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LA POÉSIE DE ALESSANDRO MANZONI – LA POESIA DI ALESSANDRO MANZONI

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Alessandro Manzoni

Traduction – Texte Bilingue
Poesia e traduzione

LITTERATURE ITALIENNE

Letteratura Italiana

ALESSANDRO MANZONI
 7 mars 1785 à Milan — 22 mai 1873 à Milan


Alessandro Manzoni par Francesco Hayez

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Traduction Jacky Lavauzelle

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EN ATTENDANT LA TEMPÊTE
ATTESA DEL TEMPORALE

Il fascino e l’angoscia del tempo foriero di burrasca, in cui la natura par che opprima ogni vivente.
Fascinante et angoissante s’annonce la tempête, dans laquelle la nature semble opprimer tout être vivant.

Chaïm Soutine, Le Grand Arbre, 1942, huile sur toile,99 × 75 cm, musée d’art de São Paulo, Brésil

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Illuminez-les de votre obscurité !
Occupati dei guai

Occupati dei guai, dei problemi
Prenez soin des problèmes
del tuo prossimo.
de votre voisin.

Raphaël, Autoportrait avec un ami, 1518, musée du Louvre, Paris

A NAPOLEON
LE CINQ MAI
Il Cinque Maggio
1821

Ei fu. Siccome immobile,
Il fut. Comme immobile,
dato il mortal sospiro,
dans son dernier soupir,

Édouard Detaille, Bonaparte pendant le siège de Toulon , musée de l’Armée

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Alessandro Manzoni

LE REQUIEM DE VERDI
Composé en 1874
en mémoire d’Alessandro Manzoni,
mort en 1873

Affiche annonçant l’exécution du Requiem de Verdi à
La Scala
le 25 mai 1874.
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MANZONI
SA VIE ET SES ŒUVRES

par
Marc-Monnier
Paru dans la Revue des Deux Mondes
Seconde période
tome 106
1873

Manzoni vient de mourir après quatre-vingt-huit années de vie et un demi-siècle de gloire, et l’Italie entière a voulu honorer cette mort triomphale par un déploiement exceptionnel de vénération. Les princes du sang ont suivi le convoi du poète, les grands corps de l’état figuraient officiellement aux obsèques avec des députations des cent villes italiennes ; les universités, les simples écoles, les associations ouvrières, étaient du cortège avec leurs drapeaux. Le dôme de Milan suffisait à peine pour contenir la foule des conviés, la ville entière était sur pied, les fenêtres pavoisées de bannières en deuil, les boutiques fermées ; les assistants se comptaient par cent mille, et, le front découvert, la tête baissée, saluaient avec un silence religieux cette apothéose de l’illustre mort. Ce ne fut pas seulement la fête d’un jour : l’ovation continue avec une constance remarquable ; on a donné le nom de Manzoni à une rue, à un théâtre de Milan ; on a ouvert une souscription pour ériger un monument «au grand Lombard» ; la commune a voulu acheter l’appartement qu’il habitait pour en faire une sorte de musée littéraire ; Florence a réclamé, mais inutilement, le glorieux cercueil pour le placer dans le panthéon de Santa-Croce auprès des monuments de Dante, de Galilée et de Machiavel. Les villes qu’il a traversées, les maisons où il a vécu, l’école même où il apprit à lire, ont déjà immortalisé son passage par une plaque de marbre ornée d’une inscription. Les journaux retentissent de ce nom, plus sonore que jamais, les brochures naissent par centaines, les poèmes, les sonnets surtout par milliers au bord de la fosse auguste ; tel poète qui avait cru pouvoir s’abstenir de chanter au milieu de ce tumulte enthousiaste a soulevé contre lui des imprécations, et on lui a mis de force la lyre à la main. Mais ne raillons pas, même dans ses tons un peu criards, l’acclamation unanime et spontanée de l’Italie entière : il est beau de voir cette nation débridée et non stimulée par l’éperon officiel rendre pour la première fois à un poète des honneurs qu’elle n’a jamais rendus encore à un roi.
Quelle différence pourtant entre l’emphase de ces démonstrations et la simplicité de l’homme de bien qui vient de disparaître ! Ceux qui l’ont vu l’autre jour encore dans la chambre où il avait fermé les yeux nous le montrent couché sur un lit de fer peint en rouge, le front très beau, le visage calme, le menton retenu par un mouchoir. Le corps reposait sur une couverture blanche avec une grande croix d’ivoire et d’ébène sur la poitrine, et sans autre ornement funèbre que deux candélabres allumés et posés sur une table de nuit. La chambre était vaste, mais modestement tapissée d’un papier jaunâtre à fleurs ; un bouquet de roses peintes s’épanouissait au centre du plafond. Quelques petits tableaux de dévotion, un crucifix pendu au mur près du lit, le portrait sans cadre du meilleur ami de Manzoni, le professeur Rossari, mort il y a deux ans, puis quelques sièges çà et là, un canapé en laine blanche et bleue, une petite table ronde en bois de noyer, avec un marbre jaune, enfin le vieux fauteuil préféré garni de cuir, voilà tout l’ameublement, toute la décoration de cette chambre patriarcale ; mais l’âme du maître était là. Était-elle aussi bien dans les funérailles fastueuses que les journaux nous ont décrites ? On peut en douter ; il est certain que Manzoni, si modeste et si aisément effarouché, eût été étourdi par tant de fanfares. Il l’eût été davantage encore par les hyperboles de ces récents admirateurs, qui le proclament tout à la fois le premier lyrique, le premier tragique et le premier romancier du siècle. Un Allemand que nous pourrions citer ne va pas jusqu’à le comparera Goethe, mais le place très certainement (ganz gewiss) au-dessus de Boccace, de Pétrarque et de l’Arioste ; cet Allemand est cependant un homme instruit et suffisamment informé. C’est ainsi qu’un fanatisme maladroit s’évertue à vouloir exhausser la réputation du poète au risque de la déraciner ; heureusement elle tient bon et peut résister aux plus robustes extases. Nous ne craignons donc pas de la diminuer en combattant ceux qui l’enflent outre mesure, et en tâchant de nous renfermer dans le juste et dans le vrai. Nous dirons franchement ce qui reste, à notre avis, d’une œuvre littéraire déjà ancienne, mais si fraîche encore dans ses parties les plus belles. Il ne sera pas sans intérêt de revoir à distance la muse qui a chastement ému plusieurs générations de lecteurs. L’homme aussi veut être étudié : il nous offre le spectacle intéressant d’une rare longévité sans défaillance. Sa vie de repos a été aussi longue que sa vie de travail, mais l’une n’a pas fait oublier l’autre ; il a pu se taire quarante ans sans se survivre, et il est mort intact, en pleine gloire, objet d’une dévotion qui allait croissant de jour en jour. Il y a là un fait à expliquer, peut-être une leçon à prendre ; aussi ne perdrons-nous pas notre temps en abordant encore, avec la respectueuse sincérité qu’il mérite, cet homme de génie qui fut un homme de bien…

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EN ATTENDANT LA TEMPÊTE – POESIE DE ALESSANDRO MANZONI – ATTESA DEL TEMPORALE

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Alessandro Manzoni

Traduction – Texte Bilingue
Poesia e traduzione

LITTERATURE ITALIENNE

Letteratura Italiana

ALESSANDRO MANZONI
 7 mars 1785 à Milan — 22 mai 1873 à Milan


Alessandro Manzoni par Francesco Hayez

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Traduction Jacky Lavauzelle

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Chaïm Soutine, Le Grand Arbre, 1942, huile sur toile,99 × 75 cm, musée d’art de São Paulo, Brésil


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Il fascino e l’angoscia del tempo foriero di burrasca, in cui la natura par che opprima ogni vivente.
Fascinante et angoissante s’annonce la tempête, dans laquelle la nature semble opprimer tout être vivant.
La nebbia s’era a poco a poco addensata e accavallata in nuvoloni che irabbuiandosi sempre più, davano idea d’un annottar tempestoso; se : non che, verso il mezzo di quel cielo cupo e abbassato, traspariva, come da un fitto velo, la sfera del sole, pallida, che spargeva intorno a sé un barlume fioco e sfumato! e pioveva un calore morto e pesante.
Le brouillard s’était progressivement épaissi et s’était recouvert de nuages ​​qui, devenant de plus en plus sombres, donnaient l’idée d’une nuit orageuse ; vers le milieu de ce ciel sombre et bas, la sphère pâle du soleil brillait d’un voile épais, étalant autour d’elle une lueur sombre et fanée ! pendant qu’une chaleur morte et lourde s’abattait sur nous.
Ogni tanto… si sentiva un borbottar di tuoni, profondo, come tronco, irresoluto; né, tendendo l’orecchio, avreste saputo distinguere da che parte venisse; o avreste potuto crederlo un correr lontano di carri, che si fermassero improvvisamente.
Parfois … le tonnerre murmurait, profondément, comme dans un tronc, irrésolu ; même en tendant l’oreille, vous n’auriez su distinguer de quel côté venait la tempête ; vous auriez pu tout autant imaginer qu’il s’agissait d’une course lointaine de wagons qui s’arrêteraient subitement.

Era uno di que’ tempi, in cui, tra una compagnia di viandanti, non c’è nessuno che rompa il silenzio e il cacciatore cammina pensieroso, con lo sguardo a terra; e la viliana, zappando nel campo, smette di cantare, senza avvedersene; di que’ tempi forieri di burrasca, in cui la natura, come immota al difuori, e agitata da un travaglio interno,
par che opprima ogni vivente, e aggiunga non so quale gravezza a ogni operazione, all’ozio, all’esistenza stessa.

C’est un de ces moments où, comme dans une compagnie de voyageurs, personne n’ose rompre le silence et le chasseur marche pensivement, les yeux au sol ; et la paysanne, sarclant dans le champ, arrête de chanter, sans s’en rendre compte ; de ces temps annonciatrices de tempête, où la nature, comme immobile à l’extérieur, et agitée par un travail intérieur, semble opprimer tout être vivant et ajoute je ne sais quel sérieux à chaque geste, à l’oisiveté, à l’existence même.

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L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est Symbole-Artgitato-6.jpg.

TENDRES IMPÔTS A LA FRANCE Poèmes de Rainer Maria Rilke

Rainer Maria Rilke
Tendres impôts à la France 

Tendres impôts à la France 

Ecrits en Français

signature 2


LITTERATURE ALLEMANDE
Deutsch Literatur

Gedichte – Poèmes

 

RAINER MARIA RILKE
1875-1926

 Rainer Maria Rilke Portrait de Paula Modersohn-Becker 1906
Portrait de Rainer Maria Rilke
1906
Par Paula Modersohn-Becker

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Tendres impôts à la France
de Rainer Maria Rilke

Gedicht von Rainer Maria Rilke

 

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Tendres impôts à la France Rainer Maria Rilke Artgitato Le Cirque ambulant 1940 Musée d'Art de São Paulo
Paul Klee
Le Cirque ambulant
vers 1940
Musée d’Art de São Paulo

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TENDRES IMPÔTS A LA FRANCE

LE DORMEUR

Laissez-moi dormir, encore…C’est la trêve
pendant de longs combats promise au dormeur;
je guette dans mon coeur la lune qui se lève,
bientôt il ne fera plus si sombre dans mon coeur.

Ô mort provisoire, douceur qui nous achève,
mesure de mes cimes, très juste profondeur,
limbes de tout mon sang, et innocence des sèves,
dans toi, à sa racine, ma peur même n’est pas peur.

Mon doux seigneur Sommeil, ne faites pas que je rêve,
et mêlez en moi mes ris avec mes pleurs ;
laissez-moi diffus, pour que l’interne Ève
ne sorte de mon flanc en son hostile ardeur.

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PEGASE

Cheval ardent et blanc, fier et clair Pégase,
après ta course -, ah! que ton arrête est beau!
Sous toi, cabré soudain, le sol que tu écrases
avale l’étincelle et donne de l’eau !

La source qui jaillit sous ton sabot dompteur,
à nous, qui l’attendons, est d’un secours suprême ;
sens-tu que sa douceur impose à toi-même ?
Car ton cou vigoureux apprend la courbe des fleurs.

*

DEVENIR DIEU

Qu’est-ce que les Rois Mages
ont-ils pu apporter ?
Un petit oiseau dans sa cage,
une énorme Clef

de leur lointain royaume, –
et le troisième du baume
que sa mère avait préparé
d’une étrange lavande

de chez eux.
Faut pas médire de si peu,
puisque ça a suffi à l’enfant
pour devenir Dieu.

*

A UNE AMIE

Combien coeur de Marie est exposé,
non seulement au soleil et à la rosée:
tous les sept glaives l’ont trouvé.
Combien coeur de Marie est exposé.

Ton coeur pourtant me semble plus à l’abri,
malgré le malheur qui en a tant envie,
il est moins exposé que le cœur de Marie.

Le corps de Marie ne fut point une chose;
ta poitrine sur ton cœur est beaucoup plus close,
et même si ta douleur veut qu’il s’expose :
il n’est jamais plus exposé qu’une rose.

*

L’INDIFFERENT

(Watteau)

Ô naître ardent et triste,
mais, à la vie assiste,
tendre et bien habillé,

à la multiple surprise
qui ne vous engage point,
et, bien mis, à la bien mise
sourire de très loin.

*

PRIERE DE LA TROP PEU INDIFFERENTE

Prière de la trop peu indifférente
Aidez les coeurs, si soumis et si tendres, –
tout cela blesse !
Qui saurait bien la tendresse défendre
de la tendresse.

Pourtant la lune, clémente déesse,
ne blesse aucune.
Ah, de nos pleurs où elle tombe sans cesse,
sauvez la lune !

*

L’ANGE A TA TABLE

Reste tranquille, si soudain
l’Ange à ta table se décide;
efface doucement les quelques rides
que fait la nappe sous ton pain.

Tu offriras ta rude nourriture
pour qu’il en goûte à son tour,
et qu’il soulève à sa lèvre pure
un simple verre de tous les jours.

Ingénuement, en ouvrier céleste,
il prête à tout une calme attention ;
il mange bien en imitant ton geste,
pour bien bátir à ta maison.

*

LES CORDES MELODIEUSES

Il faut croire que tout est bien, si tant
de calme suit à tant d’inquiétude ;
la vie, à nous, se passe en prélude,
mais parfois le chant qui nous surprend
nous appartient, comme à son instrument.

Main inconnue …. Au moins est-elle heureuse,
lorsqu’elle parvient à rendre mélodieuses
nos cordes? – Ou l’a-t-on forcée
de mêler même aux sons de la berceuse
tous les adieux inavoués ?

*

FAIRE CHANTER LES ANGES

Ce soir mon cœur fait chanter
des anges qui se souviennent…
Une voix, presque mienne,
par trop de silence tentée,

monte et se décide
à ne plus revenir ;
tendre et intrépide,
à quoi va-t-elle s’unir ?

*

LAMPE DU SOIR

Lampe du soir, ma calme confidente,
mon coeur n’est point par toi dévoilé ;
on s’y perdrait peut-être; mais sa pente
du côté sud est doucement éclairée.

C’est encore toi, ô lampe d’étudiant,
qui veut que le liseur de temps en temps
s’arrête étonné et se dérange
sur son bouquin, te regardant.

(Et ta simplicité supprime un Ange.)

*

LES INVISIBLES PERSEVERANCES

Parfois les amants ou ceux qui écrivent
trouvent des mots qui, bien qu’ils s’effacent,
laissent dans un cœur une place heureuse
à jamais pensive…

Car il en naît sous tout ce qui passe
d’invisibles persévérances ;
sans qu’ils creusent aucune trace
quelques-uns restent des pas de la danse.

*

LE RUBAN FLOTTANT

L’aurai-je exprimé, avant de m’en aller,
ce coeur qui, tourmenté, consent à être ?
Étonnement sans fin, qui fus mon maître,
jusqu’à la fin t’aurai-je imité ?

Mais tout surpasse comme un jour d’été
le tendre geste qui trop tard admire ;
dans nos paroles écloses, qui respire
le pur parfum d’identité ?

Et cette belle qui s’en va, comment
la ferait-on passer par une image ?
Son doux ruban flottant vit davantage
que cette ligne qui s’éprend.

*

TOMBEAU

(dans un parc)

Dors au fond de l’allée,
tendre enfant, sous la dalle ;
on fera le chant de l’été
autour de ton intervalle.

Si une blanche colombe
passait au vol là-haut,
je n’offrirais à ton tombeau
que son ombre qui tombe.

*

L’UNIQUE UNIVERSEL

De quelle attente, de quel
regret sommes-nous les victimes,
nous qui cherchons des rimes
à l’unique universel ?

Nous poursuivons notre tort
en obstinés que nous sommes ;
mais entre les torts des hommes
c’est un tort tout en or.

 

Tendres impôts à la France
de Rainer Maria Rilke

Gedicht von Rainer Maria Rilke