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ODE À BUFFON – POÈME DE LEBRUN-PINDARE (1729-1807)

Ponce-Denis Écouchard-Lebrun,
dit Lebrun-Pindare
(11 août 1729 – 31 août 1807)

ODE I
À MONSIEUR DE BUFFON,
SUR SES DÉTRACTEURS



Buffon (1), laisse gronder l’Envie ;
C’est l’hommage de sa terreur :
Que peut sur l’éclat de ta vie
Son obscure et lâche fureur ?
Olympe, qu’assiège un orage,
Dédaigne l’impuissante rage
Des Aquilons tumultueux ;
Tandis que la noire Tempête
Gronde à ses pieds, sa noble tête
Garde un calme majestueux.

Pensais-tu donc que le Génie
Qui te place au trône des arts,
Longtemps d’une Gloire impunie
Blesserait de jaloux regards ?
Non, non, tu dois payer la Gloire ;
Tu dois expier ta mémoire
Par les orages de tes jours ;
Mais ce torrent qui dans ton onde
Vomit sa fange vagabonde,
N’en saurait altérer le cours.

Poursuis ta brillante carrière,
Ô dernier Astre des Français !
Ressemble au Dieu de la lumière,
Qui se venge par des bienfaits.
Poursuis ! que tes nouveaux ouvrages
Remportent de nouveaux outrages
Et des lauriers plus glorieux :
La Gloire est le prix des Alcides !
Et le Dragon des Hespérides
Gardait un or moins précieux.

C’est pour un or vain et stérile
Que l’intrépide fils d’Eson
Entraîne la Grèce docile
Aux bords fameux par la Toison.
Il emprunte aux forêts d’Épire
Cet inconcevable Navire
Qui parlait aux flots étonnés ;

Et déjà sa valeur rapide
Des champs affreux de la Colchide
Voit tous les monstres déchaînés.

Il faut qu’à son joug il enchaîne
Les brûlants taureaux de Vulcain :
De Mars qu’il sillonne la plaine
Tremblante sous leurs pieds d’airain.
D’un Serpent, l’effroi de la terre,
Les dents, fertiles pour la guerre,
À peine y germent sous ses pas,
Qu’une Moisson vivante, armée
Contre la main qui l’a semée,
L’attaque, et jure son trépas.

S’il triomphe, un nouvel obstacle
Lui défend l’objet de ses vœux :
Il faut par un dernier miracle
Conquérir cet or dangereux :
Il faut vaincre un Dragon farouche,
Braver les poisons de sa bouche,
Tromper le feu de ses regards ;
Jason vole ; rien ne l’arrête.
Buffon ! pour ta noble conquête
Tenterais-tu moins de hasards ?

Mais si tu crains la tyrannie
D’un monstre jaloux et pervers,

Quitte le sceptre du Génie,
Cesse d’éclairer l’Univers,
Descends des hauteurs de ton âme,
Abaisse tes ailes de flamme,
Brise tes sublimes pinceaux,
Prends tes envieux pour modèles,
Et de leurs vernis infidèles
Obscurcis tes brillants tableaux.

Flatté de plaire aux goûts volages,
L’Esprit est le dieu des instants,
Le Génie est le dieu des âges,
Lui seul embrasse tous les temps.
Qu’il brûle d’un noble délire
Quand la Gloire autour de sa lyre
Lui peint les Siècles assemblés,
Et leur suffrage vénérable
Fondant son trône inaltérable
Sur les empires écroulés !

Eût-il, sans ce tableau magique
Dont son noble cœur est flatté,
Rompu le charme léthargique
De l’indolente Volupté ?
Eût-il dédaigné les richesses ?
Eût-il rejeté les caresses
Des Circés aux brillants appas,
Et par une étude incertaine

Acheté l’estime lointaine
Des peuples qu’il ne verra pas ?

Ainsi l’active Chrysalide,
Fuyant le jour et le plaisir,
Va filer son trésor liquide
Dans un mystérieux loisir.
La Nymphe s’enferme avec joie
Dans ce tombeau d’or et de soie
Qui la voile aux profanes yeux,
Certaine que ses nobles veilles
Enrichiront de leurs merveilles
Les Rois, les Belles et les Dieux.

Ceux dont le Présent est l’idole
Ne laissent point de souvenir :
Dans un succès vain et frivole
Ils ont usé leur avenir.
Amants des roses passagères,
Ils ont les grâces mensongères
Et le sort des rapides fleurs.
Leur plus long règne est d’une aurore ;
Mais le Temps rajeunit encore
L’antique laurier des neuf Sœurs.

Jusques à quand de vils Procrustes (2)
Viendront-ils au sacré vallon,
Bravant les droits les plus augustes,
Mutiler les fils d’Apollon ?
Le croirez-vous, Races futures ?
J’ai vu Zoïle (3) aux mains impures,
Zoïle outrager Montesquieu !
Mais quand la Parque (4) inexorable
Frappa cet Homme irréparable,
Nos regrets en firent un Dieu.

Quoi ! tour à tour dieux et victimes,
Le sort fait marcher les talents
Entre l’olympe et les abîmes,
Entre la satire et l’encens !
Malheur au mortel qu’on renomme.
Vivant, nous blessons le Grand-Homme ;
Mort, nous tombons à ses genoux ;
On n’aime que la Gloire absente ;
La mémoire est reconnaissante ;
Les yeux sont ingrats et jaloux.

Buffon, dès que rompant ses voiles,
Et fugitive du cercueil,
De ces palais peuplés d’étoiles
Ton Âme aura franchi le seuil,
Du sein brillant de l’empyrée
Tu verras la France éplorée
T’offrir des honneurs immortels,
Et le Temps, vengeur légitime,

De l’Envie expier le crime,
Et l’enchaîner à tes autels.

Moi, sur cette rive déserte
Et de talents et de vertus,
Je dirai, soupirant ma perte :
Illustre Ami, tu ne vis plus !
La Nature est veuve et muette !
Elle te pleure ! et son Poète
N’a plus d’elle que des regrets.
Ombre divine et tutélaire,
Cette Lyre qui t’a su plaire,
Je la suspends à tes cyprès !

**

(1)
Buffon
Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon
naturaliste, mathématicien, biologiste, cosmologiste et écrivain français (1707 — 1788)

(2)
Procruste
Procuste est le surnom d’un brigand de l’Attique nommé Polypémon.
« Le Céphise a son cours beaucoup plus rapide à Éleusis que dans le reste de l’Attique. On donne le nom d’Erinéum (le figuier sauvage) à un endroit voisin par où Pluton descendit, dit-on, aux enfers après avoir enlevé Proserpine (Perséphone). C’est aussi auprès du Céphise que Thésée tua le brigand Polypémon, surnommé Procruste. »
(Pausanias – Description de la Grèce de Pausanias – Tome 1 – traduction nouvelle – 1821)

(3)
Zoïle
« Zoïle, fameux critique grec, connu par l’amertume de ses censures à l’égard d’Homère (d’où le surnom d’Homeromastix ou fouet d’Homère), né à Ephèse ou à Amphipolis, vivait à la fin du IVe s. av. J.-C. On a débité mille fables sur son compte : on a dit qu’il avait été condamné à mort par Ptolemée Philadelphe et crucifié ou lapidé par la foule enthousiaste d’Homère. Quoi qu’il en soit, son nom est resté synonyme de critique envieux et partial ; on l’oppose à celui d’Aristarque. On lui attribuait, entre autres ouvrages, 9 livres de Remarques hypercritiques sur Homère, une Hist. d’Amphipolis, une Hist. générale du monde jusqu’à Philippe (roi de Macédoine) : aucun n’est parvenu jusqu’à nous. »
Marie-Nicolas Bouillet – Alexis Chassang – Dictionnaire universel d’histoire et de géographie Bouillet Chassang (1878) -Librairie Hachette, 1878 (3, p. 2037).

(4)
Parques
« Déesses infernales, dont la fonction était de filer la trame de nos jours. Maîtresses du sort des hommes, elles en réglaient les destinées. Tout le monde sait qu’elles étaient trois sœurs, Clotho, Lachésis, & Atropos ; mais les Mythologues ne s’accordent point sur leur origine. Les uns les font filles de la Nuit & de l’Erebe ; d’autres de la Nécessité & du Destin ; & d’autres encore de Jupiter & de Thémis. Les Grecs les nommaient μοίραι, c’est-à-dire les déesses qui partagent, parce qu’elles réglaient les évènements de notre vie ; les Latins les ont peut-être appelées Parcæ, du mot parcus, comme si elles étaient trop ménagères dans la dispensation de la vie des humains, qui paraît toujours trop courte ; du moins cette étymologie est plus naturelle que celle de Varron, & supérieure à la ridicule antiphrase de nos grammairiens, quod nemini parcant. »
Louis de Jaucourt – L’Encyclopédie, 1re édition – 1751 (Tome 12, p. 80-81).




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La Vie de
Lebrun-Pindare

« Le Brun naquit à Paris en 1729. Ses dispositions poétiques se révélèrent de très bonne heure. Le prince de Conti, voyant qu’il s’annonçait avec éclat, voulut se l’attacher, et lui donna le titre de secrétaire de ses commandements, avec deux mille livres d’honoraires ; mais une protection qui lui fut plus utile ce fut celle de Louis Racine, qui ne lui épargna ni les avis ni les encouragements.
À vingt-six ans, Le Brun s’était déjà placé au premier rang parmi nos poètes lyriques.
L’amour le fit poète élégiaque.
Il épousa en 1760, la femme qu’il avait chanté sous le nom de Fanny. C’est dans le premier temps de cette union qu’il conçut l’idée de son poème de la Nature, poème que ses malheurs domestiques lui firent abandonner plus tard.
De maladroites attaques de Fréron forcèrent notre poète à s’essayer dans l’épigramme, où il y excella.
Une horrible banqueroute mit le comble à la misère de Le Brun, qui trouva dans M. de Vandreuil un protecteur intelligent et dévoué.
La révolution ayant éclaté, Le Brun en éprouva les principes et en embrassa les espérances. Lors de la formation de l’Institut, il fut l’un des premiers membres choisis par le directoire. Napoléon récompensa avec magnificence ses travaux et son patriotisme en lui accordant une pension de 6000 livres, dont il ne jouit pas très longtemps : il mourut pendant l’été de 1807. »
(Petits Poëtes Français depuis Malherbe jusqu’à nos jours –
Par Prosper Poitevin – Tome 1 – Paris –Chez Firmin Didot Frères, fils et Cie, Libraires – 1870)


Les Travaux d’Héraclès – OS LUSIADAS IV-80 – LES LUSIADES – LUIS DE CAMOES -Imaginai tamanhas aventuras

*

Ferdinand de Portugal traduction Jacky Lavauzelle

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OS LUSIADAS CAMOES CANTO IV
Os Lusiadas Les Lusiades
OS LUSIADAS IV-80 LES LUSIADES IV-80
LITTERATURE PORTUGAISE

Ferdinand de Portugal Os Lusiadas Traduction Jacky Lavauzelle Les Lusiades de Luis de Camoes

literatura português
Luis de Camões
[1525-1580]
Tradução – Traduction
Jacky Lavauzelle
texto bilingue

Traduction Jacky Lavauzelle

**

Le combat d’Hercule avec le lion de Némée, Pierre Paul Rubens

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– « Imaginai tamanhas aventuras,
– « Imaginez de telles aventures,
Quais Euristeu a Alcides inventava,
Comme Eurysthée en inventa pour Héraclès,


*****

MANUEL Ier de Portugal
Emmanuel Ier

« Le Ventureux »
31 mai 1469 Alcochete – 13 décembre 1521 Lisbonne
Succède à Jean II le 27 octobre 1495

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est Symbole-Artgitato.jpg.

CAMOES OS LUSIADAS II-112 LES LUSIADES

Luís Vaz de Camões Les Lusiades
OS LUSIADAS II-112 LES LUSIADES II-112
LITTERATURE PORTUGAISE

Luis de Camoes Oeuvres obras Artgitato

literatura português

Luis de Camões
[1525-1580]

Tradução – Traduction
texto bilingue

Luis de Camoes Les Lusiades

 

Obra Poética

(1556)

LES LUSIADES II-112

OS LUSIADAS II-112

A Epopeia Portuguesa

 

CHANT II
Canto Segundo

Traduction Jacky Lavauzelle

verso  112
Strophe 112

II-112

Image illustrative de l'article Vasco de Gama

Vasco de Gama

Vasco da Gama signature almirante.svg

 

******

Luís Vaz de Camões Les Lusiades
OS LUSIADAS II-112  
LES LUSIADES II-112

 *****

« Cometeram soberbos os Gigantes,
« Remplis de superbe, les Géants
Com guerra vã, o Olimpo claro e puro;
Firent une vaine guerre à la claire et pure Olympe ;

Vasco de Gama par Gregorio Lopes

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Luís Vaz de Camões Les Lusiades
OS LUSIADAS II-112 LES LUSIADES II-112

Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO
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White_Fawn_Drawing Faon Diane

LA VIE DE LUIS DE CAMOES
par Charles Magnin

( Extrait )
Par En cherchant à montrer la différence qui sépare la vie aventureuse et active des écrivains portugais, notamment celle de Camoens, de la vie casanière et posée de la plupart de nos gens de lettres, je ne prétends pas élever par-là les œuvres des uns, ni déprimer les productions des autres. Je n’en crois pas les élégies de Camoens plus touchantes parce qu’elles sont datées d’Afrique, de la Chine et de l’Inde ; je n’en estime pas Polyeucte et Cinna moins admirables, parce que le grand Corneille n’a guère fait de plus longues pérégrinations que le voyage de Paris à Rouen. Je ne conseille à personne de louer un cabinet d’étude à Macao ; mais je crois que, généralement, si les ouvrages écrits au milieu des traverses et au feu des périls ne sont pas plus beaux, les vies de leurs auteurs sont plus belles. Indépendamment de la variété des aventures, on y trouve plus d’enseignements. J’admire et j’honore infiniment La Fontaine et Molière, mais j’honore et j’admire encore plus, comme hommes, Cervantès et Camoens. A mérite de rédaction égal, une histoire littéraire du Portugal serait un meilleur et plus beau livre qu’une histoire littéraire de notre dix-septième ou dix-huitième siècle. C’est une chose bonne et sainte que la lecture de ces vies d’épreuves, que ces passions douloureuses des hommes de génie, Je ne sache rien de plus capable de retremper le cœur. C’est pour cela que dans ce temps de souffrances oisives, de désappointements frivoles, de molles contrariétés et de petites douleurs, j’ai cru bon d’écrire l’étude suivante sur la vie de Luiz de Camoens.
….

OS LUSIADAS II-112
Luís Vaz de Camões Les Lusiades

LE MANDARIN Eça de Queiroz – O Mandarim – 1ère Partie – 3ème section

LITTERATURE PORTUGAISE
literatura português
Le Mandarin Eça de Queiroz

Eça de Queiroz
(1845-1900)
Tradução – Traduction
texto bilingue

Eça de Queirós 1882 O Mandarim Le Mandarin

O Mandarim

(1880)

LE MANDARIN

I

Première Partie

Traduction Jacky Lavauzelle

Le Mandarin Eça de Queiroz
Troisième Section

Eça de Queiroz Le Mandarin O Mandarim Artgitato L'enfance de Jupiter 1630 Jacob Jordaens Le Louvre
Jacob Jordaens
L’Enfance de Jupiter
1630
Musée du Louvre

*****

 

 Se o volume fosse de uma honesta edição Michel-Levy, de capa amarela, eu, que por fim não me achava perdido numa floresta de balada alemã, e podia da minha sacada ver branquejar à luz do gás o correame da patrulha
Si cela n’était qu’une simple édition Michel-Levy, à la couverture jaune, moi qui, enfin, n’étais pas perdu dans une forêt de ballade allemande, et qui pouvais, de mon balcon, voir briller la lumière des becs de gaz,
– teria simplesmente fechado o livro, e estava dissipada a alucinação nervosa.
– tout simplement, j’aurais fermé le livre, ce qui aurait dissipé cette hallucination nerveuse.
Mas aquele sombrio in-fólio parecia exalar magia;
Mais cette magie semblait sortir de ce sombre in-folio ;
cada letra afectava a inquietadora configuração desses sinais da velha cabala, que encerram um atributo fatídico;
chaque lettre affectait la configuration des signes inquiétants de l’ancienne cabale, qui enfermait un attribut fatidique ;
as vírgulas tinham o retorcido petulante de rabos de diabinhos, entrevistos numa alvura de luar;
les virgules avait les queues tordues de pétulants diablotins entrevus dans une blancheur lunaire ;
no ponto de interrogação final eu via o pavoroso gancho com que o Tentador vai fisgando as almas que adormeceram sem se refugiar na inviolável cidadela da Oração!…
dans le point d’interrogation final,  je voyais le terrible crochet du Tentateur qui transperçait les âmes endormies, celles qui ne s’étaient pas réfugiées dans la citadelle inviolable de la prière ! …
Uma influência sobrenatural apoderando-se de mim, arrebatava-me devagar para fora da realidade, do raciocínio:
Une influence surnaturelle me saisissant, je le saisit lentement hors de la réalité, le raisonnement
e no meu espírito foram-se formando duas visões – de um lado um mandarim decrépito, morrendo sem dor, longe, num quiosque chinês, a um ti-li-tim de campainha;
et mon esprit ont commencé à former deux visions- d’un côté un mandarin décrépit, mourant sans douleur loin de tous, dans un kiosque chinois, accompagné de sons de cloches ;
do outro toda uma montanha de ouro cintilando aos meus pés!
l’autre toute une montagne d’or miroitant à mes pieds!
Isto era tão nítido, que eu via os olhos oblíquos do velho personagem embaciarem-se, como cobertos de uma ténue camada de pó;
C’était si clair, je voyais les yeux bridés du vieillard se couvrir d’une sorte de fine couche de poussière;
e sentia o fino tinir de libras rolando juntas.
et j’entendais au final tinter les livres qui roulaient.
E imóvel, arrepiado, cravava os olhos ardentes na campainha, pousada pacatamente diante de mim sobre um dicionário francês
Et immobile, terrifié, mes yeux ne se détachaient plus de la cloche, cloche qui reposait paisiblement devant moi sur un dictionnaire français
– a campainha prevista, citada no mirífico in-fólio…
– la cloche qu’évoquait l’in-folio mirifique …

 Foi então que, do outro lado da mesa, uma voz insinuante e metálica me disse, no silêncio:
Puis, de l’autre côté de la table, une voix métallique insinuante me dit dans le silence:

 – Vamos, Teodoro, meu amigo, estenda a mão, toque a campainha, seja um forte!
– Allez, Teodoro, mon ami, tendez la main, agitez la cloche, soyez fort !

 O abat-jour verde da vela punha uma penumbra em redor.
Du vert abat-jour émanait une pénombre tout autour.
Ergui-o, a tremer.
Je le levai, tremblant.
E vi, muito pacificamente sentado, um indivíduo corpulento, todo vestido de preto, de chapéu alto, com as duas mãos calçadas de luvas negras gravemente apoiadas ao cabo de um guarda-chuva.
Et je vis, assis paisiblement, un homme corpulent, habillé tout en noir, chapeau haut de forme, avec les deux mains dans des gants noirs, gravement appuyé sur le pommeau d’un parapluie.
Não tinha nada de fantástico.
Il n’y avait là rien de fantastique.
Parecia tão contemporâneo, tão regular, tão classe média como se viesse da minha repartição…
Il semblait ordinaire, de la classe moyenne, comme s’il venait de mon service…

Toda a sua originalidade estava no rosto, sem barba, de linhas fortes e duras;
Tout son originalité était dans son visage, pas de barbe, des traits forts et durs ;
o nariz brusco, de um aquilino formidável, apresentava a expressão rapace e atacante de um bico de águia;
le nez brusque, d’un aquilin redoutable, lui donnait l’expression rapace et guerrière du bec d’aigle;
o corte dos lábios, muito firme, fazia-lhe como uma boca de bronze;
la coupe de ses lèvres, très ferme, lui faisait une bouche de bronze ;
os olhos, ao fixar-se, assemelhavam dois clarões de tiro, partindo subitamente de entre as sarças tenebrosas das sobrancelhas unidas;
les yeux, en vous fixant, ressemblaient à deux coups de feu, tout à coup tirés du feuillu ténébreux des sourcils réunis ;
era lívido – mas, aqui e além na pele, corriam-lhe raiações sanguíneas como num velho mármore fenício.
Il était livide – mais, ici et là, sur sa peau, couraient des ramifications de vaisseaux, tel un vieux marbre phénicien.

Veio-me à ideia de repente que tinha diante de mim o Diabo:
L’idée me vint soudain que j’avais devant moi le Diable :
mas logo todo o meu raciocínio se insurgiu resolutamente contra esta imaginação.
mais bientôt toute ma raison résolument protesta contre cette divagation.
Eu nunca acreditei no Diabo – como nunca acreditei em Deus.
Je ne croyais pas au Diable – comme je ne croyais pas en Dieu.
Jamais o disse alto, ou o escrevi nas gazetas, para não descontentar os poderes públicos, encarregados de manter o respeito por tais entidades:
Je ne l’ai jamais dit à haute voix, ou écrit dans les journaux, pour ne pas déplaire aux autorités en charge de maintenir le respect de ces entités :
mas que existam estes dois personagens, velhos como a Substância, rivais bonacheirões, fazendo-se mutuamente pirraças amáveis,
mais penser qu’il existe deux personnages, vieux comme la Matière, débonnaires rivaux, passant leur temps à se quereller aimablement,
– um de barbas nevadas e túnica azul, na toilette do antigo Jove, habitando os altos luminosos, entre uma corte mais complicada que a de Luís XIV;
– l’un doté d’une barbe blanche et d’une tunique bleue, dans la toilette de l’antique Zeus, habitant les lumières célestes, au milieu d’une cour plus compliquée que celle de Louis XIV ;
e o outro enfarruscado e manhoso, ornado de cornos, vivendo nas chamas inferiores, numa imitação burguesa do pitoresco Plutão
et l’autre, malin et sombre, orné de cornes, vivant dans les flammes inférieures, une imitation bourgeoise du pittoresque Pluton
– não acredito. Não, não acredito!
– je n’y crois pas. Non, je n’y crois pas !
Céu e Inferno são concepções sociais para uso da plebe
Le ciel et l’enfer sont des concepts sociaux pour l’utilisation du peuple
– e eu pertenço à classe média.
– et j’appartiennent à la classe moyenne.
Rezo, é verdade, a Nossa Senhora das Dores:
Je prie, il est vrai, à Notre-Dame des Douleurs:
porque, assim como pedi o favor do senhor doutor para passar no meu acto; 
car j’ai recherché les faveurs de mon professeur pour avoir mes diplômes ;
assim como, para obter os meus vinte mil réis, implorei a benevolência do senhor deputado; 
j’ai imploré la bienveillance de mon député pour gagner mes vingt mille reis ;
igualmente para me subtrair à tísica, à angina, à navalha de ponta, à febre que vem da sarjeta, à casca da laranja escorregadia onde se quebra a perna, a outros males públicos, necessito ter uma protecção extra-humana. 
également pour me soustraire à la phtisie, à l’angine de poitrine, à la lame du rasoir qui vient du trottoir, à l’écorce de l’orange glissante où je peux me casser une jambe, à bien d’autres malédictions publiques, je dois avoir une protection extra-humaine.
Ou pelo rapapé ou pelo incensador, o homem prudente deve ir fazendo assim uma série de sábias adulações, desde a Arcada até ao Paraíso.
Avec des encensoirs, l’homme sage doit pouvoir ainsi faire un certain nombre de sages adulations, de l’Arcada au Paradis.
Com um compadre no bairro, e uma comadre mística nas alturas
Avec un compère dans un quartier, et commère mystique dans un autre
– o destino do bacharel está seguro.
– le destin du bachelier est assuré.

Por isso, livre de torpes superstições, disse familiarmente ao indivíduo vestido de negro:
Donc, libre de superstitions grossières, je dis familièrement à cet individu fardé de noir :

– Então, realmente, aconselha-me que toque a campainha?
– Alors, vraiment, vous me conseillez de sonner la cloche ?

 Ele ergueu um pouco o chapéu, descobrindo a fronte estreita, enfeitada de uma gaforinha crespa e negrejante como a do fabuloso Alcides, e respondeu, palavra a palavra:
Il souleva légèrement son chapeau, découvrant un front étroit, que surplombait une chevelure crépue et noire comme le fabuleux Alcide, et dit, mot pour mot :
– Aqui está o seu caso, estimável Teodoro.
– C’est là qu’est votre problème, estimable Teodoro.
Vinte mil réis mensais são uma vergonha social!
Vingt mille reis mensuels sont une honte sociale !
Por outro lado, há sobre este globo coisas prodigiosas:
D’autre part, il y a sur ce globe des choses prodigieuses :
há vinhos de Borgonha, como por exemplo o Romanée-Conti de 58 e o Chambertin, de 61, que custam, cada garrafa, de dez a onze mil réis;
Il y a des vins de Bourgogne, comme le Romanée-Conti de 58 et le Chambertin de 61, qui coûte, par bouteille, de dix à onze mille reis;
e quem bebe o primeiro cálice, não hesitará, para beber o segundo, em assassinar seu pai…
et qui boit une première coupe, n’hésitera pas, pour en boire une seconde, à assassiner son père …
Fabricam-se em Paris e em Londres carruagens de tão suaves molas, de tão mimosos estofos, que é preferível percorrer nelas o Campo Grande, a viajar, como os antigos deuses, pelos céus, sobre os fofos coxins das nuvens…
Il se fabrique à Paris et à Londres des voitures avec des ressorts si doux, de si minutieux revêtements, que cela devient plus agréable d’aller de la sorte au Campo Grande que de voyager, comme les anciens dieux, par les cieux, sur des coussins moelleux de nuages …
Não farei à sua instrução a ofensa de o informar que se mobilam hoje casas, de um estilo e de um conforto, que são elas que realizam superiormente esse regalo fictício, chamado outrora a «bem-aventurança».
Je ne ferai pas offense à votre instruction en vous informant que le mobilier d’aujourd’hui de ces maisons abrite un tel style et un tel confort, que nous y trouvons ce que jadis nous appelions le «bonheur».
Não lhe falarei, Teodoro, de outros gozos terrestres:
Je ne vous parelerai pas, Teodoro, des autres jouissances terrestres :
como, por exemplo, o Teatro do Palais Royal, o baile Laborde, o Café Anglais…
comme, par exemple, le Théâtre du Palais Royal, la bal Laborde, le Café Anglais …
Só chamarei a sua atenção para este facto:
Il suffit de rappeler à votre attention ces faits :
existem seres que se chamam Mulheres
il y a des êtres qui s’appellent des femmes
– diferentes daqueles que conhece, e que se denominam Fêmeas. – différentes de celles que vous connaissez, et qui se nomment des Femelles.
Estes seres, Teodoro, no meu tempo, a páginas 3 da Bíblia, apenas usavam exteriormente uma folha de vinha.
Ces êtres, Teodoro, dans mon temps, à la page 3 de la Bible, se couvraient d’à peine une feuille de vigne.
Hoje, Teodoro, é toda uma sinfonia, todo um engenhoso e delicado poema de rendas, baptistes, cetins, flores, jóias, caxemiras, gazes e veludos…
Aujourd’hui, Teodoro, c’est une symphonie, tout un ingénieux et délicat poème de dentelles, de baptiste, de satins, de fleurs, de bijoux, de cachemires, de velours et de gazes …
Compreende a satisfação inenarrável que haverá, para os cinco dedos de um cristão, em percorrer, palpar estas maravilhas macias; Vous comprendrez la satisfaction indicible qu’il y a, pour les cinq doigts d’un chrétien à aller palper de si merveilleuses douceurs ;
– mas também percebe que não é com o troco de uma placa honesta de cinco tostões que se pagam as contas destes querubins…
– Mais aussi vous réalisez bien que ce n’est pas une simple pièce de cinq tastões que vous pourrez payer les factures de ces chérubins …
Mas elas possuem melhor, Teodoro:
Mais elles possèdent quelque chose de plus, Teodoro :
são os cabelos cor do ouro ou cor da treva, tendo assim nas suas tranças a aparência emblemática das duas grandes tentações humanas
elles ont des cheveux couleur d’or ou couleur des grandes obscurités, avec, dans leurs tresses, l’apparence emblématique de deux grandes tentations humaines
– a fome do metal precioso e o conhecimento do absoluto transcendente.
– l’appétit du métal précieux et de la connaissance de l’absolue transcendance.
E ainda têm mais:
Et elles ont encore plus:
são os braços cor de mármore, de uma frescura de lírio orvalhado;
elles possèdent des bras couleur de marbre, d’une fraîcheur de rosée ;
são os seios, sobre os quais o grande Praxíteles modelou a sua Taça, que é a linha mais pura e mais ideal da Antiguidade…
des seins, sur lesquels le grand Praxitèle a modelé sa Coupe, qui se trouve être la ligne la plus pure et la plus idéale de l’antiquité …
Os seios, outrora (na ideia desse ingénuo Ancião que os formou, que fabricou o mundo, e de quem uma inimizade secular me veda de pronunciar o nome),
Les seins, autrefois (dans l’idée de cet Ancien ingénu qui les a formés, qui a fait le monde, et dont l’inimitié séculaire m’interdit de prononcer le nom),
eram destinados à nutrição augusta da humanidade;
étaient destinées à l’auguste nutrition de l’humanité;
sossegue porém, Teodoro;
soyez tranquille, Teodoro;
hoje nenhuma mamã racional os expõe a essa função deterioradora e severa;
aujourd’hui aucune maman rationnelle ne les expose à cette fonction destructrice et sévère ;
servem só para resplandecer, aninhados em rendas, ao gás das soirées,
ils ne servent qu’à briller, nichés dans la dentelle, et les gazes des soirées,
– e para outros usos secretos.
– ainsi qu’à d’autres utilisations secrètes.
As conveniências impedem-me de prosseguir nesta exposição radiosa das belezas que constituem o fatal feminino
Les convenances m’empêchent de poursuivre cette exposition radieuse des beautés qui constituent l’éternel féminin
De resto as suas pupilas já rebrilham…
D’ailleurs déjà vos pupilles scintillent …
Ora todas estas coisas, Teodoro, estão para além, infinitamente para além dos seus vinte mil réis por mês…
Maintenant, toutes ces choses, Teodoro, sont au-delà, infiniment au-delà de vos vingt mille reis par mois …
Confesse, ao menos, que estas palavras têm o venerável selo da verdade!…
Avouez, au moins, que ces mots porte le vénérable sceau de la vérité! …

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Le Mandarin Eça de Queiroz

Bernini : L’Enlèvement de Proserpine – LE RAPT DE PROSERPINE – RATTO DI PROSERPINA – The Rape of Proserpina – GALERIE BORGHESE – GALLERIA BORGHESE

ROME – ROMA
Bernini Villa Borghèse ROMA
LA VILLA BORGHESE

Armoirie de Rome

 Photos  Jacky Lavauzelle

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Flag_of_Lazio


LA GALERIE BORGHESE
GALLERIA BORGHESE

 

BERNINI
LE BERNIN
Gian Lorenzo Bernini
1598-1680

 

L’Enlèvement de Proserpine
Le Rapt de Proserpine
Ratto di Proserpina
1621-1622

Marbre Statuaire
Marmo Statuario

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« EPACHTES, s. f. (Hist. anc.) fêtes que les Athéniens célébraient en l’honneur de Cérès, & en commémoration de la douleur qu’elle ressentit de l’enlèvement de Proserpine sa fille. Le mot épachtes est composé de ἐπὶ, sur, & ἄχθος, douleur. »
« ACHÉENNE, adj. pris subst. (Myth.) surnom qu’on donna à Cérès à cause de la douleur qu’elle ressentit de l’enlèvement de Proserpine sa fille. Cérès achéenne, c’est-à-dire, Cérès la triste ou la désolée. »

DIDEROT
L’ENCYCLOPEDIE
1ère Edition – 1751

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L’ENEIDE
Virgile
SIXIEME LIVRE
Traduction Jean-Nicolas-Marie Deguerle
Delalain, 1825 – 1
C’est là que l’énorme Cerbère fait retentir de son triple aboiement les livides royaumes ; Cerbère, hideux sentinelle, toujours veillant sous sa roche caverneuse. Déjà se dressaient les serpents qui sifflent sur sa tête : mais la prêtresse lui jette une pâte assoupissante, pétrie de pavots et de miel. Le monstre que la faim dévore, ouvrant à la fois ses trois gueules, engloutit la proie qui les tente. Soudain appesanti, son vaste corps chancelle, tombe, et de son immense étendue remplit son repaire immense. Énée franchit le passage dont le gardien sommeille ; et plus prompt que l’éclair, il s’éloigne du fleuve qu’on passe sans retour.

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PIERRE CORNEILLE
MELITE
ACTE IV – Scène 9
ERASTE
Tu t’enfuis donc, barbare, et me laissant en proie

À ces cruelles sœurs, tu les combles de joie ?
Non, non, retirez-vous, Tisiphone, Alecton,
Et tout ce que je vois d’officiers de Pluton :
Vous me connoissez mal ; dans le corps d’un perfide
Je porte le courage et les forces d’Alcide.
Je vais tout renverser dans ces royaumes noirs,
Et saccager moi seul ces ténébreux manoirs.
Une seconde fois le triple chien Cerbère
Vomira l’aconit en voyant la lumière ;
J’irai du fond d’enfer dégager les Titans,
Et si Pluton s’oppose à ce que je prétends,
Passant dessus le ventre à sa troupe mutine,
J’irai d’entre ses bras enlever Proserpine.

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Dans l’épaisseur d’un arbre touffu se cache un rameau mystérieux, dont la tige d’or s’incline sous le poids d’un feuillage d’or : c’est l’offrande consacrée à la Junon des enfers. Le vaste ombrage des bois le cache aux rayons du soleil, et l’obscurité d’un vallon tortueux en écarte les regards profanes. Nul ne peut percer la nuit des voûtes souterraines, qu’il n’ait détaché du tronc la branche précieuse. C’est le présent qu’on doit offrir à la belle Proserpine : elle en exige le tribut. Au rameau d’or cueilli succède un nouveau rameau d’or ; et l’immortel métal renaît toujours paré de sa brillante chevelure.

L’ENEIDE
Virgile
SIXIEME LIVRE
Traduction Jean-Nicolas-Marie Deguerle
Delalain, 1825 – 1

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PROSERPINE
par Jaucourt
L’ENCYCLOPEDIE
1ère édition -1751
Tome 13

PROSERPINE, s. m. (Mythologie.) fille de Cérès, femme de Pluton & souveraine des enfers. Pluton ne put l’épouser qu’en l’enlevant à Cérès sa mère.

Les Siciliens célébraient tous les ans l’enlèvement de Proserpine par une fête qu’ils mettaient vers le tems de la récolte, & la recherche que fit Cérès de sa fille dans le temps des semailles. Celle-ci durait dix jours entiers, & l’appareil en était éclatant ; mais dans tout le reste, dit Diodore, le peuple assemblé affectait de se conformer à la simplicité du premier âge. On dit que Jupiter sous la figure d’un dragon eut commerce avec Proserpine sa propre fille ; de-là vient que dans les mystères sabasiens, on faisait entrer un serpent qui se glissait sur le sein de ceux qu’on initiait.
Proserpine était la divinité tutélaire de Sardes. Une médaille qui paraît avoir été frappée sous le règne de Gordien Pie, représente du côté de la tête une femme couronnée de tours, avec la légende ϹΑΡΔΙϹ ; & au revers la figure de Proserpine. On voit la même déesse représentée sur une médaille du cabinet de M. Pellerin, avec la légende ϹΑΡΔΙΑΝΩΝ Β. ΝΕΩΚΟΡΩΝ ; de l’autre côté, une tête de femme couronnée de tours & voilée, avec le nom ϹΑΡΔΙϹ. La tête de Proserpine sans légende paraît sur deux médailles du cabinet du roi, & au revers une massue dans une couronne de feuilles de chêne avec le nom ϹΑΡΔΙΑΝΩΝ. L’enlèvement de cette déesse par Pluton est représenté sur plusieurs autres médailles. Enfin les médailles frappées sous les Antonins, pour constater l’ΟΜΟΝΟΙΑ de cette ville avec Ephese, représentent Proserpine d’un côté, & Diane éphésienne de l’autre.
Les jeux ΚΟΡΑΙΑ, célébrés à Sardes en l’honneur de cette déesse tutélaire de leur ville, sont marqués sur deux médailles très-rares du cabinet de M. Pellerin, frappées sous Caracalla. Elles représentent d’un côté la tête de l’empereur couronnée de laurier avec la légende ΑΥΤ. Κ. Μ. ΑΥΡ. ϹΕ….. ΑΝΤΟΝΕΙΝΟϹ ; au revers Proserpine assise, ayant à droite un pavot, & à gauche un épi, légende ΕΠΙ ΑΝ. ΡΟΥΦΟΥ ΑΡΧ. Α. ΤΟ. Γ... dans le champ ; ΚΟΡΑΙΑ. ΑΚΤΙΑ sur une base, & au-dessous ϹΑΡΔΙΑΝΩΝ ΔΙϹ ΝΕΩΚΟΡΩΝ.
Les fêtes de Proserpine sont appellées ΚΟΡΕΙΑ par le scholastique de Pindare, par Plutarque & par Hésychius, dont Meursius cite les témoignages. Les Sardiens célébroient les jeux actiaques, ΚΟΡΑΙΑ ΑΚΤΙΑ, en l’honneur de Proserpine.
Dans les sacrifices qu’on offroit à cette déesse, on lui immoloit toujours des vaches noires ; le pavot étoit son symbole. Les Gaulois regardoient Proserpine comme leur mere, & lui avoient bâti des temples. Claudien, poëte latin, qui vivoit sous l’empire de Théodose, a donné un poëme sur le ravissement de Proserpine.
On sait que la plûpart des mythologues regardent cet enlèvement comme une allégorie qui a rapport à l’agriculture. Selon eux, Proserpine est la vertu des semences cachées dans la terre ; Pluton est le soleil qui fait son cours au-dessous de la terre au solstice d’hiver. Le grain qu’on jette dans le sein de la terre, & qui, après y avoir demeuré environ six mois, en sort par la moisson ; c’est Proserpine qui est six mois sur la terre & six mois aux enfers. D’anciens historiens croient que Proserpine, fille de Cérès, reine de Sicile, fut réellement enlevée par Pluton ou Aidonée, roi d’Epire, parce qu’elle lui avoit été refusée par sa mere.
Au reste, le peuple croyait que personne ne pouvait mourir que Proserpine par soi-même, ou par le ministère d’Atropos, ne lui eût coupé un certain cheveu dont dépendait la vie des hommes. C’est ainsi que Didon, dans Virgile, après s’être percé le sein, ne pouvait mourir, parce que Proserpine ne lui avait pas encore coupé le cheveu fatal, & ne l’avait pas encore condamnée à descendre aux enfers.
Nondum illi flavum Proserpina vertice crinem
Abstulerat, stygioque caput damnaverat orco.
(D. J.)
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