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À UNE TAVERNE PAILLARDE – CATULLE POEME XXXVII CATULLUS – AD CONTUBERNALES

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CATULLE CATULLUS XXXVII

litterarumLittérature Latine
Catulle

Poeticam Latinam

Traduction Jacky Lavauzelle

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CATULLE – CATULLUS
84 av J.-C. – 54 av J.-C.

POESIE XXXVII

 AD CONTUBERNALES
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À UNE TAVERNE PAILLARDE
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Salax taberna vosque contubernales,
Vous les gaillards habitués de la paillarde taverne,
A pilleatis nona fratribus pila,
Du neuvième pilier après le temple de Castor et Pollux,
 Solis putatis esse mentulas vobis,
Pensez-vous être les seuls attribués de membres virils,
Solis licere, quidquid est puellarum,
Pensez-vous être les seuls licencieux avec toutes les filles,
Confutuere et putare ceteros hircos?
Et penser que les autres ne sont que des chèvres ?
An, continenter quod sedetis insulsi
Ou, êtes-vous assez bêtes pour croire,
 Centum an ducenti, non putatis ausurum
Parce que vous êtes cent ou deux cents, que je n’irai
Me una ducentos irrumare sessores?
Pas sodomiser vos deux cent derrières ?
   Atqui putate: namque totius vobis
Et pourtant, considérez ceci : pour vous,
Frontem tabernae sopionibus scribam.
J’inscrirai votre forfaiture sur vos murs.



Puella nam mi, quae meo sinu fugit,
La jeune fille qui depuis me fuit,
Amata tantum quantum amabitur nulla,
Que j’aimais comme jamais je n’ai aimé d’autres filles,
Pro qua mihi sunt magna bella pugnata,
et pour laquelle j’ai combattu les jalousies avec pugnacité,
Consedit istic. Hanc boni beatique
S’est installée chez vous. La voici partagée
Omnes amatis, et quidem, quod indignumst
Avec tous vos hommes, et, en effet, quelle indignité,
omnes pusilli et semitarii moechi;
Par tous les pervers et les maniaques sexuels ;
tu praeter omnes une de capillatis,
Toi notamment, fils chevelu,
cuniculosae Celtiberae fili,
De Celtibérie, pays où copulent librement les lapins ;
Egnati, opaca quem bonum facit barba
Egnatius, dont tes seuls mérites sont dans ta barbe
 et dens Hibera defricatus urina.
et tes dents décapés à l’urine Hibérienne.

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À UNE TAVERNE PAILLARDE
AD CONTUBERNALES

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Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO




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Catulle – Catullus
POESIE XXXVII

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LA CANAILLE & LES DELICATS
par Ferdinand Brunetière
1882

On a voulu faire de Catulle, sans arguments bien solides, un poète aristocratique, un poète du grand monde, comme de sa Lesbie, sur des inductions plutôt que sur des preuves, ce que Brantôme appelait « une grande et honnête dame. » Je persiste à ne pas croire, pour ma part, que Lesbie fût la célèbre Clodia, mais je crois que bon nombre des fréquentations de Catulle furent parmi la bohème littéraire de Rome. Au surplus, la conciliation n’est pas si difficile. Ce que nous savons, en effet, c’est que, lorsque l’adolescent de Vérone arriva de sa province dans la capitale, il y subsistait, sous le raffinement de quelques habitudes, sous l’étalage du luxe et sous l’apparence de la civilisation, un grand fonds d’antique brutalité romaine. Si nous en pouvions douter, nous rapprendrions au moins de certaines épigrammes de Catulle lui-même, plus grossières que mordantes, et dont l’outrageuse crudité passe tout. C’est bien fait à M. Rostand de nous les avoir traduites. On ne peut pas juger d’un poète en commençant par faire exception de toute une partie de son œuvre, qui peut-être est celle que les contemporains en ont presque le plus goûtée. Là où Catulle est bon, il va jusqu’à l’exquis, et c’est bien de lui que l’on peut dire aussi justement que de personne qu’il est alors le mets des délicats ; mais là où il est grossier, il l’est sans mesure, et c’est bien encore de lui que l’on peut dire qu’il est le charme de la canaille. Or, à Rome, en ce temps-là, dans le sens littéraire de l’un et l’autre mot, la canaille et les délicats, c’était presque tout un. On ne distinguait pas encore, selon le mot d’Horace, la plaisanterie spirituelle de l’insolente rusticité. La curiosité de l’intelligence, vivement éveillée, capable de goûter les finesses de l’alexandrinisme, était en avance, pour ainsi dire, sur la rudesse des mœurs et la vulgarité des habitudes mondaines.



Quand on grattait ces soupeurs qui savaient apprécier les jolies bagatelles du poète, on retrouvait le paysan du Latium, qui s’égayait, au moment du vin, à faire le mouchoir. La raillerie, comme à la campagne, s’attaquait surtout aux défauts ou disgrâces physiques. Je sais bien que, jusque dans Horace, la grossièreté du vieux temps continuera de s’étaler, mais ce ne sera plus de la même manière naïvement impudente. Au temps de Catulle, la délicatesse n’avait pas encore passé de l’esprit dans les manières. Quand il s’élevait seulement un nuage sur les amours du poète et de sa Lesbie, le docte traducteur de Callimaque s’échappait en injures de corps de garde. Cette société très corrompue ne s’était pas encore assimilé la civilisation grecque. Elle s’essayait à la politesse, elle n’y touchait pas encore. Et sous son élégance toute superficielle, elle manquait étrangement de goût. — Il me paraît que, si l’on examinée quel moment de notre histoire la plupart de ces traits conviennent, on trouvera que c’est au XVIe siècle, dans le temps précis que le contact des mœurs italiennes opérait sur la cour des Valois le même effet qu’à Rome, sur les contemporains de César, le contact des mœurs de la Grèce.

Ferdinand Brunetière
Revue littéraire
À propos d’une traduction de Catulle
Revue des Deux Mondes
Troisième période
Tome 54 –  1882

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