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LES AMANTS DU CAPRICORNE-HITCHCOCK

Alfred HITCHCOCK

LES AMANTS DU CAPRICORNE (1950)

les Couleurs du Capricorne

LES AMANTS DU CAPRICORNE (1950) Artgitato Alfred HITCHCOCK, les Couleurs du Capricorne

Contrairement à ce que dit le jeune Charles, « il y en a pour tous les goûts, la couleur importe peu », les couleurs parlent de l’origine, du rang, des états d’âme et des passions. Dans ce nouveau pays où la discrétion est reine et où l’ «  on dit qu’il est de mauvais goût de poser trop de questions », nous poserons quelques affirmations colorées.

  • LE ROUGE ET LE BLANC

Le film s’ouvre après la scène des forçats sur la parade militaire en l’honneur de la prise de fonction du nouveau gouverneur (Cécil Parker). Tous les soldats, le drapeau et le Gouverneur sont en rouge et blanc, symboles du pouvoir en place, de l’autorité. Le film se terminera par le départ de Charles Adare (Michael Wilding) avec sur le quai Henrietta Flusky (Ingrid Bergman) dans une robe rouge et blanche à côté du drapeau : c’est elle maintenant qui a pris le pouvoir, mais sur ses sentiments, elle sera devenue maîtresse d’elle-même, son mal-être est loin déjà.

Entre temps, nous retrouverons le rouge par deux fois. Une avec le vin qui révulse Henrietta avant qu’elle comprenne que celui-ci est empoisonné et qu’il la détruit à petit feu. Une autre fois avec le rubis que cache Charles dans ses mains avant la scène du bal. Le rouge du vin symbolise la vie qui coule ainsi que le rubis, emblème du bonheur. Mais les deux sont pour le moment inaccessibles. Le vin est souillé par le poison que Milly (Margaret Leighton) y fait couler ; le rubis reste dans les mains de Sam Flusky (Joseph Cotten), derrière son dos quand Henrietta et Charles se moquent de l’effet que ferait cette parure lors du bal («Des rubis ? Vous voudriez qu’on traite votre femme d’arbre de noël », « Il a raison, des rubis jureraient sur cette robe »). Le bonheur n’est pas encore de la partie ; ce poing qui se referme sur la parure annonce déjà la tension qui va exploser au bal et ensuite dans la maison de Charles avec la mort de son cheval, et le coup de fusil lors de la dispute avec Charles.

  • LE MAUVE

La couleur intermédiaire, le mauve, habillera Henrietta, notamment avec Charles (le châle, la peau, le ciel et la couleur des murs). La passion est là, mais tempérée par la proximité de Sam. La tempérance aussi parce qu’elle aime ces deux hommes. Elle aura sa tenue rose-violette lors du repas où naturellement elle se placera au milieu de la table, entre les deux hommes.

  • LE VERT ET LE GRIS

Quand Charles arrive en Australie, il est revêtu d’une redingote verte, signe de son Irlande natale (« Fixer les yeux sur les verts et les pourpres de votre terre natale ») et de son origine noble. Sa première rencontre avec Sam Flusky, riche terrien et ancien forçat, lui aussi d’origine irlandaise les oppose déjà. Michael Wilding : redingote verte et chapeau gris ; Joseph Cotten : chapeau vert et redingote grise. On retrouve l’origine dans le vert, mais la large redingote de Charles montre la prééminence de son rang.

  • LE NOIR ET LE BLANC

C’est l’opposition entre la blancheur angélique d’un amour d’enfance et la noirceur démoniaque de l’amour vengeance. C’est l’opposition entre Henrietta et Milly, « cette harpie ». Quand Milly pensera qu’il est temps de prendre la place d’Henrietta, elle changera de robe et en prendra une bleue très claire. Elle se sentira prête à s’asseoir en face de lui et enfin de pouvoir parler d’égal à égal avec son ancien maître. Le noir ne la cache plus. Quand Milly parle, dans sa longue tirade de la jalousie, des deux amants : « Pourtant, il est étonnant que sa seigneurie se laisse conduire dans sa voiture en pleine obscurité et là-bas toutes les lumières… »

  • LES COULEURS DE MINYAGO YUGILLA

Le domaine de Charles, le Minyago Yugilla, « Pourquoi pleures-tu ? » sert de respiration au récit. Il a toujours une couleur qui annonce la suite du récit. Bleu sombre, la première fois, il s’oppose à la blancheur de la maison blanche du gouverneur ou à celle de la Banque. Il montre la tension déjà qui y règne et le poids du passé. Le cocher ne s’y trompe pas : « je n’aime pas ce domaine, ça paraît respectable, mais il y a quelque chose d’inquiétant ». Le ciel lourd, les orages et les éclairs annonceront aussi le climat qui règne dans la demeure.

 Jacky Lavauzelle