Archives par mot-clé : solitude

le syndrome de minuit – roman pataquès – jacky lavauzelle

Il s’agit du premier roman « pataquès », avec une narration sous influence qui peut se transformer en roman quand la nuit seulement le permet. L’intérieur et l’extérieur sont des protagonistes, comme la nuit, l’air, le chat du voisin, Satan, le sable, le temps, le poisson-rouge… Le roman pataquès n’est pas un livre ouvert (ni fermé), il est entrouvert comme une voiture accidenté après les manipulations d’usage des anges. »

… « J’ai brûlé tant de matins tristes que des ombres sont venues…Avant, j’admirais les étendues des légèretés des lieux. Avant les lèvres s’appelaient des lèvres et les fleurs se nommaient des fleurs. Maintenant les fleurs envahissent le dernier coin de mon monde où jamais aucun pas ne passe.
Quand nait la pluie, le thé servi attend froid sur la table froide. La belle se contemple et mêle son âme aux choses les plus laides qui soient. La toison à foison dans les fonds des tréfonds s’enfonce, mais les fleurs sont là qui poussent dans mes membres…Les gouttes pendues à sa jambe tendue se pendent après s’être pendues dix fois… toujours quand vient la nuit…Des fleurs ! encore des fleurs ! Les lanternes se fanent aussi vite que le cri qui dans le fond s’attarde. Les lumières rendues à un ciel fendu se rendent toujours les premières à l’ennemi ! Toujours !… »



« Je ne suis pas bien dans la présence du désordre des boutiques des centres villes…la vache des fronts de mer se perd tout le temps hors de son champ et je ne la comprends plus. Elle est malade, la vache, de ne plus voir son train, les sabots plantés dans la boue. J’y pense tout le temps. Je roule jusqu’à la plage, mais j’ai laissé passer tant de nuits difficiles… dans le train, les nuits. Malades aussi les nuits, comme sont malades les plages et les coquillages… Je n’ai jamais digéré les coquillages et les bulots ! Je n’ai jamais digéré la nuit et les étoiles, ni les poissons volants qui glacent les cormorans affairés dans leur pêche quotidienne… demain, j’achèterai une chèvre rose ! … Où tu vas chercher des trucs pareils, me crie Paul ! …Arrête de rêver ! ….Minuit repassera demain. Ce soir, il est pris ! Bonne chance !… J’ai décidé de ne plus jamais lire…ce qu’il y a de plus beau, dans un livre, ce sont les traces d’usure sur la couverture… lire, c’est tomber dans le vide, sans que personne ne vous donne la main… L’auteur restera toujours un traître… La main que l’auteur te tend est toujours une ruse ou un piège…la main de ton pire ennemi… en tout cas, cela n’obère rien de bon… Il te laisse à l’orée de la nuit, sans que tu ne puisses plus pénétrer dans la nuit, ni revenir dans la vie ! Avec un livre, tu restes toujours dans cet entre-deux, qui n’est rien! Même pas le simple vide… »

A Alberto Teles – POEME DE ANTERO DE QUENTAL

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traduction Jacky Lavauzelle
LITTERATURE PORTUGAISE
literatura português

Os Lusiadas Traduction Jacky Lavauzelle Les Lusiades de Luis de Camoes

Antero de Quental

18 avril 1842 – Ponta Delgada (Les Açores)-  11 septembre 1891 Ponta Delgada
 18 de abril de 1842 – Ponta Delgada, 11 de setembro de 1891

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Traduction Jacky Lavauzelle

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A ALBERTO TELES
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Konstantine Iouon, Константи́н Фёдорович Юо́н, Голубой куст, Buisson bleu

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Só! – Ao ermita sozinho na montanha
Seul ! – Au solitaire ermite sur la montagne,
Visita-o Deus e dá-lhe confiança:
Dieu lui rend visite et lui donne sa confiance :
No mar, o nauta, que o tufão balança,
En mer, le marin, que berce le typhon,
Espera um sopro amigo que o céu tenha …
Attend un souffle amical du ciel …

*

Só! – Mas quem se assentou em riba estranha,
Seul ! – Mais celui qui se trouve en terre étrangère,
Longe dos seus, lá tem inda a lembrança;
Loin des siens, se rappelle d’eux par la mémoire ;
E Deus deixa-lhe ao menos a esperança
Et Dieu laisse au moins l’espoir
Ao que à noite soluça em erma penha…
La nuit, à celui qui sanglote au bord de la falaise…

*

Só! – Não o é quem na dor, quem nos cansaços,
Seul ! – Il ne l’est pas celui qui souffre, qui est fatigué,
Tem um laço que o prenda a este fadário,
S’il possède un lien qui le lie à ce destin,
Uma crença, um desejo… e inda um cuidado…
Une croyance, un désir… une inquiétude…

*

Mas cruzar, com desdém, inertes braços,
Mais traverser, avec dédain, bras inertes,
Mas passar, entre turbas, solitário,
Mais marcher, à travers la foule, solitaire,
Isto é ser só, é ser abandonado!
C’est être seul et abandonné !


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Alberto Teles de Utra Machado
(São Pedro, Angra do Heroísmo, 24 janvier 1840 – Oeiras, Oeiras et São Julião da Barra, 12 janvier 1923)
avocat, écrivain, publiciste et homme politique, diplômé en droit de l’Université de Coimbra en 1863.

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SOLITUDE – Poème de RAINER MARIA RILKE – EINSAMKEIT – 1902

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Rainer Maria Rilke

Traduction Jacky Lavauzelle

signature 2


LITTERATURE ALLEMANDE
Deutsch Literatur

Gedichte – Poèmes

 

RAINER MARIA RILKE
1875-1926

 Rainer Maria Rilke Portrait de Paula Modersohn-Becker 1906
Portrait de Rainer Maria Rilke
1906
Par Paula Modersohn-Becker

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EINSAMKEIT
SOLITUDE
1902
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Valentine de Milan pleurant la mort de son époux Louis d’Orléans, en 1407.


Die Einsamkeit ist wie ein Regen.
La solitude est comme la pluie.
Sie steigt vom Meer den Abenden entgegen;
Elle monte de la mer vers les soirées ;
von Ebenen, die fern sind und entlegen,
des vallées lointaines et inaccessibles,
geht sie zum Himmel, der sie immer hat.
elle va au ciel, qui toujours l’englobe.
Und erst vom Himmel fällt sie auf die Stadt.
Et du ciel revient sur la ville.

*

Regnet hernieder in den Zwitterstunden,
Elle se déverse pendant les heures métissées,
wenn sich nach Morgen wenden alle Gassen
quand au matin toutes les ruelles se rencontrent
und wenn die Leiber, welche nichts gefunden,
et quand les corps, qui n’ont rien trouvé,
enttäuscht und traurig von einander lassen;
déçus et tristes prennent congés les uns des autres ;
und wenn die Menschen, die einander hassen,
et quand les gens, les gens qui se détestent,
in einem Bett zusammen schlafen müssen:
doivent dormir ensemble dans le même lit :

*

dann geht die Einsamkeit mit den Flüssen…
alors la solitude va de pair avec les rivières …


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POEME de FERNANDO PESSOA Quando tornar a vir a Primavera

 Quando tornar a vir a Primavera
Quand le printemps

Poème de Fernando Pessoa
Alberto Caeiro
Poemas Inconjuntos
Poèmes Désassemblés





Traduction – Texte Bilingue
tradução – texto bilíngüe

Traduction Jacky Lavauzelle


LITTERATURE PORTUGAISE
POESIE PORTUGAISE

Literatura Português

FERNANDO PESSOA
1888-1935
Fernando Pesso Literatura Português Poesia e Prosa Poésie et Prose Artgitato

 





Poema de Fernando Pessoa
por Alberto Caeiro
Poemas Inconjuntos

Poème de Fernando Pessoa
Alberto Caeiro
POEMES DESASSEMBLES
1913-1914-1915

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Quando tornar a vir a Primavera
QUAND LE PRINTEMPS

 

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Quando tornar a vir a Primavera
Quand le Printemps reviendra
  Talvez já não me encontre no mundo.
Peut-être n’appartiendrai-je plus à ce monde.
Gostava agora de poder julgar que a Primavera é gente
J’aimerais maintenant penser que le printemps est une personne…



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Quando tornar a vir a Primavera

 

Quand le Printemps

P. RAMLEE CHANSON MALAISIENNE Dimana Kan Ku Cari Ganti

Malaisie – The best songs of Malaysia
LAGU LAGU TERBAIK
Les Plus belles Chansons Malaisiennes

Terjemahan Traduction Jacky Lavauzelle








Tan Sri Dr P. RAMLEE
Teuku Zakaria Teuku Nyak Puteh
1929 – 1973

*****

P. RAMLEE
Dimana Kan Ku Cari Ganti
Où puis-je trouver quelqu’un d’autre ?

Hendak ku nangis
Je veux pleurer
Tiada berair mata
Mais je suis sans larmes
Hendak ku senyum
Je veux sourire
Tiada siapa nak teman
Mais personne n’est mon ami
Kalaulah nasib
Si le sort a
Sudah tersurat
Été écrit
Begini hebat
Ainsi :
  Apa nak buat
Que faire  ?
*
Di mana kan ku cari ganti
Où chercher quelqu’un
Serupa dengan mu
Qui te ressemble ?
Tak sanggup ku berpisah
Je ne peux pas supporter
Dan berhati patah, hidup gelisah
Cette séparation, ce trouble.
*








Alangkah pedih rasa hati
Comme mes sentiments sont douloureux
Selama kau pergi
Depuis ton départ
 Tinggal ku sendirian
Je vis seul
Tiada berteman dalam kesepian
Sans amis dans la solitude.
*
Dunia terang menjadi gulita
La lumière du monde se trouve dans les ténèbres
Cahaya indah tiada berguna
La belle lumière n’est plus utile
Keluhan hatiku menambah derita
A ma plainte s’ajoute la souffrance
Namun kau jua tak kunjung jelma
Car jamais tu ne reviendras
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POUCHKINE 1820 Зачем безвременную скуку Poème Pourquoi cet ennui ?

 Зачем безвременную скуку
Алекса́ндр Серге́евич
Alexandre Pouchkine 1820
русский поэт- Poète Russe
русская литература
Littérature Russe

poemes-de-alexandre-pouchkine-artgitatopushkin-alexander

ALEXANDRE POUCHKINE 1820
pushkin poems
стихотворение  – Poésie
Пушкин

 

 

POUCHKINE – Пу́шкин
Алекса́ндр Серге́евич Пу́шкин
1799-1837

[создатель современного русского литературного языка]

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE

LA POESIE DE POUCHKINE

СТИХИ АЛЕКСАНДРА СЕРГЕЕВИЧА ПУШКИНА
Зачем безвременную скуку

POURQUOI CET ENNUI ?

Зачем безвременную скуку

Зачем безвременную скуку
Pourquoi cet ennui prématuré
 Зловещей думою питать,
Qui attise de si noires pensées,
И неизбежную разлуку
Et cette séparation inévitable…

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Хоть лёгкий шум её шагов.
A payer pour entendre juste un léger bruit de ses pas.

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LA SOLITUDE CHEZ POUCHKINE

Lorsque Pouchkine se vit en présence de cette sévère et puissante nature de l’antique Chersonèse, qu’il aperçut le Caucase à la cime souveraine, que ses regards se perdirent à l’horizon de ces steppes sans fin où l’on voit passer les chameaux des caravanes comme aux déserts de l’Arabie, alors le poète connut de nouvelles émotions. Ce fut pour lui un moment de recueillement profond et solennel ; s’interrogeant pour la première fois dans la solitude, il sentit ce qui manquait à son esprit encore inculte ; il appela au secours de son âme chagrine et désabusée l’étude et la réflexion. Jusqu’alors son génie n’avait obéi qu’à une fougueuse effervescence, à des colères subites et à des passions soudaines ; d’admirables instincts poétiques avaient donné à ses premiers accents la verve, la puissance et l’harmonie ; mais le flot de ces inspirations pouvait se tarir, si des études sérieuses n’en venaient entretenir et purifier la source. Pouchkine recommença donc son éducation lui-même. Il écrivait des lieux de son exil : « J’ai appelé dans la solitude le paisible travail et le goût de la réflexion. Le temps est à moi, et j’en use selon ma volonté ; mon esprit est devenu l’ami de l’ordre ; j’apprends à retenir mes pensées, je cherche à réparer en liberté le temps perdu : je me mets en règle avec le siècle. » Comme l’intelligence de Pouchkine était vive, cette éducation fut bientôt terminée. »

Pouchkine et le mouvement littéraire en Russie depuis 40 ans
Charles de Saint-Julien
Revue des Deux Mondes
Œuvres choisies de Pouchkine, traduites par M. H. Dupont
T.20 1847

Vaggvisa för min son Carl – Carl Michael BELLMAN – Poésie suédoise – Berceuse pour mon fils Carl

Sverige – Suède
Dikter av Carl Michael BELLMAN

Traduction – Texte Bilingue
Vaggvisa för min son Carl
Berceuse pour mon fils Carl
 Carl Michael BELLMAN
Poésie


LITTERATURE SUEDOISE
POESIE SUEDOISE

svensk litteratur
svensk poesi
svensk författare

Carl Michael BELLMAN
1740-1795

Traduction Jacky Lavauzelle

Vaggvisa för min son Carl

Berceuse pour mon fils Carl

18 augusti 1787

Lilla Carl, sov sött i frid !
Petit Carl, dors paisiblement !
 Ty du får tids nog vaka,
Viendra bien vite le temps des veillées
,
 
 tids nog se vår onda tid 
Viendrons les temps mauvais
 
 och hennes galla smaka.
et le goût de la bile.
 
 Världen är en sorgeö :
Le monde est un chagrin :
 
 bäst man andas skall man dö
pour mieux respirer il faudrait mourir
 och bli mull tillbaka.
et devenir poussière.

*

En gång, där en källa flöt
Une fois, une source coulait
 förbi en skyl i rågen, 
près d’un amas de seigle,
 
 stod en liten gosse söt
se tenait un petit garçon mignon
 
 och spegla sig i vågen : 
qui se reflétait dans la vague :
bäst sin bild han såg så skön 
son image était si belle
 uti böljan, klar och grön, 
sur les flots, claire et verte,
 straxt han inte såg’en.
en peu de temps elle s’est enfuie.

*

Så är med vår levnad fatt,
Ainsi va notre triste vie,
 och så försvinna åren :
et ainsi se perdent nos années :
 bäst man andas gott och glatt, 
le meilleur qu’un homme respire dans la joie,
 så lägges man på båren. 
qui se pose vite sur sa civière.
 Lilla Carl skall tänka så,
Petit Carl, il y pensera,
 när han ser de blomor små,
Quand il verra les petites fleurs,
 som bepryda våren.
qui embellissent le printemps.

*

Sove lulla, lilla vän ! 
Dors encore un peu, petit ami !
 Din välgång alla gläda. 
De ton succès tout le monde est heureux.
 När du vaknar, sku vi sen
Quand tu te réveilleras, faudra t-il alors
 dig klippa häst och släda ; 
que nous découpions les chevaux et le traîneau ;
 
 sen små hus av kort – lull lull –
puis que nous montions un petit château de cartes – dans le calme-
sku vi bygga, blåsa kull 
nous construirons et chanterons
 och små visor kväda.
de petites chansons moqueuses.

*

Mamma har åt barnet här 
Maman a ici pour son enfant
 
små gullskor och gullkappa,
des petites chaussures dorées et une robe d’or,
 och om Carl beskedlig är,
et si Carl est un gentil garçon,
 
 så kommmer rättnu pappa, 
son papa viendra lui apporter,
  lilla barnet namnam ger…
de douces friandises …
 
Sove lulla ! Ligg nu ner 
Dors encore un peu ! Allonge-toi maintenant
 och din kudde klappa.
et serre fort ton oreiller.

**************************
Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO
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Vaggvisa för min son Carl – Carl Michael BELLMAN
Berceuse pour mon fils Carl – Carl Michael BELLMAN Vaggvisa för min Carl Michael BELLMAN  dikter
Carl Michael BELLMAN  poet
 Carl Michael BELLMAN Poesi
svensk författare

 

Nöje i enslighet Hedvig Charlotta NORDENFLYCHT – PLAISIR DANS LA SOLITUDE – Poème Suédois

Sverige – Suède
Nöje i enslighet
Dikter av Hedvig Charlotta NORDENFLYCHT

Traduction – Texte Bilingue
Nöje i enslighet – Plaisir dans la solitude
Hedvig Charlotta NORDENFLYCHT
Poésie


LITTERATURE SUEDOISE
POESIE SUEDOISE

svensk litteratur
svensk poesi
svensk författare

Hedvig Charlotta NORDENFLYCHT
1718-1763

Traduction Jacky Lavauzelle

Nöje i enslighet

Plaisir dans la Solitude

Kom, aftonstjärnan, snart att båda
Viens ! étoile du soirsouvent compagne
de bästa stunder av mitt liv ! 
des meilleurs moments de ma vie !…

Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO
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Nöje i enslighet Hedvig Charlotta Nordenflycht
Plaisir dans la solitude Hedvig Charlotta Nordenflycht
Hedvig Charlotta Nordenflycht dikter
Hedvig Charlotta Nordenflycht poet
Hedvig Charlotta Nordenflycht Poesi
svensk författare

LA DENTELLIERE (Cl. Goretta) LA SOLITUDE AU CARRE

Claude GORETTA
LA DENTELLIERE (1977)
La solitude au carré

La Dentellière - Affiche - Claude Goretta - 1977

LE MYSTERE DE LA SOLITUDE

Le salon de coiffure qui ouvre le film laisse la caméra filer les angles durs des corps des « vieilles rombières, des  vieilles radoteuses » qui se curent, se manucurent, qui se nettoient et se noient dans les silences de la caisse. Coule la caméra. Passe la caméra comme coule l’eau sur des têtes de ces dames.  Nouveaux fonts baptismaux qui relavent encore et encore le poids du monde. Mais les mots qui pourraient s’échapper se calfeutrent, s’inhibent.  Le salon est silencieux du silence des mots qui chutent à l’ombre des vies oubliées. La parole est creuse. Personne ici ne se confesse. Le salon est triste, mécanique. « – Une couple, une mise en pli, une manucure. – Vous êtes précise à une minute près ! » Les gestes sont répétés, toujours identiques, chirurgicaux. Ce n’est pas l’âme que l’on répare. Les âmes se sont perdues, il y a longtemps déjà. Les corps, peut-être. A la surface.

La dentellière Claude Goretta Film 2

 « Il est plus d’un silence, il est plus d’une nuit, car chaque solitude a son propre mystère. » (Sully Prudhomme) Ici, nul mystère. Même pas des solitudes. La solitude. Seule. Générale. La précision a rendez-vous avec la technique, le vide, l’ennui, le néant. L’enfer n’est plus l’autre mais cet espace invraisemblablement vide et froid. L’humain n’est plus au milieu de ces êtres abimés par le rien ; il est ailleurs, peut-être. Rien ne flotte que l’ennui. Les êtres ne sont mêmes pas désespérés. Ils sont là par habitude, sans y prendre garde.

53 KG DE SOLITUDE

Béatrice, Isabelle Huppert, est pudique, timide. Elle travaille pour « mille balles par mois ». C’est « son monde ». Elle « ramasse les touffes de cheveux  et tend la main pour trois  francs de pourboire. » Les restes de ces restes. Par touffes.

Elle a honte de son corps et regarde avec étonnement celui de son amie, impudique et démonstrative. Cette amie de circonstance, si différente, sur le même radeau, Marylène, Florence Giorgetti, la patronne du salon, qui attend encore et toujours le prince charmant. 53 kg ! Depuis plusieurs années ! Elle est disponible. Elle attend. Jouer et faire semblant de s’en offusquer : « Il faudrait qu’on soit toujours prête avec eux ! » Mais elle n’attend que d’être prête. Sa vie s’éclaire de cette attente idéalisée. Dans l’océan, elle voit cette bouée si proche et toujours plus lointaine. Interminablement, presque du bout des doigts. Un cheval blanc et ce Prince charmant qui brille des feux de l’adultère. Le meilleur n’est pas en soi. La terre est tellement devenue aride que rien n’y pousse plus. Faire illusion, encore une fois. Tendre sa toile. Il vient de cet ailleurs que l’on ne connait pas mais auquel on croit aveuglément. De toutes les façons, quoi faire d’autre ?

Béatrice est seule, avec ce corps trop lourd pour elle, qu’elle cache. Béatrice s’ennuie, mais elle est gentille. Elle finit les plats que sa mère lui présente, en faisant bien attention à ne pas tacher son chemisier. Elle écoute son amie. Et elle attend.

QUAND LES ARBRES EUX-MÊMES CHANCELLENT

Une musique passe : « dans la forêt de notre enfance…des étoiles pleins les branches…puis des hommes sont venus…les arbres ont chancelé… » Les étoiles ont disparu et les hommes ne viennent pas. Un ciel sans lumière et sans vie. Si « la tristesse vient de la solitude du cœur » (Montesquieu), elle a dépassé ce stade. L’indifférence. Presque.

Béatrice fête sa dix-neuvième année avec sa mère et Marylène. Un gilet vert comme cadeau. « Il est vraiment très beau… » Une balade en bateau. C’est la fête ! Et le retour à sa chambre. Et de la chambre au salon. Elle attend le lendemain, où elle retrouvera Marylène et ses clientes.

Son amie se retrouve, encore une fois,  « larguée au téléphone. Ça fait trois ans… J’ai perdu trois ans, comme une imbécile…Espèce de salaud, tu as bousillé ma vie…Espèce de salaud, tu veux que je crève…Pauvre con !» Et elle en crève d’être prise ou d’attendre, d’espérer ou de désespérer ? Marylène a des ennuis, alors Béatrice s’occupe d’elle. Elle n’a rien d’autre à faire.

Marylène a de la chance ; dans sa  tristesse, elle vit. Des histoires glauques et médiocres. Mais des histoires quand même. S’énerver c’est se débattre. C’est se savoir en vie. Même si cette vie s’effondre. Béatrice la réconforte, sans y croire. Personne n’y croit plus. « Il va peut-être venir ! Tu veux que j’aille chercher ton ours ! » Béatrice se sent vivre aussi. Un peu.

La dentellière Claude Goretta Film 3

DE CABOURG A BALBEC

Et la mer ! Les corps nus, l’infini, le désir, l’impossible, la liberté, l’horizon si loin que l’espace s’y perd. Cabourg.  Seules, les deux filles sont sur la plage, même « s’il fait meilleur à Paris ».  Une plage infinie, «  elle va jusqu’où la plage ? » Les coquillages que l’on ramasse. Et la chambre triste. Derrière le mur, dans l’autre chambre d’à côté, un couple qui rit. Puis des ébats. Le malaise qui s’installe. Et nos deux filles qui rangent. A la radio, une publicité sur un champoing, pour changer du travail. Et les rires d’à côté qui embarrassent les filles. La chambre ne veut plus d’elles. « Tu viens ! On va prendre quelque chose de chaud. »

Cabourg. Balbec. Béatrice ou Swann. Une longue errance des sentiments introvertis. Swann analyse et décortique. Béatrice cherche sans comprendre. Elle passe. Béatrice est une anti-Swann- Pour Swann le presque-rien devenait un tout infini et complexe. Pour Béatrice, la totalité ne représente rien. Dans le grand restaurant, pas de clients. Elles se retrouvent naufragées sur le rivage normand « Ils sont où les gens ici? – Par ce temps, ils restent dans les villas ! – Et ceux qui n’ont pas de villa? … – Pour s’amuser vraiment, il faut aller jusqu’à Deauville ! C’est plutôt guindé ici, vous savez   !» Elles ne font pas non plus parties des cercles fermés. Elles ne sont d’aucun cercle. En dehors. Bien décalées. Exclues, elles suivent le mouvement des vagues en parcourant la plage. Une seule vaguelette pourrait les emporter loin dans les bas-fonds des océans. Mais elles y sont déjà au fond.

Béatrice apprend à nager. Elle qui déjà, dans le quotidien, se noie, se lance dans les éléments et dans l’infini. Marylène est là qui la supporte. Mais Marylène est fascinée par son obsession des hommes  jouant au ballon.

La boîte de nuit. Marylène danse quand Béatrice reste seule. Elle ne sait pas danser et elle baisse la tête. Béatrice s’agite encore, même quand la musique s’arrête. Il n’y a plus de temps à perdre. Il lui en faut un. Marylène ne voit plus Béatrice. Elle attend son homme. Malgré tout, personne ne veut d’elle. Abandonnée, elle fait sa crise sur la plage.

LE REFOULEMENT DES COEURS

Une autre boîte de nuit. Encore et encore. A la solitude proustienne qui drague la mort et le suicide, la solitude de Béatrice, dans les mains moites et en transe de Mylène, qui se saoule d’un triste divertissement. « N’ayant plus d’univers, plus de chambre, plus de corps que menacé par les ennemis qui m’entouraient, qu’envahi  jusque dans les os par la fièvre, j’étais seul, j’avais envie de mourir. Alors, ma grand-mère entra ; et à l’impression de mon cœur refoulé s’ouvrirent aussitôt des espaces infinis. » (Marcel  Proust, A l’ombre des jeunes filles en fleurs, II, Noms de pays : le pays)  293

Une musique plus langoureuse. Dans le slow, Marylène attrape enfin un homme dans ses filets. Le lendemain, elle est rayonnante. « – Il a demandé d’habiter chez lui ! – Tu seras mieux ! T’auras plus de place !» Il n’y a déjà plus de copine qui vaille. Son corps est ailleurs. Un autre en a pris possession. Elle vit enfin.

A la plage, le lendemain, Béatrice est seule au milieu des corps. Elle repart, mal à l’aise, dans un café. A manger des glaces, encore. « Je restai dans mon isolement comme un naufragé de qui a paru s’approcher un vaisseau, lequel a disparu ensuite sans s’être arrêté. » (Marcel  Proust, A l’ombre des jeunes filles en fleurs, II, Noms de pays : le pays)  Mais là, un autre, un être, un homme s’arrête. Elle ne le voit pas. Elle ne sait pas voir. Mais lui est intrigué par cette étrange créature qui ne ressemble à rien d’autre. Il vient de découvrir une nouvelle espèce. Proche de la sienne.

La dentellière Claude Goretta Film 4

UN ENNUI MONUMENTAL

Le jeune homme qui s’assied à ses côtés, installe sa raquette. C’est François, Yves Beneyton, « brillantes études de lettres à Paris ». C’est le premier homme qui la remarque. Enfin. Il faut briser la glace de cet iceberg. Au chalumeau. « – Beau temps pour manger des glaces ! Vous êtes en vacances ? Vous n’allez pas à la plage ? Vous n’aimez pas ? A cette heure-ci, c’est la fourmilière. La plage, il faut y aller tôt le matin, c’est complétement vide…Je passe mes vacances dans ce trou depuis ma plus tendre enfance, hélas !… Cabourg, perle de la côte normande. Sa digue de 1800 mètres, son casino et ses jardins aux parterres admirables couverts de fleurs. Son avenue de la Mer, son grand hôtel avec sa chambre de Marcel Proust. Ses spécialités de caramel mou. Son garden tennis-Club. Son golf à dix-huit trous. Pour les moins fortunés, son golf miniature. Son cercle hippique. Son marchand de cycles. Sa poste. Sa promenade des Anglais.  Son boulevard des Belges. Et puis surtout, son ennui monumental. »

LA VACANCE DE L’AMOUR

Lui aussi est seul. Riche, mais seul. Il joue au tennis contre un filet. Il se balade seul sur la plage. Et elle le cherche sur les courts de tennis. Et lui, sur la plage. Au café. Mais elle reste dans sa chambre. Et François passe le boulevard de la Mer au peigne fin, à la recherche de l’inconnue, le cœur battant. La rencontre enfin « –ça fait bien plaisir de vous revoir ! C’est vrai ! Si, si, c’est vrai ! » Ce n’est peut-être pas de l’amour mais une méconnaissance du sentiment amoureux à l’écoute de ce cœur qui depuis trop longtemps était devenu si calme. « J’étais dans une de ces périodes de la jeunesse, dépourvues d’un amour particulier, vacantes, où partout – comme un amoureux, la femme dont il est épris – on désire, on cherche, on voit la Beauté. Qu’un seul trait réel – le peu  qu’on distingue d’une femme vue de loin, ou de dos – nous permette de projeter la Beauté devant nous, nous nous figurons l’avoir reconnue, notre cœur bat, nous pressons le pas, et nous resterons toujours à demi persuadés que c’était elle, pourvu que la femme ait disparu ; ce n’est que si nous pouvons la rattraper que nous comprenons notre erreur. » (Marcel  Proust, A l’ombre des jeunes filles en fleurs, II, Noms de pays : le pays) 

La dentellière Claude Goretta Film 5

IN CASINO FORTUNA

Nos solitaires s’éloignent du monde. « – Ici, il n’y a déjà plus personne. Ils préfèrent s’entasser devant le casino – Vous n’aimez pas quand il y a du monde ? – Vous, non plus, non ? – Non, j’aime pas beaucoup !» Ils se sentent plus vivants et plus forts, ensemble.

In casino fortuna – La Chance est dans cette maison. La chance n’est pas au rendez-vous et le homard se transforme en boîte de conserve. Les corps se rapprochent. Mais ne se touchent pas. « – Vous voulez une pêche ? – Non, merci. Je ne supporte pas la peau. Ça me fait frissonner ! – Je vais vous en épluchez une ! » On pense alors à un vieux couple. « –rien que de vous voir l’éplucher, ça me donne la chair de poule ! » Mais à côté, les amants font du bruit, encore. Les corps du monde inondent la chambre dans un cri de jouissance interminable. Béatrice, mal à l’aise, met la musique. Lui préfère la musique classique. Alors elle cherche la bonne fréquence. Un livre sur les lits. Les contes de Maupassant. Elle sourit. Elle pense se rapprocher de lui. «Juste penchée au-dessus d’un désordre qui les abritait, l’oiseau s’égosillait toujours. Ils ne parlaient pas de peur de le faire fuir… » Elle ne fuira pas. Il y a trop longtemps qu’elle a perdu ses ailes et ses jambes.

ET TA VIE ? C’EST QUOI

Une route. Un cimetière américain. « Il y dix mille rien qu’ici ! Il n’y a pas que des baigneurs sur la plage ! ». Marylène retrouve son amie. « –C’est impressionnant tous ces américains. Qu’est-ce qu’ils étaient jeunes ! »  Au cœur de cette jeunesse abattue en plein vol, Marylène a rencontré John, le bon, peut-être ? Elle se rassure. C’est un américain. Marylène semble étonnée que Béatrice ai pu attraper un homme, elle si prude. «- Dans le fond, vous étiez venues à Cabourg pour draguer ? – On été venues pour voir la mer ! – Tu ne l’avais jamais vu ? – Ben non ! – Tu ne connais rien, alors ! Et ta vie, alors, c’est quoi ? – Le travail, et puis la maison – Et les garçons ? – Non ! – Tu n’en as jamais eu ? – Non, jamais ! – Tu es vierge, alors ? – Oui ! – Et avec Marylène, tu n’as jamais rencontré de garçons ? – Elle n’en connaît pas beaucoup, je crois ! – Et tes parents ? Qu’est-ce qu’ils font ? – Je vis avec ma mère, elle travaille dans un magasin. – Et les gars dans la rue, dans le métro, ils ne te baratinent pas ? – Si, ils essaient. – Ben, alors ? – Ben, rien ! Ils ne m’intéressent pas. Je ne les connais pas. -Et moi ? – Toi, c’est différent. Je ne sais pas, tu es poli ! »

Dans les terres, à la campagne. On dirait un tableau de Renoir. François semble jaloux. Un type semble s’intéresser à Béatrice. C’est un peintre. Il offre les deux dessins. Elle ne sait pas lequel prendre. En voulant déchirer son portrait, elle montre ses premiers sentiments.

La dentellière Claude Goretta Film

 

QUELLE GRÂCE DANS LE TRAVAIL

Dans sa chambre, elle se dénude et positionne sa robe au-dessus du lit. Le jeu de l’aveugle. De la confiance au bord du précipice. « –un quart de tour à gauche…un demi-tour à droite…Tu as peur…un petit pas…Tu peux ouvrir les yeux maintenant…tu as confiance en moi – Bien sûr. » Elle apprend à faire confiance. Elle se donne. La maison des parents. Les draps que l’on tend. Les regrets de ne pas se voir si souvent. « –viens m’aider à plier celui-là, on va voir ce que tu sais faire ! » Le drap se plie « –Quelle grâce dans le travail ! – Ne te moque pas ! » Elle a tant et tant plié, tant tendu et rangé. La grâce n’y est pour rien. Mais lui y trouve de la beauté.

FAIRE DES CHOSES INTERESSANTES

Le désir. L’envie de passer une nuit ensemble. « -si tu ne veux pas…je en veux pas que ça soit pour me faire plaisir…tu as froid. Tu veux ton châle. » Le châle que l’on pose à la nuit tombée.

La chambre. La lumière que l’on éteint. Que l’on rallume. Le désir. L’intimité. La honte. Une lumière glauque. François s’assied au bord du lit et découvre peu à peu Béatrice. Les bras s’enlacent.

La plage. Il fait froid. La visite chez la mère de Béatrice. Les petits gestes du quotidien. Les dessins de jeunesse que l’on feuillette et les photos anciennes que l’on passe.

Nouvel appartement. Nouvelle peinture. Elle a même marqué les livres qui étaient ouverts avant de les refermer pour les ranger. Ce poids devient lourd. Elle doit s’ouvrir. Elle n’est pas que ça. Il faut qu’elle fasse autres choses pour que sauver ce couple qui déjà patine. Il faut « faire des choses plus intéressantes, prendre des cours … – J’aime bien ma vie avec toi. J’apprends plein de choses. » C’est déjà plus qu’elle n’a jamais espéré. Pourquoi plus encore.

DU CARRE AU CARRE, ET TOUJOURS UN PEU PLUS DE SOLITUDE

Les amis. Les intellos. Les conceptuels. Et des mots qui enveloppent. Qui à force de vouloir dire et donner du sens politique, des mots qui restent-là sans ne plus servir à rien. On classifie, structure, range. C’est un nouveau salon de coiffure pour jeunes étudiants en mal d’affirmation. La caméra ne filme plus les corps du salon de coiffure mais les mots anguleux du salon où l’on cause et où l’on refait la vie « – Ça, c’est ta voiture, ça, c’est  ta maison, ton bureau, ton lit, le métro, l’avion, l’ascenseur, le cercueil. T’es toujours dans la boîte ! Regarde ! On n’a pas l’air gai là-dedans !  T’as tout là-dedans ! Le boulot, la bouffe, la baise !…Il y a eu l’âge d’or, l’âge de fer, maintenant l’âge de la boîte. L’âge de la boîte, de la standardisation. Si t’es pas conforme, si t’as pas la dimension, que tu ne rentres pas dans la boîte, t’as qu’à crever ! Sauf la boîte, c’est pourtant évident, l’âge de la boîte est venue…

SIMPLE EFFICACE IMPARABLE

…La boîte c’est 6 cloisons et 24 angles droits, c’est simple, efficace, imparable ! C’est la solution à tous tes problèmes ! Qu’est-ce qu’y reste comme place pour la promenade, plus d’horizon. Parce que  l’horizon, c’est pas droit, c’est fantaisiste. La vie, maintenant, c’est fait pour le rendement. Pas pour vivre ! Tu ne t’en rends même pas compte. Ça vient tout doucement. Un beau matin jour, tu découvres un nouveau feu rouge en bas de chez toi, une interdiction de stationner, un sens unique.  Tout ça, tu te dis, c’est pour faciliter la circulation…alors tu t’arrêts au feu, tu vas dans le bon sens …la boîte se referme sur toi. »

Mais les pensées éloignent les couples et les corps. Les mondes ne se croisent pas. Se sont-ils une fois croisés ? Mais la pensée de Béatrice implose. Elle ne comprend plus. Cet espoir qui est entré dans sa vie finira par la tuer. Sèchement. La raison vacille et flanche. Le corps n’a plus d’envies. Et le temps s’est arrêté. Elle est dans la boîte. Seule.

 Jacky Lavauzelle

La dentellière