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LA POESIE DE HILEDARDE DE BINGEN

HILDEGARDE DE BINGEN
Littérature Latine



HILDEGARDE DE BINGEN
HILDEGARDE VON BINGEN
1098-1179

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Hildegarde recevant l’inspiration divine
enluminure du Scivias

 TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE




 

L’Œuvre de
HILDEGARDE DE BINGEN
HILDEGARDE VON BINGEN
SAINTE HILDEGARDE
Hildegarde de Ruppertsberg




POEMES

 

O MAGNE PATER
Ô PERE MAJESTUEUX

O magne Pater,
Ô Père majestueux,
in magna necessitate sumus.
Nous sommes dans une immense nécessité.

**

O AETERNE DEUS
 Ô DIEU ETERNEL

O aeterne Deus,
O Dieu éternel,
nunc tibi placeat ut in amore illo ardeas,
  garde désormais ce même feu de l’amour,

**

DE SANCTA MARIA
A MARIE

Ave Maria,
Je vous salue Marie,
 O auctrix vite,
Auteur de la vie,

**

O BEATA INFANTIA
Ô ENFANCE BIENHEUREUSE

O beata infantia
Ô enfance bienheureuse
electi Disibodi,
de l’élu Disibod*,

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Hildegarde de Bingen
dans la Chronique
par Guillaume de Nangis
Année 1146
« Une vierge allemande a la révélation de choses formidables »

Le roi de France Louis, enflammé de zèle à la nouvelle de la prise de Roha, ville de Mésopotamie, ou plutôt, comme d’autres empereurs, touché en sa conscience de l’incendie de Vitry, reçut la croix à Vézelai au temps de Pâques, et résolut avec les grands de son royaume et une innombrable multitude de gens, d’entreprendre le pélerinage d’outremer.

L’église de Tournai, qui, pendant environ six cents ans, depuis le temps de saint Médard, soumise à l’évêque- de Noyon, n’avait pas eu d’évêque particulier, commença à en avoir un. Anselme, consacré abbé de Saint-Vincent de Laon par le pape Eugène, fut consacré évêque de Tournai. Dans le pays d’Allemagne, il y avait une admirable vierge, d’un âge avancé, qui avait reçu de telles grâces de Dieu que, laïque et non lettrée, ravie souvent en des sommeils miraculeux, elle avait non seulement la révélation de choses véritables qu’elle publiait ensuite, mais dictait en latin, et faisait ainsi dictant des livres de la doctrine catholique. Telle était, au rapport de quelques-uns, sainte Hildegarde, qui, dit-on, fit beaucoup de prédictions.

Guillaume de Nangis
Chronique
Règne de Louis VII
1137-1180

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Hildegarde de Bingen
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HILDEGARDE DE BINGEN
Sainte Hildegarde
l’une des plus pures gloires de la famille
de saint Benoît
par Joris-Karl Huysmans

« — Pour nous, reprit le P. Maximin, voici vraiment quel devrait être, si nous avions un peu de temps pour travailler, le levain de nos méditations, le sujet de nos lectures et il amena à lui un in-folio qui contenait les œuvres de sainte Hildegarde, abbesse du monastère de Ruperstberg.

C’est que, voyez-vous, celle-là est la grande prophétesse du Nouveau Testament. Jamais, depuis les visions de saint Jean à Pathmos, l’esprit-saint ne s’était communiqué à un être terrestre avec autant de plénitude et de lumière. Dans son Heptachronon, elle prédit le protestantisme et la captivité du Vatican ; dans son Scivia ou connaissance des voies du seigneur qui a été rédigé, d’après son récit, par un moine du couvent de Saint-Désibode, elle interprète les symboles des écritures et la nature même des éléments. Elle a également écrit un diligent commentaire de notre règle et d’altières et d’enthousiastes pages sur la musique sacrée, sur la littérature, sur l’art qu’elle définit excellemment : une réminiscence à moitié effacée d’une condition primitive dont nous sommes déchus depuis l’éden. Malheureusement, pour la comprendre, il faut se livrer à de minutieuses recherches, à de patientes études. Son style apocalyptique a quelque chose de rétractile ; il semble qu’il se recule et se referme davantage encore lorsqu’on veut l’ouvrir. 

— Je sais bien, moi, que j’y perds mon peu de latin, dit M. Bruno. Quel dommage qu’il n’existe pas une traduction, avec gloses à l’appui, de ses œuvres ! 

— Elles sont intraduisibles, fit le père qui poursuivit :

 Sainte Hildegarde est, avec saint Bernard, l’une des plus pures gloires de la famille de saint Benoît. Quelle prédestinée que cette vierge qui fut inondée des clartés intérieures dès l’âge de trois ans et mourut à quatre-vingt-deux ans, après avoir vécu toute sa vie dans les cloîtres ! 

— Et ajoutez qu’elle fut, à l’état permanent, fatidique, s’écria l’oblat. Elle ne ressemble à aucune autre sainte ; tout en elle étonne jusqu’à cette façon dont Dieu l’apostrophe, car il oublie qu’elle est femme et l’appelle : « l’homme ».  

— Et elle emploie, quand elle veut se désigner, cette étrange expression : « moi, la chétive forme », repartit le prieur. — Mais voici une autre écrivain qui nous est chère aussi, et il montra à Durtal les deux volumes de sainte Gertrude. Celle-là est encore l’une de nos grandes moniales, une abbesse vraiment bénédictine, dans le sens exact du mot, car elle faisait expliquer les saintes écritures à ses nonnes, voulait que la piété de ses filles s’appuyât sur la science, que leur foi se sustentât avec des aliments liturgiques, si l’on peut dire.

 — Je ne connais d’elle que ses Exercices, observa Durtal et ils m’ ont laissé le souvenir de paroles d’écho, de redites des livres saints. Si tant est qu’on puisse la juger sur de simples extraits, elle me paraît ne pas avoir l’expression originale, être bien au-dessous d’une sainte Térèse ou d’une sainte Angèle.

 — Sans doute, répondit le moine. Elle se rapproche cependant de sainte Angèle par le don de la familiarité lorsqu’elle converse avec le Christ et aussi par la véhémence amoureuse de ses propos ; seulement tout cela se transforme en sortant de sa propre source ; elle pense liturgiquement ; et cela est si vrai que la plus minime des réflexions se présente aussitôt à elle, habillée de la langue des Evangiles et des Psaumes. 

Ses Révélations, ses Insinuations, son Héraut de l’amour divin sont merveilleux à ce point de vue ; puis n’est-elle pas exquise sa prière à la Sainte Vierge qui débute par cette phrase : Salut, ô blanc lis de la Trinité resplendissante et toujours tranquille ?…

 Comme suite à ses œuvres, les Bénédictins de Solesmes ont édité aussi les Révélations de sainte Mechtilde, son livre sur la Grâce spéciale et la Lumière de la Divinité de son homonyme la sœur de Magdebourg ; ils sont là, sur cette rangée…

 — Que je vous montre des guides savamment jalonnés pour l’âme qui s’échappe d’elle-même et veut tenter l’ascension des monts éternels, dit à son tour M. Bruno, en présentant à Durtal la Lucerna mystica de Lopez Ezquerra, les in-quarto de Scaramelli, les tomes de Schram, l’Ascétique chrétienne de Ribet, les Principes de théologie mystique du père Séraphin.

 — Et celui-ci, le connaissez-vous ? Reprit l’oblat ; ce volume qu’il tendait était intitulé De l’Oraison, demeurait anonyme, portait en bas de sa première page : Solesmes, typographie de l’abbaye de Sainte-Cécile – et au-dessous de la date imprimée 1886, Durtal déchiffra ces mots écrits à l’encre : « Communication essentiellement privée. » 

— Je n’ai jamais vu cet opuscule qui ne semble pas, du reste, avoir été mis dans le commerce ; quel en est l’auteur ?

 — La plus extraordinaire des moniales de ce temps ; l’abbesse des bénédictines de Solesmes. Je regrette seulement que vous partiez si tôt, car j’eusse été heureux de vous le faire lire.

 Au point de vue du document il est d’une science vraiment souveraine et il contient d’admirables citations de sainte Hildegarde et de Cassien ; au point de vue de la mystique même, la mère Sainte-Cécile ne fait évidemment que reproduire les travaux de ses devancières et elle ne nous apprend rien de très neuf. Néanmoins, je me rappelle un passage qui me semble plus spécial, plus personnel. Attendez… »

Joris-Karl Huysmans
En route
Chapitre VIII
Stock, 1896
pp. 426-450

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HILDEGARDE DE BINGEN