lequel son éloquente impiété s’était si souvent élevée. Et cet aspect physique était en parfait rapport avec le retour au judaïsme, dont les Aveux d’un poète avaient récemment entretenu le public. D’âme comme de corps, Heine n’était plus qu’un Juif, et, étendu sur son lit de souffrance, il me parut véritablement comme un arrière-cousin de ce Jésus si blasphémé naguère, mais dont il ne songeait plus à renier la parenté. Ce qui était plus remarquable encore que les traits chez Heine, c’étaient les mains, des mains transparentes, lumineuses, d’une élégance ultra-féminine, des mains tout grâce et tout esprit, visiblement faites pour être l’instrument du tact le plus subtil et pour apprécier voluptueusement les sinuosités onduleuses des belles réalités terrestres ; aussi m’expliquèrent-elles la préférence qu’il a souvent avouée pour la sculpture sur la peinture. C’étaient des mains d’une rareté si exceptionnelle qu’il n’y a de merveilles comparables que dans les contes de fées et qu’elles auraient mérité d’être citées comme le pied de Cendrillon, ou l’oreille qu’on peut supposer à cette princesse, d’une ouïe si fine qu’elle entendait l’herbe pousser. Enfin, un dernier caractère plus extraordinaire encore s’il est possible, c’était l’air de jeunesse dont ce moribond était comme enveloppé, malgré ses cinquante-six ans et les ravages de huit années de la plus cruelle maladie. C’est la première fois que j’ai ressenti fortement l’impression qu’une jeunesse impérissable est le privilège des natures dont la poésie est exclusivement l’essence. Depuis, le cours de la vie nous a permis de la vérifier plusieurs fois et nous ne l’avons jamais trouvée menteuse.

Émile Montégut
Esquisses littéraires – Henri Heine
Revue des Deux Mondes
Troisième période
Tome 63
1884

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HEINRICH HEINE POÈMES
BUCH DER LIEDER

DIE HEIMKEHR HEINE

TIME KHALIL GIBRAN SUR LE TEMPS – The Prophet XXI

time-khalil-gibran-sur-le-temps-artgitato-les-vieilles-francisco-de-goyaTIME Khalil Gibran The Prophet
Sur Le Temps

The Prophet XXI
TIME KHALIL GIBRAN
Littérature Libanaise
Lebanese literature
le-prophete-khalil-gibran-fred-holland-day-1898Photographie de Fred Holland Day
1898



جبران خليل جبران
Gibran Khalil Gibran
1883–1931
le-prophete-khalil-gibran-the-prophete-n

Traduction Jacky Lavauzelle

 

THE PROPHET XXI
 TIME
LE TEMPS

1923


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time-khalil-gibran-sur-le-temps-artgitato-les-vieilles-francisco-de-goya

Les Vieilles – Le Temps
1808-1812
Francisco de Goya
Palais des beaux-arts – Lille

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TIME KHALIL GIBRIL

And an astronomer said, « Master, what of Time? »
Et un astronome demanda : « Maître, que peux-tu nous dire sur le Temps ? »

And he answered:
Et il répondit :

You would measure time the measureless and the immeasurable.
Vous souhaitez mesurer le temps sans mesure et incommensurable.

You would adjust your conduct and even direct the course of your spirit according to hours and seasons.
Vous souhaitez adapter votre conduite et même diriger le cours de votre esprit selon les heures et les saisons.

Of time you would make a stream upon whose bank you would sit and watch its flowing.
Du temps, vous souhaitez qu’il soit un ruisseau sur la rive de laquelle vous vous asseyez et regardez son écoulement.

Yet the timeless in you is aware of life’s timelessness,
Pourtant, l’intemporel qui se trouve en vous est conscient de l’intemporalité de la vie,

And knows that yesterday is but today’s memory and tomorrow is today’s dream.
Et il sait qu’hier est la mémoire d’aujourd’hui et demain est le rêve d’aujourd’hui.

And that that which sings and contemplates in you is still dwelling within the bounds of that first moment which scattered the stars into space.
Et que ce qui chante et contemple en vous, demeure dans les limites de ce premier moment qui dispersera les étoiles dans l’espace.

Who among you does not feel that his power to love is boundless?
Qui parmi vous ne sent pas que son pouvoir d’aimer est illimité?

And yet who does not feel that very love, though boundless, encompassed within the centre of his being, and moving not from love thought to love thought, nor from love deeds to other love deeds?
Et pourtant, qui ne sent pas que l’amour même, quoique sans bornes, englobe le centre de son être, et ne passe pas de pensée d’amour en pensée d’amour, ni d’actions d’amour à d’autres actions d’amour?

And is not time even as love is, undivided and spaceless?
Et le temps n’est-il pas comme l’amour : indivisible et sans espace ?

But if in your thought you must measure time into seasons, let each season encircle all the other seasons,
Mais si dans votre pensée vous souhaitez mesurer le temps en saisons, que chaque saison englobe toutes les autres saisons,

And let today embrace the past with remembrance and the future with longing.
Et laissez le présent embrasser le passé avec le souvenir et laissez le présent embrasser l’avenir avec le désir.

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TIME KHALIL GIBRIL