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Œuvre de Joaquim Maria Machado de Assis

La Poésie de Joaquim Maria Machado de Assis
Poema de Machado de Assis




Littérature Brésilienne
Literatura Brasileira

Joaquim Maria Machado de Assis
 Rio de Janeiro 1839 – 1908 Rio de Janeiro
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La Poésie de

Joaquim Maria Machado de Assis

Traduction Jacky Lavauzelle

(Un Vieux Pays Texte écrit par Machado de Assis en français)

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Un Vieux Pays

Il est un vieux pays, plein d’ombre et de lumière,
Où l’on rêve le jour, où l’on pleure le soir ;

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Flor de Mocidade
Fleur de Jeunesse

Eu conheço a mais bella flôr;
Je sais quelle fleur est la plus belle ;
És tu, rosa da mocidade,
C’est toi, la rose de jeunesse,

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Memórias Póstumas de Brás Cubas
Mémoires posthumes de Braz Cubas

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La Prose de

Joaquim Maria Machado de Assis

 DOM CASMURRO
Roman – Romance
1899

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MACHADO DE ASSIS
par Adrien Delpech
en 1910

Machado de Assis eut le rare bonheur d’être connu jeune et de mourir vieux. La consécration de son nom était un de ces faits contre lesquelles jeunes générations ne se rebellent plus. On prend le pli de la vénération tout comme un autre : Irène même servit au triomphe de Voltaire.

Ce fut un précurseur, ou plutôt un écrivain d’exception. En plein échevellement romantique, il se maintenait à l’écart, et, jusqu’à son dernier jour, il a conservé une place à part entre les auteurs brésiliens.

Longues périodes redondantes, phrases de contexture un peu molle, dont le rythme et l’harmonie sont souvent la qualité dominante, vision grandiose, mais parfois diffuse de la Nature et des événements, propension à l’enthousiasme et à l’emphase, voilà certes des tendances péninsulaires que les peuples de formation nouvelle conservèrent sur le Nouveau Continent. Je ne veux pas dire qu’il n’y ait que cela, mais il y a certainement de cela dans les poésies de Campoamor et dans celles de Gonçalves Dias, dans les discours de Castellar et dans ceux de Silveira Martins.

Or, si quelqu’un fut concis dans la forme, indifférent au style pompeux, et rebelle à la grandiloquence, ce fut incontestablement l’écrivain dont nous nous occupons.

D’où lui vint donc sa notoriété, qui le place à un si haut rang parmi les intellectuels de son pays ?

Peut-être de ce contraste même.

Dans l’exercice de tout art, il faut distinguer l’instinct des tendances acquises. L’un est fatal et physiologique, les autres peuvent être le résultat d’un idéal d’occasion. L’éducation modifie, mais ne refait pas un tempérament. Pourquoi l’évolution de l’intellectualité latine va-t-elle aujourd’hui de préférence vers l’ironie et la concision du style, c’est ce qu’on ne peut réduire à une loi. La réaction contre le romantisme, l’imitation de quelques coryphées, un certain goût pour la littérature scientifique et précise, y ont sans doute contribué. Mais rien ne permet d’affirmer qu’une réaction ne se produira pas demain. Il y a toujours eu des va et des vient. À l’éparpillement et à la prolixité du XVIe siècle a succédé la pondération classique ; à l’enthousiasme et au délaiement du romantisme, le sourire et le raccourci de notre temps. Encore reste-t-il à expliquer, si l’on admet que notre époque n’est pas du tout lyrique, pourquoi les pièces à panache de M. Edmond Rostand ont une si fulgurante carrière.

Machado de Assis possédait naturellement le don de condenser beaucoup d’idées en peu de phrases, et de découvrir les traits saillants des visages et des caractères. Ces qualités, beaucoup en reconnaissaient le mérite, qui ont continué de s’approvisionner au bazar de la rhétorique d’oripeaux de moins bon aloi. La sobriété, les teintes douces, l’ironie bienveillante de Machado de Assis n’offusquaient personne. Les délicats s’y complurent ; les truculents n’y virent point un péril pour leur gloire. On lui pardonna d’abord, on acclama plus tard son talent.

De là à être un auteur populaire, il y a loin. Machado de Assis n’a rien de ce qui plaît au grand public. S’il se trouve souvent des situations fortes dans ses contes, il dédaigna d’en tirer parti, et répugna toujours aux sentiments outrés et aux ficelles banales.

La masse ne s’intéresse guère qu’aux situations, tandis qu’elles ne sont qu’un prétexte pour l’artiste. On peut faire presque mécaniquement du feuilleton industriel et du roman commercial, en dosant l’impression à produire sur les nerfs des gens peu cultivés et sensibles ; c’est une question de pression et d’engrenages, comme pour les automobiles. L’art véritable demeure toujours supérieur à l’expérience et aux formules.

Il y a toujours chez un auteur populaire, fût-il même un grand poète comme cela se voit, un fond de philosophie courante et banale. Le gros public conserve de préférence dans sa mémoire les tirades poncives et les refrains d’orgue de barbarie. La foule n’aime que ce qui est tombé dans son domaine, qui est le domaine commun. Les idées vierges et les images neuves ne la séduisent pas. Elles ne lui plaisent qu’après avoir longtemps traîné sur le trottoir. Chez un poète de génie, ce qui agrée aux lettrés n’est généralement pas ce qui séduit la foule ; tout au moins les motifs d’admiration sont-ils différents.

Machado de Assis restera l’auteur favori d’une élite, ce qui est une garantie de survie. Il ne faut pas confondre célébrité et popularité : huit cent mille exemplaires d’un journal à grand tirage répandent en une matinée dans toutes les loges de concierges la bonne parole d’un feuilletoniste en vogue. Par contre, on n’a peut-être pas imprimé cinquante éditions de Kant en cent trente ans. Un auteur peut voir tirer ses livres à soixante mille exemplaires en six mois, ce n’est jamais qu’une élite qui maintiendra sa renommée. — En matière d’art, contrairement à la politique, on ne triomphe que par les minorités.

Machado de Assis était avant tout un curieux. Cet homme mince, effacé, qui se renfermait dans un cercle d’amis et n’avait point le don de la parole, étant né bègue, contemplait, à travers son lorgnon à minces cercles d’or, toutes les manifestations de l’âme humaine, avec une indicible satisfaction. Laideur ou beauté, infirmités morales ou saines manifestations d’équilibre, tout était pour lui matière à étude et à dilettantisme. Il s’enthousiasmait peu et ne s’indignait pas. Il avait sa place au parterre, et dans quel théâtre ! Employé supérieur du ministère de l’Industrie, ayant, je crois, suivi la filière, il vit grimacer dans son bureau et devant sa table les types les plus divers. Comme Molière chez son barbier, il contemplait le défilé. Depuis le ministre jusqu’au plus humble solliciteur, des gens de toutes conditions et de toutes mentalités se trémoussaient devant lui comme des marionnettes. La morgue des uns, la platitude des autres, le désir du lucre, les tripotages de toute sorte, l’écho des influences féminines et des secrets d’alcôve ; quelle série d’aspects pour un écrivain ! — Les ministres : il en connut au moins cinquante, dont les portraits jaunissent mélancoliquement dans l’antichambre du ministère. Parfois un de ses collègues devait se pencher vers lui pour lui dire : « Voici un tel… Savez-vous la nouvelle ?… » et les anecdotes réelles, les racontages, les médisances, et aussi les calomnies, moins laides souvent que la réalité toute crue, s’accumulaient dans sa mémoire, en un énorme dossier de documents humains.

Machado de Assis
Quelques Contes – Préface
Traduction par Adrien Delpech
Garnier Frères
1910
pp. v-xxix

UN VIEUX PAYS MACHADO DE ASSIS

UN VIEUX PAYS
La Poésie de Joaquim Maria Machado de Assis

Poema de Machado de Assis




Littérature Brésilienne
Literatura Brasileira

Joaquim Maria Machado de Assis
 Rio de Janeiro 1839 – 1908 Rio de Janeiro


joaquim-maria-machado-de-assis-artgitato




 

La Poésie de

Joaquim Maria Machado de Assis

 Un Vieux Pays

Texte écrit en français

un-vieux-pays-artgitato-machado-de-assis

 

*

… juntamente choro e rio.(*)
CAMÕES

Il est un vieux pays, plein d’ombre et de lumière,
Où l’on rêve le jour, où l’on pleure le soir ;
Un pays de blasphème, autant que de prière,
Né pour le doute et pour l’espoir.
On n’y voit point de fleurs sans un ver qui les ronge,
Point de mer sans tempête, ou de soleil sans nuit ;
Le bonheur y paraît quelquefois dans un songe
Entre les bras du sombre ennui.
L’amour y va souvent, mais c’est tout un délire,
Un désespoir sans fin, une énigme sans mot ;
Parfois il rit gaîment, mais de cet affreux rire
Qui n’est peut-être qu’un sanglot.
On va dans ce pays de misère et d’ivresse,
Mais on le voit à peine, on en sort, on a peur ;
Je l’habite pourtant, j’y passe ma jeunesse…
Hélas ! ce pays, c’est mon cœur.

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* Texte de Luis de Camoes

Sem Causa, Juntamente Choro e Rio
Tanto de meu estado me acho incerto,
Que em vivo ardor tremendo estou de frio;
Sem causa, juntamente choro e rio,
O mundo todo abarco, e nada aperto.É tudo quanto sinto um desconcerto:
Da alma um fogo me sai, da vista um rio;
Agora espero, agora desconfio;
Agora desvario, agora acerto.Estando em terra, chego ao céu voando;
Num’ hora acho mil anos, e é de jeito
Que em mil anos não posso achar um’ hora.

Se me pergunta alguém porque assim ando,
Respondo que não sei; porém suspeito
Que só porque vos vi, minha Senhora.

Luís Vaz de Camões, in « Sonetos »