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ODE À BUFFON – POÈME DE LEBRUN-PINDARE (1729-1807)

Ponce-Denis Écouchard-Lebrun,
dit Lebrun-Pindare
(11 août 1729 – 31 août 1807)

ODE I
À MONSIEUR DE BUFFON,
SUR SES DÉTRACTEURS



Buffon (1), laisse gronder l’Envie ;
C’est l’hommage de sa terreur :
Que peut sur l’éclat de ta vie
Son obscure et lâche fureur ?
Olympe, qu’assiège un orage,
Dédaigne l’impuissante rage
Des Aquilons tumultueux ;
Tandis que la noire Tempête
Gronde à ses pieds, sa noble tête
Garde un calme majestueux.

Pensais-tu donc que le Génie
Qui te place au trône des arts,
Longtemps d’une Gloire impunie
Blesserait de jaloux regards ?
Non, non, tu dois payer la Gloire ;
Tu dois expier ta mémoire
Par les orages de tes jours ;
Mais ce torrent qui dans ton onde
Vomit sa fange vagabonde,
N’en saurait altérer le cours.

Poursuis ta brillante carrière,
Ô dernier Astre des Français !
Ressemble au Dieu de la lumière,
Qui se venge par des bienfaits.
Poursuis ! que tes nouveaux ouvrages
Remportent de nouveaux outrages
Et des lauriers plus glorieux :
La Gloire est le prix des Alcides !
Et le Dragon des Hespérides
Gardait un or moins précieux.

C’est pour un or vain et stérile
Que l’intrépide fils d’Eson
Entraîne la Grèce docile
Aux bords fameux par la Toison.
Il emprunte aux forêts d’Épire
Cet inconcevable Navire
Qui parlait aux flots étonnés ;

Et déjà sa valeur rapide
Des champs affreux de la Colchide
Voit tous les monstres déchaînés.

Il faut qu’à son joug il enchaîne
Les brûlants taureaux de Vulcain :
De Mars qu’il sillonne la plaine
Tremblante sous leurs pieds d’airain.
D’un Serpent, l’effroi de la terre,
Les dents, fertiles pour la guerre,
À peine y germent sous ses pas,
Qu’une Moisson vivante, armée
Contre la main qui l’a semée,
L’attaque, et jure son trépas.

S’il triomphe, un nouvel obstacle
Lui défend l’objet de ses vœux :
Il faut par un dernier miracle
Conquérir cet or dangereux :
Il faut vaincre un Dragon farouche,
Braver les poisons de sa bouche,
Tromper le feu de ses regards ;
Jason vole ; rien ne l’arrête.
Buffon ! pour ta noble conquête
Tenterais-tu moins de hasards ?

Mais si tu crains la tyrannie
D’un monstre jaloux et pervers,

Quitte le sceptre du Génie,
Cesse d’éclairer l’Univers,
Descends des hauteurs de ton âme,
Abaisse tes ailes de flamme,
Brise tes sublimes pinceaux,
Prends tes envieux pour modèles,
Et de leurs vernis infidèles
Obscurcis tes brillants tableaux.

Flatté de plaire aux goûts volages,
L’Esprit est le dieu des instants,
Le Génie est le dieu des âges,
Lui seul embrasse tous les temps.
Qu’il brûle d’un noble délire
Quand la Gloire autour de sa lyre
Lui peint les Siècles assemblés,
Et leur suffrage vénérable
Fondant son trône inaltérable
Sur les empires écroulés !

Eût-il, sans ce tableau magique
Dont son noble cœur est flatté,
Rompu le charme léthargique
De l’indolente Volupté ?
Eût-il dédaigné les richesses ?
Eût-il rejeté les caresses
Des Circés aux brillants appas,
Et par une étude incertaine

Acheté l’estime lointaine
Des peuples qu’il ne verra pas ?

Ainsi l’active Chrysalide,
Fuyant le jour et le plaisir,
Va filer son trésor liquide
Dans un mystérieux loisir.
La Nymphe s’enferme avec joie
Dans ce tombeau d’or et de soie
Qui la voile aux profanes yeux,
Certaine que ses nobles veilles
Enrichiront de leurs merveilles
Les Rois, les Belles et les Dieux.

Ceux dont le Présent est l’idole
Ne laissent point de souvenir :
Dans un succès vain et frivole
Ils ont usé leur avenir.
Amants des roses passagères,
Ils ont les grâces mensongères
Et le sort des rapides fleurs.
Leur plus long règne est d’une aurore ;
Mais le Temps rajeunit encore
L’antique laurier des neuf Sœurs.

Jusques à quand de vils Procrustes (2)
Viendront-ils au sacré vallon,
Bravant les droits les plus augustes,
Mutiler les fils d’Apollon ?
Le croirez-vous, Races futures ?
J’ai vu Zoïle (3) aux mains impures,
Zoïle outrager Montesquieu !
Mais quand la Parque (4) inexorable
Frappa cet Homme irréparable,
Nos regrets en firent un Dieu.

Quoi ! tour à tour dieux et victimes,
Le sort fait marcher les talents
Entre l’olympe et les abîmes,
Entre la satire et l’encens !
Malheur au mortel qu’on renomme.
Vivant, nous blessons le Grand-Homme ;
Mort, nous tombons à ses genoux ;
On n’aime que la Gloire absente ;
La mémoire est reconnaissante ;
Les yeux sont ingrats et jaloux.

Buffon, dès que rompant ses voiles,
Et fugitive du cercueil,
De ces palais peuplés d’étoiles
Ton Âme aura franchi le seuil,
Du sein brillant de l’empyrée
Tu verras la France éplorée
T’offrir des honneurs immortels,
Et le Temps, vengeur légitime,

De l’Envie expier le crime,
Et l’enchaîner à tes autels.

Moi, sur cette rive déserte
Et de talents et de vertus,
Je dirai, soupirant ma perte :
Illustre Ami, tu ne vis plus !
La Nature est veuve et muette !
Elle te pleure ! et son Poète
N’a plus d’elle que des regrets.
Ombre divine et tutélaire,
Cette Lyre qui t’a su plaire,
Je la suspends à tes cyprès !

**

(1)
Buffon
Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon
naturaliste, mathématicien, biologiste, cosmologiste et écrivain français (1707 — 1788)

(2)
Procruste
Procuste est le surnom d’un brigand de l’Attique nommé Polypémon.
« Le Céphise a son cours beaucoup plus rapide à Éleusis que dans le reste de l’Attique. On donne le nom d’Erinéum (le figuier sauvage) à un endroit voisin par où Pluton descendit, dit-on, aux enfers après avoir enlevé Proserpine (Perséphone). C’est aussi auprès du Céphise que Thésée tua le brigand Polypémon, surnommé Procruste. »
(Pausanias – Description de la Grèce de Pausanias – Tome 1 – traduction nouvelle – 1821)

(3)
Zoïle
« Zoïle, fameux critique grec, connu par l’amertume de ses censures à l’égard d’Homère (d’où le surnom d’Homeromastix ou fouet d’Homère), né à Ephèse ou à Amphipolis, vivait à la fin du IVe s. av. J.-C. On a débité mille fables sur son compte : on a dit qu’il avait été condamné à mort par Ptolemée Philadelphe et crucifié ou lapidé par la foule enthousiaste d’Homère. Quoi qu’il en soit, son nom est resté synonyme de critique envieux et partial ; on l’oppose à celui d’Aristarque. On lui attribuait, entre autres ouvrages, 9 livres de Remarques hypercritiques sur Homère, une Hist. d’Amphipolis, une Hist. générale du monde jusqu’à Philippe (roi de Macédoine) : aucun n’est parvenu jusqu’à nous. »
Marie-Nicolas Bouillet – Alexis Chassang – Dictionnaire universel d’histoire et de géographie Bouillet Chassang (1878) -Librairie Hachette, 1878 (3, p. 2037).

(4)
Parques
« Déesses infernales, dont la fonction était de filer la trame de nos jours. Maîtresses du sort des hommes, elles en réglaient les destinées. Tout le monde sait qu’elles étaient trois sœurs, Clotho, Lachésis, & Atropos ; mais les Mythologues ne s’accordent point sur leur origine. Les uns les font filles de la Nuit & de l’Erebe ; d’autres de la Nécessité & du Destin ; & d’autres encore de Jupiter & de Thémis. Les Grecs les nommaient μοίραι, c’est-à-dire les déesses qui partagent, parce qu’elles réglaient les évènements de notre vie ; les Latins les ont peut-être appelées Parcæ, du mot parcus, comme si elles étaient trop ménagères dans la dispensation de la vie des humains, qui paraît toujours trop courte ; du moins cette étymologie est plus naturelle que celle de Varron, & supérieure à la ridicule antiphrase de nos grammairiens, quod nemini parcant. »
Louis de Jaucourt – L’Encyclopédie, 1re édition – 1751 (Tome 12, p. 80-81).




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La Vie de
Lebrun-Pindare

« Le Brun naquit à Paris en 1729. Ses dispositions poétiques se révélèrent de très bonne heure. Le prince de Conti, voyant qu’il s’annonçait avec éclat, voulut se l’attacher, et lui donna le titre de secrétaire de ses commandements, avec deux mille livres d’honoraires ; mais une protection qui lui fut plus utile ce fut celle de Louis Racine, qui ne lui épargna ni les avis ni les encouragements.
À vingt-six ans, Le Brun s’était déjà placé au premier rang parmi nos poètes lyriques.
L’amour le fit poète élégiaque.
Il épousa en 1760, la femme qu’il avait chanté sous le nom de Fanny. C’est dans le premier temps de cette union qu’il conçut l’idée de son poème de la Nature, poème que ses malheurs domestiques lui firent abandonner plus tard.
De maladroites attaques de Fréron forcèrent notre poète à s’essayer dans l’épigramme, où il y excella.
Une horrible banqueroute mit le comble à la misère de Le Brun, qui trouva dans M. de Vandreuil un protecteur intelligent et dévoué.
La révolution ayant éclaté, Le Brun en éprouva les principes et en embrassa les espérances. Lors de la formation de l’Institut, il fut l’un des premiers membres choisis par le directoire. Napoléon récompensa avec magnificence ses travaux et son patriotisme en lui accordant une pension de 6000 livres, dont il ne jouit pas très longtemps : il mourut pendant l’été de 1807. »
(Petits Poëtes Français depuis Malherbe jusqu’à nos jours –
Par Prosper Poitevin – Tome 1 – Paris –Chez Firmin Didot Frères, fils et Cie, Libraires – 1870)


VULCAIN, ZEUS, DEUCALION & PYRRHA – OS LUSIADAS VI-78- LES LUSIADES – Luís de Camões -Nunca tão vivos raios fabricou

*

Ferdinand de Portugal traduction Jacky Lavauzelle

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OS LUSIADAS CAMOES CANTO VI
CANTO SEXTO

Os Lusiadas Les Lusiades
OS LUSIADAS VI-78 LES LUSIADES VI-78

*
LITTERATURE PORTUGAISE

Ferdinand de Portugal Os Lusiadas Traduction Jacky Lavauzelle Les Lusiades de Luis de Camoes

literatura português
Luis de Camões
[1525-1580]
Tradução – Traduction
Jacky Lavauzelle
texto bilingue

Traduction Jacky Lavauzelle

*

Deucalion et Pyrrha, Pierre Paul Rubens, 1636

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Nunca tão vivos raios fabricou
Des éclairs jamais aussi puissants ne furent fabriqués
Contra a fera soberba dos Gigantes
Contre la superbe fureur des Géants…

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ADAMASTOR ou le géant des Tempêtes – OS LUSIADAS V-51 – LES LUSIADES – LUIS DE CAMOES – Fui dos filhos aspérrimos da Terra

*

Ferdinand de Portugal traduction Jacky Lavauzelle

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OS LUSIADAS CAMOES CANTO V
Os Lusiadas Les Lusiades
OS LUSIADAS V-51 LES LUSIADES V-51
*

LITTERATURE PORTUGAISE

Ferdinand de Portugal Os Lusiadas Traduction Jacky Lavauzelle Les Lusiades de Luis de Camoes

literatura português
Luis de Camões
[1525-1580]
Tradução – Traduction
Jacky Lavauzelle
texto bilingue

Traduction Jacky Lavauzelle

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-« Fui dos filhos aspérrimos da Terra,
« J’étais l’un des enfants terribles de la Terre,
Qual Encélado, Egeu e o Centimano;
Comme Encelade, Égée et des Géants aux Cent Mains ;…


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JEANNE D’ARC – Poème de Friedrich SCHILLER – 1810 – Das Mädchen von Orleans

***
Friedrich von Schiller
1759-1805

friedrich von schiller
Friedrich von Schiller Allegorie des Tanzes, Allégorie de la Danse, William Bouguereau Der Tanz Schiller Jacky Lavauzelle

*


Jacky Lavauzelle Traduction

*
DAS MÄDCHEN VON ORLEANS
JEANNE D’ARC – 1810

POÈME DE FRIEDRICH VON SCHILLER

Jeanne d’Arc à cheval. Enluminure du manuscrit d’Antoine Dufour, Les vies des femmes célèbres, Nantes, musée Dobrée, 1504

Das edle Bild der Menschheit zu verhöhnen,
Moquant la noble image de l’humanité,
Im tiefsten Staube wälzte dich der Spott,
Dans la poussière la plus infâme, la moquerie t’a roulée,
Krieg führt der Witz auf ewig mit dem Schönen,
Continuant son éternelle guerre contre le beau
Er glaubt nicht an den Engel und den Gott,
Ne croyant ni à l’ange ni à Dieu,
Dem Herzen will er seine Schätze rauben,
Au cœur, il veut lui voler ses idéaux,
Den Wahn bekriegt er und verletzt den Glauben.
Combattant l’illusion, il viole la foi.

*

Doch, wie du selbst, aus kindlichem Geschlechte,
Mais, comme toi, d’une juvénile candeur,
Selbst eine fromme Schäferin wie du,
Simple et pieuse bergère comme toi,
Reicht dir die Dichtkunst ihre Götterrechte,
La poésie t’offre ses droits divins
Schwingt sich mit dir den ewgen Sternen zu,
Se porte avec toi vers les astres éternels,
Mit einer Glorie hat sie dich umgeben,
D’une scintillante gloire elle te couronne,
Dich schuf das Herz, du wirst unsterblich leben.
T’irradie le cœur, pour devenir immortelle.

*

Es liebt die Welt, das Strahlende zu schwärzen
Il aime, ce monde, noircir ce qui illumine
Und das Erhabne in den Staub zu ziehn,
Et tirer le sublime dans la poussière,
Doch fürchte nicht! Es gibt noch schöne Herzen,
Mais n’aie pas peur ! Il y a encore de belles âmes,
Die für das Hohe, Herrliche entglühn,
Qui, pour ce qui est grand et glorieux, s’enflamment,
Den lauten Markt mag Momus unterhalten,
Le marché bruyant peut divertir Momos,
Ein edler Sinn liebt edlere Gestalten.
Un esprit noble aime les figures nobles.

*******

Mômos critique les créations des dieux, toile de Maarten van Heemskerck (1561). De gauche à droite : Neptune, un cheval, Vénus, Vulcain, Minerve, Momus.


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Friedrich von Schiller


Gedicht -Poème
**

LES FEUX DE VULCAIN – Sculpture Jacky Lavauzelle – Os fogos de Vulcano

Art
*Jacky Lavauzelle LES FEUX DE VULCAIN - Sculpture Jacky Lavauzelle





Sculpture Jacky Lavauzelle

 La Série des divinités
A série das deidades


*
LES FEUX DE VULCAIN
Os fogos de Vulcano
*


Sculpture

*

La ligne et le contour du feu sont d’une égale ardeur.
A linha e o contorno do fogo são de igual ardor.
Elles glissent contre le soleil qu’elles illuminent.
Eles deslizam contra o sol que eles iluminam.
Le corps porte la masse de fer, la masse de volcans et de métaux. Le corps porte tout ce que le monde peut porter.
O corpo carrega a massa de ferro, a massa de vulcões e metais. O corpo carrega tudo o que o mundo pode vestir.
Il porte le rouleau brûlant de sa force  tellurique et de sa puissance quasi-démoniaque juste sorti de sa forge en action.
Ele carrega o pergaminho em chamas de sua força telúrica e seu poder quase demoníaco apenas fora de sua forja em ação.

JL

 

VULCAIN
Dieu du feu, de la forge, des métaux et des volcans

*

« …fils de Jupiter & de Junon, est un dieu dont les aventures & les travaux sont immortalisés par les poètes. Il se bâtit dans le ciel un palais tout d’airain, & parsemé des plus brillantes étoiles. C’est-là que ce dieu forgeron, d’une taille prodigieuse, tout couvert de sueur, & tout noir de cendre & de fumée, s’occupait sans cesse après les soufflets de sa forge, à mettre en pratique les idées que lui fournissaient sa science divine.
Un jour que le père des dieux piqué contre Junon de ce qu’elle avait excité une tempête pour faire périr Hercule, l’avait suspendue au milieu des airs avec deux fortes enclumes aux pieds. Vulcain, pour son malheur, s’avisa de quitter son palais, & de venir au secours de sa mère. Jupiter indigné de son audace, le prit par un pied, & le précipita dans l’île de Lemnos, où il tomba presque sans vie, après avoir roulé tout le jour dans la vaste étendue des airs. Les habitants de Lemnos le relevèrent, & l’emportèrent ; mais il demeura toujours un peu boiteux de cette terrible chute. »
Charles de Jaucourt
Première édition de l’Encyclopédie
– Tome 17  

**

« On entend retentir les enclumes bruyantes ;
Là, grondent les métaux ; là, cent soufflets mouvants
Gonflent leur vaste sein où s’engouffrent les vents ;
Là, s’ouvre l’antre obscur des fils de Sicanie.
Ce palais de Vulcain fut nommé Vulcanie ;
Le dieu des feux y vole à la voix de Vénus.
Brontès et Pyracmon, et Stérope aux bras nus,
En ce moment forgeaient au maître du tonnerre
La foudre que son bras fait gronder sur la terre.
Cet ouvrage imparfait s’achevait sous leurs coups.
Ils y mêlaient déjà l’Eclair et le Courroux,
Et trois rayons de Grêle et trois rayons de Flamme,
Et le Bruit, et la Peur qui terrasse notre âme. »
L’Antre des Cyclopes
Victor Hugo

Premières publications
Extrait d’une traduction inédite de l’Enéide

*

« A ce Vulcan ingrat & sans pitié,
Qui s’opposant aus rais de ma moitié,
Fait eclipser le Soleil de ma vie. »
Au plus profond de ma poitrine morte
Pierre de Ronsard

Les Amours
1553

*

« Vulcain toutpuissant, dieu trèsfort, flamme éternelle, toujours alimentée par des souffles enflammés, dieu de la lumière, dieu brillant, dieu éternel et rempli d’habileté ; toi qui travailles le fer, pur élément, portion du monde qui dévores tout, qui domptes tout, qui surpasses tout, qui envahis tout. Le soleil, la lune, les étoiles, ne reluisent aux yeux des mortels, ô Vulcain, que comme les membres enflammés de ton corps. Tu fréquentes toutes les maisons, toutes les villes, tous les peuples ; dieu bienheureux et aimable, tu t’insinues dans les membres des mortels. Sois heureux, sois favorable à nos libations, viens à notre secours dans les travaux difficiles, éteins les incendies rapides, et conserve cependant en nous une lumière génératrice. »
L’Encens du Liban
LXIII
Parfum de Vulcain
Ernest Falconet
 Petits poèmes grecs
Editions Desrez, 1838

*

LES FEUX DE VULCAIN
*

Art
*Jacky Lavauzelle LES FEUX DE VULCAIN - Sculpture Jacky Lavauzelle




CONTRE LES ANNALES DE VOLUSIUS – CATULLE XXXVI CATULLUS – IN ANNALES VOLUSII

*

CATULLE CATULLUS XXXVI

litterarumLittérature Latine
Catulle

Poeticam Latinam

Traduction Jacky Lavauzelle

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CATULLE – CATULLUS
84 av J.-C. – 54 av J.-C.

POESIE XXXVI

 IN ANNALES VOLUSII
*****

CONTRE LES ANNALES DE VOLUSIUS
****

***

Annales Volusi, cacata carta,
Annales de Volusius, papiers juste bons à torcher,
Votum soluite pro mea puella.
Vous devez réaliser le vœu de mon aimée.
Nam sanctae Veneri Cupidinique
Aux sacrés Vénus et Cupidon,
Vovit, si sibi restitutus essem
elle a promis, si je lui revenais,
Desissemque truces vibrare iambos,
et si j’arrêter de la tancer par de fracassantes ïambes,
Electissima pessimi poetae
que les œuvres du plus mauvais des poètes
Scripta tardipedi deo daturam
à Vulcain seraient envoyées
 Infelicibus ustulanda lignis.
pour qu’elles goûtent aux éclairs de ses bois maléfiques.
Et hoc pessima se puella vidit
Et ma mutine fille, qui les a choisies,
Jocose lepide vovere divis.
Pensait pouvoir, désinvolte, plaisanter avec les dieux .
  Nunc o caeruleo creata ponto,
Ô Vénus, fille de mer d’azur,
 Quae sanctum Idalium Vriosque apertos
Toi qui séjournes dans les temples sacrés d’Idalie [Chypre],
Quaeque Ancona Cnidumque harundinosam
Des plaines d’Ancône recouvertes de roseaux,
 Colis quaeque Amathunta quaeque Golgos
D’Amathonte ou encore de Golgos [Chypre],
 Quaeque Durrachium Hadriae tabernam,
De Dyrrcahium [Epire], vaste entrepôt de l’Adriatique,,
Acceptum face redditumque votum,
Daigne accepter son vœu
 Si non illepidum neque invenustum est.
S’il ne manque ni de charme ni de grâce.





 At vos interea venite in ignem,
Et enfourne dans les flammes,
Pleni ruris et inficetiarum.
Pleines de rustreries et d’infamie,
 Annales Volusi, cacata carta.
Ces annales de Volusius, papiers juste bons à torcher.

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CONTRE LES ANNALES DE VOLUSIUS
IN ANNALES VOLUSII

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Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO







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Catulle – Catullus
POESIE XXXVI

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LA CANAILLE & LES DELICATS
par Ferdinand Brunetière
1882

On a voulu faire de Catulle, sans arguments bien solides, un poète aristocratique, un poète du grand monde, comme de sa Lesbie, sur des inductions plutôt que sur des preuves, ce que Brantôme appelait « une grande et honnête dame. » Je persiste à ne pas croire, pour ma part, que Lesbie fût la célèbre Clodia, mais je crois que bon nombre des fréquentations de Catulle furent parmi la bohème littéraire de Rome. Au surplus, la conciliation n’est pas si difficile. Ce que nous savons, en effet, c’est que, lorsque l’adolescent de Vérone arriva de sa province dans la capitale, il y subsistait, sous le raffinement de quelques habitudes, sous l’étalage du luxe et sous l’apparence de la civilisation, un grand fonds d’antique brutalité romaine. Si nous en pouvions douter, nous rapprendrions au moins de certaines épigrammes de Catulle lui-même, plus grossières que mordantes, et dont l’outrageuse crudité passe tout. C’est bien fait à M. Rostand de nous les avoir traduites. On ne peut pas juger d’un poète en commençant par faire exception de toute une partie de son œuvre, qui peut-être est celle que les contemporains en ont presque le plus goûtée. Là où Catulle est bon, il va jusqu’à l’exquis, et c’est bien de lui que l’on peut dire aussi justement que de personne qu’il est alors le mets des délicats ; mais là où il est grossier, il l’est sans mesure, et c’est bien encore de lui que l’on peut dire qu’il est le charme de la canaille. Or, à Rome, en ce temps-là, dans le sens littéraire de l’un et l’autre mot, la canaille et les délicats, c’était presque tout un. On ne distinguait pas encore, selon le mot d’Horace, la plaisanterie spirituelle de l’insolente rusticité. La curiosité de l’intelligence, vivement éveillée, capable de goûter les finesses de l’alexandrinisme, était en avance, pour ainsi dire, sur la rudesse des mœurs et la vulgarité des habitudes mondaines.





Quand on grattait ces soupeurs qui savaient apprécier les jolies bagatelles du poète, on retrouvait le paysan du Latium, qui s’égayait, au moment du vin, à faire le mouchoir. La raillerie, comme à la campagne, s’attaquait surtout aux défauts ou disgrâces physiques. Je sais bien que, jusque dans Horace, la grossièreté du vieux temps continuera de s’étaler, mais ce ne sera plus de la même manière naïvement impudente. Au temps de Catulle, la délicatesse n’avait pas encore passé de l’esprit dans les manières. Quand il s’élevait seulement un nuage sur les amours du poète et de sa Lesbie, le docte traducteur de Callimaque s’échappait en injures de corps de garde. Cette société très corrompue ne s’était pas encore assimilé la civilisation grecque. Elle s’essayait à la politesse, elle n’y touchait pas encore. Et sous son élégance toute superficielle, elle manquait étrangement de goût. — Il me paraît que, si l’on examinée quel moment de notre histoire la plupart de ces traits conviennent, on trouvera que c’est au XVIe siècle, dans le temps précis que le contact des mœurs italiennes opérait sur la cour des Valois le même effet qu’à Rome, sur les contemporains de César, le contact des mœurs de la Grèce.

Ferdinand Brunetière
Revue littéraire
À propos d’une traduction de Catulle
Revue des Deux Mondes
Troisième période
Tome 54 –  1882

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PAUL ADAM LETTRES DE MALAISIE ONZIEME ET DERNIERE LETTRE 1896

MALAISIE – MALAYSIA
PAUL ADAM LETTRES DE MALAISIE


D’après une photo de Nadar et le portrait de Félix Valloton




PAUL ADAM
1862 – 1920

LETTRES DE MALAISIE
1896
ONZIEME LETTRE
& DERNIERE LETTRE

Texte paru dans La Revue Blanche
Paris
1898 

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Portrait de Paul Adam
Félix Vallotton paru
Le Livre des masques de Remy de Gourmont
1896

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ONZIEME LETTRE DE MALAISIE

XIe Lettre de Malaisie

Vulcain

En bruissant avec violence, les ailes de l’aéronef nous ont enlevés hier. La ville se rétrécit. Les champs perdirent leurs couleurs. Les routes se réduisirent. La terre sembla tomber dans les abîmes lumineux du monde ; et les nuages nous enveloppèrent un temps.

On s’habitue mal au tumulte de l’air où se visse l’hélice, et que battent les ailes mécaniques. La parole humaine ne s’entend pas. Nous portons des maillots épais qui ne laissent pas de prise au vent. Il faut marcher en se tenant aux tringles et aux cordes. Au-dessus de nous la voilure qui règle la marche, s’enfle et courbe la nef sur son axe de direction. Placée à l’arrière une misaine énorme fait l’office de gouvernail, appuie sur les souffles. C’est la queue de l’oiseau artificiel nous emportant à travers le brouillard tiède. La mâture crie. Le volant tourne si vite qu’on perçoit à peine un grand halo de lueur grise à la poupe. Enfermées dans une cabine de toile, les machines mystérieuses et les accumulateurs de force palpitent de leurs bruits huilés. De lents tic-tac gouttent. Mais il demeure interdit d’approcher afin de connaître le miracle. Pythie disait : « — Nous possédons en lui la puissance de changer l’organisme des peuples. Quand s’achèvera la fabrication de nos escadres aériennes, lorsque le nombre des bâtiments nécessaires sera construit, alors nous nous élèverons sur le Vieux Monde en un vol dense, telles ces armées d’archanges titaniques aux ailes sombres qu’annoncèrent les Écritures. Notre force formidable ira du Sud au Nord. Elle planera. Elle illuminera la nuit d’astres nouveaux. Elle sillonnera le jour de ses pavillons et de ses banderoles. Son essor aigu coupera l’espace, par dessus les foules épouvantées et le tocsin des villes. Aux tirs des canons, aux feux des armées réunies par les maîtres de l’injustice répondront les chutes éclairantes de nos torpilles et les explosions formidables capables d’anéantir les Babylones. Après, nous débarquerons les charrues et les semoirs. Les limites seront nivelées, les bornes renversées ; la moisson couvrira toute la terre pour la faim de toutes les bouches. Nous cernerons la mort, la détresse et le désespoir dans leurs retranchements suprêmes…

« Or il ne faut pas que l’on découvre le mystère de notre force avant l’heure de sa bienfaisance. Supportez la règle qui prescrit de ne pas l’approfondir. Écoutez à distance la vie paisible de la machine. Savez-vous ceci ? le groupe qui inventa le miracle accepta de se sacrifier pour le sort du monde. Dix-neuf, ils sont partis vers la montagne avec le secret.

« Dans une gorge affreuse, séparés des hommes, ils vivent au milieu des forges, et hâtent le travail des Malais, des soldats. Vous allez connaître la ville de Vulcain, les incendies de ses hauts-fourneaux ? Là s’élabore la transformation prochaine de la vie au cœur des cimes… »

De ses ailes, la nef secoua l’ouate des dernières couches nuageuses, et nous apparûmes à la chaleur du soleil. Sur la mer de blancs brouillards émergeaient, immenses, lépreux, des rocs entassés dans l’horizon de soleil. Nous montâmes encore et découvrîmes, au milieu de ce chaos infini, les fumées d’usines occupant un plateau triste.

« — Voici Vulcain, annonça Pythie. Voici la cité de fer et de feu ; voici la tête ouverte de la montagne métallifère, et la plaine qui retentit de l’activité des hommes ; et voici le vol des nefs nouvelles qui évoluent dans l’air pour exercer la stratégie des commandants… »

De tous les points du ciel, des escadres planaient, montaient, descendaient par dessus le masque des nuages les dérobant aux curiosités de la terre.

Des arcatures de fer, basses contre le sol, enferment le fracas du fer. Il y a des échafaudages pour enclore les carcasses des nefs en construction. Les grues hydrauliques hissent les énormes pièces des hélices. On ajustait à grands chocs de marteau les assises des mâtures. En haut de tours à claire-voie, supportant, par quatre, une plateforme, certains minuscules êtres achevaient l’arrimage des bâtiments finis. Vaste et léger, l’aérostat ainsi maintenu étale ses ailes au large des tours. Leur ombre, à terre, protège le travail de maintes équipes.

Notre nef commença par entreprendre de vastes cercles en volant. Les voiles s’inclinaient. Depuis la pointe des mâts les focs frémissaient le long des cordes. Nous tracions dans l’air des courbes concentriques qui allèrent se réduisant jusque vers la plateforme de quatre tours. Le vent tournoyait, vibrait. Et nous finîmes, ayant rasé une fois le bord du débarcadère, par y poser doucement.

Les ascenseurs nous mirent à terre. C’est la même ville d’avenues larges, de longues façades peintes, d’arcades où s’ouvrent des salons commodes entre les serres des réfectoires et où les phonographes parlent. Des jets d’eau fusent sur les pelouses des nymphées construites autour des groupes statuaires qui perpétuent le souvenir des inventions. Les quilles des tramways glissent sur le rail des chaussées. On entend la voix des grandes orgues. L’éclosion multicolore des fleurs enivre l’air.

En habit rouge les travailleurs vont, ainsi que les travailleuses. Vers l’entrée des usines il se dresse des portiques admirables où la sculpture représente les travaux de Vulcain, ceux des kobolds et des gnomes remuant les richesses de la terre avec leurs courtes pelles. Le fracas entendu de loin augmente peu quand on approche des usines. Une savante hydraulique ménage des glissements doux. Le fer s’écrase presque sans bruit sous les pilons sourds ; c’est une mie de feu que pétrit un pouce d’acier. Des ventilateurs entretiennent une température égale. Les ingénieurs assis règlent l’effort, en appuyant sur des touches numérotées. Très peu de charges sont mises aux bras des hommes. Des pinces d’acier saisissent les masses et les barres, les élèvent, les présentent, les retirent et les jettent sans le secours humain.

Du sol montent des antennes de métal, des pinces coudées, des griffes articulées, qui œuvrent. Quelques femmes, aux claviers de force, dirigent, d’un pianotage alerte, ces mouvements que prépare dans le sous-sol un formidable et compliqué mécanisme soumis aux courants dispensés par les touches. L’énergie court le long des fils, s’élance dans le lacis des courroies rapides, lance des tentacules qui mordent le fer en fusion dans les fournaises. Point de cris d’hommes, point de clameurs de métal jeté sur le métal. Les jets d’étincelles sautent dans le soleil venu par les verrières.

Malgré la promesse faite, je ne puis m’empêcher de vouloir connaître le mystère industrieux des nefs aériennes.

Je songe au péril qui menace le monde, lorsque seront prêtes les escadres. Il m’appartient de préserver nos patries en les munissant de pareils engins de défense. Dans mon cœur tous les atavismes d’une race orgueilleuse s’émeuvent pour me crier de pourvoir à la protection de l’Europe en l’avertissant du danger, en surprenant le secret des constructions.

Et voici, j’étudie avec une intelligence sournoise, j’écoute battre les cœurs des mécaniques. Je flaire les haleines des gaz enclos dans les tubulures. J’épie la marche des rouages.

« — Oh, répète Pylhie, pourquoi te laisses-tu tenter, toi… Pense à La Seule Chose Interdite. Rappelle-toi tant de fables où la curiosité du héros cause sa défaite. Un sphinx veille ici qui dévorera ton existence si tu ne devines pas l’énigme assez habilement. Le destin du monde est un dogme trop lourd pour ne pas peser plus qu’une liberté humaine devant ceux de la Dictature qui maintiennent la balance juste. Je te sens chétif contre un tel sort. Prends garde… tu sollicites la fin de tes actions, et l’anéantissement de ta force… »

Car Pythie s’émeut pour moi.

Vraiment depuis que m’anime ce désir de connaître le mystère des cataclysmes prochains, depuis qu’elle m’assure de ma perte certaine, l’ironie voilée par ses cils blonds s’apaise : une douleur sûre plisse ses lèvres blanchies. Aucune des invites que lui miment les beaux hommes ne convainc plus sa volupté grave. Elle me suit avec tristesse dans les avenues de Vulcain, sous les arcades fraîches, au milieu des machines muettes et actives. Elle me regarde l’âme à travers les yeux. Il y a souvent du sanglot dans sa voix.

Parce que je cède au besoin de sauver l’esprit de ma race, ma compagne s’attendrit, disant : « — Voici que tous les vieux peuples d’Occident vivent en toi. La force des nationalités se dresse dans ta personne, et tu es tout ce qu’on nous apprit de l’histoire antérieure. Que de races parlent à cette heure dans tes phrases ; que d’énergies animent ton intention. Tu es ce qui fut contre ce qui sera. Dans tes gestes paraît l’élan fou des suprêmes défenses, tu es ivre de l’héroïsme dévolu à ceux qui succomberont… Cesse, cesse de chercher la Chose Interdite, tu ne la connaîtras point, sans disparaître pour ceux qui t’aiment. »

Je vais cependant. Je rôde autour des usines. J’interroge les manœuvres, les soldats, les jaunes aux yeux malicieux et las. Sans doute je pourrai savoir.

Il faudrait parvenir jusqu’aux chambres des ingénieurs qui ajustent les pièces construites en des ateliers différents. Déjà je n’ignore plus que l’accumulation de force s’obtient à l’aide d’un gaz très dense dont les molécules, sans cesse agitées par un moyen mécanique, poursuivent la multiplication de l’énergie incluse en eux. On enferme ce gaz dans des tubes faits avec un amalgame de platine et de diamant obtenu après de longues coctions au four électrique, à des chaleurs dépassant mille degrés. Mais ce gaz doit la naissance à la décomposition de métaux particuliers, rares, précieux, que l’on transporte avec soin dans des coffres fermés et sous la garde de plusieurs hommes.

J’ai voulu visiter les mines. On m’en a défendu l’accès. Des indigènes m’épient. Je les sens me suivre à pas mous dans les détours des arcades. Ils contemplent à côté de moi le chaos des monts violets, la mer illimitée des nues roses au-dessus de laquelle s’érige la ville, comme un port insulaire isolé sur l’océan. Ils sont près de notre table lorsque nous prenons, Pythie et moi, les repas du jour. Non loin du domicile assigné à notre halte, il en est qui veillent toute la nuit en jouant avec des billes et des miroirs. J’essaie d’en gagner plusieurs. Ils restent insensibles aux promesses de l’or, à l’espoir de triompher riches, dans nos patries.

Pythie blâme mon imprudence. Elle croit que les gens de la Dictature me laissent ainsi manœuvrer, afin de me convaincre tout à coup de trahison pour se saisir de moi, et m’enrôler de force dans les régiments de Mars. Ils regretteraient, selon elle, d’avoir autorisé ma visite dans leurs états. Ils redouteraient que j’apprisse au monde l’existence de leur prospérité, avant l’heure où pourront triompher les escadres aériennes.

De toutes ces craintes l’amour de Pythie, envers moi, s’augmente. Au crépuscule, nous parcourons le promontoire qui s’avance dans la mer de nuées. Les nefs reviennent au port avec de grands cris. Elles surgissent de la mer ça et là, montent au ciel rouge, s’y inscrivent en sombre avec leurs voilures enflées, le halo du volant, à l’arrière, la misaine du gouvernail et le chapelet des torpilles suspendues sous la passerelle inférieure. Les cris des sirènes les assemblent. Entre la surface pourpre des nues et le ciel écarlate, les nefs volent roides, aiguës du beaupré, vers les plateformes surmontant leurs quatre tours de fer. Les phares s’allument et tournent. Il brille dans le sombre sur l’échine bleue des montagnes de grands yeux mobiles, or, rouges, verts. La mer de nuages flotte sous les astres lentement apparus dans le ciel pers et bleu.

Alors, l’émotion du soir met les lèvres de Pythie sur mes lèvres. Tout son corps tremble contre ma poitrine… « — Tu vas mourir, dit-elle ; je sens que tu vas mourir… ; et je commence à te chérir pour ta faiblesse touchante. Tu vois. Je n’ai plus de bonté à l’égard de ceux qui ne sont pas les gaines de ton âme. Je ne regarde que le pays qui attire ta vision. Plus un parfum ne m’enchante s’il ne t’a plu ; j’admire la grandeur de ta barbarie qui résiste aux séductions de notre vie favorable et logique, pour, contre cette puissance, mesurer ton effort inutile. D’abord, j’ai méprisé ce besoin dont tu es imbu de te croire le centre du monde, d’imaginer ta liberté, ta noblesse, tes traditions, de respecter l’élan de ta race en toi. Moi, je ne comprenais que la fusion de l’individu dans le corps social, et sa contribution à l’âme universelle où il se perd. Je ne comprenais que cela, et je me donnais à tous les désirs de procréation, à la vie de tous, à l’instinct total des hommes. Je vivais l’orgueil de respirer par toutes bouches et de penser avec tous les cerveaux. Tu es venu, avec tes idées de jadis ; avec les folies de l’autre temps ; avec la jactance puérile du sauvage qui aime se dire incomparable. Tu rassemblas tout en toi. Je dispersais moi en tout. Et nous voici, ce soir, émus d’une palpitation pareille, sans que j’aie rien nié de ma foi, sans que tu aies rien nié de la tienne. Pourtant je sais que tu vas trahir mon idée. Ma volonté n’a point la force de te vaincre ; et je laisserai ton caprice détruire l’œuvre admirable…, afin de te complaire ; et je souhaite que tu trompes la vigilance des espions pour retirer aux peuples la chance ici concertée de leur affranchissement. Comme tu m’as changée, toi, toi !… toi qui me fais l’ennemie de mes espoirs, de mes croyances, de tout ce qui constituait mon être… Et je ne devine point la cause de ce changement. Tu es là ; je n’existe plus qu’en toi… Oh, tes lèvres, et la force de tes yeux !… »

Dire l’exaltation de mon triomphe — sur cet esprit vaincu par le mystère de l’amour, sur cet esprit logique et puissant, vaincu par le seul mystère de l’amour ! — Je ne saurais…

Nous consommons des soirs ainsi, au bord de la mer de nuages, alors que s’appellent les nefs aériennes dans le ciel constellé…

Telle fut la dernière lettre que je reçus de mon ami espagnol. Il n’a point reparu dans notre Europe. Sa famille demeurée sans nouvelles fit certaines démarches auprès du ministre pour savoir ce qu’il était advenu du diplomate et de sa mission. Une note récemment envoyée par le gouvernement de Manille prévoit que les pirates montant une embarcation d’insurgés philippins durent capturer l’aviso portant le fonctionnaire. Jusqu’à ce jour une enquête administrativement poursuivie n’a donné aucun résultat précis.

Paul Adam

CAMOES OS LUSIADAS II-69 LES LUSIADES

LUIS DE CAMOES
OS LUSIADAS II-69 LES LUSIADES II-69
LITTERATURE PORTUGAISE

Luis de Camoes Oeuvres obras Artgitato

literatura português

Luis de Camões
[1525-1580]

Tradução – Traduction
texto bilingue

Luis de Camoes Les Lusiades

 

Obra Poética

(1556)

LES LUSIADES II-69

OS LUSIADAS II-69

A Epopeia Portuguesa

 

CHANT II
Canto Segundo

Traduction Jacky Lavauzelle

verso  69
Strophe 69

II-69

Image illustrative de l'article Vasco de Gama

Vasco de Gama

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******

LUIS DE CAMOES
LES LUSIADES II-69
OS LUSIADAS II-69

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Não é o outro que fica tão manhoso;
L’autre n’en est pas moins sournois ;
Mas nas mãos vai cair do Lusitano,
Mais il tombe dans les mains des Lusitaniens,…

Vasco de Gama par Gregorio Lopes

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LUIS DE CAMOES
LES LUSIADES II-69
OS LUSIADAS II-69

Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO
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White_Fawn_Drawing Faon Diane

LA VIE DE LUIS DE CAMOES
par Charles Magnin

( Extrait )
Par En cherchant à montrer la différence qui sépare la vie aventureuse et active des écrivains portugais, notamment celle de Camoens, de la vie casanière et posée de la plupart de nos gens de lettres, je ne prétends pas élever par-là les œuvres des uns, ni déprimer les productions des autres. Je n’en crois pas les élégies de Camoens plus touchantes parce qu’elles sont datées d’Afrique, de la Chine et de l’Inde ; je n’en estime pas Polyeucte et Cinna moins admirables, parce que le grand Corneille n’a guère fait de plus longues pérégrinations que le voyage de Paris à Rouen. Je ne conseille à personne de louer un cabinet d’étude à Macao ; mais je crois que, généralement, si les ouvrages écrits au milieu des traverses et au feu des périls ne sont pas plus beaux, les vies de leurs auteurs sont plus belles. Indépendamment de la variété des aventures, on y trouve plus d’enseignements. J’admire et j’honore infiniment La Fontaine et Molière, mais j’honore et j’admire encore plus, comme hommes, Cervantès et Camoens. A mérite de rédaction égal, une histoire littéraire du Portugal serait un meilleur et plus beau livre qu’une histoire littéraire de notre dix-septième ou dix-huitième siècle. C’est une chose bonne et sainte que la lecture de ces vies d’épreuves, que ces passions douloureuses des hommes de génie, Je ne sache rien de plus capable de retremper le cœur. C’est pour cela que dans ce temps de souffrances oisives, de désappointements frivoles, de molles contrariétés et de petites douleurs, j’ai cru bon d’écrire l’étude suivante sur la vie de Luiz de Camoens.
….

LUIS DE CAMOES LUSIADES
CAMOES OS LUSIADAS

OS LUSIADAS II-37 LES LUSIADES

OS LUSIADAS II-37 LES LUSIADES II-37
LITTERATURE PORTUGAISE

Luis de Camoes Oeuvres obras Artgitato

literatura português

Luis de Camões
[1525-1580]

Tradução – Traduction
texto bilingue

Luis de Camoes Les Lusiades

 

Obra Poética

(1556)

LES LUSIADES II-37

OS LUSIADAS II-37

A Epopeia Portuguesa

 

CHANT II
Canto Segundo

Traduction Jacky Lavauzelle

verso  37
Strophe 37

II-37

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Vasco de Gama

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LES LUSIADES II-37
OS LUSIADAS II-37

C’um delgado sendal as partes cobre,
D’un voile léger, elle couvre ses parties
 De quem vergonha é natural reparo,
Dont la pudeur est un rempart naturel,
Porém nem tudo esconde, nem descobre,…


 

Vasco de Gama par Gregorio Lopes

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LES LUSIADES II-37
OS LUSIADAS II-37

Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO
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LA VIE DE LUIS DE CAMOES
par Charles Magnin

( Extrait )
Par En cherchant à montrer la différence qui sépare la vie aventureuse et active des écrivains portugais, notamment celle de Camoens, de la vie casanière et posée de la plupart de nos gens de lettres, je ne prétends pas élever par-là les œuvres des uns, ni déprimer les productions des autres. Je n’en crois pas les élégies de Camoens plus touchantes parce qu’elles sont datées d’Afrique, de la Chine et de l’Inde ; je n’en estime pas Polyeucte et Cinna moins admirables, parce que le grand Corneille n’a guère fait de plus longues pérégrinations que le voyage de Paris à Rouen. Je ne conseille à personne de louer un cabinet d’étude à Macao ; mais je crois que, généralement, si les ouvrages écrits au milieu des traverses et au feu des périls ne sont pas plus beaux, les vies de leurs auteurs sont plus belles. Indépendamment de la variété des aventures, on y trouve plus d’enseignements. J’admire et j’honore infiniment La Fontaine et Molière, mais j’honore et j’admire encore plus, comme hommes, Cervantès et Camoens. A mérite de rédaction égal, une histoire littéraire du Portugal serait un meilleur et plus beau livre qu’une histoire littéraire de notre dix-septième ou dix-huitième siècle. C’est une chose bonne et sainte que la lecture de ces vies d’épreuves, que ces passions douloureuses des hommes de génie, Je ne sache rien de plus capable de retremper le cœur. C’est pour cela que dans ce temps de souffrances oisives, de désappointements frivoles, de molles contrariétés et de petites douleurs, j’ai cru bon d’écrire l’étude suivante sur la vie de Luiz de Camoens.
….

LES LUSIADES – OS LUSIADAS -Traduction du Poème de Luis de Camões – Livre I – Canto Primeiro – strophe 68- Verso 68

LES LUSIADES – OS LUSIADAS
LITTERATURE PORTUGAISE

literatura português

Luis de Camões
[1525-1580]

Tradução – Traduction
texto bilingue

Luis de Camoes Les Lusiades

 

Obra Poética

(1556)

LES LUSIADES

OS LUSIADAS

A Epopeia Portuguesa

 

CHANT I
Canto Primeiro

Traduction Jacky Lavauzelle

verso  68
Strophe 68

I-68

Image illustrative de l'article Vasco de Gama

Vasco de Gama

Vasco da Gama signature almirante.svg

As bombas vêm de fogo, e juntamente
Les bombes à feu viennent ensuite, et conjointement
  As panelas sulfúreas, tão danosas;
Les barils de poudre, si nuisibles ;
Porém aos de Vulcano não consente…

Vasco de Gama par Gregorio Lopes

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Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO
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White_Fawn_Drawing Faon Diane