Archives par mot-clé : sochař

Stefan Milkov – Faunův odpočinek – Le Repos du Faune – 2005 – zámek Mikulov – Château de Mikulov

TCHEQUIE
Česká republika
捷克共和国
République tchèque
Mikulov

—-
Sculptures Tchèques
Stefan Milkov

né en 1955
narozený v 1955

——

 

 

Photo Jacky Lavauzelle

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Faunův odpočinek
Le Repos du Faune
2005

Stefan Milkov
Sculpteur – sochař

zámek Mikulov – 2005
MORAVIE

Stefan Milkov Mikulov Artgitato Mikulov Faunuv odpocinek (1) Stefan Milkov Mikulov Artgitato Mikulov Faunuv odpocinek (2) Stefan Milkov Mikulov Artgitato Mikulov Faunuv odpocinek (4) Stefan Milkov Mikulov Artgitato Mikulov Faunuv odpocinek (5) Stefan Milkov Mikulov Artgitato Mikulov Faunuv odpocinek (6)

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L’Après-midi d’un Faune

« De paroles vacante et ce corps alourdi
Tard succombent au fier silence de midi :
Sans plus il faut dormir en l’oubli du blasphème,

Sur le sable altéré gisant et comme j’aime
Ouvrir ma bouche à l’astre efficace des vins ! »

Stéphane Mallarmé
Poésies
Nouvelle Revue française, 1914
8e éd – pp. 71-80
L’Après-midi d’un Faune
Églogue

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Le satyre

Un satyre habitait l’Olympe, retiré
Dans le grand bois sauvage au pied du mont sacré ;
Il vivait là, chassant, rêvant, parmi les branches ;
Nuit et jour, poursuivant les vagues formes blanches.

Il tenait à l’affût les douze ou quinze sens
Qu’un faune peut braquer sur les plaisirs passants.
Qu’était-ce que ce faune ? On l’ignorait ; et Flore
Ne le connaissait point, ni Vesper, ni l’Aurore
Qui sait tout, surprenant le regard du réveil ;
On avait beau parler à l’églantier vermeil,
Interroger le nid, questionner le souffle,
Personne ne savait le nom de ce maroufle.
Les sorciers dénombraient presque tous les sylvains ;
Les aegipans étant fameux comme les vins,
En voyant la colline on nommait le satyre ;
On connaissait Stulcas, faune de Pallantyre,
Gès, qui, le soir, riait sur le Ménale assis,
Bos, l’aegipan de Crète ; on entendait Chrysis,
Sylvain du Ptyx que l’homme appelle Janicule,
Qui jouait de la flûte au fond du crépuscule ;
Anthrops, faune du Pinde, était cité partout ;
Celui-ci, nulle part ; les uns le disaient loup ;
D’autres le disaient dieu, prétendant s’y connaître ;
Mais, en tout cas, qu’il fût tout ce qu’il pouvait être,
C’était un garnement de dieu fort mal famé.

Victor Hugo
 La Légende des siècles
Première série – VIII
Seizième siècle – Renaissance – Paganisme
Le Satyre – Prologue

Jiří Marek – Sochu Lišky Bystroušky – Statue de la Petite Renarde Rusée – Příhody lišky Bystroušky

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BRNO

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Sculptures Tchèques
Jiří Marek

16.1.1914 Velké Meziříčí – 16.2.1993 Brno

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Photo Jacky Lavauzelle

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Sochu Lišky Bystroušky
Statue de la Petite Renarde Rusée
1993

Jiří Marek
Sculpteur – sochař



Janáčkovo náměstí

Příhody lišky Bystroušky
La Petite Renarde Rusée
Opéra de Leoš Janáček
1921 et 1923
Création le 6 novembre 1924 à Brno

Leoš Janáček
3 juillet 1854 à Hukvaldy – 12 août 1928 Ostrava
3. července 1854 – 12. srpna 1928
Leoš_Janáček

Jiří Marek Sochu Lišky BystrouškyStatue de la Petite Renarde Rusée 1993 Brno Artgitato (1) Jiří Marek Sochu Lišky BystrouškyStatue de la Petite Renarde Rusée 1993 Brno Artgitato (2) Jiří Marek Sochu Lišky BystrouškyStatue de la Petite Renarde Rusée 1993 Brno Artgitato (3) Jiří Marek Sochu Lišky BystrouškyStatue de la Petite Renarde Rusée 1993 Brno Artgitato (4) Jiří Marek Sochu Lišky BystrouškyStatue de la Petite Renarde Rusée 1993 Brno Artgitato (5)

 

Marius Kotrba Socha Spravedlnosti La Statue de la Justice – Brno – Moravské náměstí

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République tchèque
BRNO

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Sculptures Tchèques
Marius Kotrba

Datum narození: 30.9.1959- Datum úmrtí: 17.5.2011
1959-2011

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Photo Jacky Lavauzelle

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Socha Spravedlnosti
Statue de la Justice

Marius Kotrba
Sculpteur – sochař


27. dubna 1957, Praha
Né le 27 janvier 1957 à Prague

Moravské náměstí

Socha Spravedlnosti statue de la Justice Marius Kotrba culpteur - sochař Brno Artgitato (1) Socha Spravedlnosti statue de la Justice Marius Kotrba culpteur - sochař Brno Artgitato (2) Socha Spravedlnosti statue de la Justice Marius Kotrba culpteur - sochař Brno Artgitato (3)

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LA JUSTICE par VOLTAIRE

JUSTICE

Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’on dit que la justice est bien souvent très-injuste : Summum jus, summa injuria, est un des plus anciens proverbes. Il y a plusieurs manières affreuses d’être injuste : par exemple, celle de rouer l’innocent Calas sur des indices équivoques, et de se rendre coupable du sang innocent pour avoir trop cru de vaines présomptions.
Une autre manière d’être injuste est de condamner au dernier supplice un homme qui mériterait tout au plus trois mois de prison : cette espèce d’injustice est celle des tyrans, et surtout des fanatiques, qui deviennent toujours des tyrans dès qu’ils ont la puissance de malfaire.
Nous ne pouvons mieux démontrer cette vérité que par la lettre qu’un célèbre avocat au conseil écrivit, en 1766, à M. le marquis de Beccaria, l’un des plus célèbres professeurs de jurisprudence qui soient en Europe.

Voltaire
Dictionnaire philosophique
1764

Tomáš Medek -Hommage à Edison – Pocta Edisonovi- Malinovského náměstí – BRNO Брно 布尔诺

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BRNO

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Sculptures Tchèques
Tomáš Medek
Sochař T. Medek
Tomas MedekThomas Edison Artgitato Théâtre Mahen Brno

 

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Photo Jacky Lavauzelle

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Tomáš Medek

Malinovského náměstí
BRNO – Брно – 布尔诺
Théâtre Mahen
Mahenovo divadlo

Pocta Edisonovi
Hommage à Edison

Hommage à Thomas Edison qui installa l’électricité au Théâtre Mahen en 1882, année de sa construction
Malinovského náměstí

Tomáš Medek Pocta Edisonovi Hommage à Edison Artgitato Brno Théâtre Mahen (1) Tomáš Medek Pocta Edisonovi Hommage à Edison Artgitato Brno Théâtre Mahen (3) Tomáš Medek Pocta Edisonovi Hommage à Edison Artgitato Brno Théâtre Mahen (4) Tomáš Medek Pocta Edisonovi Hommage à Edison Artgitato Brno Théâtre Mahen (5)

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THOMAS EDISON
Vu par Louis Figuier en 1891

Ces essais avaient tous mal réussi, lorsqu’on annonça, en 1879, que le physicien américain, Edison, avait résolu le problème de l’éclairage électrique, par incandescence.
Cette annonce était prématurée, car M. Edison n’en était encore, en 1879, qu’à la période des essais, et le procédé qu’il employait alors était assez imparfait. Aussi des doutes bien légitimes accueillirent-ils, en Europe, l’annonce de cette découverte.
Cependant, M. Edison continua ses recherches, et à force de patience et de sagacité, il finit par réaliser sa lampe à incandescence, dont les visiteurs admirèrent les effets à l’Exposition d’électricité de Paris, en 1881.
La lampe à incandescence de M. Edison consiste en une petite cloche, de forme ovoïde, dans laquelle on a fait le vide, pour empêcher la combustion du charbon.
Le charbon est, en effet, le corps conducteur de l’électricité qui, porté à une très haute température par le passage du courant électrique, produit l’effet lumineux.
La manière de préparer ce charbon est ce qui présenta le plus de difficultés à M. Edison, comme aux autres inventeurs, ses rivaux. De la manière dont il est obtenu dépendent, en effet, l’éclat, la couleur et les qualités de la lumière.
M. Edison prépare aujourd’hui son charbon, non comme il le faisait d’abord, avec des feuilles de carton Bristol carbonisé en vase clos, mais avec des filaments de bambou carbonisé. Les filaments de bambou, après leur calcination, se réduisent à l’épaisseur d’un crin de cheval. On en fait une sorte d’arc, et on fixe les deux extrémités de cet arc charbonneux dans un petit fil de platine, en rapport avec le courant électrique. On fait ensuite le vide dans cette petite cloche ; enfin on la scelle, pendant qu’elle est parfaitement privée d’air, au moyen d’un ciment particulier.
Chaque petit luminaire a environ la puissance de deux becs Carcel.

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Fig. 314. — Bec de la lampe Edison.

La figure 314 représente le bec Edison, qui, placé à volonté sur différents supports, forme une lampe électrique (fig. 315).

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Fig. 315. — Lampe Edison.

En réunissant un certain nombre de ces lampes, on compose un lustre, tel que ceux qui figuraient à l’Exposition d’électricité. On voit dans la figure 316 l’un de ces lustres formé de la réunion d’un certain nombre de lampes.

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Fig. 316. — Lustre électrique Edison.

On pourrait craindre que ces petits ustensiles soient de peu de durée. Ils peuvent cependant servir, pendant mille heures. D’ailleurs, vu leur prix minime (1 fr. 25), on peut les remplacer sans grande conséquence, quand ils sont usés, de même que nous remplaçons les verres cassés de nos lampes à l’huile.

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Fig. 317. — M. Edison.

Nous n’avons pas besoin de dire que chaque lampe doit être mise en communication avec un courant électrique continu, fourni par une machine dynamo-électrique.
Pendant que M. Edison construisait, à New-York, sa lampe à incandescence, en perfectionnant la lampe russe, d’autres physiciens ou constructeurs, s’appliquant aux mêmes recherches, arrivaient à des résultats à peu près semblables.

Louis Figuier
Les Merveilles de la science ou description populaire des inventions modernes
Furne, Jouvet et Cie, 1891
Tome 2 des Suppléments, pp. 385-520
Supplément à l’art de l’éclairage

 

Jan Vítězslav Dušek – Výstava v Táboře – Exposition 2016 à Tabor – Выставка в Таборе – 展览泰伯

TCHEQUIE
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Sculptures Tchèques
Jan Vítězslav Dušek
Sochař J.V.Dušek
Jan Vítezslav Dušek Tabor

 

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Photo Jacky Lavauzelle

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Jan Vítězslav Dušek
1891-1966
Exposition de Tábor
Výstava v Táboře
2016
Exhibition in Tábor
Выставка в Таборе
展览泰伯

ženský akt bez paži
Nue sans bras
Jan Vítězslav Dušek

Jan Vítezslav Dušek Tabor Artgitato ženský akt bez paži

ženský akt – Polopostava
Nue – Buste
Jan Vítězslav Dušek

Jan Vítezslav Dušek Tabor Artgitato ženský akt Polopostava

Zármutek
Douleur
1917
Jan Vítězslav Dušek
Jan Vítezslav Dušek Tabor Artgitato Zármutek Douleur 1917

Poslední brázda
Le dernier sillon

Jan Vítezslav Dušek Tabor Artgitato Poslední brázda Le dernier sillon 2 Jan Vítezslav Dušek Tabor Artgitato Poslední brázda Le dernier sillon

T.G. Masaryk s dětetem
Mazaryk avec un enfant
(1)

Jan Vítezslav Dušek Tabor Artgitato T.G. Masaryk s detetem Masaryk avec enfant

Lakomství
L’Avarice

Jan Vítezslav Dušek Tabor Artgitato Lakomství L'avarice

Torzo ženy
Torse de femme

Jan Vítezslav Dušek Tabor Artgitato Torzo ženy Torse de femme

Jihočeská stráž – Návrh na Pomník pádlým v Jistebnici
Bronz 1926
Garde Bohème du Sud
Proposition Monument aux Morts de Jistebnice


Jan Vítezslav Dušek Tabor Artgitato Jihoceská stráž 1926

Obránce lidu
Le défenseur du peuple
diorit – diorite – 1956
Jan Vítezslav Dušek Tabor Artgitato Obránce lidu Défenseur du peuple 1956 3 Jan Vítezslav Dušek Tabor Artgitato Obránce lidu Défenseur du peuple 1956 2 Jan Vítezslav Dušek Tabor Artgitato Obránce lidu Défenseur du peuple 1956český Betlém
Bethléem tchèque
Jan Vítězslav Dušek
patínovaná sádra
plâtre patiné

Jan Vítezslav Dušek Tabor Artgitato ceský Betlém Béthléem tchèque 3 Jan Vítezslav Dušek Tabor Artgitato ceský Betlém Béthléem tchèque 2 Jan Vítezslav Dušek Tabor Artgitato ceský Betlém Béthléem tchèque 1

Jan Amos Komensky
Comenius
1927
patínovaná sádra
plâtre patiné
(2)

Jan Vítezslav Dušek Tabor Artgitato Jan Amos Komensky Comenius 1927
Madona s ditětem
Vierge à l’enfant
Jan Vítezslav Dušek Madona s ditetem vierge à l'enfantMistr Jan Hus
(vers 1373 –
sádra – plâtre
1922-1923
Jan Vítezslav Dušek Tabor Artgitato Mistr Jan HusHus a Žižka
Jan Hus et Jan Žižka
bronz, nedatováno
bronze non daté
Jan Žižka
(1370-1424)
Chef de guerre des hussites
(3)

Jan Vítezslav Dušek Tabor Jan Hus et Jan Zizka

Cepník
sádra – plâtre
nedatováno- non daté
Jan Vítezslav Dušek Tabor Artgitato Cepnik

Jan Žižka
sádra – plâtre
nedatováno- non daté
(3)
Jan Vítezslav Dušek Tabor Jan Zizka

Tábor 1420 – 1920
Jan Vítezslav Dušek Tabor 1420 1920 Artgitato

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(1)
MASARYK
DANS LA REVUE DES DEUX MONDES
EN 1918

« A Prague, naît et s’organise l’État tchéco-slovaque, qui, lui, s’oriente vers la république, avec le docteur Masaryk pour président et le docteur Kramarcz pour premier ministre; sa juridiction s’étend sur les populations tchèques et slovaques de la Bohême, de la Moravie, de la Silésie (couronne d’Autriche) et du Tatra (couronne de Hongrie). Celui-là a déjà l’aspect d’un État régulier : il a ou va avoir un gouvernement; il a l’embryon d’une armée; il a une politique extérieure, il est belligérant. »

Charles BENOIST
Chronique de la quinzaine, histoire politique – 14 novembre 1918
Revue des Deux Mondes, 6e période, tome 48, 1918
pp. 469-480

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(2)
COMENIUS PAR DIDEROT

Voici un homme qui s’est fait un nom au tems où les esprits voulaient ramener tout à la révélation. C’est Jean Amos Comenius. Il naquit en Moravie l’an 1592. Il étudia à Herborn. Sa patrie était alors le théâtre de la guerre. Il perdit ses biens, ses ouvrages & presque sa liberté. Il alla chercher un asile en Pologne. Ce fut-là qu’il publia son Janua linguarum referata, qui fut traduit dans toutes les langues. Cette premiere production fut suivie du Synopsis physicæ ad lumen divinum reformatæ. On l’appela en Suisse & en Angleterre. Il fit ces deux voyages. Le comte d’Oxenstiern le protégea, ce qui ne l’empêcha pas de mener une vie errante & malheureuse. Allant de province en province & de ville en ville, & rencontrant la peine partout, il arriva à Amsterdam. Il aurait pu y demeurer tranquille ; mais il se mit à faire le prophète, & l’on sait bien que ce métier ne s’accorde guère avec le repos. Il annonçait des pertes, des guerres, des malheurs de toute espèce, la fin du monde, qui durait encore, à son grand étonnement, lorsqu’il mourut en 1671. Ce fut un des plus ardents défenseurs de la physique de Moïse. Il ne pouvait souffrir qu’on la décriât, surtout en public & dans les écoles. Cependant il n’était pas ennemi de la liberté de penser. Il disait du chancelier Bacon, qu’il avait trouvé la clef du sanctuaire de la nature ; mais qu’il avait laissé à d’autres le soin d’ouvrir. Il regardait la doctrine d’Aristote comme pernicieuse ; & il n’aurait pas tenu à lui qu’on ne brûlât tous les livres de ce philosophe, parce qu’il n’avait été ni circoncis ni baptisé.

Diderot
L’Encyclopédie, 1re éd.
1751 – Tome 10, pp. 741-745

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(3)
JAN ZIZKA

VI.

Les habitants des villes de Prague s’intitulaient, pour la plupart, Calixtins ; à Rome on les appelait par dérision Hussites clochants, parce qu’ils avaient abandonné Jean Huss en plusieurs choses ; à Tabor on les appelait faux Hussites, parce qu’ils se tenaient à la lettre de Jean Huss et de Wickleff plus qu’à l’esprit de leur prédication. Quant à eux, Calixtins, ils s’intitulaient Hussites purs. En 1420 ils avaient formulé leur doctrine en quatre articles : 1° la communion sous les deux espèces ; 2° la libre prédication de la parole de Dieu ; 3° la punition des péchés publics ; 4° la confiscation des biens du clergé, et l’abrogation de tous ses pouvoirs et privilèges.
Ils envoyèrent une députation à Tabor pour aviser aux moyens de se débarrasser de la reine qui, avec quelques troupes, tenait encore le Petit-Côté de Prague. On a conservé textuellement la réponse des Taborites à cette députation. « Nous vous plaignons de n’avoir pas la liberté de communier sous les deux espèces, parce que vous êtes commandés par deux forteresses. Si vous voulez sincèrement accepter notre secours, nous irons les démolir, nous abolirons le gouvernement monarchique, et nous ferons de la Bohême une république. » Il me semble qu’il ne faut pas commenter longuement cette réponse pour voir que le rétablissement de la coupe n’était pas une vaine subtilité, ni le stupide engouement d’un fanatisme barbare, comme on le croit communément, mais le signe et la formule d’une révolution fondamentale dans la société constituée.
La proposition fut acceptée. Le fort de Wishrad fut emporté d’assaut. De là, commandés par Ziska, les Praguois et les Taborites allèrent assiéger le Petit-Côté. Il y avait peu de temps qu’on faisait usage en Bohême des bombardes. Les assiégés portaient, à l’aide de ces machines de guerre, la terreur dans les rangs des Hussites. Mais les Taborites avaient appris à compter sur leurs bras et sur leur audace. Ils forcèrent le pont qui était défendu par un fort appelé la Maison de Saxe (Saxen Hausen) et posèrent le siège, au milieu de la nuit, devant le fort de Saint-Wenceslas. La reine prit la fuite. Un renfort d’Impériaux, qui était arrivé secrètement, défendit la forteresse. Le combat fut acharné. Les Hussites étaient maîtres de toute la ville ; encore un peu, et la dernière force de Sigismond dans Prague, le fort de Saint Wenceslas, allait lui échapper. Mais les grands du royaume intervinrent, et, usant de leur ascendant accoutumé sur les Hussites de Prague, les firent consentir à une trêve de quatre mois. Il fut convenu que pendant cet armistice les cultes seraient libres de part et d’autre, le clergé e les propriétés respectés, enfin que Ziska restituerai Pilsen et ses autres conquêtes.
Ziska quitta la ville avec ses Taborites, résolu à ne point observer ce traité insensé. Le sénat de Prague reprit ses fonctions ; mais les catholiques qui s’étaient enfuis durant le combat n’osèrent rentrer, craignant la haine du peuple. Sigismond écrivit des menaces ; Ziska reprit ses courses et ses ravages dans les provinces.
La reine ayant rejoint son beau-frère Sigismond à Brunn en Moravie, ils convoquèrent une diète des prélats et des seigneurs, et écrivirent aux Praguois de venir traiter. La noblesse morave avait reçu l’empereur avec acclamations. Les députés hussites arrivèrent et communiérent ostensiblement sous les deux espèces, dans la ville, qui fut mise en interdit, c’est-à-dire privée de sacrements tout le temps qu’ils y demeurèrent, étant considérée par le clergé papiste comme souillée et empestée. Puis ils présentèrent leur requête, c’est-à-dire leurs quatre articles, à Sigismond qui se moqua d’eux. Mes chers Bohémiens, leur dit-il, laissez cela à part, ce n’est point ici un concile. Puis il leur donna ses conditions par écrit : qu’ils eussent à ôter les chaînes et les barricades des rues de Prague, et à porter les barres et les colonnes dans la forteresse ; qu’ils abattissent tous les retranchements qu’ils avaient dressés devant Saint-Wenceslas ; qu’ils reçussent ses troupes et ses gouverneurs ; enfin qu’ils fissent une soumission complète, moyennant quoi il leur accorderait amnistie générale et les gouvernerait à la façon de l’empereur son père, et non autrement.
Les députés rentrèrent tristement à Prague et lurent cette sommation au sénat. Les esprits étaient abattus, Ziska n’était plus là. Les catholiques s’agitaient et menaçaient. On exécuta de point en point les ordres de Sigismond. Les chanoines, curés, moines et prêtres rentrèrent en triomphe, protégés par les soldats impériaux.
Ceux des Hussites qui n’avaient pas pris part à ces làchetés sortirent de Prague, et se rendirent tous à Tabor. Ils furent attaqués en chemin par quelques seigneurs royalistes, et sortirent vainqueurs de leurs mains après un rude combat. Une partie alla trouver Nicolas de Hussinetz à Sudomirtz, l’autre Ziska à Tabor. Ces chefs les conduisirent à la guerre, et leur firent détruire plusieurs places fortes, ravager quelques villes hostiles. Sigismond écrivit aux Praguois pour les remercier de leur soumission et pour intimer aux catholiques l’ordre d’exterminer absolument tous les Wicklefistes, Hussites et Taborites. Les papistes ne se firent pas prier, exercèrent d’abominables cruautés, et la Bohême fut un champ de carnage.
Cependant nul n’osa attaquer Ziska avant l’arrivée de l’empereur. Sigismond n’osait pas encore se montrer en Bohême. Il alla en Silésie punir une ancienne sédition, faire trancher la tête à douze des révoltés, et tirer à quatre chevaux dans les rues de Breslaw Jean de Crasa, prédicateur hussite, que l’on compte parmi les martyrs de Bohême ; car l’hérésie a ses listes de saints et de victimes comme l’Église primitive, et à d’aussi bons titres.
L’empereur fit afficher la Croisade de Martin V contre les Hussites. Ces folles rigueurs produisirent en Bohême l’effet qu’on devait en attendre. Le moine prémontré Jean, que nous avons déjà vu dans les premiers mouvements de Prague, revint, à la faveur du trouble, y prêcher le carême. Il déclama vigoureusement contre l’empereur et le baptisa d’un nom qui lui resta en Bohême, le cheval roux de l’Apocalypse. « Mes chers Praguois, disait-il, souvenez-vous de ceux de Breslaw et de Jean de Crasa. » Le peuple assembla la bourgeoisie et l’université, et jura entre leurs mains de ne jamais recevoir Sigismond, et de défendre la nouvelle communion jusqu’à la dernière goutte de son sang. Les hostilités recommencèrent à la ville et à la campagne. On écrivit des lettres circulaires dans tout le royaume. Partout le même serment fut proféré et monta vers le ciel.
Sigismond se décida enfin pour la guerre ouverte. Il leva des troupes en Hongrie, en Silésie, dans la Lusace, dans tout l’Empire.
Albert, archiduc d’Autriche, à la tête de quatre mille chevaux, renforcé par d’autres troupes considérables et par le capitaine de Moravie, fut le premier des Impériaux qui affronta le redoutable aveugle. Ziska les battit entre Prague et Tabor ; puis, sans s’attarder à leur poursuite, il alla détruire un riche monastère que nous mentionnons dans le nombre à cause d’un épisode. De l’armée de vassaux qui le défendaient il ne resta que six hommes, lesquels se battirent jusqu’à la fin comme des lions. Ziska, émerveillé de leur bravoure, promit la vie à celui des six qui tuerait les cinq autres. Aussitôt ils se jetèrent comme des dogues les uns sur les autres. Il n’en resta qu’un qui, s’étant déclaré Taborite, se retira à Tabor et y communia sous les deux espèces en témoignage de fidélité.

Cependant les Hussites de Prague assiégeaient la forteresse de Saint-Wenceslas. Le gouverneur feignit de la leur rendre, pilla et emporta tout ce qu’il put dans le château, et se retira en laissant la place à son collègue Plawen ; de sorte qu’au moment où les assiégeants s’y jetaient avec confiance, ils furent battus et repoussés. Cependant Ziska arrivait. Il s’arrêta le lendemain non loin de Prague pour regarder quelques Hussites qui détruisaient un couvent et insultaient les moines. « Frère Jean, lui dirent-ils, comment te plaît le régal que nous faisons à ces comédiens sacrés ? » Mais Ziska, qui ne se plaisait à rien d’inutile, leur répondit en leur montrant la forteresse de Saint-Wenceslas : « Pourquoi avez-vous épargné cette boutique de chauve (calvitia officina) ? — Hélas ! dirent-ils, nous en fûmes honteusement chassés hier. — Venez donc, » reprit Ziska.
Ziska n’avait avec lui que trente chevaux. Il entre ; et à peine a-t-on aperçu sa grosse tête rasée, sa longue moustache polonaise et ses yeux à jamais éteints, qui, dit-on, le rendaient plus terrible que la mort en personne, que les Praguois se raniment et se sentent exaltés d’une rage et d’une force nouvelles. Saint-Wenceslas est emporté, et Ziska s’en retourne à Tabor en leur recommandant de l’appeler toujours dans le danger.
A peine a-t-il disparu, qu’un renfort d’Impériaux arrive et reprend la forteresse. Ziska avait réellement une puissance surhumaine. Là où il était avec une poignée de Taborites, là était la victoire, et quand il partait il semblait qu’elle le suivît en croupe. C’est que l’âme et le nerf de cette révolution étaient en lui, ou plutôt à Tabor ; car il semblait qu’il eût toujours besoin, après chaque action, d’aller s’y retremper ; c’est que chez les Calixtins il n’y avait qu’une foi chancelante, des intentions vagues, un sentiment d’intérêt personnel toujours prêt à céder à la peur ou à la séduction, une politique de juste-milieu.
Un chef taborite, convoqué à la guerre sans quartier par les circulaires de Ziska, vint attaquer Wisrhad que les Impériaux, avaient repris. Il fut repoussé et aurait péri avec tous les siens si Ziska ne se fût montré. Les Impériaux, qui avaient fait une vigoureuse sortie, rentrèrent aussitôt. Ziska fut reçu cette fois à bras ouverts dans la ville. Le clergé, le sénat et la bourgeoisie accouraient au-devant de lui, et emmenaient les femmes et les enfants taborites dans leurs maisons pour les héberger et les régaler. Ses soldats couraient les rues, décoiffant les dames catholiques et coupant les moustaches à leurs maris. Plusieurs villes se déclarèrent taborites, et envoyèrent leurs hommes à Prague pour offrir leurs services à l’aveugle. Un nouveau renfort était arrivé à Wisrhad, et l’empereur s’avançait à grandes journées.

 George Sand
Jean Ziska
Jean Ziska, Michel Lévy frères, 1867
pp. 72-77

Eva KMENTOVA : LA RESISTANCE A L’OPPRESSION (Femme au soleil – žena na slunci -1958, bronze 2005)






Eva Kmentova (1928-1980)
Femme au soleil
žena na slunci
(1958, bronze 2005)

 Eva Kmentova žena na slunci (1958, bronze 2005) (1)

La Résistance
à
L’Oppression

Dans une cour du Musée Kampa (Museum Kampa, U Sovových mlýnů 2, 118 00 Praha) au milieu d’autres statues, la Femme au soleil d’Eva Kmentova, seule, contre un mur, s’offre à nous.

Il s’agit d’une femme, les proportions sont là. Mais la féminité est peu marquée. Et nous sommes autant dans le corps de l’artiste que dans celui d’une humanité plus générale.

La femme est là, face contre terre. Comme jetée à terre. Presqu’humiliée. L’être est couché, comme soumis, mais tout son effort tend vers le redressement. Se mettre droit. Tenir debout. Ne pas rester dans la situation originelle. S’élever. Ne pas rester coucher. Ne plus rester soumise.

Eva Kmentova žena na slunci (1958, bronze 2005) (2)

Les masses s’équilibrent sur le socle en pierre blanche. Et les membres, la tête et les jambes, se lèvent, se jettent vers le soleil, comme s’il s’agissait de s’arracher de la terre. Ce corps lourd et massif veut partir, s’envoler. Il se tend un peu plus de chaque côté. Quelque chose peut casser à tout instant. Et ce corps qui part, laisse un peu plus la terre pour rejoindre les astres.

Dans cette forme, le corps devient céleste. Il va vers le soleil en devenant lune, croissant de lune. Ce corps en a besoin. Il a soif de cette chaleur. C’est une nécessité vitale pour lui, pour ce corps devenu satellite.

S’il se tend, il se tend comme un arc. Un arc qui enverrait dans le ciel, vers le soleil, ce besoin d’un ailleurs, ce besoin d’espoir, pour vaincre enfin sa peur. Pour laisser son désir s’épanouir.

Cette masse si imposante devient ligne par cette position tendue. La tension ne pourra pas durer éternellement, mais qu’importe, puisque, en existant, elle permet au corps de s’ouvrir, de s’entrouvrir.

Avoir gagné sur le lourd, le pesant, le joug, les interdits, la tyrannie et l’oppression, voilà ce que le corps, et plus que le corps, l’être gagne. C’est dans cette prouesse, simple et banale, mais tellement désagréable de cette tension du cou et de cette inflexion du bassin, que l’être peut se lever enfin et que la vie peut commencer, moins mécanique et plus humaine.

Elle se tend juste avant la cassure qui elle serait définitive. Inconfortable et seule, mais vivante encore et espérant.

Eva Kmentova žena na slunci (1958, bronze 2005) (4)Eva Kmentova, ainsi que son mari Olbram Zoubek, qu’elle a connu à l’Académie des Arts,  faisait partie du groupe Trasa, où figuraient notamment les sœurs Jikta er Květa Válovy. Eva apporta au groupe de cette nouvelle figuration une dimension poétique, plus sensuelle. Elle fut bridée tout au long de sa vie par le système communisme. Comme de nombreux artistes tchèques, elle vécut grâce à des petits boulots comme vendeuse et restauratrice de bijoux.

žena na slunci porte la trace de Fernand Léger. cette sculpture a été réalisée trois ans après la mort de l’artiste français.

« L’art est fait d’oppression, de tragédie, criblées discontinûment par l’irruption d’une joie qui inonde son site, puis repart. » (René Char, Eloge d’une soupçonnée, 1988)

 

Jacky Lavauzelle

David Černý : LE JEU DE L’INVERSION ET DE L’IMPOSTURE

SCUPTUREsochařství
David Černýdavid černý

 

 Le jeu de l’Inversion
& de l’Imposture

Le site de David Černý, http://www.davidcerny.cz, présente la tête de l’artiste, mi Nicola Sirkis, chanteur d’Indochine, mi Robert Smith, chanteur de The Cure, tournant comme dans une fête foraine sur un fond noir (Černý = noir), et rotant ou coassant. Un clic sur sa tête pour qu’elle explose avec en fond chanté, un alléluia retentissant. Nous sommes dans le domaine du jeu. L’artiste joue le diablotin espiègle. Il est le mauvais canard de la bien-pensance en sachant tout à fait être dans le vent avec une création propre sur elle. Mais David Černý joue et joue le jeu. Il joue le lieu aussi.

david černý Kůň, Vanceslas Galerie Lucerna Praha Prague

Nous entrons dans une optique binaire  formelle. La première œuvre où l’artiste est enfin reconnu est en réalité un ready-made où le changement de statut et de statue, passe par une apposition d’une couleur.
Le mémorial de guerre se transforme en jouet improbable.  Le char qui est peint en rose, en 1991, se nomme le char Joseph Staline, JS2, tout un symbole. Il trônait à Prague et symbolisait la libération de Prague par l’Armée-rouge. Un symbole qui devenait une provocation après les événements de 1989.
Rien de moins guerrier et de moins mémorial que le rose. Cette performance devient la cérémonie d’investiture de Černý sur la place artistique tchèque, alors sur le feu mondial des projecteurs. C’est une entrée en matière tonitruante pour un événement en 1991, deux ans après la libération de la tutelle communiste, qui pourrait presque passer pour anecdotique. Plus qu’un symbole, l’acte devenait rébellion.

Le concept binaire de  David Černý est trouvé par cette apposition : l’opposition, la contradiction. Du jeu de la guerre à la guerre du jeu. La guerre pour les grands devient le jouet des enfants. Rien ne s’oppose plus à la guerre, ne tranche plus avec la terreur communiste que le rose. Nous pensons au rouge sanguin, au noir du deuil, au kaki des tenues. Rien ne s’oppose plus au culte de la personnalité de Staline que cette couleur. Le rose est la couleur la plus à même de déstructurer le métal et la symbolique guerrière avec son côté enfantin, laiteux, féminin, le rose du rouge à lèvres, ou le rose fragile et éphémère de la fleur.  

david černý Miminka Babies Musée Kampa Prague 2

Entre 1988 et 1996, David est étudiant à l’École des arts appliqués de Prague. Le pays vient de se libérer depuis deux ans. L’artiste veut faire un coup d’éclat. Le pays se réveille de la tragédie communiste et place l’écrivain Vaclav Havel dès sa libération, après l’éviction d’Alexander Dubček. Nous sommes dans sa présidence où l’indépendance avec les partis politiques devient la règle. 

Le jeu se place donc dans une période apaisée et propice à la dialectique culturelle. Les soviétiques ne sont plus les maîtres, le communisme est balayé. Plusieurs artistes engagés se retrouvent aux manettes du pays. Le risque reste calculé et relativement limité. Des députés repeindront en rose en signe de soutien à l’artiste.

Les bébés, autres scuptures de l’artiste, Miminka Babies, sont fragiles, dépendants de nous, avec un visage poupon et craquant, des petits êtres à protéger. Nos sociétés contemporaines focalisent sur leur bien-être. En appliquant le concept de l’artiste, il suffit de les rendre forts et massifs, libres, et prédateurs. Ils deviennent monstrueux, immenses, sans visages ;  ils montent partout. Ils dominent le monde des grands. L’artiste les rend identiques, comme clonés, sans émotions avec la rationalité d’une entrée USB d’un ordinateur ou d’un code à barres commercial au milieu du visage.

Cet élément de répétition et de clonage se retrouve dans d’autres œuvres comme les pingouins de Prague, český tučňák. Le changement de couleur s’opère avec les pingouins en jaune en ligne à côté du Musée Kampa au bord de la Vltava. Les pingouins sont en groupe, en bande, souvent les uns contre les autres afin de lutter contre le froid. David Černý les transforme en moutons de panurge. Totalement liés les uns aux autres. En appliquant une couleur jaune au noir et blanc du pingouin, David Černý continue sa logique conceptuelle. Le noir et le blanc c’est la nuit et le froid et l’opposé sera la chaleur et le soleil, donc le jaune. La signification positive de chaleur et d’amitié sera de nouveau inversée par le positionnement en ligne, position d’autorité et de soumission à un ordre établi. La signification négative, celle du mensonge et de la tromperie deviendra une nouvelle signature de l’artiste. Celle que l’on retrouvera lors de l’exposition Entropa.  

david černý Miminka Babies Musée Kampa Prague 1

Le cheval, Kůň,  dans la galerie du Lucerna montre un Vanceslas ridiculisé, lui qui est représenté très sérieusement à quelques mètres de là devant la place du même nom Václavské náměstí. Mais le cheval est renversé, à l’envers. Elle rend illusoire la posture digne du souverain. Vanceslas Ier de Bohème, comme saint patron de ce pays est un des symboles nationaux les plus forts, au même titre que le Château de Prague ou le Pont Charles. Le toucher c’est toucher aux fondamentaux du pays, le ridiculiser sur ses valeurs. Avec la tromperie, la facétie et démystification seront associés à l’artiste. L’artiste soulignait après l’imposture de l’exposition Entropa de 2009 à Bruxelles, à l’Atrium du conseil des ministres que « L’hyperbole grotesque et la mystification font indissociables de la culture tchèque et l’utilisation de fausses identités n’est rien d’autre qu’une des stratégies de l’art contemporain« 

Le comble serait d’utiliser ses méthodes sur ses œuvres et de peindre par exemple ses bébés du Musée Kampa en blanc. Et la boucle serait bouclée. L’arroseur arrosé. Nous refermerions le cercle pour en ouvrir un autre.

Dans la citation de l’artiste, le mot important que relève l’artiste est celui de la Stratégie. Nous restons bel et bien avec cette artiste dans le conceptuel et le stratégique. Nous ne sommes pas dans l’émotion et le ressenti. L’assurance de l’idée ne laisse pas de part à la fragilité et au doute. Par contre et l’exposition Entropa en est la preuve, la dimension humoristique est présente. L’aspect conceptuel de la contradiction s’ouvre sur une radicalité quasi caricaturale.

 

david černý český tučňák Musée Kampa Praha Prague

Le Satan sarcastique de son site web entre show-biz et artiste rock a trouvé sa place dans notre société du spectacle et de l’outrance. Un sentiment de familiarité nous fait suivre son œuvre toutefois avec un sentiment de plaisir et de connivence. Amitiés ou irritations ? « C’est de la familiarité que naissent les plus tendres amitiés et les plus fortes haines »  (Rivarol)

 

Jacky Lavauzelle

Miloslav Chlupáč LA SEDUCTION DE LA SOUFFRANCE (Ležicí – 1960)

Miloslav Chlupáč
(1920 – 2008)
Ležicí (1960)Miloslav Chlipac lezici 1960 Musee Kampa Prague Photo J Lavauzelle

 LA SEDUCTION
DE LA
SOUFFRANCE

Dans les années 60, à Prague, les dissidents s’organisent.

L’émulation intellectuelle prépare les événements de 1968.  Antonín Jaroslav Liehm  commence à travailler à la revue littéraire Literární noviny et avec lui Milan Kundera, Ludvík Vaculík, Jan Procházka, Pavel Kohout et Ivan Klíma.

L’œuvre de Miloslav Chlupáč, Ležicí, date de 1960. Point d’origine de l’organisation de la contestation contre le pouvoir autoritaire. C’est aussi en 1960 que la Troisième République laisse définitivement la place à la République socialiste tchécoslovaque. Depuis 1953, le slovaque Viliam Široký préside aux destinées funestes du pays.

Aujourd’hui, La femme qui est là, sans nom, devant nous, couchée dans cette cour du Musée Kampa en compagnie de nombreuses œuvres de sculpteurs tchèques et slovaques, d’Eva Kmentová à d’Olbram Zoubek, en passant par René Roubiček,  ou les boules rouillées de čestmír Suška, raconte aussi cette histoire. La grande Histoire. Mais aussi la sienne, celle des femmes et de toute l’humanité, plus large encore que l’histoire misérable de ce Trou noir des pays communistes.

Cette femme est une douleur qui n’a pas de cri. Le cri s’étouffe dans les langueurs de la Vltava, qui, à côté, sépare le Petit côté (Malá Strana) de la Vieille ville (Staré Město). Le Charentais, Jacques Chardonne disait que « sauf la souffrance physique, tout est imaginaire. » Et c’est vrai que dans cette cour silencieuse, les cris sont étouffés. Des multitudes de cris pour une symphonie de la souffrance. Chlupáč, Kmentová, d’Olbram Zoubek, les êtres sont déchiquetés, soumis, amputés. Nous entendons les pas des visiteurs sur le gravier, nous entendons les oiseaux qui arrivent du pays Moldave, les cris joyeux des enfants qui jouent dans le parc du Musée Kampa.

Elle n’a ni cri, ni bouche, ni yeux. Elle n’a qu’un nez géométriquement parfait. Son visage n’est sensé ne rien exprimer. C’est seulement son corps et sa position qui expriment sa douleur. Le corps parle de la douleur comme il est, en lui-même, réceptacle de cette souffrance.

Le corps est dans le manque. En manque d’organes. Il n’a plus ce qui lui permet, ordinairement, naturellement, de s’exprimer. Comment, dans cet état minimal, peut-il nous dire quelque chose ?

Dans cette entière soustraction, l’être parle mieux. C’est quand le temps est compté que les mots dits sonnent, résonnent et s’amplifient. Le moins apporte le plus, le plus dense, plus de compact, plus de sens. Il ne lui reste que le nez, organe passif. Comme est passive, voire soumise, sa position. Presque dans l’attente du coup final, de l’exécution.

Ne plus savoir si elle souffre ou si elle se repose. Elle est là, couchée sur ce gravier trop gros, terre cuite isolée autour des miroirs déformants, des sculptures ouvertes et coupantes, autour d’une forme laiteuse où s’emprisonne un tronçon de bois. Si elle bouge, une lame ou des boules pourraient encore l’écraser et l’anéantir.

Miloslav Clupac Lezici M Kampa Prague détail Photo J Lavauzelle

Il lui manque quelque chose. Une statue, celle d’Eva Kmentová, semble être sa sœur ou sa mère. Celle de   Chlupáč est couchée sur le côté, légèrement. La souffrance vient aussi de sa mutilation. Il lui manque les mains et les pieds. Elle ne peut donc plus marcher, donc partir vers un ailleurs et ne plus pouvoir écrire ou faire. La création est amputée. La statue s’enfonce un peu plus dans la terre, le gravier s’écarte. En l’aspirant, le bras se lève.

La beauté blanche et la tranquillité de salle contrastent avec l’ampleur et la violence des corps mutilés. Ils bougent, autant qu’une statue peut bouger. Ils se retournent, se redressent. Du moins, ils essaient. Ces tentatives sont là, à chaque seconde reproduites. Les instants ne changent pas la forme de la douleur, ils l’amplifient.

Mais les oreilles sont rares. L’époque a changé et les douleurs différentes. Les statues sont là, pour beaucoup, inexpressives. Les cris seraient enfermés à jamais dans l’histoire, dans une histoire que nous ne comprendrions plus, d’une autre histoire qui ne serait plus la nôtre. Il ne resterait que des corps, des statues que l’on aimerait positionner dans son jardin.  Il ne reste que l’esthétique des rondeurs, voire de la féminité.

Mais, bien sûr, la souffrance se montrera toujours. Dans nos esprits. Dans nos mémoires. A l’œil qui s’ouvre, l’être qui souffre parlera car « personne ne saurait en finir. On peut changer de souffrance. On ne peut supprimer la souffrance. » (Henri Troyat)

La même année, en 1960, il créera Torso, qui ne possède plus que le tronc, un tronc blanc, massif.

En regardant le titre, la première fois, « Ležicí », inclinée, j’ai lu « lže » au lieu de « lež », autrement dit, « elle ment ». Est-ce que ce plan mentirait ? La position serait une position de repos si nous n’avions cette amputation et, plus que l’amputation elle-même, la position de la tête. Elle se lève vers le ciel. Elle tire sur ses épaules afin de donner une posture des plus inconfortables. La souffrance est belle et bien là, qui s’exprime.

La terre cuite qui la compose marque sa fragilité et la petite inscription, sous l’œuvre, indique bien «prosím, nedotýkejte se », « s’il vous plaît ne touchez pas ». L’œuvre dans sa souffrance et sa fragilité est bien plus humaine que beaucoup de spectateurs pressés dans la course mécanique, le temps de quelques clichés, des lieux à faire, dans ce petit centre de Prague.

Elle reposera ce soir, la nuit tombée, dans le calme de cette nuit fraîche encore mais claire. Elle reprendra, dans le répit nocturne, un instant, une minute afin de se regarder dans les miroirs déformants de Milan Dobeš et découvrir un autre possible, plus gai et plus heureux.

Une autre pancarte devrait être apposée : « Prosím, poslouchejte !», s’il vous plaît, écoutez !

Jacky Lavauzelle

 

Lukáš Rittstein : QUAND L’ORIGINE FECONDE L’AVENIR

Lukáš Rittstein
 Tanči (Danse)
Anči, (2005 – Musée Kampa Prague)

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Quand l’origine
Féconde l’avenir

Réalisées en toile souple, blanche et laquée, les sculptures de Lukáš Rittstein sont devenues le porte-étendard d’une marque, leader mondial du plafond tendu. Nous nous attendons à un travail marketing, entre publicités et paillettes. Une évidence pourtant s’oppose à cette mise en avant médiatique. Une lecture plus intime de l’œuvre aborde d’autres thématiques qui nous concernent tous, éthiques et environnementales. Greenwashing, éco blanchiment, peut-être. Mais les messages ne sont pas dissimulés.

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Les sculptures de Rittstein s’inscrivent dans un cycle nommé Manop – Le premier et le dernier. Les sites consacrés à ces sculptures citent toujours la même réplique, alors citons-la une fois pour toute : « Au bout de la civilisation vous apprend le plus sur vous-même et sur la civilisation ». Il y a de la pédagogie dans l’air. Notre civilisation serait-elle à ce point si confuse ?  

Un des souhaits de l’artiste serait donc de joindre, de lier, de délier  le début, l’alpha,  la non-contamination, la virginité, la naissance de l’humanité, la tribu, la localisation et la survie,  l’art brut et l’oméga, la modernité, la publicité, le commercial, la mondialisation, les matériaux industriels. Un début et une fin. Une complexité à la recherche de l’élément. Elémentaire, mon cher Lukáš  ?

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Comment donc joindre les deux bouts, jeter un pont entre l’alpha et l’oméga ? Comment comprendre notre parcours, en donner une lecture ? L’œuvre de Rittstein met le doigt sur nos oppositions, nos contradictions, par les origines, par les couleurs, le blanc et le noir, ou le marron, les matières, le souple et le dur, les genres, le féminin et le masculin, le yin et le yang. Ce n’est plus un pont, mais un viaduc. Revenons un instant sur son parcours esthétique et littéraire.

De 1991-1997 a étudié à l’Académie des Beaux-Arts de Prague et dans les années 1997-1999 à l’Académie des Arts de Prague. En 1999, il a reçu le prix Chalupeckého Henry (Cenu Jindřicha Chalupeckého). Dans la période qui va de 1997 à 2008 il part avec le photographe et peintre Barbara Šlapetová expédition en Nouvelle-Guinée pour les tribus autochtones.

Quand tout nous paraît illisible, voire confus, le mieux est de se ressourcer, de revenir au point de départ. Tenter le retour. L’autre alternative : fuir et foncer tête baissée… 

Le choix de Rittstein : revenir sur des fondamentaux de notre civilisation. Rittstein n’est pas parti pour s’isoler du monde mais pour le reconquérir, à sa manière. « Ce qui fait le charme et l’attrait de l’Ailleurs, de ce que nous appelons exotisme, ce n’est point tant que la nature y soit plus belle, mais que tout nous y paraît neuf, nous surprend et se présente à notre œil dans une sorte de virginité. » (André Gide, Journal) Nous reparlerons de cette virginité plus tard.


Leur livre de ces chemins Pourquoi la nuit est noire  (Proč je noc černá)  a reçu le prix 2005 de Magnesia Litera  (prix littéraire tchèque, http://www.magnesia-litera.cz/  ). Sur le site nous pouvons lire : « Autoři jsou věrohodnými tlumočníky výpovědí příslušníků dvou kmenů žijících v rozdílných biotopech Nové Guineje. Ve vysokohorské oblasti nebo v nížině deštného pralesa. Setkali se s nimi v několika expedicích v letech 1998 až 2002. Seznamujeme se s životním během lidí, jehož samozřejmou součástí je i kanibalismus. Vstupujeme do míst legend a duchů, kde se transcendentno a reálno mísí v neoddělitelném spojení. Cestujeme časem zpět po vlastní vývojové linii do doby kamenné a objevujeme nové morální kodexy a hodnotové systémy. Získáváme i nové vidění a měřítka pro hodnocení civilizace vlastní. To všechno v rámci syrové, znepokojivé autenticity rozhovorů, které pronikají hluboko do nitra papuánské duše a nevyhýbají se žádné životní situaci. Silný dojem je umocněn skvělým, většinou černobílým, fotografickým doprovodem, který tvoří organickou součást výpovědi. V něm se jistě uplatnilo vzdělání autorů, kteří jsou absolventy Akademie výtvarných umění. Kniha má příkladný grafický design. Závěrem: velmi zdařilá i vyzrálá knižní prvotina.”  (« Les auteurs témoignent sur  deux tribus différentes de la Nouvelle-Guinée, l’une dans les régions montagneuses et l’autre  dans la forêt tropicale de la plaine. Ils ont participé à plusieurs expéditions de 1998 à 2002. Ils se sont  familiarisés avec ces peuples, où le cannibalisme est  une composante naturelle. La légende, le mystère et la réalité se mélangent et sont  inextricablement liés. Nous voyageons dans le temps et suivons son développement à partir  de l’âge de pierre afin de découvrir de nouveaux codes moraux et systèmes de valeurs. Tout est dans les entretiens empreints d’authenticité et qui pénètrent profondément l’âme papoue. Cette forte impression est renforcée par l’utilisation du noir et blanc,  excellent contrepoint   photographique, qui s’intègre parfaitement au témoignage. En cela, il a certainement appliqué à l’écriture les techniques de l’Académie des Beaux-Arts de Prague. Le livre a une conception graphique exemplaire. Un début littéraire très réussi et mature. » (trad JL))

En 2010,  Lukas Rittstein revient avec Barbora Šlapetová pour une participation au pavillon tchèque pour la World Expo 2010 de Shanghai, le projet représentera l’harmonie entre urbanité et nature. Nous retrouverons le désir de symbiose entre les extrêmes. Même s’il est vrai que la nature envahit de plus en plus nos villes et inversement. Les deux s’interpénètrent continuellement, et les villes les plus urbanisées, comme La Grande Motte, intègrent des parties conséquentes aux espaces verts.

P4140277Dans Tanči, l’œuvre qui se trouve au Musée Kampa de Prague, nous retrouvons un tronc d’arbre rougeâtre et massif inséré dans une mâchoire blanche, entre deux crocs laiteux. Des éclaboussures sortent de l’arrière de cette matière blanche. Le blanc virginal, symbole de la paix, semble, a priori, bien inoffensif. Il se transforme pourtant, sorte de plante carnivore, en véritable monstre carnassier. La réalité n’est pas dans l’évidence comme l’habit ne fait pas le moine. Il faut donc se méfier des apparences, trop souvent trompeuses.

Le blanc n’est pas une couleur, mais une valeur. Le blanc s’obtient dans l’addition des couleurs, il n’oublie rien. La somme anéantit les couleurs qui la composent.   « Parfois une sage-femme, en inspectant de la main la virginité d’une jeune fille, par malice ou maladresse ou malheur, la lui fait perdre. » (Saint Augustin, La Cité de Dieu (420-429), I, XVIII) La nature, virginale, se retourne devant la brutalité, symbolisée par le tronc, l’arbre coupé de ses racines et de ses feuilles, par l’arbre mort, matière inerte.

La matière, les océans, le vent, le feu résistent. La nature maltraitée reste toujours la plus forte, au final. « La niaiserie, l’ignorance ou la peur, fût-elle même celle de l’enfer, ne forment pas les vierges. Ou du moins cette sorte de virginité me paraît aussi bête que l’espèce de chasteté obtenue par la castration. » (Georges Bernanos, Les grands cimetières sous la lune)

L’origine dans sa complexité contient des oppositions invisibles à l’œil. La douceur maîtrise la force du tronc. Le lisse contient le rugueux. Mais aussi la matière technologiquement pure ne saurait oublier la matière première par excellence, le bois.

La sculpture dénonce la déforestation mondiale et nous renvoie aussi au travail de Jean-Pierre Dutilleux avec une tribu, les Toulambis, et son reportage de 1979, Tribal Journeys. Dutilleux qui continua avec Sting son combat contre la déforestation en Amazonie notamment, lors de la tournée du Chef Raoni Metuktire.

Jacky Lavauzelle