Archives par mot-clé : Michelangelo Merisi da Caravaggio

LE CARAVAGE Saint Jean Baptiste 施洗约翰 CARAVAGGIO San Giovanni Battista

ROME – ROMA – 罗马
Le Caravage Saint Jean Baptiste
Caravaggio San Giovanni Battista
施洗约翰
LA VILLA BORGHESE
博吉斯画廊

Armoirie de Rome


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Flag_of_Lazio





GALLERIA BORGHESE
博吉斯画廊
La Galerie Borghèse

LE CARAVAGE
Michelangelo Merisi da Caravaggio
米开朗基罗·梅里西·达·卡拉瓦乔
CARAVAGGIO
卡拉瓦乔
1571-1610

Le Caravage Caravaggio 1571 1610

San Giovanni Battista
saint Jean Baptiste
Jean le Baptiste
施洗约翰

Caravaggio Le Caravage Saint Jean Baptiste artgitato Galleria Borghese Galerie Borghese Rome Roma Caravaggio_Baptist_Galleria_Borghese,_Rome

D’AUTRES SAINT JEAN BAPTISTE DU CARAVAGE

Caravaggio_Baptist_Galleria_Nazionale_d'Arte_Antica,_Rome John the baptist, by Caravaggio (1571-1610), from Web Gallery of Art Caravaggio_Baptist_Nelson-Atkins_Museum_of_Art,_Kansas_City Caravaggio Baptist Nelson-Atkins Museum of Art, Kansas City Caravaggio-Baptist-Toledo John the Baptistby Caravaggio 1571-1610 painted about 1598. Toledo, Museo del Tesoro Catedralico

 

MICHEL-ANGE DE CARAVAGE

Michel-Ange Mérigi, connu sous le nom de Michel-Ange de Caravage, un des peintres les plus originaux de l’Italie, eut pendant longtemps une vogue prodigieuse : on peut le regarder comme l’inventeur d’une manière qui trouva de nombreux imitateurs. Ceux qui l’ont exactement suivie, et ceux qui, en l’imitant, ont conservé leur caractère propre, auront toujours moins de célébrité que lui. Très-fort dans quelques parties de la peinture, très-foible dans d’autres, il fut admiré de beaucoup de gens, et peu senti et déchiré par beaucoup d’autres.
Sur une surface plate donner aux objets la rondeur et la saillie qu’ils ont dans la nature, et offrir cette saillie de la manière la plus piquante que la nature puisse la présenter elle-même …
Jean-Joseph Taillasson
Observations sur quelques grands peintres
Teniers – Le Caravage

*****************
L’article de la Première édition de l’Encyclopédie sur Le Caravage
*

Le Blond, Jaucourt, d’Alembert, Mallet, Boucher d’Argis, Blondell, Bourgelat, Pâris de Meyzieu
L’Encyclopédie Première édition – 1751 – Tome 5 pp. 303-337

Michel Ange de Caravage, (appellé communément Michel Ange Amérigi) naquit en 1569 au château de Caravage, situé dans le Milanes, & mourut en 1609. Ce peintre s’est rendu très-illustre par une maniere extrèmement forte, vraie, & d’un grand effet, de laquelle il est auteur. Il peignoit tout d’après nature, dans une chambre où la lumiere venoit de fort haut. Comme il a exactement suivi ses modeles, il en a imité les défauts & les beautés : car il n’avoit point d’autre idée que l’effet du naturel présent.

Son dessein étoit de mauvais goût ; il n’observoit ni perspective, ni dégradation ; ses attitudes sont sans choix, ses draperies mal jettées ; il n’a connu ni les graces, ni la noblesse ; il peignoit ses figures avec un teint livide, des yeux farouches, & des cheveux noirs. Cependant tout étoit ressenti ; il détachoit ses figures, & leur donnoit du relief par un savant artifice du clair-obscur, par un excellent goût de couleurs, par une grande vérité, par une force terrible, & par un pinceau moëlleux, qui ont rendu son nom extrèmement célebre.

Le caractere de ce peintre, semblable à ses ouvrages, s’est toûjours opposé à son bonheur. Il eut une affaire fâcheuse à Milan ; il en eut une autre à Rome avec le Josépin ; il insulta à Malte un chevalier de l’ordre ; en un mot il se fit des affaires avec tout le monde, fut misérable toute sa vie, & mourut sans secours sur un grand chemin. Il mangeoit seul à la taverne, où n’ayant pas un jour de quoi payer, il peignit l’enseigne du cabaret, qui fut vendue une somme considérable.

Ses desseins sont heurtés d’une grande maniere, la couleur y est rendue ; un goût bisarre, la nature imitée avec ses défauts, des contours irréguliers, & des draperies mal jettées, peuvent les caractériser.

Ses portraits sont très-bons. Le roi de France a celui du grand maître de Vignacourt que ce peintre fit à Malte. Il y a, je crois, un de ses tableaux aux Dominicains d’Anvers, que Rubens appelloit son maître. On vante singulierement un cupidon du Caravage, & son tableau de l’incrédulité de S. Thomas, qu’il a gravé lui-même. Mais que dirons-nous de son Prométhée attaché au rocher ? on ne peut regarder un moment cette peinture sans détourner la vûe, sans frissonner, sans ressentir une impression qui approche de celle que l’objet même auroit produite.

Le Caravage a fait pendant son séjour à Malte, pour l’église de ce lieu, la décollation de S. Jean. Le grand autel de l’église de S. Louis à Rome, est peint par le Caravage ; il a peint un Christ porté au sépulchre, dans l’église de sainte Marie in Vallicella. Tous ces morceaux ont un relief étonnant.

LE CARAVAGE SAINT JERÔME – GALERIE BORGHESE – CARAVAGGIO San Gerolamo 1606 – 卡拉瓦乔

ROME – ROMA – 罗马
Caravaggio San Gerolamo
卡拉瓦乔
LA VILLA BORGHESE
博吉斯画廊

Armoirie de Rome

 Photo Galerie Borghèse Jacky Lavauzelle

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GALLERIA BORGHESE
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La Galerie Borghèse

LE CARAVAGE
Michelangelo Merisi da Caravaggio
米开朗基罗·梅里西·达·卡拉瓦乔
CARAVAGGIO
卡拉瓦乔
1571-1610

Le Caravage Caravaggio 1571 1610

SAN GEROLAMO
San Geronimo – San Girolamo
saint Jérôme
Jérôme de Stridon
(347-420)
圣杰罗拉莫
1605-1606
moine, traducteur de la Bible, docteur de l’Église et l’un des quatre pères de l’Église latine

Saint Jérôme Caravaggio san Gerolamo Galleria Borghese Galerie Borghèse artgitato

MICHEL-ANGE DE CARAVAGE

Michel-Ange Mérigi, connu sous le nom de Michel-Ange de Caravage, un des peintres les plus originaux de l’Italie, eut pendant longtemps une vogue prodigieuse : on peut le regarder comme l’inventeur d’une manière qui trouva de nombreux imitateurs. Ceux qui l’ont exactement suivie, et ceux qui, en l’imitant, ont conservé leur caractère propre, auront toujours moins de célébrité que lui. Très-fort dans quelques parties de la peinture, très-foible dans d’autres, il fut admiré de beaucoup de gens, et peu senti et déchiré par beaucoup d’autres.
Sur une surface plate donner aux objets la rondeur et la saillie qu’ils ont dans la nature, et offrir cette saillie de la manière la plus piquante que la nature puisse la présenter elle-même …
Jean-Joseph Taillasson
Observations sur quelques grands peintres
Teniers – Le Caravage

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L’article de la Première édition de l’Encyclopédie sur Le Caravage
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Le Blond, Jaucourt, d’Alembert, Mallet, Boucher d’Argis, Blondell, Bourgelat, Pâris de Meyzieu
L’Encyclopédie Première édition – 1751 – Tome 5 pp. 303-337

Michel Ange de Caravage, (appellé communément Michel Ange Amérigi) naquit en 1569 au château de Caravage, situé dans le Milanes, & mourut en 1609. Ce peintre s’est rendu très-illustre par une maniere extrèmement forte, vraie, & d’un grand effet, de laquelle il est auteur. Il peignoit tout d’après nature, dans une chambre où la lumiere venoit de fort haut. Comme il a exactement suivi ses modeles, il en a imité les défauts & les beautés : car il n’avoit point d’autre idée que l’effet du naturel présent.

Son dessein étoit de mauvais goût ; il n’observoit ni perspective, ni dégradation ; ses attitudes sont sans choix, ses draperies mal jettées ; il n’a connu ni les graces, ni la noblesse ; il peignoit ses figures avec un teint livide, des yeux farouches, & des cheveux noirs. Cependant tout étoit ressenti ; il détachoit ses figures, & leur donnoit du relief par un savant artifice du clair-obscur, par un excellent goût de couleurs, par une grande vérité, par une force terrible, & par un pinceau moëlleux, qui ont rendu son nom extrèmement célebre.

Le caractere de ce peintre, semblable à ses ouvrages, s’est toûjours opposé à son bonheur. Il eut une affaire fâcheuse à Milan ; il en eut une autre à Rome avec le Josépin ; il insulta à Malte un chevalier de l’ordre ; en un mot il se fit des affaires avec tout le monde, fut misérable toute sa vie, & mourut sans secours sur un grand chemin. Il mangeoit seul à la taverne, où n’ayant pas un jour de quoi payer, il peignit l’enseigne du cabaret, qui fut vendue une somme considérable.

Ses desseins sont heurtés d’une grande maniere, la couleur y est rendue ; un goût bisarre, la nature imitée avec ses défauts, des contours irréguliers, & des draperies mal jettées, peuvent les caractériser.

Ses portraits sont très-bons. Le roi de France a celui du grand maître de Vignacourt que ce peintre fit à Malte. Il y a, je crois, un de ses tableaux aux Dominicains d’Anvers, que Rubens appelloit son maître. On vante singulierement un cupidon du Caravage, & son tableau de l’incrédulité de S. Thomas, qu’il a gravé lui-même. Mais que dirons-nous de son Prométhée attaché au rocher ? on ne peut regarder un moment cette peinture sans détourner la vûe, sans frissonner, sans ressentir une impression qui approche de celle que l’objet même auroit produite.

Le Caravage a fait pendant son séjour à Malte, pour l’église de ce lieu, la décollation de S. Jean. Le grand autel de l’église de S. Louis à Rome, est peint par le Caravage ; il a peint un Christ porté au sépulchre, dans l’église de sainte Marie in Vallicella. Tous ces morceaux ont un relief étonnant.

CARAVAGE : L’INCREDULITE DE ST THOMAS

Le Caravage
Michelangelo Merisi da Caravaggio
L’incrédulité de Saint Thomas
(vers 1603)

 

L'incrédulité Le Caravage

Le doute et la foi
Une impossible rencontre


Simone Weil, dans la Pesanteur et la Grâce, dans le chapitre consacré au malheur, nous disait : « Souffrance : supériorité de l’homme sur Dieu. Il a fallu l’incarnation pour que cette supériorité ne fût pas scandaleuse. ». Le Christ apporte son corps martyrisé devant les hommes. Sans supériorité, il est là, attendant le jugement. Sa plaie ouverte est le centre de tous les regards et de toutes les attentions. Il n’est plus divin, mais un homme parmi les hommes.

 

L'incrédulité de Saint Thomas (la blessure)

En deçà de la foi
David Salle voulait voir dans la peinture des corps un point de vue qui ne soit pas ordinaire. L’œuvre du Caravage participe à cette extraordinaire position de corps, d’une plaie et d’un doigt, du matériel et du spirituel, du doute et de la foi. Il n’y a pas d’obscénité dans cette pénétration, juste un moment où l’homme montre ses limites. L’acte est solennel, les visages en témoignent. Mais de la puissance des ces regards, s’évanouit la force du divin.

Les têtes se retrouvent en se rassemblant, comme dans une possible unité d’esprit. Quatre têtes, côte à côte, comme représentant le monde et ses quatre points cardinaux. En haut, les têtes, le divin, la réflexion, la raison, la foi ; plus bas, le corps, la plaie, le mal, la souffrance, le doute.

Les têtes sont là mais la stupeur ferme la bouche des personnages. Stupeur et attente. Est-ce possible ? Ce doigt qui pénètre, que révélera t-il ?

Loin d’apporter des réponses dans la hauteur de la foi, ce doigt ne montre rien et, en pénétrant, assèche le retour et limite les perspectives. Le doigt montre l’individu, le ‘Je’, qui se perd dans l’universel de ce corps.

La preuve par une insaisissable rencontre
Nous rentrons, par le doigt de Saint Thomas, dans l’insaisissable. Il voit la plaie, mais cela ne suffit pas. Il faut faire entrer un peu de sa chair dans la chair de l’autre, quitte à l’ouvrir à nouveau et à faire souffrir. La vérité serait-elle à ce prix ? Cette tentative semble réussir. Le doigt rentre, le corps du Christ s’ouvre. Plus que dans la proximité nous sommes dans l’être. Mais y sommes-nous vraiment. La chair qui s’ouvre laisse-t-elle passer la vérité ? Quelle vérité ? Que promet réellement cette rencontre ?

La proximité insaisissable

« « A aucun instant, écrit Hofmannsthal (Die Wege und die Begegnungen – Les Chemins et les Rencontres) le sensible n’est autant chargé d’âme, et ce qui est de l’âme aussi sensible que dans la rencontre. » Le corps lui-même s’y ouvre à l’inconnu qu’aucun sens pourtant ne nous donne et l’âme est elle-même inquiétée  d’un obscur désir. La proximité est bien celle de l’insaisissable. Mais il semble que pour Hofmannsthal la rencontre soit vouée à la déception et que cet insaisissable meure avec l’infini qu’il portait en lui, lorsque nous tentons de le saisir La rencontre promet plus que l’étreinte ne peut tenir. » (Jean-Louis Chrétien, l’Effroi du beau).

La rencontre du doigt se pensait comme l’ouverture et le commencement de la foi. Le toucher a accouché d’un banal assentiment ; oui, cela est vrai, la plaie est là, c’est certain, l’homme qui est là a survécu et alors ?
Le corps en s’ouvrant pour recevoir réduit la puissance pour ne retenir que l’anecdotique d’un ressenti dans la fugacité de l’instant.

 Pas de sentimentalisme dans l’œuvre du Caravage, pas de moralisme non plus. Le fait est là, enfin !,devant Saint Thomas. Peut-être est-ce le Christ qui retient, peut-être aussi amène t-il le doigt pour le planter là dans la chair. Les yeux des trois hommes sont vissés devant cette fente béante, ne regardant qu’elle et oubliant l’homme dans sa gloire. Il y a comme une scène de marché où l’homme doit toucher la fraicheur du fruit avant de l’acheter en le palpant, le retournant, afin de s’assurer que son acte ne sera nullement regretté et son argent bien dépensé.

Pendant que la plaie apparaît, c’est le Christ qui commence à disparaître. La communication qui aurait dû se créer se perd dans cette chair ouverte, seulement ouverte.

L’éclairage de l’érotisme

Si le toucher limite la rencontre, elle ouvre le champ à un érotisme dans le sens de Francis Marmande : « l’érotisme est un éclairage. Mais il n’est pas seulement ce qui illumine : il est dans la conscience de l’homme ce qui met l’être en question. Sans doute l’éclaire t-il trop crûment. » (Le Journal Littéraire, n°2 p56).

Et cet éclairage Le Caravage l’apporte non pour Saint Thomas, qui après cette certitude retombera maladivement dans le doute, mais au spectateur. Il amène aussi ce que la chair à de triste et de maudite. Mais à ce titre, peut refonder une humanité nouvelle. « En un sens l’œuvre de chair apparut maudite aux premiers hommes. C’est même cette malédiction qui a fondé l’humanité. C’est elle qui l’a séparée de son contraire, l’animalité qu’elle regarde encore, à certains égards, avec une inconsolable nostalgie » (Georges Bataille, l’Erotisme)

La porte qui s’est ouverte par cette plaie n’a apportée qu’une simple réponse à Saint Thomas. Où en sommes-nous alors maintenant ?
« Nous sommes au point où l’amour est tout juste possible. » (Simone Weil, La Pesanteur et la grâce)

 

Jacky Lavauzelle