Eustache Le Sueur, Les Muses Melpomène, Érato et Polymnie, vers 1652-1655, musée du Louvre
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Mörike Traduction Jacky Lavauzelle
LITTERATURE ALLEMANDE Deutsch Literatur
Gedichte – Poèmes
EDUARD MÖRIKE
8. September 1804 Ludwigsburg- 4. Juni 1875 Stuttgart 8 septembre 1804 – 4 juin 1875
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LA POÉSIE DE EDUARD MÖRIKE Gedichte von Eduard Mörike _________________
Sophie Gordeladze – Cantatrice
Soll auf der Jungfrau Mund die begeisterte Rede verpönt sein, Si le discours enthousiaste est mal vu dans la bouche d’une jeune fille, Ist euch des tiefern Gefühls volles Bekenntnis versagt: Si l’on vous refuse la pleine confession d’un sentiment profond : **
Früh, wann die Hähne kräh’n, A l’aube, au chant du coq,Eh’ die Sternlein verschwinden, Avant que les étoiles disparaissent,
Paul Signac, Femme à l’ombrelle, 1893, musée d’Orsay, Paris
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Einen Morgengruß ihr früh zu bringen, Afin de lui apporter mes salutations matinales, Und mein Morgenbrot bei ihr zu holen, Et pour quérir d’elle aussi mon petit-déjeuner,
Leo Putz, Le Petit Escargot chatouilleux, Das kitzlige Schnecklein,1904
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O Fluß, mein Fluß im Morgenstrahl! Ô fleuve, mon fleuve dans le rayon du matin ! Empfange nun, empfange Reçois maintenant, reçois
Isaac Levitan, L’Appel du soir, 1892
In aller Früh, ach, lang vor Tag, Tôt ce matin, Ah ! bien avant le début de ce jour, Weckt mich mein Herz, an dich zu denken, Mon cœur me réveille pour penser à toi,
Psychè et L’Amour, William Bouguereau, 18
« Krank nun vollends und matt! « Je suis malade ! maintenant, me voici totalement fatigué ! Und du, o Himmlische, willst mir Et toi, ô céleste, tu sembles
La muse Clio, Pierre Mignard, 1689
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Bei Nacht im Dorf der Wächter rief: La nuit dans le village, le gardien a crié : Elfe! Onze !
Le Chants des Elfes, Jacky Lavauzelle
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« Tinte! Tinte, wer braucht? Schön schwarze Tinte verkauf ich! » « Encre ! Encre, qui en a besoin ? Je vends de la belle encre noire ! « Rief ein Büblein gar hell Straßen hinauf und hinab. Criait un garçon dans les rues.
Noch unverrückt, o schöne Lampe, schmückest du, Toujours impatiente, ô belle lampe, tu décores, An leichten Ketten zierlich aufgehangen hier, Délicatement accrochée ici à des chaînes légères,
Georges de La Tour, Saint Jérôme lisant, Musée Lorrain
Wie heimlicher Weise Comme, secrètement, Ein Engelein leise Un petit ange doucement,
Gleichwie ein Vogel am Fenster vorbei mit sonnebeglänztem Comme un oiseau qui passe près de la fenêtre avec les brillantes Flügel den blitzenden Schein wirft in ein schattig Gemach, Ailes que lui donne le soleil et projette dans une pièce ombragée sa lueur éclatante, **
Elisabetha Dorothea Schiller, geb. Kodweiß, auf einem Gemälde von Ludovike Simanowiz – Elisabetha Dorothea Schiller, née Kodweiß, sur un tableau de Ludovike Simanowiz
Nach der Seite des Dorfs, wo jener alternde Zaun dort Du côté du village, où cette clôture vieillissante Ländliche Gräber umschließt, wall ich in Einsamkeit oft. Encercle les vieilles tombes, je déambule souvent dans la solitude. **
Laß, o Welt, o laß mich sein! Laisse, ô monde, ô laisse-moi ! Locket nicht mit Liebesgaben, Oublie sa vie amoureuse, **
Hat der Dichter im Geist ein köstliches Liedchen empfangen, Le poète a-t-il reçu un chant délicat dans son esprit, Ruht und rastet er nicht, bis es vollendet ihn grüßt. Qu’il ne peut plus se reposer et ne se reposera que lorsqu’il l’honorera parfaitement.
Rolla, Henri Gervex, 1878, musée des beaux-arts de Bordeaux
Gustave Courbet, Le Désespéré
Es graut vom Morgenreif Comme il est gris ce matin In Dämmerung das Feld, Le champ au crépuscule, **
Édouard Manet, Gamin aux Cerises
Mein Kind, in welchem Krieg hast du Mon enfant, dans quelle guerre as-tu Die gelben Haare lassen müssen? laissé tes cheveux dorés ? **
Es ist zwar sonsten nicht der Brauch, Ce n’est pas la coutume, Daß man ‘s Nestchen baut, Que de construire un nid
Gustave Courbet, La Femme au perroquet, 1866
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Photo Jacky Lavauzelle
Sieh, der Kastanie kindliches Laub hängt noch wie der feuchte Vois comme le feuillage du marronnier pend toujours comme les humides Flügel des Papillons, wenn er die Hülle verließ; Ailes du papillon lorsqu’il se libère de son enveloppe ; **
Tonleiterähnlich steiget dein Klaggesang Ta complainte augmente crescendo, Vollschwellend auf, wie wenn man Bouteillen füllt: S’amplifiant, à la manière d’une bouteille se remplissant : **
Ich sah eben ein jugendlich Paar, o Blume Dianas, Je viens de voir un couple d’adolescents, ô fleur de Diane, Vor dir stehen; es war Wange an Wange gelegt. Qui se tenait devant toi ; joue contre joue.
Roméo et Juliette, Frank Dicksee, 1884
Primel und Stern und Syringe, von einsamer Kerze beleuchtet, Primevères et asters et seringas, éclairés par une bougie solitaire, Hier im Glase, wie fremd blickt ihr, wie feenhaft, her! Ici dans le vase, comme vous avez l’air étrange, féérique !
Les Tournesols, Vincent van Gogh
Dieser schwellende Mund, den Reiz der Heimat noch atmend, Cette bouche gonflée respire toujours le charme de la maison, Kennt die Sprache nicht mehr, die ihn so lieblich geformt: Mais ne connaît plus la langue qui l’a façonnée avec tant d’amour : **
Von kunstfertigen Händen geschält, drei Äpfelchen, zierlich, Pelées par des mains habiles, trois pommes, délicates, Hängend an einem Zweig, den noch ein Blättchen umgrünt; Accrochées à une branche, à une feuille toujours verte ; **
Wenn sie in silberner Schale mit Wein uns würzet die Erdbeern, Lorsqu’elle relève les fraises dans un bol en argent avec du vin, Dicht mit Zucker noch erst streuet die Kinder des Walds: Elle saupoudre de sucre les enfants de la forêt : **
Bin jung gewesen, Jeune, jadis, Kann auch mitreden, Je peux donc parler,
Constantin Makovski, Константин Егорович Маковский, Beauté se préparant au bain
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So ist die Lieb! So ist die Lieb! L’amour est ainsi ! L’amour est ainsi ! Mit Küssen nicht zu stillen: Que des baisers toujours il demande :
Constantin Makovski, Константин Егорович Маковский, Beauté à la kokošnik
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In ein freundliches Städtchen tret ich ein, Je pénètre dans une ville agréable, In den Straßen liegt roter Abendschein. Une lueur rouge du soir plonge dans les rues.
Isaac Levitan, Исаак Ильич Левитан, Printemps en Italie
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Feindlich begegneten sich auf der Erde die Scharen des Himmels Elles se montrent hostiles sur terre, les armées du ciel Und der Höllen; es kommt eben zur förmlichen Schlacht. Et de l’enfer, qui s’engagent ici dans une bataille rangée.
Jérôme Bosch, Le Jardin des délices, L’Enfer, volet droit du triptyque
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Grausame Frühlingssonne, Cruel soleil de printemps, Du weckst mich vor der Zeit, Tu me réveilles bien trop tôt,
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Wenn meine Mutter hexen könnt’, Si ma mère était sorcière, Da müsst’ sie mit dem Regiment Elle devrait marcher avec le régiment
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« Sie ist mündig! » Sagt mir, Leute, « Elle est majeure ! » Dites-moi, Wie versteh ich dieses Wort? Comment puis-je comprendre ce mot ?
Anna Bilińska-Bohdanowicz , Portrait d’une jeune femme tenant une rose, Portrait de Mlle R., 1892, musée national de Varsovie
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Droben im Weinberg, unter dem blühenden Kirschbaum saß ich Dans le vignoble, j’étais assis sous le cerisier en fleurs Heut, einsam in Gedanken vertieft; es ruhte das Neue Aujourd’hui, solitaire dans mes pensées ; avec le Nouveau
In poetischer Epistel Dans une épître poétique, Ruft ein desperater Wicht: Un désespéré supplie :
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Wenn Dichter oft in warmen Phantasieen, Si, souvent, les poètes pris dans de fougueuses imaginations, von Liebesglück und schmerzlichem Vergnügen, sur des joies d’amour et sur de douloureuses peines,
Kouzma Petrov-Vodkine, Кузьма Сергеевич Петров-Водкин, Cheval rouge au bain, 1912, Купание красного коня, Третьяковская галерея, Galerie Tretiakov, Moscou
*************FRANZ KAFKA LISANT L’AUTOBIOGRAPHIE DE MÖRIKE A SES SOEURS (Journal Intime – 3 décembre – Traduction Jacky Lavauzelle)
3. Dezember. 3 décembre Wie ich letzthin meinen Schwestern die Selbstbiographie Mörikes vorlas, schon gut anfing, aber noch besser fortsetzte und schließlich, die Fingerspitzen aufeinander gelegt, mit meiner ruhig bleibenden Stimme innere Hindernisse bezwang, einen immer mehr sich ausbreitenden Ausblick meiner Stimme verschaffte und schließlich das ganze Zimmer rings um mich nichts anderes auf nehmen durfte als meine Stimme. Comment je lisais récemment l’autobiographie de Mörike à mes sœurs – j’ai bien commencé, mais j’ai continué encore mieux, et enfin, du bout des doigts, les uns sur les autres, je surmontais les obstacles intérieurs avec une voix ferme, je donnais à ma voix une ampleur en constante expansion et enfin toute la pièce tout autour de moi n’enregistrait rien d’autre que ma voix. Bis dann meine aus dem Geschäft zurückkehrenden Eltern läuteten. Jusqu’à ce que mes parents, revenus du travail, sonnassent à la porte.Vor dem Einschlafen das Gewicht der Fäuste an den leichten Armen auf meinem Leib gespürt. Avant de m’endormir, le poids de mes poings sur mes bras légers se ressentait sur mon corps.