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EL PASEO DEL PRADO – Пасео дель Прадо – 普拉多大道

 

Madrid – Мадрид – 马德里
Paseo del Prado
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Madrid Blason Artgitato  Madrid L'Ours & L'arbousier Artgitato La estatua del oso y del madroño

Photo Jacky Lavauzelle
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Madrid Drapeau Artgitato


EL PASEO DEL PRADO
Пасео дель Прадо
普拉多大道

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Ministerio de Agricultura Calle de Claudio Moyano Paseo del Prado Artgitato Museo del Prado Paseo del Prado Artgitato 2 Museo del Prado Paseo del Prado Artgitato Claudio Coello Museo del Prado Paseo del Prado Artgitato Juan de Juanes Museo del Prado Paseo del Prado Artgitato Murillo Museo del Prado Paseo del Prado Artgitato Paseo del Prado Museo del Prado Velasquez artgitato 00 Paseo del Prado Museo del Prado Velasquez artgitato 0 Paseo del Prado Museo del Prado Velasquez artgitato 2 Paseo del Prado Museo del Prado Velasquez artgitato PASEO DEL PRADO Plaza de Murillo Artgitato 2 PASEO DEL PRADO Plaza de Murillo Artgitato
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Objetos de Arte Toledano
Objets d’Art de Tolède
10 Paseo del Prado
Madrid

Paseo del Prado Objetos de Arte Toledano 10 (1) Paseo del Prado Objetos de Arte Toledano 10 (2) Paseo del Prado Objetos de Arte Toledano 10 (3) Paseo del Prado Objetos de Arte Toledano 10 (4) Paseo del Prado Objetos de Arte Toledano 10 (5) Paseo del Prado Objetos de Arte Toledano 10 (6) Paseo del Prado Objetos de Arte Toledano 10 (7)

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LE PASEO DEL PRADO EN 1847

« Il est un lieu à Madrid où, mieux qu’en aucune soirée, on peut voir vivre et se confondre la société espagnole : c’est le Prado, qui, lui seul, ferait la renommée d’une ville. Le Prado, par sa situation même, est une des plus belles promenades qu’on puisse imaginer ; il s’étend à l’est de Madrid, de la porte des Récollets à la porte d’Atocha, et est placé entre deux collines, comme pour ne perdre aucun rayon de soleil au printemps. D’un côté sont de superbes palais, tels que le Buen-Retiro, le Musée et le magnifique jardin botanique ; une partie de la ville se répand sur le flanc opposé et vient déboucher par les rues d’Alcala, San-Geronimo et Atocha, qui vont en s’élargissant et forment des issues grandioses. Tout le Prado est sillonné d’allées d’arbres au bout desquelles s’élèvent les gracieuses fontaines d’Apollon, de Cybèle et de Neptune. Le Prado est à Madrid ce que sont les Champs-Élysées à Paris. S’il y a moins de grandeur, il y a plus de grâce peut-être. La mode, on le sait, est capricieuse et folle ; ce qui la dirige dans son choix, on ne le sait guère ; elle se plaît surtout, de nos jours, aux disparates. Eh bien ! la mode, depuis quelque temps à Madrid, veut qu’on se porte sur un des points du Prado les plus disgracieux, les plus dépourvus d’agrément, dans une allée qui conduit de la porte à l’église d’Atocha, et qui est enserrée entre un mur et un tertre qui s’effondre. Le principal mérite de cette allée me paraît être de fournir une assez longue course aux dandies madrilègnes qui vont y parader à cheval. Ce ne sont point les dandies qui sont curieux à voir, ce sont leurs chevaux quelquefois. Presque tous sont de race espagnole, et il y en a d’admirables ; leur tête rayonne d’intelligence ; leurs jarrets nerveux sont d’une agilité vigoureuse ; une fine encolure se dessine sous les flots d’une crinière, souvent noire comme l’ébène ; leur croupe lustrée miroite au soleil, et, lorsqu’ils s’élancent, ils balaient la terre de leur queue abondante et soigneusement peignée. C’est là ce qui peut arrêter un instant à l’allée d’Atocha ; mais la plus belle partie du Prado, en réalité, celle vers laquelle on revient toujours invinciblement, c’est ce qu’on nomme le Salon, espèce de plate-forme spacieuse et nue au milieu des arbres qui l’environnent. Le Salon est le rendez-vous de Madrid. Combien de regards s’échangent au Prado en quelques heures ! combien de furtives paroles ! combien de sourires à demi cachés sous l’éventail et seulement aperçus par celui qui en sait le secret ! C’est là en effet le vrai théâtre des femmes madrilègnes. Seulement il faut renoncer à ce type de beauté pâle et ardente invariablement donné comme le type de la beauté espagnole. Les Madrilègnes ont un tout autre caractère : leur figure est vive, animée, piquante, spirituelle ; leur regard plein de feu se fixe librement et hardiment sur vous, mais n’a rien qui fasse rêver de sombres et tragiques passions ; leur démarche est rapide et pleine d’action, et dans leur repos même il y a je ne sais quelle mobilité gracieuse. Leur esprit, peu cultivé peut-être, se nourrit de toutes les inspirations naturelles du cœur et de l’imagination ; elles ont cette verve qu’on nomme la sal española, une franche et libre humeur qui s’épanche aisément. L’éventail va bien mieux à leur main savante que le poignard à leur ceinture, et l’art avec lequel elles s’en servent tour à tour pour se cacher ou se laisser voir est un miracle de prestesse. Beaucoup de Madrilègnes portent encore la mantille, — ce vêtement si élégant et si national qui sied si bien à leur beauté et fait si bien ressortir leur figure sous la dentelle et sous la soie ; ce qu’on ne conçoit pas cependant, c’est que cette partie du costume espagnol tende aussi à disparaître : elle fait place au chapeau, qui ôte à la tête sa liberté et sa grâce. Les contrastes qui naissent de cette altération du costume national ne laissent pas de donner un aspect assez bizarre au Prado. Alors on songe involontairement au temps où cette promenade commença de devenir célèbre et à ceux qui firent sa réputation, — Calderon, Lope, Moreto, — en y plaçant la scène de quelques-unes de leurs comédies immortelles. Le Prado était le lieu favori des poètes, et ils ne faisaient d’ailleurs que reproduire la vie en y mettant tout ce monde de brillants gentilshommes, de jeunes gens chercheurs d’aventures, de femmes à l’enivrant sourire, à l’œil étincelant, qui se plaisaient, oubliant tout le reste, à nouer de mystérieuses amours. Aujourd’hui cependant, s’il y a encore quelque chose de cette ardeur pour le plaisir, les mœurs changent et s’effacent. Je me suis trouvé là lisant, en souvenir du passé, les Matinées d’avril et de mai ; faut-il le dire ? cette œuvre charmante de Calderon me paraissait étrange. Je me laissais aller au cours de cette folle intrigue où la fantaisie du poète peint divinement ces choses qui s’harmonisent si bien, l’enchantement des jeunes amours et les clartés sereines de l’aube, et en même temps la vie moderne me ressaisissait de tous côtés ; c’était le présent que j’avais sous les yeux. Bien que la foule soit chaque jour aussi nombreuse au Prado, cette société n’est plus organisée pour se complaire uniquement dans la poétique oisiveté d’autrefois ; aussi faut-il voir l’existence madrilègne sous un autre jour.

Charles de Mazade
Madrid et la société espagnole en 1847
Revue des Deux Mondes, Période Initiale, tome 18, 1847 (pp. 317-353).