Antun Gustav Matoš
13 juin 1873 Tovarnik – 17 mars 1914 Zagreb
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Gledo sam te sinoć. U snu. Tužan. Mrtvu.
Je te regardais la nuit dernière. Dans mon rêve. Morte. U dvorani kobnoj, u idili cvijeća,
Dans la salle mortuaire, au milieu de fleurs idylliques, Na visokom odru, u agoniji svijeća,
Surélevée, dans l’agonie des bougies, Gotov da ti predam život kao žrtvu.
Prêt, j’étais prêt à te donner ma vie en sacrifice.
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Nisam plako. Nisam. Zapanjen sam stao
Je ne pleurais pas. Non, je ne pleurais pas. Surpris U dvorani kobnoj, punoj smrti krasne,
Dans la salle funéraire, emplie de ta belle mort, Sumnjajući da su tamne oči jasne
Arguant que tes yeux sombres étaient clairs auparavant Odakle mi nekad bolji život sjao.
Par où je vis scintiller une vie meilleure.
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Sve baš, sve je mrtvo: oči dah i ruke,
Tout est mort : les yeux et les mains, Sve što očajanjem htjedoh da oživim
Tout ce que je voulais, c’était revivre par désespoir U slijepoj stravi i u strasti muke,
Cette passion aveugle et passionnée,
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U dvorani kobnoj, mislima u sivim.
Dans la salle funéraire, mes pensées sombraient grises. Samo kosa tvoja još je bila živa,
Seuls tes cheveux étaient encore vivants, Pa mi reče: — Miruj! U smrti se sniva.
Et ils me susurrèrent : « Paix ! Le rêve continue dans la mort ! »
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Napisano u veljači 1906. u Beogradu
Ecrit en février 1906 à Belgrade
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Antun Gustav Matoš LITTERATURE CROATE
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LES CHEVEUX & LA MORT
L’âme qui vit dans les cheveux
Une âme, un souffle, un cœur, vivaient dans ces cheveux,
Puisqu’ils étaient songeurs, animés et sensibles.
Moi, le voyant, j’ai lu de bizarres aveux
Dans le miroitement de leurs yeux invisibles.
La voix morte du spectre à travers son linceul,
Le verbe du silence au fond de l’air nocturne,
Ils l’avaient ! voix unique au monde, que moi seul
J’entendais résonner dans mon cœur taciturne.
Avec la clarté blanche et rose de sa peau
Ils contrastaient ainsi que l’aurore avec l’ombre ;
Quand ils flottaient, c’était le funèbre drapeau
Que son spleen arborait à sa figure sombre.
Maurice Rollinat
Les Cheveux
(Extrait)
Le Parnasse contemporain : Recueil de vers nouveaux
1876
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Quand vos cheveux seront redevenus poussière
Quand vos cheveux seront redevenus poussière,
Quand la Mort, l’indomptable et terrible Coursière,
Vous aura remportée au pays des Élus,
Quand vous ne verrez plus, quand vous n’entendrez plus,
Quand la tombe sur vous aura muré sa porte,
Je vous le dis encor, vous ne serez pas morte !
Vous vivrez dans mes vers éclatants qui seront
La confirmation juste de votre front,
Ô vous mon plus beau rêve et ma plus belle femme !
Dans ces chants qui seront les plus purs de mon âme,
Et dans le souvenir lyrique des derniers
Adorateurs du rêve ardent que vous niez,
Et qui longtemps après célébreront vos charmes,
Quand mes yeux en seront encor remplis de larmes.
Tout animal est supérieur à l’homme par ce qu’il y a en lui de divin, c’est-à-dire par l’instinct. Or, de tous les animaux, le Chat est celui chez lequel l’instinct est le plus persistant, le plus impossible à tuer. Sauvage ou domestique, il reste lui-même, obstinément, avec une sérénité absolue, et aussi rien ne peut lui faire perdre sa beauté et sa grâce suprême. Il n’y a pas de condition si humble et si vile qui arrive à le dégrader, parce qu’il n’y consent pas, et qu’il garde toujours la seule liberté qui puisse être accordée aux créatures, c’est-à-dire la volonté et la résolution arrêtée d’être libre. Il l’est en effet, parce qu’il ne se donne que dans la mesure où il le veut, accordant ou refusant à son gré son affection et ses caresses, et c’est pourquoi il reste beau, c’est-à-dire semblable à son type éternel. Prenez deux Chats, l’un vivant dans quelque logis de grande dame ou de poète, sur les moelleux tapis, sur les divans de soie et les coussins armoriés, l’autre étendu sur le carreau rougi, dans un logis de vieille fille pauvre, ou pelotonné dans une loge de portière, eh bien ! tous deux auront au même degré la noblesse, le respect de soi-même, l’élégance à laquelle le Chat ne peut renoncer sans mourir.
Théodore de Banville
Le Chat
1882
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LES FLEURS DU MAL
LE CHAT
Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux ;
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux
Mêlés de métal et d’agate.
Lorsque mes doigts caressent à loisir
Ta tête et ton dos élastique,
Et que ma main s’enivre du plaisir
De palper ton corps électrique,
Je vois ma femme en esprit ; son regard,
Comme le tien, aimable bête,
Profond et froid, coupe et fend comme un dard,
Et des pieds jusques à la tête,
Un air subtil, un dangereux parfum
Nagent autour de son corps brun.
Charles Baudelaire
SPLEEN ET IDÉAL
Les Fleurs du mal -1857
Poulet-Malassis et de Broise, 1857
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LE CHAT
Je souhaite dans ma maison :
Une femme ayant sa raison,
Un chat passant parmi les livres,
Des amis en toute saison
Sans lesquels je ne peux pas vivre.
Guillaume Apollinaire
Le Bestiaire, ou Cortège d’Orphée
1911
Notes d’Apollinaire
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LE MAISTRE CHAT
ou
Le Chat botté
Un meusnier ne laissa pour tous biens, à trois enfans qu’il avoit, que son moulin, son asne et son chat. Les partages furent bien-tôt faits ; ny le notaire ny le procureur n’y furent point appellés. Ils auroient eu bien-tost mangé tout le pauvre patrimoine. L’aisné eut le moulin, le second eut l’asne, et le plus jeune n’eut que le chat.
Ce dernier ne pouvoit se consoler d’avoir un si pauvre lot :
…
« Ne vous affligés point, mon maistre ; vous n’avez qu’à me donner un sac et me faire faire une paire de bottes pour aller dans les broussailles, et vous verez que vous n’êtes pas si mal partagé que vous croyez. »
Quoique le maistre du Chat ne fist pas grand fond là-dessus, il lui avoit veu faire tant de tours de souplesse pour prendre des rats et des souris, comme quand il se pendoit par les pieds ou qu’il se cachoit dans la farine pour faire le mort, qu’il ne desespéra pas d’en estre secouru dans sa misere.
Lorsque le Chat eut ce qu’il avoit demandé, il se botta bravement, et, mettant son sac à son cou, il en prit les cordons avec ses deux pattes de devant, et s’en alla dans une garenne où il y avoit grand nombre de lapins. Il mit du son et des lasserons dans son sac, et, s’estendant comme s’il eut esté mort, il attendit que quelque jeune lapin, peu instruit encore des ruses de ce monde, vint se fourrer dans son sac pour manger ce qu’il y avoit mis.
…
Le marquis, faisant de grandes réverences, accepta l’honneur que luy faisoit le roy, et, dés le même jour, il épousa la princesse. Le Chat devint grand seigneur, et ne courut plus aprés les souris que pour se divertir. Charles Perrault
Histoires ou Contes du temps passé
Édition de 1697
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LE CHAT
Le mien ne mange pas les souris, il n’aime pas ça. Il n’en attrape une que pour jouer avec.
Quand il a bien joué, il lui fait grâce de la vie, et il va rêver ailleurs, l’innocent, assis dans la boucle de sa queue.
Mais, à cause des griffes, la souris est morte.
Jules Renard
Le Vigneron dans sa vigne
Mercure de France, 1914
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LE CHAT DE NEPTUNE
Sans s’inquiéter davantage des oiseaux épars, avec leurs entrailles de coton pendantes sur le plancher du théâtre de ses ébats, monsieur Tom se glissa dans le couloir obscur qui mène du cabinet des officiers à la chambre du conseil de l’arrière….
Il allait à pas prudents, l’oreille au guet, tressaillant au moindre bruit et partagé entre deux désirs, le désir d’aller surveiller des souris lointaines, dont il entendait les dents fines ronger de vieux morceaux de biscuit de mer dans des entreponts ténébreux, et le désir d’aller voir un peu la cause d’un bruit singulier qui lui arrivait par la porte ouverte de la chambre du conseil et l’intriguait fort…
Ernest d’Hervilly
Le Chat du Neptune
CHAPITRE IV
Voyage de découvertes
1886
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LE CHAT
À Léon Cladel
Je comprends que le chat ait frappé Baudelaire
Par son être magique où s’incarne le sphinx ;
Par le charme câlin de la lueur si claire
Qui s’échappe à longs jets de ses deux yeux de lynx,
Je comprends que le chat ait frappé Baudelaire.Femme, serpent, colombe et singe par la grâce,
Il ondule, se cambre et regimbe aux doigts lourds ;
Et lorsque sa fourrure abrite une chair grasse,
C’est la beauté plastique en robe de velours :
Femme, serpent, colombe et singe par la grâce,Vivant dans la pénombre et le silence austère
Où ronfle son ennui comme un poêle enchanté,
Sa compagnie apporte à l’homme solitaire
Le baume consolant de la mysticité
Vivant dans la pénombre et le silence austère.
Tour à tour triste et gai, somnolent et folâtre,
C’est bien l’âme du gîte où je me tiens sous clé ;
De la table à l’armoire et du fauteuil à l’âtre,
Il vague, sans salir l’objet qu’il a frôlé,
Tour à tour triste et gai, somnolent et folâtre.
…
Maurice Rollinat LES LUXURES
Les Névroses
Fasquelle, 1917
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LES CHATS
Le jeune philosophe et la vieille portière
Aiment le chat câlin, pudibond et méchant
Qui vers le pot au lait, tout en se pourléchant,
Descend à pas comptés le long de sa gouttière.
Les plus doux oreillers lui servent de litière,
Fourré, poltron, gourmand grassouillet, pleurnichant,
L’animal paresseux fait gros dos en marchant
Et patte de velours pendant sa vie entière.
La robuste fermière et le rude fermier
Aiment aussi leurs chats, troupeau maigre et farouche
Qui court le long des murs, des souris dans la bouche,
Ils aiment leur matou qui descend du grenier
Pour étrangler les rats qui grouillent dans la grange
Et qui, si ses petits sont trop nombreux, les mange.
Gustave Le Vavasseur
Études d’après nature
CARACTÈRES ET PORTRAITS RUSTIQUES
LES ANIMAUX
Les Chats
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LES SOUVENIRS
Il siège au coin du feu, les paupières mi-closes,
Aspirant la chaleur du brasier qui s’éteint ;
La bouilloire bouillonne avec des bruits d’étain ;
Le bois flambe, noircit, s’effile en charbons roses.
Le royal exilé prend de sublimes poses ;
Il allonge son nez sur ses pieds de satin ;
Il s’endort, il échappe au stupide destin,
A l’irrémédiable écroulement des choses.
Les siècles en son cœur ont épaissi leur nuit,
Mais au fond de son cœur, inextinguible, luit
Comme un flambeau sacré, son rêve héréditaire.
Un soir d’or, le déclin empourpré du soleil,
Des fûts noirs de palmiers sur l’horizon vermeil,
Un grand fleuve qui roule entre deux murs de terre.
Hippolyte Taine
A une chatte
Chatte blanche, chatte sans tache,
Je te demande, dans ses vers,
Quel secret dort dans tes yeux verts,
Quel sarcasme sous ta moustache.
Tu nous lorgnes, pensant tout bas
Que nos fronts pâles, que nos lèvres,
Déteintes en de folles fièvres,
Que nos yeux creux ne valent pas.
Ton museau que ton nez termine,
Rose comme un bouton de sein,
Tes oreilles dont le dessin
Couronne fièrement ta mine.
Pourquoi cette sérénité ?
Aurais-tu la clé des problèmes
Qui nous font, frissonnants et blêmes,
Passer le printemps et l’été ?
Devant la mort qui nous menace,
Chats et gens, ton flair, plus subtil
Que notre savoir, te dit-il
Où va la beauté qui s’efface.
Où va la pensée, où s’en vont
Les défuntes splendeurs charnelles ?
Chatte, détourne tes prunelles ;
J’y trouve trop de noir au fond.
Charles Cros
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LA CHASSE DU CHAT
La feuille se cabre et trésaille
Dans un silence de grâce
Les courbes se tendent
La courbure de la voûte s’affaisse
Une flèche, une pyramide
Les nervures des voûtes égyptiennes se diffusent
Deux cercles ravageurs
Dans la nuit
Deux phares hypnotiques
Sur ses robustes piliers
les grandes arcades s’ouvrent
Se déplient et se déploient
Dans un serpentin infini
La feuille d’eau
Lâche son ultime goutte
Sans toucher
Jamais
Le félin
Qui dans le vent s’est perdu.
Jacky Lavauzelle
Os Gatos e os Cães
Les Chats et les Chiens
Entretanto, o gato, o bravo vigilante das horas mortas, sentinela perdida da meia-noite, passeando à luz misteriosa do luar com os olhos faiscantes como baionetas, para tranqüilidade dos armários e para desgraça dos roedores caseiros; entretanto, o digno gato, o honrado gato, deixam-no de lado, no esquecimento silencioso das suas passeatas noturnas; caluniam-no, excomungam-no e o desamparam, quando muito, aos esqueléticos carinhos de alguma velha bruxa semifantástica, amiga dos morcegos, dos mochos e das caveiras de burro fatídicas.
Cependant, le chat, le gardien courageux des heures mortes, la sentinelle perdue de minuit, se promène au clair de lune mystérieux avec ses yeux pétillants comme des baïonnettes pour la tranquillité de nos armoires et pour l’enfer des rongeurs de la maison ; cependant, le digne chat, le chat honoré, les laisse de côté, dans l’oubli silencieux de ses déambulations nocturnes …
Pobre gato!
Pauvre chat !
Os Gatos e os Cães Raul Pompeia (1863-1895)
Arreda que lá vai um vate!
Os gatos mostrarei fugindo aos ratos,
Vistosos fructos em arbusto pêco;
Jumentos a voar, touros cantando,
E grandes tubarões nadando em secco!
Luís da Gama
(1830-1882)
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LE CHAT DE MISERE
L’autre jour, dans un salon qui ouvre de plein pied sur un jardin, on trouva, roulé en boule, un chat, mais quel chat ! Un être efflanqué, galeux, si las de la vie qu’il semblait indifférent à tout, sauf à sa sensation du moment, qui était, fait inespéré, d’avoir réussi à avoir chaud par un jour de pluie. Il avait faim aussi, mais n’étant pas de ces chats qui n’ont qu’à se frotter à leur maîtresse pour obtenir des choses qui se lapent ou des choses qui se mangent, il n’y songeait pas. Son étonnement fut visiblement très grand quand il se vit entouré d’un groupe d’humains qui lui offraient du lait et des gâteaux. Il n’avait pas peur, il était surpris comme nous le serions sur une route déserte, si, ayant soif et faim, une table servie surgissait à nos pieds. Les gens ne l’effrayaient pas parce qu’il n’en avait sans doute encore reçu aucun mal, mais ne l’attiraient pas, parce qu’il n’en avait reçu aucun bien. Les bêtes m’inspirent presque plus de pitié que les hommes, parce qu’elles sont encore plus effarées devant le malheur. Elles n’ont pas la ressource de maudire leurs frères et la société, ce qui est tout de même une distraction. Quelles réflexions un homme n’aurait-il pas faites, réduit à la condition errante et affamée de ce chat de misère ! Je vois cependant un point où la condition du chat était meilleure. Si cela avait été un humain qui se fût glissé dans le salon et se fût affalé sur un fauteuil, il est probable qu’on ne lui eût offert ni lait ni gâteaux et qu’on ne se fût pas penché sur lui pour admirer l’éclat de ses yeux Remy de Gourmont
Le Chat de misère
1912
« La nature déhiscente n’était plus la Nature Un lieu abscons tout au plus Une misère impéritique La nature avait désormais Le cul à l’envers. » Complexité Sucrée – Jacky Lavauzelle
« Il doit y avoir quelque chose d’occulte au fond de tous, je crois décidément à quelque chose d’abscons, signifiant fermé et caché, qui habite le commun : car, sitôt cette masse jetée vers quelque trace que c’est une réalité, existant, par exemple, sur une feuille de papier, dans tel écrit — pas en soi — cela qui est obscur : elle s’agite, ouragan jaloux d’attribuer les ténèbres à quoi que ce soit, profusément, flagramment. »
Le Mystère dans les lettres – Stéphane Mallarmé -Divagations – Bibliothèque-Charpentier – Eugène Fasquelle, éditeur-
« Unis par le plus fort et le plus cher lien, Et d’ailleurs, possédant l’armure adamantine, Nous sourirons à tous et n’aurons peur de rien. »
Paul Verlaine – La Bonne chanson – Editions Vanier – -Œuvres complètes – Tome I
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Aigrefin
(brelandier – escroc -homme habile et rusé)
« D’un revers se détacha de la squalide L’aigrefin s’en alla plein d’hubris Avec l’inanité dans ses poches Et poussant un rot à faire vomir un crapeau » Complexité Sucrée – Jacky Lavauzelle
« Arlequin aussi, Cet aigrefin si Fantasque Aux costumes fous, Ses yeux luisants sous Son masque… »
Colombine – Paul Verlaine – Fêtes galantes – Œuvres Complètes – Tome 1 – Ed. Vanier – 1902
« Comme un aigrefin méditant ses crimes, Sans perdre un moment, j’apprête, en sournois, Un beau trébuchet fait avec des rimes ; Et j’attends, ― caché dans le fond des bois. » L’Oiseleur – Louis Brouilhet – Ed. Michel Lévy Frères –
« La belle n’était plus sylphide Ni belle ni nitide Le vent n’était plus zéphyr L’anoure n’était plus poney » Complexité Sucrée – Jacky Lavauzelle
« Les animaux, qui pour les zoologistes forment le sous-ordre des batraciens anoures, ont entre eux des traits de ressemblance si nombreux et si manifestes, que le peuple, bien longtemps avant les savants, avait pour eux des noms collectifs… » Les Pluies de crapauds – Désiré Roulin – La Revue des Deux Mondes -1835 – Tome IV
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Antédiluvien
(ancien)
« On attribue à Caïnan, fils d’Arphaxad, la conservation d’un traité d’Astronomie qu’il trouva gravé sur deux colonnes par les enfants de Seth, ouvrage antédiluvien qu’il transcrivit. » Collin de Plancy -Dictionnaire infernal Henri Plon –
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Brelandier
(aigrefin fréquentant les tripots)
« – Ce serait, lui répondit Mangogul, de tourner mon anneau sur la plus effrénée de ces brelandières, de questionner son bijou, de transmettre par cet organe un bon avis à tous ces maris imbéciles qui laissent risquer à leurs femmes l’honneur et la fortune de leur maison sur une carte ou sur un dé. » Denis Diderot – Les Bijoux indiscrets – Chapitre XII –Œuvres complètes de Diderot, Texte établi par J. Assézat et M. Tourneux, Garnier, IV – Paris
» depuis, dis-je, que cet orgueilleux eust mesuré la distance du ciel en terre, et qu’au lieu de voltiger sur les orbes célestes, il s’est veu garotté des liens eternels au lac caligineux des enfers, l’homme, son successeur aux siéges du paradis, a eu beaucoup à souffrir. Cet enragé, se voyant forclos de l’heritage qui luy appartenoit comme au fils aisné, et se voyant exilé et vagabond par le monde, n’a cessé de dresser des embuches à son cadet. »
Variétés historiques et littéraires -1624- Tome 1 – Examen sur l’inconnue et nouvelle caballe des frères de la Rozée-Croix
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Callipyge
(dame avec un imposant postérieur – une Vénus Callipyge)
« Dans les durs entrelacs d’une étrange thébaïde La brouette callipyge N’en demandait pas tant La dame clamait tant et tant De profondes objurgations N’étant pas une péronnelle de l’année En en voulant pour son compte » Complexité Sucrée – Jacky Lavauzelle
« Le corsage si bien rempli Qu’il bombe aux deux endroits, sans pli, Cotillon clair moulant énormes Le callipyge de ses formes. » Maurice Rollinat – Paysages et paysans – Editions Fasquelle –
« c’est un livre qui a pour titre le Memorie d’un Contadino ; l’auteur est Mme Luigia Codemo-Gerstenbrandt. Un roman qui paraît à Venise, c’est déjà un attrait ; l’œuvre elle-même d’ailleurs laisse voir un talent ferme et gracieux, qui conduit avec aisance une fiction aux mille détours. « Tout est vrai, » dit l’auteur en commençant, et en effet il y a de la vérité dans ce récit, qui a pour premier mérite de n’être point la simple traduction ou l’imitation d’un roman français. C’est un contadin qui raconte sa propre histoire. Il s’appelle Domenico Narcisi... » Charles de MAZADE – Chronique de la quinzaine, histoire politique et littéraire – 14 décembre 1857 – Revue des Deux Mondes
Seconde période- Tome 12,
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Déhiscence
(séparation – libération)
« La nature déhiscente n’était plus la Nature Un lieu abscons tout au plus Une misère impéritique La nature avait désormais Le cul à l’envers. » Complexité Sucrée – Jacky Lavauzelle
« — Jouant la partie, gratuitement soit pour un intérêt mineur : exposant notre Dame et Patronne à montrer sa déhiscence ou sa lacune, à l’égard de quelques rêves, comme la mesure à quoi tout se réduit. »
Le Mystère dans les lettres – Stéphane Mallarmé -Divagations – Bibliothèque-Charpentier – Eugène Fasquelle, éditeur-
« DESINENCE, s. f. (Gramm.) il est synonyme à terminaison, & ils se disent l’un & l’autre de la dernière syllabe d’un mot. »
Première Encyclopédie – Ed. Garnier -1777
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Dès potron-minet
(se lever tôt, à la Diane)
« car la tête est bonne, certes, meilleure que celle du freluquet sempiternellement penché sur un ruisseau, et, à poils, le chinois de paravent, la graine de propre à rien, à poils, dehors, dès potron-minet, à se regarder, va donc chochotte, les yeux, le nombril et toute la boutique, tant et si bien qu’il a fini par choir dans la flotte, d’où on l’a repêché mort et nu, plus nu que la main… » René Crevel – Êtes-vous fous ? – Gallimard,
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Diane
(tôt – se lever à la diane = se lever tôt, dès potron-minet)
« Le foutre vulnéraire girandole effaça les brûlures En entrant dans l’empyrée écuissée Diaprant les attributs de la douce alanguie en se lénifiant D’un revers se détacha de la squalide » Complexité Sucrée – Jacky Lavauzelle
» Il va même jusqu’à se demander si, comme beaucoup de savants le croyaient jadis, il n’y aurait pas au delà de la sphère des étoiles les plus éloignées, une région entièrement lumineuse, un ciel empyrée, et si les nébuleuses ne seraient pas cette région éclatante, vue à travers une ouverture, une brèche (chasm) de la sphère (probablement cristalline) du premier ciel mobile. » François Arago – Astronomie populaire (Arago) – Ed. Gide & J. Baudry – 1854 – Tome 1
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Etique
(rachitique- extrême maigreur)
« Ma secco è il pruno, e le stecchite piante Mais le prunier est sec et les arbres étiques di nere trame segnano il sereno, Des lignes noires seules soulignent cette sérénité, »
Novembre – Giovanni Pascoli – Trad. Jacky Lavauzelle
« Pauvre débris humain ! Spectre ratatiné ! À voir son corps étique et son visage glabre On dirait qu’elle vient d’une danse macabre, Poussive et lasse encor d’un sabbat effréné !… » La vieille Guitariste – Georges Rodenbach – La Mer élégante – Alphonse Lemerre, éditeur-
« Le foutre vulnéraire girandole effaça les brûlures En entrant dans l’empyrée écuissée Diaprant les attributs de la douce alanguie en se lénifiant D’un revers se détacha de la squalide » Complexité Sucrée – Jacky Lavauzelle
« Brune à la lèvre rose et couverte de fards, La fille, l’œil luisant comme une girandole, Sur la hanche roulant ainsi qu’une gondole, Hideusement s’en va sous les flots blafards. »
Rêve de Paul Valéry
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Hapax
(un unique exemplaire – original)
« Dans cette ocelle précautionneuse Un hapax unique et fondamental La belle tintinnabulait et brinquebalait D’un avant et d’un arrière » Complexité Sucrée – Jacky Lavauzelle
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Hâve
(blafard – livide – blême – amaigri)
« D’où émergent parfois quelques Arabes lents, Squalides et hautains avec des mines hâves, Si rares ? Vrais fétus « in gurgite vasto » »
John-Antoine Nau – Vers la Fée Viviane -Éd. de la Phalange –
« Bien des siècles depuis les siècles du Chaos, La flamme par torrents jaillit de ce cratère, Et le panache igné du volcan solitaire Flamba plus haut encor que les Chimborazos. »
José-Maria de Heredia – Les Trophées – Ed. Alphonse Lemerre –
« Tels des taureaux avant l’accouplement Pénétrant Et l’esprit immarcescible et la grâce nivéale N’en ayant que faire Du monde et des hommes » Complexité Sucrée – Jacky Lavauzelle
« Le bon démon déposa enfin la tendre mère sur le sommet du monde à la cime idéale, où tout ce qu’il y a de lumière divine et de beauté immarcescible, tout ce que l’infini peut contenir de Dieu, plane éternellement. »
La Mère – Giovanni Pascoli – Traduction Filippo Tommaso Marinetti
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Impéritie
(incapacité – inaptitude)
« Les lois Romaines voulaient que les médecins pussent être punis pour leur négligence ou pour leur impéritie. Dans ces cas, elles condamnaient à la déportation le médecin d’une condition un peu relevée, & à la mort celui qui était d’une condition plus basse. »
De l’Esprit des Lois – Montesquieu – Livre XXIV – Chapitre XIX -Ed Garnier – 1777
Inanité
(vide- inutile – sans aucune réalité – sans intérêt)
« D’un revers se détacha de la squalide L’aigrefin s’en alla plein d’hubris Avec l’inanité dans ses poches Et poussant un rot à faire vomir un crapeau » Complexité Sucrée – Jacky Lavauzelle
« Dans les yeux de l’Humanité La Douleur va mirer ses charmes. Tous nos rires, tous nos vacarmes Sanglotent leur inanité ! »
Les Larmes du monde – Maurice Rollinat – Les Névroses Fasquelle, 1917
« Incoercible élan d’un visage vers l’autre, Chaude haleine créant un humain paradis, Sainte présomption d’être ces deux apôtres Graves, dont l’un s’abreuve à ce que l’autre dit… » Anna de Noailles – Poème de l’amour – CLXX
« La belle n’était plus sylphide Ni belle ni nitide Le vent n’était plus zéphyr L’anoure n’était plus poney » Complexité Sucrée – Jacky Lavauzelle
» Ô Télèphe, ton front nitide, Comme Vesper ton œil étincelant Captent Rhodé, mûre pour Gnide : Glycère, moi, me brûle d’un feu lent. »
À TÉLÈPHE- XIX- Horace –Odes et Épodes et Chants séculaires – Traduction par M. le Comte de Séguier -A. Quantin –
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Nivéal
(en rapport avec la neige – qui évoque la neige)
« Tels des taureaux avant l’accouplement Pénétrant Et l’esprit immarcescible et la grâce nivéale N’en ayant que faire Du monde et des hommes » Complexité Sucrée – Jacky Lavauzelle
« Dans les durs entrelacs d’une étrange thébaïde La brouette callipyge N’en demandait pas tant La dame clamait tant et tant De profondes objurgations N’étant pas une péronnelle de l’année En en voulant pour son compte » Complexité Sucrée – Jacky Lavauzelle
« Il est vrai que, pour en juger, il avait un autre critérium que les malfaisants gobeurs du boniment anticlérical. Mais il voyait bien que, sur ce point, l’instinct obsidional de la haine avait été aussi discernant que la plus jalouse sollicitude. » Léon Bloy – Le Désespéré – Ed. A. Soirat –
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Ocelle
(tache colorée de forme arrondie)
« Dans cette ocelle précautionneuse Un hapax unique et fondamental La belle tintinnabulait et brinquebalait D’un avant et d’un arrière » Complexité Sucrée – Jacky Lavauzelle
« Il existoit deux malheureux, L’un perclus, l’autre aveugle, & pauvres tous les deux. Ils demandoient au Ciel de terminer leur vie » Jean-Pierre Claris de Florian – Fables de Florian – Louis Fauche-Borel – (Volume 9)
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Péronnelle
(jeune fille bavarde et écervelée)
« Dans les durs entrelacs d’une étrange thébaïde La brouette callipyge N’en demandait pas tant La dame clamait tant et tant De profondes objurgations N’étant pas une péronnelle de l’année En en voulant pour son compte » Complexité Sucrée – Jacky Lavauzelle
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Petrichor
(odeur de la terre qui, sèche, reçoit une forte pluie)
(timide – réservé – peureux- qui manque de courage)
« Ô cœur pusillanime, ô cœur confus et triste, Cœur de paresse, cœur de froideur, cœur d’ennui, Cœur mort comme une étoile éteinte dans la nuit, Vide comme un sépulcre où plus rien ne subsiste ! »
Lâcheté – Albert Lozeau – Le Miroir des jours (1912) -Montréal
« Diaprant les attributs de la douce alanguie en se lénifiant D’un revers se détacha de la squalide L’aigrefin s’en alla plein d’hubris » Complexité Sucrée – Jacky Lavauzelle
« Les Tritons font sonner leurs trompes en nageant ; Et de leurs bras la nymphe en vain se dégageant, Sent ses beaux seins piqués par leurs barbes squalides. » Albert Samain – Le Cortège d’Amphitrite – Œuvres de Albert Samain, Mercure de France, – Le Chariot d’or
« D’où émergent parfois quelques Arabes lents, Squalides et hautains avec des mines hâves, Si rares ? Vrais fétus « in gurgite vasto » »
John-Antoine Nau – Vers la Fée Viviane -Éd. de la Phalange –
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Sybarite
(Efféminé)
Cinaede Thalle, mollior cuniculi capillo
Sybarite Tellus, plus mou que la poil du lapin vel anseris medullula vel imula oricilla
Plus flottant que le duvet de l’oie, que le lobe de l’oreille Catullus – Catulle – XXV – Trad. Jacky Lavauzelle
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Sylphide
(femme svelte et agile)
« La belle n’était plus sylphide Ni belle ni nitide Le vent n’était plus zéphyr L’anoure n’était plus poney » Complexité Sucrée – Jacky Lavauzelle
« Vous épurez l’azur des cieux : J’en crois ma sylphide et ses charmes. Sylphes légers, soyez mes dieux. »
Pierre-Jean de Béranger – Œuvres complètes de Béranger –
H. Fournier-
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Thébaïde
(lieu isolé et sauvage)
« Dans les durs entrelacs d’une étrange thébaïde La brouette callipyge N’en demandait pas tant La dame clamait tant et tant De profondes objurgations N’étant pas une péronnelle de l’année En en voulant pour son compte » Complexité Sucrée – Jacky Lavauzelle
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Tintinnabuler
(faire des sons de clochettes, de timbales, produire des sons aigus)
« Dans cette ocelle précautionneuse Un hapax unique et fondamental La belle tintinnabulait et brinquebalait D’un avant et d’un arrière » Complexité Sucrée – Jacky Lavauzelle
« Autour, partout, de-ci, de-là, les filles se hâtaient, inquiètes de trouver un souper et le reste. Des sots faisaient semblant de rire. Ici, une bohémienne faisait tintinnabuler sur ses hanches, en un roulement lascif de danse du ventre, une ceinture de sequins. » Félicien Champsaur – Pierrot et sa Conscience – Ed. Dentu –
« Le foutre vulnéraire girandole effaça les brûlures En entrant dans l’empyrée écuissée Diaprant les attributs de la douce alanguie en se lénifiant D’un revers se détacha de la squalide » Complexité Sucrée – Jacky Lavauzelle
« Les feuilles de sanicle entrent dans l’eau vulnéraire, le baume vulnéraire & le baume oppodeltoch, & son suc dans l’emplâtre oppodeltoch. »
Gabriel François Venel – Première Encyclopédie – 1751 – Tome 14
Ma bonne chèvre limousine,
Gentille bête à l’œil humain,
J’aime à te voir sur mon chemin,
Loin de la gare et de l’usine.
Toi que la barbe encapucine,
Tu gambades comme un gamin,
Ma bonne chèvre limousine,
Gentille bête à l’œil humain.
Je vais à la ferme voisine,
Mais je te jure que demain
Tu viendras croquer dans ma main
Du sucre et du sel de cuisine,
Ma bonne chèvre limousine.
Maurice Rollinat Dans les brandes, poèmes et rondels
Charpentier, 1883
pp. 202-203 LXVII – La chèvre
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LA CHÈVRE ET L’ÂNE
Un homme nourrissait une chèvre et un âne. Or la chèvre devint envieuse de l’âne, parce qu’il était trop bien nourri. Et elle lui dit : « Entre la meule à tourner et les fardeaux à porter, ta vie est un tourment sans fin, » et elle lui conseillait de simuler l’épilepsie, et de se laisser tomber dans un trou pour avoir du repos. Il suivit le conseil, se laissa tomber et se froissa tout le corps. Son maître ayant fait venir le vétérinaire, lui demanda un remède pour le blessé. Le vétérinaire lui prescrivit d’infuser le poumon d’une chèvre ; ce remède lui rendrait la santé. En conséquence on immola la chèvre pour guérir l’âne.
Quiconque machine des fourberies contre autrui devient le premier artisan de son malheur.