UNE SI COURTE ANNÉE Todo tras sí lo lleva el año breve
TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE
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Todo tras sí lo lleva el año breve Tout est emporté par la si courte année de la vida mortal, burlando el brío de notre vie mortelle, qui se moque de la verve al Acero valiente, al mármol frío, du brave acier, du marbre froid, que contra el tiempo su dureza atreve. qui, contre le temps, tente de braver leur dureté…
LITTÉRATURE PORTUGAISE POÉSIE PORTUGAISE LITERATURA PORTUGUESA POESIA PORTUGUESA
****** TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE ******
Poème paru dans « Charneca em Flor » 1930
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Ser Poeta é ser mais alto, é ser maior Être poète, c’est être plus haut, c’est être plus grand Do que os homens! Morder como quem beija! Que les hommes ! Mordre comme l’on donne un baiser !…
Antun Gustav Matoš
13 juin 1873 Tovarnik – 17 mars 1914 Zagreb
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Gledo sam te sinoć. U snu. Tužan. Mrtvu.
Je te regardais la nuit dernière. Dans mon rêve. Morte. U dvorani kobnoj, u idili cvijeća,
Dans la salle mortuaire, au milieu de fleurs idylliques, Na visokom odru, u agoniji svijeća,
Surélevée, dans l’agonie des bougies, Gotov da ti predam život kao žrtvu.
Prêt, j’étais prêt à te donner ma vie en sacrifice.
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Nisam plako. Nisam. Zapanjen sam stao
Je ne pleurais pas. Non, je ne pleurais pas. Surpris U dvorani kobnoj, punoj smrti krasne,
Dans la salle funéraire, emplie de ta belle mort, Sumnjajući da su tamne oči jasne
Arguant que tes yeux sombres étaient clairs auparavant Odakle mi nekad bolji život sjao.
Par où je vis scintiller une vie meilleure.
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Sve baš, sve je mrtvo: oči dah i ruke,
Tout est mort : les yeux et les mains, Sve što očajanjem htjedoh da oživim
Tout ce que je voulais, c’était revivre par désespoir U slijepoj stravi i u strasti muke,
Cette passion aveugle et passionnée,
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U dvorani kobnoj, mislima u sivim.
Dans la salle funéraire, mes pensées sombraient grises. Samo kosa tvoja još je bila živa,
Seuls tes cheveux étaient encore vivants, Pa mi reče: — Miruj! U smrti se sniva.
Et ils me susurrèrent : « Paix ! Le rêve continue dans la mort ! »
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Napisano u veljači 1906. u Beogradu
Ecrit en février 1906 à Belgrade
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Antun Gustav Matoš LITTERATURE CROATE
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LES CHEVEUX & LA MORT
L’âme qui vit dans les cheveux
Une âme, un souffle, un cœur, vivaient dans ces cheveux,
Puisqu’ils étaient songeurs, animés et sensibles.
Moi, le voyant, j’ai lu de bizarres aveux
Dans le miroitement de leurs yeux invisibles.
La voix morte du spectre à travers son linceul,
Le verbe du silence au fond de l’air nocturne,
Ils l’avaient ! voix unique au monde, que moi seul
J’entendais résonner dans mon cœur taciturne.
Avec la clarté blanche et rose de sa peau
Ils contrastaient ainsi que l’aurore avec l’ombre ;
Quand ils flottaient, c’était le funèbre drapeau
Que son spleen arborait à sa figure sombre.
Maurice Rollinat
Les Cheveux
(Extrait)
Le Parnasse contemporain : Recueil de vers nouveaux
1876
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Quand vos cheveux seront redevenus poussière
Quand vos cheveux seront redevenus poussière,
Quand la Mort, l’indomptable et terrible Coursière,
Vous aura remportée au pays des Élus,
Quand vous ne verrez plus, quand vous n’entendrez plus,
Quand la tombe sur vous aura muré sa porte,
Je vous le dis encor, vous ne serez pas morte !
Vous vivrez dans mes vers éclatants qui seront
La confirmation juste de votre front,
Ô vous mon plus beau rêve et ma plus belle femme !
Dans ces chants qui seront les plus purs de mon âme,
Et dans le souvenir lyrique des derniers
Adorateurs du rêve ardent que vous niez,
Et qui longtemps après célébreront vos charmes,
Quand mes yeux en seront encor remplis de larmes.
Thou wast that all to me, love,
Amour, tu as été tout ce pour quoi For which my soul did pine—
Mon âme a désiré ardemment – A green isle in the sea, love,
Amour, une île verte au milieu de la mer, A fountain and a shrine,
Une fontaine et un sanctuaire, All wreathed with fairy fruits and flowers,
Couronnés de fruits et de fleurs féeriques, And all the flowers were mine.
Et toutes les fleurs étaient miennes.
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Ah, dream too bright to last!
Ah ! rêve trop brillant pour durer ! Ah, starry Hope! that didst arise
Ah ! Espoir étoilé ! qui est né But to be overcast!
Que pour être recouvert ! A voice from out the Future cries,
Une voix pleure des tréfonds du Futur, “On! on!”—but o’er the Past
« Va ! va ! « – mais sur le Passé (Dim gulf!) my spirit hovering lies
(Sombre abîme !) Mon esprit planant devient Mute, motionless, aghast!
Muet, immobile, atterré !
*
For, alas! alas! with me
Car, hélas! hélas! avec moi The light of Life is o’er!
La lumière de Vie n’est plus ! No more—no more—no more—
N’est plus – n’est plus – n’est plus- (Such language holds the solemn sea
(Un tel langage tient la mer solennelle To the sands upon the shore)
Aux sables sur la rive) Shall bloom the thunder-blasted tree,
Ne fleurira plus l’arbre ravagé par la foudre, Or the stricken eagle soar!
Ne s’envolera plus l’aigle abattu !
*
And all my days are trances,
Et tous mes jours sont des transes, And all my nightly dreams
Et tous mes rêves nocturnes Are where thy grey eye glances,
Suivent les feux de ton œil gris, And where thy footstep gleams—
Là où ton pas brille … In what ethereal dances,
Dans quelles danses éthérées, By what eternal streams.
Par quels courants éternels.
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LES PERSONNAGES D’EDGAR POE
PAR
CHARLES BAUDELAIRE
Les personnages de Poe, ou plutôt le personnage de Poe, l’homme aux facultés suraiguës, l’homme aux nerfs relâchés, l’homme dont la volonté ardente et patiente jette un défi aux difficultés, celui dont le regard est tendu avec la roideur d’une épée sur des objets qui grandissent à mesure qu’il les regarde, — c’est Poe lui-même. — Et ses femmes, toutes lumineuses et malades, mourant de maux bizarres et parlant avec une voix qui ressemble à une musique, c’est encore lui ; ou du moins, par leurs aspirations étranges, par leur savoir, par leur mélancolie inguérissable, elles participent fortement de la nature de leur créateur. Quant à sa femme idéale, à sa Titanide, elle se révèle sous différents portraits éparpillés dans ses poésies trop peu nombreuses, portraits, ou plutôt manières de sentir la beauté, que le tempérament de l’auteur rapproche et confond dans une unité vague mais sensible, et où vit plus délicatement peut-être qu’ailleurs cet amour insatiable du Beau, qui est son grand titre, c’est-à-dire le résumé de ses titres à l’affection et au respect des poëtes.
No coward soul is mine Mon âme n’est pas lâche No trembler in the world’s storm-troubled sphere
Elle ne tremble pas dans ce tumultueux monde troublé I see Heaven’s glories shine
Je vois scintiller les gloires du Ciel And Faith shines equal arming me from Fear
Et la Foi brille tout autant en m’apaisant contre la Peur
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O God within my breast
O Dieu dans ma poitrine Almighty ever-present Deity
Déité omnipotente, omniprésente Life, that in me hast rest,
La vie, en moi, s’apaise, As I Undying Life, have power in Thee
Comme, Immortelle Vie, j’ai force en Toi
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Vain are the thousand creeds
Vaines sont les mille croyances That move men’s hearts, unutterably vain,
Qui chamboulent les cœurs des hommes, inutilement vaines, Worthless as withered weeds
Inutiles comme des mauvaises herbes séches Or idlest froth amid the boundless main
Ou l’écume fougueux des mers sans bornes
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To waken doubt in one
Pour immiscer le doute en une âme Holding so fast by thy infinity,
Collée à son infinité, So surely anchored on
Aussi sûrement ancrée sur The steadfast rock of Immortality.
Le ferme rocher de l’Immortalité
*
*
With wide-embracing love
Avec cet amour si large, Thy spirit animates eternal years
Ton esprit anime les éternelles années Pervades and broods above,
Au sommet, au-dessus, tout en haut, Changes, sustains, dissolves, creates and rears
Il change, soutient, dissout, il crée, il s’ouvre
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Though earth and moon were gone
Même si la terre et la lune étaient parties And suns and universes ceased to be
Et les soleils et les univers avaient cessé d’être And Thou wert left alone
Et qu’il ne resterait que Toi Every Existence would exist in thee
Toute existence existerait en toi
There is not room for Death
Il n’y a pas de place pour la Mort Nor atom that his might could render void
Ni atome que sa puissance pourrait éclater Since thou art Being and Breath
Puisque tu es Être et Souffle And what thou art may never be destroyed.
Et que ce que tu es ne peut jamais être détruit.
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SUPPLEMENT
LES SOEURS BRONTË
EN 1846
LA CONDUITE DE BRANWELL
LE TERRIBLE HIVER 1846
« 3 mars 1846. J’entrai dans la chambre de Branwell pour lui parler, une heure environ après mon retour : ce fut peine perdue. J’aurais pu m’épargner cet embarras : il ne fit pas attention à moi ; et ne me répondit pas ; il était stupéfié. Mes craintes n’étaient pas vaines. J’apprends que pendant mon absence il s’est procuré un souverain sous prétexte de payer une dette ; il est sorti immédiatement, a fait changer le souverain à la première taverne, et en a fait l’emploi que vous pouvez supposer. *** a conclu son rapport en disant que c’était un être désespéré, ce qui n’est que trop vrai. Dans son état présent, il est presque impossible de rester dans la même chambre que lui. Ce que l’avenir nous réserve, je ne le sais pas. »
« 31 mars 1846. Papa continue d’aller assez bien, sauf les fréquents chagrins que lui cause la misérable conduite de Branwell. Ici il n’y a de changement qu’en pis… »
« 19 décembre 1846…… J’espère que vous n’êtes pas complètement gelée ; le froid est ici terrible. Je ne me rappelle pas un tel hiver ; il est digne du pôle. L’Angleterre, dirait-on, a glissé dans la zone arctique ; le ciel semble couvert de glace, la terre est gelée, le vent est pénétrant comme une lame à double tranchant. Nous avons eu, en conséquence de cette température, des rhumes et des toux terribles. La pauvre Anne a souffert cruellement de son asthme ; maintenant elle va beaucoup mieux. Il y a eu deux nuits la semaine dernière où sa toux et sa difficulté de respirer faisaient peine à voir et à entendre, et où elle a dû beaucoup souffrir ; elle supporte cela comme elle supporte toutes les afflictions, sans se plaindre, en se contentant de soupirer de temps à autre, lorsque la douleur est trop vive. Elle a un héroïsme de résignation extraordinaire ; je l’admire, mais je ne saurais l’imiter.
Vous dites que je dois avoir des masses de choses à vous raconter que voulez-vous que je vous raconte ; il ne se passe rien ici, rien qui soit d’une nature agréable à raconter. Un petit incident est venu la semaine dernière nous rappeler à la vie ; mais s’il ne vous donne pas plus de plaisir qu’il ne nous en a donné, vous n’aurez pas à me remercier de vous en avoir fait part. Cet incident était tout simplement l’arrivée d’un officier du shérif qui était venu rendre une visite à B… pour l’inviter à payer ses dettes, ou à faire un tour à York. Nécessairement il a fallu payer ses dettes. Il n’est pas agréable de perdre ainsi de l’argent de temps à autre ; mais à quoi servirait-il d’insister sur ce sujet ? Cela ne le rendra pas meilleur. »
Émile Montégut
critique français (1825 – 1895)
Miss Brontë, sa Vie et ses Œuvres
II. — La Vie littéraire et la Mort de Miss Brontë
Revue des Deux Mondes
2e, tome 10, 1857
« Il est surprenant que ce problème n’ait pas tenté plus de critiques. Celui qui jusqu’ici l’a le plus franchement abordé chez nous, c’est M. Nisard dans ses Études sur les poètes latins de la décadence. Le chapitre qu’il a consacré à Juvénal est l’un des meilleurs de son livre ; il est écrit de verve et plein d’observations nouvelles et piquantes. Seulement les conclusions en sont trop rigoureuses : M. Nisard ne voit en Juvénal qu’un moraliste sans conscience et sans conviction, un indifférent qui s’emporte à froid, un coupable peut-être qui, craignant d’être grondé, prend les devants et crie plus fort que tout le monde. Il n’a pas non plus rendu assez justice au talent de l’auteur qu’il étudiait. La rigueur de ses principes littéraires, sa préférence exclusive pour la perfection classique, l’empêchent quelquefois de sentir pleinement la grandeur des littératures de décadence. Il a trop pris l’habitude des développements réguliers et des horizons calmes pour se laisser jamais séduire à ces beautés mêlées et heurtées qui inquiètent le goût, mais qui impriment à l’âme de si vives secousses. Il n’en reste pas moins à M. Nisard le mérite d’avoir cherché à nous donner un Juvénal véritable et de nous avoir délivrés de celui que le pédantisme de la tradition imposait depuis des siècles à l’admiration servile des écoliers. C’est sur ses traces qu’il faut marcher pour rendre au poète sa vraie figure. »
Gaston Boissier Les Mœurs romaines sous l’empire Revue des Deux Mondes Deuxième période Tome 87
1870
Or poserai per sempre,
Repose-toi éternellement, Stanco mio cor. Perì l’inganno estremo,
Mon cœur épuisé. Périt l’extrême méprise, Ch’eterno io mi credei. Perì. Ben sento,
Qu’éternelle je croyais. Elle périt. Je sens bien In noi di cari inganni,
Qu’en nous les chers égarements, Non che la speme, il desiderio è spento.
L’espoir, le désir sont éteints. Posa per sempre. Assai
Gisant à jamais. Toujours Palpitasti. Non val cosa nessuna
Palpitant. Elle ne vaut aucun I moti tuoi, nè di sospiri è degna
De tes mouvements, elle n’est digne de soupirs La terra. Amaro e noia
La terre. Amertume et ennui La vita, altro mai nulla; e fango è il mondo
La vie, n’a jamais rien été d’autre ; et le monde une boue T’acqueta omai. Dispera
Qui t’apaise désormais. Disparaît L’ultima volta. Al gener nostro il fato
Une dernière fois. Ce que donne le destin Non donò che il morire. Omai disprezza
N’est que le don de mourir. Désormais méprise Te, la natura, il brutto
Toi-même, la nature, le laid Poter che, ascoso, a comun danno impera
Qui ordonne, caché, le mal E l’infinita vanità del tutto
Et la vanité infinie de tout.
——–
ALFRED DE MUSSET GRAND LECTEUR DE GIACOMO LEOPARDI
DEUX ÂMES SOEURS
Outre les sonnets de Michel-Ange, Alfred relisait sans cesse, jusqu’à les savoir par cœur, les poésies de Giacomo Leopardi, dont les alternatives de sombre tristesse et de douce mélancolie répondaient à l’état présent de son esprit. Lorsqu’il frappait sur la couverture du volume, en disant : « Ce livre, si petit, vaut tout un poème épique, » il sentait que l’âme de Leopardi était sœur de la sienne. Les Italiens ont la tête trop vive pour aimer beaucoup la poésie du cœur. Il leur faut du fracas et de grands mots. Plus malheureux qu’Alfred de Musset, Leopardi n’a pas obtenu justice de ses compatriotes, même après sa mort. Alfred en était révolté. Il voulut d’abord écrire un article, pour la Revue des Deux-Mondes, sur cet homme qu’il considérait comme le premier poète de l’Italie moderne. Il avait même recueilli quelques renseignements biographiques, dans ce dessein ; mais, en y rêvant, il préféra payer en vers son tribut d’admiration et de sympathie au Sombre amant de la Mort. De là sortit le morceau intitulé Après une lecture, qui parut le 15 novembre 1842.
En faisant la part de son exagération naturelle et de son excessive sensibilité, il faut pourtant reconnaître que, dans cette fatale année 1842, les blessures ne furent pas épargnées à Alfred de Musset. Il se plaignait que, de tous les côtés à la fois, lui venaient des sujets de désenchantement, de tristesse et de dégoût. « Je ne vois plus, disait-il, que les revers de toutes les médailles. »
Paul de Musset
Biographie de Alfred de Musset
Troisième partie
1837-1842
Charpentier, 1888
pp. 185-284
O recado que trazem é de amigos, Le messagequ’ils apportentest amical, Mas debaixo o veneno vem coberto; Mais dessous lepoisoncouve ; Que os pensamentos eram de inimigos,…