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LU XUN – SOUS LA VOÛTE GLACEE DE LA MORT

LU XUN
鲁迅
Lu Xun Sous la voûte glacée de la mort Artgitato Le Monde illustré 1858 Supplice du lingtchi

 

 

 

 

 

SOUS LA VOÛTE
GLACEE DE LA MORT
Lu Xun la mort

Lu Xun écrit pour le présent. La postérité, il n’y pense pas. Tout au plus  il l’aborde comme quelque chose de tellement  loin. Ce n’est pas son but. Einstein disait que « celui qui ne peut plus éprouver ni étonnement ni surprise est pour ainsi dire mort : ses yeux sont éteints. »

MON LANGAGE EST CELUI DES COLPORTEURS ET DES TIREURS DE POUSSE-POUSSE

Lu Xun a les yeux constamment ouverts. Ouverts sur son époque et ses contemporains. Il pose les problèmes et cherche à apporter des solutions. « J’ai longtemps hésité, ce qui prouve que je ne suis pas de ceux qui écrivent pour passer à la postérité. Le pinceau immortel ne travaille que pour un homme immortel, dit-on…Un écrivain célèbre peut se permettre bien des choses que je ne puis me permettre… Mais mon style est grossier, que mon langage est celui des colporteurs et des tireurs de pousse-pousse, je n’osais adopter un titre aussi ronflant. » (La véritable histoire de Ah Q, 阿Q正传, chapitre 1) Son langage marque, frappe. I

UNE FOIS ECRIT, C’EST TERMINE

Lu Xun a donc un regard critique sur son œuvre. Il sait que son style n’est pas des plus précieux et que ces formules ne sont pas des plus recherchées. Mais qu’importe ? Il veut être efficace avant tout. Il est écrivain par nécessité. Il n’en tire nulle gloire. Il écrit et ce qui est écrit tombe comme une chose morte. Mes œuvres, dit-il, dans Non pas du bavardage (1925), « sont donc tout juste des ‘avortements’, ou tout au plus, ‘un chat en fait de prince’. Car, je cesse d’écrire dès que c’est terminé ! Que m’importe de savoir comment les éditeurs piratent mes livres ou ce qu’en disent les lettrés, je ne m’en soucie pas…Cela signifie-t-il que je ne suis pas sérieux quand j’écris ? Certainement pas… Dès que j’ai fini d’écrire, je ne me préoccupe guère de ce que j’ai fait, je ne veux pas ‘prendre mon balai cassé pour un trésor’. Car, je l’ai déjà expliqué, une fois écrit, c’est terminé ! Que m’importe ? Qui tient à perdre son temps avec des choses mortes et enterrées ? »

Lu Xun

Une nuance toutefois sur certains écrits  comme Le cri ou La véritable histoire de Ah Q. Il y reviendra à plusieurs reprises, les expliquant, les commentant et y apportant des conseils pour des adaptations théâtrales.

C’ETAIT UNE NUIT MORNE ET NOIRE

Dans ces nouvelles, Lu Xun décrit ces nuits agitées et cauchemardesques. La fantasmagorie et la poésie illuminent alors le récit. Lu Xun sort de son analyse et de la critique de la société.  C’est souvent du peu, du morne que surgit la beauté et le charme. « C’était une nuit morne, noire…Et c’est dans cet état somnolent que j’entrevis un joli récit. Il était beau, charmant, captivant…Je me souviens encore du joli récit de cette nuit morne et noire… » (Un joli récit) Le voilà parti, se détachant enfin de la réalité, souvent tout aussi morne.

J’AI A ME COLLETER AVEC LA NUIT NOIRE

Mais là, l’homme, le créateur reste dans sa solitude. Entre espoir, désespoir. « Mon cœur est singulièrement seul. Et cependant, il est en paix, sans amour ni haine, sans joie ni tristesse, sans couleur et sans bruit…Seul dans le vide, j’ai à me colleter avec la nuit noire…Le désespoir n’est que vanité, comme l’espoir. » (Espoir)

TOUT ETAIT D’UN FROID DE GLACE, TOUT ETAIT BLAFARD

L’écrivain reste cet homme qui court le long des montagnes de glace. Qui court et qui tombe. La chute est là. « Je rêvais que je courais le long des montagnes de glace. Elle était immense…Et tout était d’un froid de glace, tout était blafard. Soudain, je tombai dans la vallée des glaces. En haut, en bas, autour de moi, tout était d’un froid glacial, tout était blafard. Cependant, par-dessus la glace livide gisaient d’innombrables ombres rouges, entrelacées comme un filet de corail. Je regardai à mes pieds, il y avait un feu. C’était un feu mort. » (Le feu mort)

LES PAUVRES DAMNES ONT PERDU LEUR BEL ENFER

Parfois la mort et la porte de l’enfer. Tout à côté. Quelqu’un est là. A côté. C’est le diable qui nous regarde. « Je rêvais que j’étais allongé sur mon lit dans la solitude, du côté de l’enfer… Un homme se tenait devant moi, grand, beau, l’air bienveillant, et de la lumière rayonnait de tout son être ; mais je savais que c’était le démon. – C’est la fin! La fin de tout ! Les pauvres damnés ont perdu leur bel enfer. » (Le bel enfer perdu)

POUSSIERE, POUSSIERE…DE LA POUSSIERE

L’être est seul, entouré d’autres solitudes. Et l’être se désagrège. Pour finir à la poussière et revenir à la nature. Ce qui se lève ne tardera pas à retomber. « Je longe un haut mur croulant et chemine dans la fine poussière. D’autres vont seuls. La brise se lève et, tout en haut du mur, les branches des grands arbres aux feuilles encore souples remuent au-dessus de ma tête. La bise se lève, la poussière est partout…Le vent se lève, la poussière est partout. D’autres personnes vont seules. Poussière, poussière……….De la poussière… » (Les mendiants)

C’est la mort qui est au bout. « Dans cette plaine sans fin, sous la céleste voûte glacée, cette apparition étincelante et spiralée est comme le spectre de la pluie…Oui, cette neige solitaire est de la pluie morte, le spectre de la pluie… » (Neige)

*******LuXun1930