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Sonnet de Pèire Godolin – Poète Occitan du XVIIe – Ièr tant que le caüs le chòt e la cavèca

PEIRE GODOLIN
LITTERATURE OCCITANE

*


PEIRE GODOLIN
Pierre Goudouli
Pierre Goudelin
[1580 Toulouse – 1649 Toulouse]





Traduction JACKY LAVAUZELLE

**

Poème occitan




 Sonet
Sonnet

 

Ièr, tant que le caüs, le chòt e la cavèca
Hier, alors que le chat-huant, le hibou, et la chevêche
Tractavan a l’escur de lors menuts afars,
Traitaient dans l’obscurité de leurs menues affaires,
E que la trista nuèit, per mostrar sos Lugrans,
E que la triste nuit,  pour montrer ses astres,
Del grand calèlh del cèl amagava la mèca.
De la grande lanterne du ciel avait dissimulé la mèche.

 




 

Un pastorèl disiá : « B’èi fait un grand pèca
Un pastoureau dit alors : « Ce serait une grave faute
De donar mon amor a qui non la vòl pas,
De donner mon amour à qui ne le veut pas,
A la bela
 Liris, de qui l’arma de glaç
A la belle Liris, de qui l’âme de glace,
Vòl rendre paurament ma persuta bufèca.
A rendu pitoyable ma vaine recherche.







 

Mentre que son tropèl ròda le comunal
Tandis que son troupeau rode dans la commune
leu som anat cent còps parlar-li de mon mal ;
cent fois je lui parlais de mon mal ;
Mès la cruèla cor a las autras pastoras.
Mais la cruelle courut vers les autres bergères.




 

A ! Solelh de mos uèlhs, se jamai sur ton sen
Ah ! Soleil de mes yeux, si jamais sur ton sein
leu pòdi forrupar dos potets a plaser,
je pouvais laper tes petits pots à loisir,
leu farèi tan gentet que duraràn tres oras. »
je le ferai si gentiment que cela durera trois heures. »


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PEIRE GODOLIN

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NOTICES HISTORIQUES
SUR
PIERRE GODOLIN

Pierre de Godolin naquit à Toulouse l’an 1579, dans la maison de la rue Pargaminières, contiguë au coin de celle de Notre-Dame-du-Sac ; élevé au collège des Jésuites, il y étudia les belles-lettres, et se fit remarquer par la vivacité de son esprit, par l’élégance des compositions, et la facilité avec laquelle il était parvenu à placer dans sa mémoire la majeure partie des œuvres de Virgile ; i étudia, hélas ! bien à contre cœur, mais enfin, il étudia jusqu’au bout la jurisprudence, prit la licence, et se fit recevoir avocat au parlement. Arrivé là, les épines que Thémis présente à ses favoris, ne purent convenir à une âme passionnée qui aimait à se perdre dans les rêves de son imagination ; il crut avoir assez montré de courage. Les muses vinrent le prendre, et le bon Godolin s’abandonna à leur aimable séduction. Contemporain du Tasse, il ne suivit pas seulement, comme ce célèbre poète, le penchant de son génie, mais comme lui, il chercha une route nouvelle. La langue d’oc était tombée avec le pouvoir des comtes de Toulouse ; le patois de nos provinces, n’étant plus soutenu ni par la majorité de la nation, ni par l’imprimerie, était devenu le partage du peuple, et cette langue si douce, si harmonieuse, véritable fille de celle que les troubadours avaient parlée, semblait être délaissée pour employer la langue générale du pays. Mais Godolin, qui connaissait les trésors de la linguistique qu’elle renfermait, avant de la laisser se perdre, voulut en sauver les débris ; il la préféra donc à la langue française, qui, froide, sèche et sans charmes, sortait à peine de la grossièreté de son premier âge ; car, suspendue encore aux mamelles de l’antiquité, elle n’était guère alors que du grec ou du latin, traduit en français ; il refusa de jeter ses gracieuses créations dans le moule grec ou romain. Il fallait à son génie un nouvel horizon. Sous la plume de notre compatriote, cette langue parut étincelante de nouvelles beautés ; elle se prêta à tous les tons et devint tour à tour grave, moelleuse, fière ou mélancolique ; son génie lui fit surmonter les difficultés qu’entraîne un dialecte peu usité, et les cordes de sa lyre furent assez dociles pour chanter, avec un talent varié, le ciel, les grands, les bergères et ses amis. Toujours élégant, il a employé avec adresse les fictions et les métaphores les pus ingénieuses. Imitateur heureux de Pindare, d’Horace et d’Anacréon, ses odes sont élevées d’un style noble et soutenu ; ses idylles respirent  la molle délicatesse, la grâce et l’abandon ; ses chansons sont enjouées, élégantes et faciles, et a mélopée, sou ses doigts, se transforme, se module et se ploie à toutes les inspirations, à toutes ses fantaisies. Enfin, tantôt enjoué, tantôt badin, mais toujours énergique, il surprend par la noblesse de ses expressions, dans une langue condamnée à ramper parmi le vulgaire.




Œuvres Complètes de Pierre Godolin
Notes historiques et littéraires par J.-M. Cayla et Paul Cléobule
Editeur Delboy à Toulouse en 1843

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PEIRE GODOLIN

PEIRE GODOLIN QUATREN QUATRAIN Poème occitan du XVIIe siècle

PEIRE GODOLIN
LITTERATURE OCCITANE

*


PEIRE GODOLIN
Pierre Goudouli
Pierre Goudelin

[1580 Toulouse – 1649 Toulouse]


Traduction JACKY LAVAUZELLE

**

Poème occitan




QUATREN QUATRAIN

Jos le nom de Liris ieu canti ma Drolleta
Je chante ma belle sous le nom de Liris
Que pareis sur las flores del  partèrra Mondin
Qui illumine les fleurs du jardin Toulousain
Coma le Liri blanc que sòrt de s’esplandir
Comme le Lys blanc qui s’ouvre aux premiers rayons
Manja sopas sul cap a la Mamòi neneta.
A manger la soupe sur la tête de la fragile Violette.

 




 




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PEIRE GODOLIN

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NOTICES HISTORIQUES
SUR
PIERRE GODOLIN

Pierre de Godolin naquit à Toulouse l’an 1579, dans la maison de la rue Pargaminières, contiguë au coin de celle de Notre-Dame-du-Sac ; élevé au collège des Jésuites, il y étudia les belles-lettres, et se fit remarquer par la vivacité de son esprit, par l’élégance des compositions, et la facilité avec laquelle il était parvenu à placer dans sa mémoire la majeure partie des œuvres de Virgile ; i étudia, hélas ! bien à contre cœur, mais enfin, il étudia jusqu’au bout la jurisprudence, prit la licence, et se fit recevoir avocat au parlement. Arrivé là, les épines que Thémis présente à ses favoris, ne purent convenir à une âme passionnée qui aimait à se perdre dans les rêves de son imagination ; il crut avoir assez montré de courage. Les muses vinrent le prendre, et le bon Godolin s’abandonna à leur aimable séduction. Contemporain du Tasse, il ne suivit pas seulement, comme ce célèbre poète, le penchant de son génie, mais comme lui, il chercha une route nouvelle. La langue d’oc était tombée avec le pouvoir des comtes de Toulouse ; le patois de nos provinces, n’étant plus soutenu ni par la majorité de la nation, ni par l’imprimerie, était devenu le partage du peuple, et cette langue si douce, si harmonieuse, véritable fille de celle que les troubadours avaient parlée, semblait être délaissée pour employer la langue générale du pays. Mais Godolin, qui connaissait les trésors de la linguistique qu’elle renfermait, avant de la laisser se perdre, voulut en sauver les débris ; il la préféra donc à la langue française, qui, froide, sèche et sans charmes, sortait à peine de la grossièreté de son premier âge ; car, suspendue encore aux mamelles de l’antiquité, elle n’était guère alors que du grec ou du latin, traduit en français ; il refusa de jeter ses gracieuses créations dans le moule grec ou romain. Il fallait à son génie un nouvel horizon. Sous la plume de notre compatriote, cette langue parut étincelante de nouvelles beautés ; elle se prêta à tous les tons et devint tour à tour grave, moelleuse, fière ou mélancolique ; son génie lui fit surmonter les difficultés qu’entraîne un dialecte peu usité, et les cordes de sa lyre furent assez dociles pour chanter, avec un talent varié, le ciel, les grands, les bergères et ses amis. Toujours élégant, il a employé avec adresse les fictions et les métaphores les pus ingénieuses. Imitateur heureux de Pindare, d’Horace et d’Anacréon, ses odes sont élevées d’un style noble et soutenu ; ses idylles respirent  la molle délicatesse, la grâce et l’abandon ; ses chansons sont enjouées, élégantes et faciles, et a mélopée, sou ses doigts, se transforme, se module et se ploie à toutes les inspirations, à toutes ses fantaisies. Enfin, tantôt enjoué, tantôt badin, mais toujours énergique, il surprend par la noblesse de ses expressions, dans une langue condamnée à ramper parmi le vulgaire.




Œuvres Complètes de Pierre Godolin
Notes historiques et littéraires par J.-M. Cayla et Paul Cléobule
Editeur Delboy à Toulouse en 1843

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PEIRE GODOLIN

PEIRE GODOLIN A L’ENVEJOS A L’ENVIEUX Poème occitan du XVIIe siècle

PEIRE GODOLIN
LITTERATURE OCCITANE

*


PEIRE GODOLIN
Pierre Goudouli
Pierre Goudelin

[1580 Toulouse – 1649 Toulouse]


Traduction JACKY LAVAUZELLE

**

A l’envejòs
A l’Envieux




Poème

Fug, jauparèl, e fai-te’n rè
Fuis, aboyeur , en arrière !
O trobaràs que, segon l’òrdre
Ou sinon, tu trouveras, suivant l’ordre,
Sortèm de parlar de darrèr
Que nous parlons du derrière
Afin que trobèssas ont mòrdre.
Afin que tu puisses trouver où mordre.




 




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PEIRE GODOLIN

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NOTICES HISTORIQUES
SUR
PIERRE GODOLIN

Pierre de Godolin naquit à Toulouse l’an 1579, dans la maison de la rue Pargaminières, contiguë au coin de celle de Notre-Dame-du-Sac ; élevé au collège des Jésuites, il y étudia les belles-lettres, et se fit remarquer par la vivacité de son esprit, par l’élégance des compositions, et la facilité avec laquelle il était parvenu à placer dans sa mémoire la majeure partie des œuvres de Virgile ; i étudia, hélas ! bien à contre cœur, mais enfin, il étudia jusqu’au bout la jurisprudence, prit la licence, et se fit recevoir avocat au parlement. Arrivé là, les épines que Thémis présente à ses favoris, ne purent convenir à une âme passionnée qui aimait à se perdre dans les rêves de son imagination ; il crut avoir assez montré de courage. Les muses vinrent le prendre, et le bon Godolin s’abandonna à leur aimable séduction. Contemporain du Tasse, il ne suivit pas seulement, comme ce célèbre poète, le penchant de son génie, mais comme lui, il chercha une route nouvelle. La langue d’oc était tombée avec le pouvoir des comtes de Toulouse ; le patois de nos provinces, n’étant plus soutenu ni par la majorité de la nation, ni par l’imprimerie, était devenu le partage du peuple, et cette langue si douce, si harmonieuse, véritable fille de celle que les troubadours avaient parlée, semblait être délaissée pour employer la langue générale du pays. Mais Godolin, qui connaissait les trésors de la linguistique qu’elle renfermait, avant de la laisser se perdre, voulut en sauver les débris ; il la préféra donc à la langue française, qui, froide, sèche et sans charmes, sortait à peine de la grossièreté de son premier âge ; car, suspendue encore aux mamelles de l’antiquité, elle n’était guère alors que du grec ou du latin, traduit en français ; il refusa de jeter ses gracieuses créations dans le moule grec ou romain. Il fallait à son génie un nouvel horizon. Sous la plume de notre compatriote, cette langue parut étincelante de nouvelles beautés ; elle se prêta à tous les tons et devint tour à tour grave, moelleuse, fière ou mélancolique ; son génie lui fit surmonter les difficultés qu’entraîne un dialecte peu usité, et les cordes de sa lyre furent assez dociles pour chanter, avec un talent varié, le ciel, les grands, les bergères et ses amis. Toujours élégant, il a employé avec adresse les fictions et les métaphores les pus ingénieuses. Imitateur heureux de Pindare, d’Horace et d’Anacréon, ses odes sont élevées d’un style noble et soutenu ; ses idylles respirent  la molle délicatesse, la grâce et l’abandon ; ses chansons sont enjouées, élégantes et faciles, et a mélopée, sou ses doigts, se transforme, se module et se ploie à toutes les inspirations, à toutes ses fantaisies. Enfin, tantôt enjoué, tantôt badin, mais toujours énergique, il surprend par la noblesse de ses expressions, dans une langue condamnée à ramper parmi le vulgaire.




Œuvres Complètes de Pierre Godolin
Notes historiques et littéraires par J.-M. Cayla et Paul Cléobule
Editeur Delboy à Toulouse en 1843

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PEIRE GODOLIN

LA POESIE DE PEIRE GODOLIN – Poète occitan du XVIIe siècle

PEIRE GODOLIN
LITTERATURE OCCITANE

*


PEIRE GODOLIN
Pierre Goudouli
Pierre Goudelin

[1580 Toulouse – 1649 Toulouse]

Traduction JACKY LAVAUZELLE

**

LA POESIE DE
PEIRE GODOLIN
Poète occitan
du XVIIe siècle

 




Epitaphes – Epitafas

SONNET – SONET

Jos aqueste grand roc es rebondula l’òssa
Sous le grand roc, les os reposent
D’Enceladanle fier, la glòria del Gigants
Du fier Encelade, la gloire des Géants




*

SONNET – SONET

Ièr, tant que le caüs, le chòt e la cavèca
Hier, alors que le chat-huant, le hibou, et la chevêche
Tractavan a l’escur de lors menuts afars,
Traitaient dans l’obscurité de leurs menues affaires,

*
A LAS FLORETAS DEL GRAND RAMIER
AUX FLEURETTES DU GRAND RAMIER

Beutats floridas del Ramièr,
Beautés fleuries du Ramier
Ont per un plaser costumièr
Où nous eûmes ce plaisir coutumier




*

A L’ENVEJOS
A L’ENVIEUX

Fug, jauparèl, e fai-te’n rè
Fuis, aboyeur , en arrière !
O trobaràs que, segon l’òrdre
Ou sinon, tu trouveras, suivant l’ordre,

**

QUATREN
QUATRAIN

Jos le nom de Liris ieu canti ma Drolleta
Je chante ma belle sous le nom de Liris
Que pareis sur las flores del  partèrra Mondin
Qui illumine les fleurs du jardin Toulousain

**

GUINHOLET A MES SUR LE PORTAL DE SA BORDA
INSCRIPTION DE GUIGNOLET SUR SON PORTAIL

S’asqueste Març fraire d’Abril
Si donc, Mars, frère d’Avril,
Fòra de paur e de perilh
Loin des peurs et des périls

**

PER LO JORN DELS REIS
POUR LE LOUR DES ROIS

Un Pastor ven de Hierusalèm
Un Paster arrive de Jérusalem
e ditz a sos Companhons :
et dit à ses Compagnons :

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PEIRE GODOLIN

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NOTICES HISTORIQUES
SUR
PIERRE GODOLIN

Pierre de Godolin naquit à Toulouse l’an 1579, dans la maison de la rue Pargaminières, contiguë au coin de celle de Notre-Dame-du-Sac ; élevé au collège des Jésuites, il y étudia les belles-lettres, et se fit remarquer par la vivacité de son esprit, par l’élégance des compositions, et la facilité avec laquelle il était parvenu à placer dans sa mémoire la majeure partie des œuvres de Virgile ; i étudia, hélas ! bien à contre cœur, mais enfin, il étudia jusqu’au bout la jurisprudence, prit la licence, et se fit recevoir avocat au parlement. Arrivé là, les épines que Thémis présente à ses favoris, ne purent convenir à une âme passionnée qui aimait à se perdre dans les rêves de son imagination ; il crut avoir assez montré de courage. Les muses vinrent le prendre, et le bon Godolin s’abandonna à leur aimable séduction. Contemporain du Tasse, il ne suivit pas seulement, comme ce célèbre poète, le penchant de son génie, mais comme lui, il chercha une route nouvelle. La langue d’oc était tombée avec le pouvoir des comtes de Toulouse ; le patois de nos provinces, n’étant plus soutenu ni par la majorité de la nation, ni par l’imprimerie, était devenu le partage du peuple, et cette langue si douce, si harmonieuse, véritable fille de celle que les troubadours avaient parlée, semblait être délaissée pour employer la langue générale du pays. Mais Godolin, qui connaissait les trésors de la linguistique qu’elle renfermait, avant de la laisser se perdre, voulut en sauver les débris ; il la préféra donc à la langue française, qui, froide, sèche et sans charmes, sortait à peine de la grossièreté de son premier âge ; car, suspendue encore aux mamelles de l’antiquité, elle n’était guère alors que du grec ou du latin, traduit en français ; il refusa de jeter ses gracieuses créations dans le moule grec ou romain. Il fallait à son génie un nouvel horizon. Sous la plume de notre compatriote, cette langue parut étincelante de nouvelles beautés ; elle se prêta à tous les tons et devint tour à tour grave, moelleuse, fière ou mélancolique ; son génie lui fit surmonter les difficultés qu’entraîne un dialecte peu usité, et les cordes de sa lyre furent assez dociles pour chanter, avec un talent varié, le ciel, les grands, les bergères et ses amis. Toujours élégant, il a employé avec adresse les fictions et les métaphores les pus ingénieuses. Imitateur heureux de Pindare, d’Horace et d’Anacréon, ses odes sont élevées d’un style noble et soutenu ; ses idylles respirent  la molle délicatesse, la grâce et l’abandon ; ses chansons sont enjouées, élégantes et faciles, et a mélopée, sou ses doigts, se transforme, se module et se ploie à toutes les inspirations, à toutes ses fantaisies. Enfin, tantôt enjoué, tantôt badin, mais toujours énergique, il surprend par la noblesse de ses expressions, dans une langue condamnée à ramper parmi le vulgaire.




Œuvres Complètes de Pierre Godolin
Notes historiques et littéraires par J.-M. Cayla et Paul Cléobule
Editeur Delboy à Toulouse en 1843

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PEIRE GODOLIN

PEIRE GODOLIN A LAS FLORETAS DEL GRAND RAMIER AUX FLEURETTES DU GRAND RAMIER

PEIRE GODOLIN
LITTERATURE OCCITANE

*


PEIRE GODOLIN
Pierre Goudouli
Pierre Goudelin

[1580 Toulouse – 1649 Toulouse]


Traduction JACKY LAVAUZELLE

**

A LAS FLORETAS DEL GRAND RAMIER
Aux Fleurettes du Grand Ramier

 




Poème

Beutats floridas del Ramièr,
Beautés fleuries du Ramier
Ont per un plaser costumièr
Où nous eûmes ce plaisir coutumier
Cinc o siès sovent nos èm vistis
A cinq ou six de nous délasser
A far de braves rigolistis,
A passer de si bons moments
Prègui Dieu que de cap d’aigat
Je prie Dieu qu’aucune bourrasque
Vòstre prim pè non siá negat :
Ne vienne mouiller vos charmants pieds :




Jamai non sentatz calorada,
Jamais non plus qu’ils ne subissent ni la chaleur
Lavaci, brumas, ni torrada ;
Ni la pluie, la brume ou le gel
Prègui Dieu que de cap de vent
Je prie Dieu qu’aucune tornade
Non siátz brandidas tròp rabent ;
Ne vous secoue trop brutalement
Le Cèl, per amistança rara,
Que le Ciel, par amitié sincère,
Vos faça totjorn bona cara
Vous fasse toujours bonne figure
E jamai non vos mande ròs
Et qu’il ne vous envoie
Que d’aiganafa e d’aigaròs.
Que de la pluie de rose et d’oranger.




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PEIRE GODOLIN

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NOTICES HISTORIQUES
SUR
PIERRE GODOLIN

Pierre de Godolin naquit à Toulouse l’an 1579, dans la maison de la rue Pargaminières, contiguë au coin de celle de Notre-Dame-du-Sac ; élevé au collège des Jésuites, il y étudia les belles-lettres, et se fit remarquer par la vivacité de son esprit, par l’élégance des compositions, et la facilité avec laquelle il était parvenu à placer dans sa mémoire la majeure partie des œuvres de Virgile ; i étudia, hélas ! bien à contre cœur, mais enfin, il étudia jusqu’au bout la jurisprudence, prit la licence, et se fit recevoir avocat au parlement. Arrivé là, les épines que Thémis présente à ses favoris, ne purent convenir à une âme passionnée qui aimait à se perdre dans les rêves de son imagination ; il crut avoir assez montré de courage. Les muses vinrent le prendre, et le bon Godolin s’abandonna à leur aimable séduction. Contemporain du Tasse, il ne suivit pas seulement, comme ce célèbre poète, le penchant de son génie, mais comme lui, il chercha une route nouvelle. La langue d’oc était tombée avec le pouvoir des comtes de Toulouse ; le patois de nos provinces, n’étant plus soutenu ni par la majorité de la nation, ni par l’imprimerie, était devenu le partage du peuple, et cette langue si douce, si harmonieuse, véritable fille de celle que les troubadours avaient parlée, semblait être délaissée pour employer la langue générale du pays. Mais Godolin, qui connaissait les trésors de la linguistique qu’elle renfermait, avant de la laisser se perdre, voulut en sauver les débris ; il la préféra donc à la langue française, qui, froide, sèche et sans charmes, sortait à peine de la grossièreté de son premier âge ; car, suspendue encore aux mamelles de l’antiquité, elle n’était guère alors que du grec ou du latin, traduit en français ; il refusa de jeter ses gracieuses créations dans le moule grec ou romain. Il fallait à son génie un nouvel horizon. Sous la plume de notre compatriote, cette langue parut étincelante de nouvelles beautés ; elle se prêta à tous les tons et devint tour à tour grave, moelleuse, fière ou mélancolique ; son génie lui fit surmonter les difficultés qu’entraîne un dialecte peu usité, et les cordes de sa lyre furent assez dociles pour chanter, avec un talent varié, le ciel, les grands, les bergères et ses amis. Toujours élégant, il a employé avec adresse les fictions et les métaphores les pus ingénieuses. Imitateur heureux de Pindare, d’Horace et d’Anacréon, ses odes sont élevées d’un style noble et soutenu ; ses idylles respirent  la molle délicatesse, la grâce et l’abandon ; ses chansons sont enjouées, élégantes et faciles, et a mélopée, sou ses doigts, se transforme, se module et se ploie à toutes les inspirations, à toutes ses fantaisies. Enfin, tantôt enjoué, tantôt badin, mais toujours énergique, il surprend par la noblesse de ses expressions, dans une langue condamnée à ramper parmi le vulgaire.




Œuvres Complètes de Pierre Godolin
Notes historiques et littéraires par J.-M. Cayla et Paul Cléobule
Editeur Delboy à Toulouse en 1843

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PEIRE GODOLIN

SONNET DE PEIRE GODOLIN Poète Occitan XVIIe siècle – SONET

PEIRE GODOLIN
LITTERATURE OCCITANE

*


PEIRE GODOLIN
Pierre Goudouli
Pierre Goudelin

[1580 Toulouse – 1649 Toulouse]

*
Traduction JACKY LAVAUZELLE

**

SONNET
SONET




Epitaphes – Epitafas

 

Jos aqueste grand roc es rebondula l’òssa
Sous le grand roc, les os reposent
D’Enceladanle fier, la glòria del Gigants
Du fier Encelade, la gloire des Géants
Que, per tirar del Cèl les prumières estatjants
Qui, pour sortir du Ciel les premiers habitants,
Enjoquèc Pelion sur la grand cima d’òssa.
A poser Pélion sur les hautes cimes de l’Osse.




*

Ja levava l’un pè le descarat colòssa,
Le voici avançant, colosse effrayant,
Per sautar dins le cèl vesin de quatre palms,
Sautant dans le ciel voisin de quatre pans
Quand Jupiter sasic un fòlze de tres brands
Quand Jupiter saisit le feu du trident
Que, flésc ! li fèc bronzir pel mièi de la cabóça.
Et vlan !, lui jeta en pleine tête.

*

Del brave Jupiter le cèl forèc gardat ;
Le Ciel fut préservé par le brave Jupiter
Car, perquanta de Mars que se fa tant soldat
Car Mars, qui se prétend si grand soldat,
El s’arrucava tot, quand ausiá las campanhas
Se terra aux bruits des campagnes




*

Retronir jots l’aprèst d’un tan cruèl assaut,
Succombant au poison d’un si cruel assaut,
E peisson se mudèc, plus regde qu’un lebraud,
En poisson se mue, plus rapide qu’un levreau,
Quand vic al crabimè carrejar las montanhas.
Quand sur le dos l’on portait les montagnes.

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PEIRE GODOLIN

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NOTICES HISTORIQUES
SUR
PIERRE GODOLIN

Pierre de Godolin naquit à Toulouse l’an 1579, dans la maison de la rue Pargaminières, contiguë au coin de celle de Notre-Dame-du-Sac ; élevé au collège des Jésuites, il y étudia les belles-lettres, et se fit remarquer par la vivacité de son esprit, par l’élégance des compositions, et la facilité avec laquelle il était parvenu à placer dans sa mémoire la majeure partie des œuvres de Virgile ; i étudia, hélas ! bien à contre cœur, mais enfin, il étudia jusqu’au bout la jurisprudence, prit la licence, et se fit recevoir avocat au parlement. Arrivé là, les épines que Thémis présente à ses favoris, ne purent convenir à une âme passionnée qui aimait à se perdre dans les rêves de son imagination ; il crut avoir assez montré de courage. Les muses vinrent le prendre, et le bon Godolin s’abandonna à leur aimable séduction. Contemporain du Tasse, il ne suivit pas seulement, comme ce célèbre poète, le penchant de son génie, mais comme lui, il chercha une route nouvelle. La langue d’oc était tombée avec le pouvoir des comtes de Toulouse ; le patois de nos provinces, n’étant plus soutenu ni par la majorité de la nation, ni par l’imprimerie, était devenu le partage du peuple, et cette langue si douce, si harmonieuse, véritable fille de celle que les troubadours avaient parlée, semblait être délaissée pour employer la langue générale du pays. Mais Godolin, qui connaissait les trésors de la linguistique qu’elle renfermait, avant de la laisser se perdre, voulut en sauver les débris ; il la préféra donc à la langue française, qui, froide, sèche et sans charmes, sortait à peine de la grossièreté de son premier âge ; car, suspendue encore aux mamelles de l’antiquité, elle n’était guère alors que du grec ou du latin, traduit en français ; il refusa de jeter ses gracieuses créations dans le moule grec ou romain. Il fallait à son génie un nouvel horizon. Sous la plume de notre compatriote, cette langue parut étincelante de nouvelles beautés ; elle se prêta à tous les tons et devint tour à tour grave, moelleuse, fière ou mélancolique ; son génie lui fit surmonter les difficultés qu’entraîne un dialecte peu usité, et les cordes de sa lyre furent assez dociles pour chanter, avec un talent varié, le ciel, les grands, les bergères et ses amis. Toujours élégant, il a employé avec adresse les fictions et les métaphores les pus ingénieuses. Imitateur heureux de Pindare, d’Horace et d’Anacréon, ses odes sont élevées d’un style noble et soutenu ; ses idylles respirent  la molle délicatesse, la grâce et l’abandon ; ses chansons sont enjouées, élégantes et faciles, et a mélopée, sou ses doigts, se transforme, se module et se ploie à toutes les inspirations, à toutes ses fantaisies. Enfin, tantôt enjoué, tantôt badin, mais toujours énergique, il surprend par la noblesse de ses expressions, dans une langue condamnée à ramper parmi le vulgaire.




Œuvres Complètes de Pierre Godolin
Notes historiques et littéraires par J.-M. Cayla et Paul Cléobule
Editeur Delboy à Toulouse en 1843

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PEIRE GODOLIN

OCCITANIE – LITTERATURE OCCITANE

 

SELECTION ARTGITATO
OCCITANIE

LITTERATURE OCCITANE

Occitania Occitanie Litterature Occitane Artgitato

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AS FRANCIMANDS
Auguste Quercy

LAS MOUNT-ALBANESOS 
Auguste Quercy

Léon CLADEL
par Auguste QUERCY

Mount-Alba à bisto de nas
Auguste Quercy

Auguste QUERCY
par Gabriel LAFORGUE, le dernier des aèdes

AS FRANCIMANDS par Auguste Quercy

LITTERATURE OCCITANE
CAMROSOS
Carsinolos

AS FRANCIMANDS
par AUGUSTE QUERCY
(1853-1899)
(Ed MOUNT-ALBA
Paul Massoun – Librari Editour – MCMXI)

A Moussu Jordi Leygues

Auguste Quercy As Francimands Artgitato

Moussu, n’ai qu’uno maire,
E quand, dins la lengo qu’endorm,
Lausi lou Carsi boultat d’or,
L’aunour del Grand Pais e l’aunour del Terraire
Pariu fan trefana ma pensado e moun cor.

Ma maire a dous parlas,
Douos lengos sorres, bessounetos.
Lou debenguèt mèstro, e l’autro, cacarlas,
Ambe’s roussinhoulets fargo de cansounetos.

E la maire a douos poupos ;
Mès l’astre-dius es mais audous,
Même lou lach pus aboundous,
Siès la sorre que canto, en fuselent d’estoupos,
Al mitan de prats berds, jous un cèl clar et dous.

O Pats ! gardo l’oustal.
Nostre bèl Mèjourn es tout amo ;
Un amour sant, frairal, lou cramo ;
Lauro supèrboment, e troubas dins soun tal,
Dubert à tout benent, de  gra, de flours, de ramo.

Cresès-ne nostros boucos,
Benès, grands artistes, ournal
Des Arts, de l’Esprit, del Journal,
Benès ! Faren raja lou chuc de nostros soucos,
E bous enraissaren de soulel mèjournal.

Oc, sèn pla del Mèjourn,
Terro de fe, de gauch, d’abounde,
Païs, malgrat Mounfort, indounde,
Afric de libertat ; mès, de nèch e de journ,
Ufrissen tout ço nostre à tout lou brabe mounde.

Noys-austris, sans caimados
E franc, trincarian, capdedis !
A l’ifèr o al paradis.
Per que festarias pas, am sas beutats aimados,
La Sorre del Mèjourn en bèl abroundadis ?

La Franco es un jardi
Poulit aimat de l’auselino,
Que coumo pod s’i abelino.
Despèi quouro, mardiu ! lou cap-rouge cardi
Es tengut de couaca Coumo la gourpalino ?

Nostre parla derengo !
El fach de gracios e d’amour,
Lempent dins l’amo de m’amour,
Rais celestial que met de mèl sus nostro lengo,
Per nous cassa del cor lou pèssoment, l’imour !

Dabans lous ennemics,
Qual t’a bist, raço mèjournalo,
Bira toun esquino à la balo ?
I a pas issam irous ni raujousos fourmics
Mai qu’elo afalcounats, quand la Franco s’amalo.

Ana dins lous traucasses
Ount maulhèroun lou bèrs gourmands ;
Cercas, demès lous Alemands
Mescladis as del Nord e del Païs des Casses :
A que recounestrès l’osso des Francimands ?

Laissas lou bièl garric
Flouri dins sa gigantario !
Sario loungo la litanio
De sous gaissous que bous an pourtat, ric-à-rac,
L’engin subre-mannat de nostro Occitanio.

Que d’estelos guerrièros
Trimfaloment planoun denaut !
Lour propro glorio es lour defaut.
Jansemin, Gambetta, Fermat, Ingres, Falguièros,
Sans gloup de sang, an mes lou noum francès tant naut !

L’anglès es recercat,
A l’alemand dièrboun las portos,
Rebiscoloun de lengos mortos ;
Mesprèsoun lou fruch d’or que rullo sul mercat,
E las bèlos flours d’Oc moroun dins nostros ortos !

O ma lengo adourado,
Noble parauli des arrès,
Quand dabans tu tout se barrès,
Se troubabos enloc abric ni retirado
Dins mon cor afougat auras toutjourn un brès.

Que lous cranto immourtals
Te decrètoun morto, iscarioto !
Soui e restarai patrioto ;
Mès parlarai patouès a mous darriers badals,
E la lengo del brès, soulo, oundrara ma cloto.

LAS MOUNT-ALBANESOS Auguste Quercy

LITTERATURE OCCITANE
CAMROSOS
Carsinolos

LAS MOUNT-ALBANESOS
par AUGUSTE QUERCY
(1853-1899)
(Ed MOUNT-ALBA
Paul Massoun – Librari Editour – MCMXI)

Auguste Quercy Las Mount-Albanesos Artgitato

O Mount-Alba ! dins nostre cor
Tenes la plaço la pus grando.
Cado mati, l’albo as pièls d’or
De lum e de gauch t’engarlando.
Tas filhos al tint brun o blound,
Candos coumo un liri de plano,
Ensoulelhoun milhou toun frount
Que lou pus fresc raioun d’arcano.

De soun cèl blu, plasent e pur,
Las estelos dauroun l’azur ;
Altour de tu, lous tucs berbejoun,
D’aigos claretos rajoulejoun ;
A las flouretos des houissous
Tous prats soun ples de pimparèlos
E tous bousquets de tourtourèlos.

Tas permenados, tous jardis,
Ount nisoun de bois de cardis ;
Toun platèu d’ount on bei l’Espanho ;
Tous boulbards, toun pount, ta campanho,
Toun Cours, que n’a pas de ribal,
Tous Musès, l’Oustal coumunal,
Ni tas casèrnos, ni tas glèios,
Ni tous tucs rouge de cirèios
Que dauro lou printemps noubèl,
N’es pas tout ço qu’as de pus bèl :
Tas filhos al tint brun o blound,
Candos coumo un liri de plano,
Ensoulelhoum milhou toun frount
Que lou pus fresc raioun d’arcano.

Un cèl d’amour lusis dins lours èlhous ;
La gracio ris sus lours rosos gautetos ;
Perfumarioun las pus noulentos flous ;
Lugrejarioun prèp de las esteletos ;
Lous angèlous catifoulets ;
Bouldrioun ta milo poutounets
Sus lours manetos tant poulidos,
E lous besiats parpalhoulets
Oublidarioun sus lours poutets
Las rosos las pus carmesidos.
Bèlos flouretos,
Tresor d’amour,
Brunos, bloundetos,
Fachos al tour,
Soun d’esteletos
Bostris èlhous ;
Bostros bouquetos,
Niucs de poutous.
Filhotos al tint brun o blound,
Candos coumo un liri de plano,
Sès pus poulidos que lou journ
E pus frescos qu’un rais d’arcano.

AUGUSTE QUERCY par GABRIEL LAFORGUE, le dernier des aèdes

 LITTERATURE OCCITANE
CAMROSOS
Carsinolos

AUGUSTE QUERCY,
Le dernier des aèdes
(1853 à Lafrançaise-1899 à Montauban)

Préface de Gabriel LAFORGUE
édition Mount-Alba Paul Massoun
Librari Editour  MCMXI

Auguste Quercy par Gabriel Laforgue Préface Camrosos Carsinolos 1911 Artgitato

Je l’ai beaucoup connu, je l’ai beaucoup aimé. – On ne pouvait le connaître sans l’aimer. – Je voudrais simplement, sobrement, – pieusement auprès de la piété des siens, -essayer de retracer et pour un instant de faire revivre, les traits essentiels et vrais de cette attachante physionomie.

IL SAVAIT SAISIR CE QUI DEMEURE

Il était, plus qu’aucun de nous peut-être, fils de cette terre qui est la nôtre. – Il aimait d’un grand, d’un pur et noble amour, d’un amour digne d’elle. – Tous son passé, efforts, joies, tristesses, grandeur, humiliation d’un jour que le lendemain éclaire et efface, larmes et sourires, tout cela vibrait, se ranimait en lui, et sous la fuite des temps et des jours, dans le grand mirage des êtres et des choses, il savait saisir ce qui demeure.

LE FILS DE CES CADURQUES

Pouvillon était Grec. – Quercy était Latin. – Sous l’ombre du grand chêne ou le parfum d’une fleur, devant la nuit qui vient ou l’aube qui grandit l’horizon, vous  retrouverez dans les meilleurs de ses vers un peu de la grâce et de l’émotion de Virgile. – Et cela était bien à lui, puisé aux sources sûres, aux plus intimes profondeurs de la race. A ses heures d’énergie, quand son masque maigre, beau d’une beauté, d’une fierté de médaille antique, que nous a si fidèlement, si noblement le génie évocateur et créateur de Bourdelle, se dressait au-dessus d’une assemblée de notre peuple qu’il prenait, secouait, grisait bientôt de gaîté et de passion, il y avait en lui mieux que le Latin. Il était bien le fils, au travers des âges, de ces Cadurques qui seuls espéraient, luttaient dans l’agonie de la Gaule expirante et à qui César devait trancher la main pour arracher le tronçon du glaive.

LES MOTS VIEILLIS DE LA LANGUE ‘MAIRALO’

Ceux qui l’ont entendu savent que je dis vrai ; qu’il n’y a ici point d’exagération, qui serait une insulte pour sa mémoire. La voix, le geste, la mobilité, la sincérité de l’action donnaient à l’œuvre une intensité de vie que la phrase figée ne saurait rendre. – Son talent était à la hauteur de l’homme, et ses vers méritent de ne point disparaître à jamais. Poète, il prit pour tâche de cueillir un à un, au travers des combes, des mas, des rives grasses de la Garonne, aux hauteurs pittoresques et sèches de l’Aveyron, dans les veillées des bordes ou les disputes du foirail, les mots vieillis de notre vieille langue « mairalo ». – Il n’était jamais si heureux que quand il avait glané un épi pour augmenter sa moisson ; jour à jour, la gerbe se faisait délicate, savoureuse.

L’INTIMITE DE QUERCY

Jasmin fut, lui aussi, un délicieux et merveilleux conteur. Il sut dire les divines paroles ailées qui dominent les fronts et ravissent le cœur des foules. Il sut plaire aux délicats et émouvant les humbles. Dans le silence qui suivit, avant la renaissance romane de notre époque qui a inspiré, dicté des pages qui auprès des siennes vivront, il parut mériter le nom du dernier des aèdes. – Si en pensant à Quercy on songe à Jasmin, ce n’est pas assurément pour tracer un parallèle qui n’est plus dans le goût de ce temps. – Nous comprenons mieux la vitalité propre à chaque individualité littéraire. Nous en comprenons la nécessité et que chaque note personnelle ajoute à la vérité du récit, du décor, à l’harmonie de l’ensemble. – En quittant Jasmin, on peut lire Quercy. Vous le devez, si vous êtes né de notre sol et de notre race. Jasmin, c’est la grande plaine qui ondule là-bas, plus nourricière, plus amollie, épanouissant ses richesses faciles tout au long des méandres capricieuses, attardés, des oseraies, des ramiers, du grand fleuve. – Quercy, c’est plus d’intimité ; c’est plus chez nous. Lafrançaise, où il naquit, voit devant elle , au pied de sa berge hautaine, l’immensité des moissons et des herbages. Mais en arrière, le sol monte et durcit. La sente vallonnée au travers des garrics côtoie souvent un champ plus restreint et plus âpre. L’effort de l’homme apparaît plus intense pour des résultats moins sûrs. – C’est vers cet effort qu’allait de préférence le regard attendri et l’affection du poète.

LES LUCIOLES ECLAIRAIENT LES MYSTERES DES NUITS

Il se plaisait à suivre au tournant des sillons, sous la motte brune, luisante du soc et de rosée, toute dentelée, perlée, vêtue des fils de la Vierge, la lancée rythmique du grain, le geste auguste qui nourrit l’homme. Quand la sève montait, verdissant le sol, diaprant les près, crevant corolles et bourgeons, sous le renouveau fécondant, il butinait le cœur en fête. Aux temps de lumière et de splendeur, alors que le dieu étincelant dorait terres et cultures, embaumait les foins, miellait les fruits, il écoutait avec ravissement tout ce qui se dit et chante dans un rayon. Grils et cigales contaient les véridiques légendes. – Les lucioles éclairaient les mystères des nuits.

LE MULTIPLE ET LE NECESSAIRE EFFORT

Le cycle clos, quand finissait l’acte annuel du grand drame millénaire, le poète songeait aux acteurs, hommes et bêtes, celui qui tient l’araire, et ceux-là qui la traînent. – Il les aimait également ; même s’il n’est point très sûr que sa sympathie plus vive n’allât pas aux plus modestes, à ceux qui peinent sans se plaindre et qui n’en souffrent pas moins. – L’homme qui ahane à la tâche coutumière, obligée, sous un ciel dévorant ; – Le bœuf dont le flanc s’agite et palpite à déchirer plus avant la glèbe durcie ; – l’âne, peu nourri, mal logé, dédaigné à tort par qui ne sauraient atteindre à sa philosophie ; – le poète entendait et voyait ce que, malheureusement, pour le bien de tous, si peu savent voir et entendre, tout ce qu’il y a de misère, d’utilité éparses dans le multiple et le nécessaire effort.

LE RIRE DE QUERCY

Avec Cladel, il scrutait, démêlait les secrets de l’âme rurale. Petites âmes, très simples, sous des apparences futées. L’intérêt domine et conduit ; – l’économie jusqu’à la privation accroît le  champ, permet la résistance, souvent incite à un brin de jalousie pour le mieux-être d’à côté ; – l’égalité, que César déjà notait comme la passion la plus répandue, la plus chérie et absorbante, l’égalité est comprise non comme un abandon nécessaire de certains avantages à soi, mais comme accès éventuel et possible aux avantages proches ; elle doit – cela est très humain- moins donner que prendre – Le rire de Quercy éclatait, son vers railleur cinglait, mais bientôt, vers la fin, ce rire se mouillait à contempler le labeur immense, varié, incessant, qui courbe et relève. – Comment en vouloir justement à l’étroitesse de vie et de pensée ainsi encloses dans l’effort quotidien, les limites de l’héritage ancestral ? – Cet égoïsme, en somme, n’est-il point producteur, tutélaire ? Et quelle grandeur, quelle beauté dans la lutte toujours inachevée ! – Auprès de Marre, Quercy se passionnait à en rechercher et à en fixer la noblesse d’attitudes, les nuances délicates, les plus fuyants aspects. – Dans la mélancolie d’un soir d’automne, la fuite des feuilles éperdues, sous le Castel démantelé où Adelaïde de Penne éprouvait la langueur des chants du troubadour Jourdan, une chaumine enfumée, branlante, où deux pauvres vieux sommeillent auprès d’un maigre feu, dit l’abandon du « soir de la vie », la stérile et infinie tristesse du courage vaincu, de la force épuisée.

L’ESPRIT QUERCINOL

N’est-ce point là un vrai poète celui qui, ainsi, mot à mot, fait sa langue des vocables dédaignés ou perdus ; varie son rythme ; dégage des mœurs périssables les curieuses légendes ; s’intéresse à tout ce qui a été de la vie et reste de l’Histoire, à tout ce qui a consacré l’empreinte plus ou moins effacée des hommes de notre race, des choses de notre sol, redonnant à cette cendre éteinte chaleur, couleur et comme un frisson d’actualité. –Auguste Quercy avait puisé dans l’intelligente recherche du passé, dans l’observation aiguisée des traditions, des coutumes, la connaissance plus complète de ce qui convient plus spécialement aux aspirations du pays qui est le nôtre. – En reconstituant la langue, il avait mieux aperçu l’esprit quercinol, ce qui reste immuable, vivace, sous les générations tour à tour descendues vers la nuit. – Son art fut vérité. – Il avait compris que s’il y  a sans doute la façon de sentir, de traduire, qui forcément évolue suivant les hommes, suivant les temps, au-dessus de tout art, de toute conception, de toute école, on pourrait élever la formule : seule la vérité est vie. – Et seuls, et dans la mesure de leur fidélité, ont vécu et vivront, les dévots de la Bonne Déesse. – Mais l’idole, l’image, toujours voilée et fugace. Ceux qui un instant ont pu l’étreindre et la saisir méritent par ce bienfait reconnaissance et respect. – C’est à ce culte que Quercy avait voué tout ce qu’il possédait de claire intelligence, de patient et consciencieux labeur ; c’est dans ce culte qu’il nous est cher, que nous vénérons sa mémoire. – Il sut émouvoir, colorer sa vie de ces visions, de ces souvenirs et de ces espérances dont le philosophe antique a dit « qu’il faut comme s’enchanter soi-même ». Et cela aussi, à ceux qui suivront reste en exemple

AU FOYER FAMILIAL ET AU FOYER DE LA CITE

Quand la mort le frôla de son aile froide, quand au matin il s’éteignit, alors qu’au soir il était plein de force et d’avenir, bien que cette fin soit celle, toujours au dire des anciens, « de ceux qui sont aimés des dieux », un chaînon se brisa dans la chaîne de nos affections les plus intimes. – Sa place resta vide au foyer familial et au foyer de la cité. – Il manquait !

DANS L’OMBRE ET LA CLARTE DE MISTRAL

L’œuvre reste ; elle a le charme des choses inachevées. – C’est un reliquaire où doucement repose ce qu’il y eut de meilleur, d’où émanent les pénétrantes effluves de l’idée généreuse, à la fois conservatrice et créatrice : les vivants ne sont sans doute que la survivance des morts. – Tout ce qui a été ; si tout se transforme, rien ne se perd ; le passé est en gestation d’avenir. – La page, à laquelle Quercy a eu l’honneur très grand d’ajouter quelques lignes, la page écrite dans l’ombre et la clarté de Mistral dominateur par ces bons ouvriers du verbe et de la pensée Mary Lafon, Fourès, Estieu, Perbosc, Castèla, dont l’oubli serait injuste, et les autres, ceux de chez nous, ceux d’à côté, de la Provence dorée à la Bretagne brumeuse, est une page d’histoire, de la grande Histoire de la vie, de la langue, des coutumes, des mœurs des peuples variés, mêlés mais non détruits en l’unité nationale….