Archives par mot-clé : Saturnales

CATULLE CATULLUS XIV ad Calvum poetam AU POETE LICINIUS CALVUS

*

CATULLE CATULLUS XIV

litterarumLittérature Latine
Catulle

Poeticam Latinam

Traduction Jacky Lavauzelle

IMG_4840

CATULLE – CATULLUS
84 av J.-C. – 54 av J.-C.

POESIE XIV

Ad Calvum poetam

Au poète Licinius Calvus
Caius Licinius Macer Calvus
Poète et Orateur Romain
(-82- -47)

***

Ni te plus oculis meis amarem,
Si plus que mes yeux je ne t’aimais,
 iucundissime Calve, munere isto
Charmant Calvus, de ce cadeau
odissem te odio Vatiniano:
Je te détesterais plus que ne te déteste Publius Vatinius :
nam quid feci ego quidve sum locutus,
Qu’ai-je fait, qu’ai-je dit,
cur me tot male perderes poetis?
Pour qu’avec de si vils poètes tu me tourmentes ?
isti di mala multa dent clienti,
Que les dieux foudroient tes clients,
qui tantum tibi misit impiorum.
Qui t’envoyèrent de si maudits recueils.
quod si, ut suspicor, hoc novum ac repertum
Mais si, comme je le soupçonne, ce nouveau choix
munus dat tibi Sulla litterator,
Te vient du grammairien Sylla en présent,
non est mi male, sed bene ac beate,
Il n’y a pas de mal, mais c’est une chance et une bénédiction,
quod non dispereunt tui labores.
Tes travaux étant ainsi récompensés.
di magni, horribilem et sacrum libellum!
Mais par tous les dieux, quel désordre et quelle confusion !
quem tu scilicet ad tuum Catullum
Ce que tu envoyas à ton infortuné Catulle,
misti, continuo ut die periret,
Qu’il allait un peu plus mourir ce jour-là,
Saturnalibus, optimo dierum!
Jour des Saturnales, un si grand jour !
non non hoc tibi, false, sic abibit.
Mais je n’en resterai pas là, coquin.
 nam si luxerit ad librariorum
A l’aube, les étagères des libraires
curram scrinia, Caesios, Aquinos,
Je renverserai les Césius, les Aquinus,
Suffenum, omnia colligam venena.
Les Suffénus, et tant d’autres poisons.
 ac te his suppliciis remunerabor.
et je me rembourserai de mon supplice.
vos hinc interea valete abite
Pendant ce temps, je leur dis adieu
 illuc, unde malum pedem attulistis,
Surtout, repartez d’où vous venez !
saecli incommoda, pessimi poetae. 
Calamités du siècle, poètes fétides.

*****

*************

ad Calvum poetam

**********************
Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO












**********************
Catulle – Catullus
XIV

****************************

LA CANAILLE & LES DELICATS
par Ferdinand Brunetière
1882

On a voulu faire de Catulle, sans arguments bien solides, un poète aristocratique, un poète du grand monde, comme de sa Lesbie, sur des inductions plutôt que sur des preuves, ce que Brantôme appelait « une grande et honnête dame. » Je persiste à ne pas croire, pour ma part, que Lesbie fût la célèbre Clodia, mais je crois que bon nombre des fréquentations de Catulle furent parmi la bohème littéraire de Rome. Au surplus, la conciliation n’est pas si difficile. Ce que nous savons, en effet, c’est que, lorsque l’adolescent de Vérone arriva de sa province dans la capitale, il y subsistait, sous le raffinement de quelques habitudes, sous l’étalage du luxe et sous l’apparence de la civilisation, un grand fonds d’antique brutalité romaine. Si nous en pouvions douter, nous rapprendrions au moins de certaines épigrammes de Catulle lui-même, plus grossières que mordantes, et dont l’outrageuse crudité passe tout. C’est bien fait à M. Rostand de nous les avoir traduites. On ne peut pas juger d’un poète en commençant par faire exception de toute une partie de son œuvre, qui peut-être est celle que les contemporains en ont presque le plus goûtée. Là où Catulle est bon, il va jusqu’à l’exquis, et c’est bien de lui que l’on peut dire aussi justement que de personne qu’il est alors le mets des délicats ; mais là où il est grossier, il l’est sans mesure, et c’est bien encore de lui que l’on peut dire qu’il est le charme de la canaille. Or, à Rome, en ce temps-là, dans le sens littéraire de l’un et l’autre mot, la canaille et les délicats, c’était presque tout un. On ne distinguait pas encore, selon le mot d’Horace, la plaisanterie spirituelle de l’insolente rusticité. La curiosité de l’intelligence, vivement éveillée, capable de goûter les finesses de l’alexandrinisme, était en avance, pour ainsi dire, sur la rudesse des mœurs et la vulgarité des habitudes mondaines. Quand on grattait ces soupeurs qui savaient apprécier les jolies bagatelles du poète, on retrouvait le paysan du Latium, qui s’égayait, au moment du vin, à faire le mouchoir. La raillerie, comme à la campagne, s’attaquait surtout aux défauts ou disgrâces physiques. Je sais bien que, jusque dans Horace, la grossièreté du vieux temps continuera de s’étaler, mais ce ne sera plus de la même manière naïvement impudente. Au temps de Catulle, la délicatesse n’avait pas encore passé de l’esprit dans les manières. Quand il s’élevait seulement un nuage sur les amours du poète et de sa Lesbie, le docte traducteur de Callimaque s’échappait en injures de corps de garde. Cette société très corrompue ne s’était pas encore assimilé la civilisation grecque. Elle s’essayait à la politesse, elle n’y touchait pas encore. Et sous son élégance toute superficielle, elle manquait étrangement de goût. — Il me paraît que, si l’on examinée quel moment de notre histoire la plupart de ces traits conviennent, on trouvera que c’est au XVIe siècle, dans le temps précis que le contact des mœurs italiennes opérait sur la cour des Valois le même effet qu’à Rome, sur les contemporains de César, le contact des mœurs de la Grèce.

Ferdinand Brunetière
Revue littéraire
À propos d’une traduction de Catulle
Revue des Deux Mondes
Troisième période
Tome 54 –  1882

***********************