Archives par mot-clé : Lu Xun

TRADUCTION CHINOIS Jacky Lavauzelle 中国文字翻译

**************************
Traduction Chinois Jacky Lavauzelle
ARTGITATO
中国文字翻译
**************************





Traductions Artgitato Français Portugais Latin Tchèque Allemand Espagnol

*******




TRADUCTION CHINOIS

中国文字翻译

*******




Wang Wei
王維

Adieu 送彆
Souvenir de Li Yi sous la neige – 雪中憶李楫

**

LUO GUANGZHONG
罗贯中

三国志演义
LES TROIS ROYAUMES

PREMIER CHAPITRE – 第一章

**

LU XUN
鲁迅

LU XUN Proses Poèmes & Analyses – 鲁迅 – 散文 诗

Lu Xun Oeuvres Proses et Poésie Artgitato 2**

EXPRESSIONS CHINOISES
中国表情

*******

Traduction Chinois

******

DE LA LANGUE CHINOISE

Analyse de 1736
de Jean-Baptiste Du Halde
Jésuite français
1674 –

Afin de donner une vraie idée de la langue de la Chine, je ferai connaître d’abord quel est le génie de cette langue ; ensuite comment on doit prononcer et écrire les mots chinois en caractères d’Europe. Enfin je finirai par un abrégé de grammaire chinoise.


Du génie de la langue chinoise.

La langue de la Chine n’a rien de commun avec les langues mortes ou vivantes que nous connaissons : elle n’en a ni les figures ni la construction. Toutes les autres langues ont un alphabet d’un certain nombre de lettres, qui par leurs combinaisons différentes, forment des syllabes et des mots, celle-ci est sans alphabet : elle a autant de caractères et de figures différentes, qu’il y a de mots.

La seule conformité qu’elle peut avoir avec nos langues d’Europe, est que comme l’alphabet est de vingt-quatre lettres, qui se forment de ces six ou sept traits Du Halde - Description de la Chine - Vol 2 feuille 332 a.jpg savoir l’A des trois premiers ; le B du sixième et quatrième doublé ; le C du cinquième simple ; le D du sixième et du quatrième ; l’E du sixième et du troisième triplé ; l’O du quatrième et cinquième joints ensemble ; le Q de l’O et du septième trait, etc. De même tous les caractères chinois se forment à proprement parler des six seuls traits suivants.

________Du Halde - Description de la Chine - Vol 2 feuille 332 b.jpg

Les Chinois ont deux sortes de langues ; l’une vulgaire et propre du peuple, qui est différente selon les diverses provinces ; l’autre qu’ils appellent, la langue mandarine, qui est à peu près ce qu’est parmi nous la langue latine pour les ecclésiastiques et les savants. Cependant le peu d’analogie de la langue chinoise avec toutes les autres langues mortes ou vivantes, fait que cette comparaison n’est pas juste : la langue mandarine est proprement celle qu’on parlait autrefois à la cour dans la province de Kiang nan, et qui s’est répandue dans les autres provinces parmi les personnes polies ; et de là vient que dans les provinces voisines de celle de Kiang nan, on la parle beaucoup mieux que partout ailleurs. Peu à peu elle s’est ainsi introduite partout ; ce qui est très utile pour le gouvernement. Elle paraît pauvre car elle n’a guère qu’environ 330 mots, qui sont tous monosyllabes et indéclinables, et qui se terminent presque tous par des voyelles, ou par cette consonne N, ou Ng.

Cependant ce peu de mots suffit pour s’expliquer sur toutes sortes de matières ; parce que, sans multiplier les paroles, le sens se multiplie presque à l’infini par la diversité des accents, des inflexions, des tons, des aspirations et d’autres changements de la voix : et c’est cette variété de prononciation qui est une occasion fréquente d’équivoque, à ceux qui ne sont pas bien versés dans la langue.

Un même mot a diverses significations.

Un exemple le fera comprendre : ce mot tchu prononcé en traînant et allongeant l’u, et éclaircissant la voix, signifie Seigneur, ou maître. S’il est prononcé d’un ton uniforme avec l’u prolongé, il signifie pourceau. Quand on le prononce légèrement et avec vitesse il veut dire cuisine. Si on le prononce d’une voix forte et d’un ton mâle, mais qui s’affaiblisse sur la fin, il signifie colonne.

De même cette syllabe, po, selon les différents accents, et les diverses inflexions de voix, dont on la prononce, a onze significations différentes. Elle signifie verre, bouillir, vanner du riz, sage ou libéral, préparer, vieille femme, rompre ou fendre, incliné, tant soit peu, arroser, esclave ou captif. D’où il est aisé de conclure que cette langue qui paraît si pauvre et si resserrée par le petit nombre de monosyllabes qui la composent, ne laisse pas d’être en effet riche, abondante, et expressive.

D’ailleurs le même mot, quand on lui joint d’autres mots différents, signifie une infinité de choses différentes. Mou par exemple, quand il est seul, signifie arbre, bois. Mais s’il est composé, il a beaucoup d’autres significations. Mou leao signifie du bois préparé pour un édifice. Mou ta signifie des barreaux, ou des grilles de bois ; mou hia, une boîte ; mou siang, une armoire ; mou tsiang, charpentier ; mou eul, champignon ; mou nu, une espèce de petite orange ; mou sing, la planète de Jupiter ; mou mien, le coton, etc. Ce mot se peut joindre de diverses autres manières, et a autant de significations qu’il est joint avec des mots différents.

C’est ainsi que les Chinois en assemblant différemment leurs monosyllabes, forment des discours suivis, et s’expliquent avec beaucoup de netteté et de grâce ; de même à peu près que nous formons tous nos mots par les diverses manières dont nous joignons ensemble les 24 lettres de notre alphabet.

De l’assemblage des monosyllabes.

Au reste les Chinois distinguent si naturellement les différents tons, attachés à la même monosyllabe, qu’ils en comprennent le sens, sans faire la moindre réflexion aux divers accents qui le déterminent. Et il ne faut pas s’imaginer, comme quelques auteurs l’ont avancé, qu’ils chantent en parlant, et qu’ils forment une espèce de musique, qui ne manquerait pas de choquer l’oreille, et d’être très désagréable. Ces différents tons se prononcent si finement, que les étrangers mêmes ont de la peine à s’en apercevoir, surtout dans la province de Kiang nan, où l’accent est meilleur qu’en nulle autre province. Il en faut juger par la prononciation gutturale, qui se trouve dans la langue espagnole, et par les différents tons dont on se sert dans la langue française et la langue italienne : ces tons sont presque imperceptibles, et ne laissent pas de signifier différemment ; ce qui a donné lieu au proverbe qui dit, que le ton fait tout.

Les Chinois se servent de figures pour exprimer leurs pensées.

L’art de joindre ensemble ces monosyllabes, surtout en écrivant, est très difficile, et demande beaucoup d’étude. Comme les Chinois n’ont que des figures pour exprimer leurs pensées, et qu’ils manquent d’accents qui varient sur le papier la prononciation, ils ont besoin d’autant de figures ou de caractères différents, qu’il y a de différents tons, qui donnent au même mot des significations si diverses.

Il y a d’ailleurs des caractères qui signifient deux ou trois paroles, et quelquefois des périodes entières : par exemple pour écrire ces paroles : bonjour, Monsieur : au lieu de joindre le caractère qui signifie, bon, et celui qui signifie jour, avec celui qui signifie Monsieur, on doit se servir d’un caractère différent, qui seul exprime ces trois paroles : et c’est ce qui multiplie si fort les caractères chinois. Il n’en est pas comme de nos langues d’Europe, où l’on connaît les diverses significations d’un même mot, par les divers accents qui en fixent la prononciation, ou bien par l’endroit où le mot est placé, et par la suite du discours.

Il est vrai qu’on ne laisserait pas de se faire entendre, en joignant ensemble les caractères de chaque monosyllabe : mais cette manière de s’exprimer en écrivant est triviale, et n’est en usage que parmi le peuple. Le style dont on écrit, lorsqu’on veut briller dans les compositions, n’a nul rapport avec celui dont on parle, quoique les paroles soient les mêmes : et un homme de lettres se rendrait ridicule s’il écrivait de la manière dont on a coutume de s’exprimer dans la conversation.

Rapport des caractères chinois avec ceux du Japon.

Il faut en écrivant se servir de termes plus choisis, d’expressions plus nobles, et de certaines métaphores qui ne sont pas de l’usage ordinaire ; mais qui sont propres à la matière qu’on traite, et aux livres qu’on compose. Les caractères de la Cochinchine, du Tong king, du Japon, sont les mêmes que ceux de la Chine, et signifient les mêmes choses, sans toutefois que ces peuples en parlant, s’expriment de la même sorte. Ainsi, quoique les langues soient très différentes, et qu’ils ne puissent pas s’entendre les uns les autres en parlant, ils s’entendent fort bien en s’écrivant, et tous leurs livres sont communs. Ces caractères sont en cela comme des chiffres d’arithmétique : plusieurs nations s’en servent : on leur donne différents noms ; mais ils signifient partout la même chose.

Devoir des lettrés à ce sujet.

C’est pourquoi les lettrés ne doivent pas seulement connaître les caractères, qui sont en usage dans le commerce ordinaire de la vie ; ils doivent savoir encore leurs diverses combinaisons, et les divers arrangements, qui de plusieurs traits simples, font des caractères composés : et comme l’on compte jusqu’à quatre-vingt mille de ces caractères, celui qui en sait le plus, est aussi le plus savant, et peut lire et entendre un plus grand nombre de livres : d’où l’on peut juger combien il faut d’années, pour connaître une multitude si prodigieuse de caractères, pour les démêler quand ils sont réunis, et pour en retenir la figure, et la signification.

Il faut avouer néanmoins que pourvu qu’on sache environ dix mille caractères, on est en état de s’expliquer en cette langue, et d’entendre un grand nombre de livres. Le commun des lettrés n’en sait guère plus de quinze ou vingt mille ; et il y a peu de docteurs qui soient parvenus jusqu’à en connaître quarante mille.

Du vocabulaire.

Ce nombre prodigieux de caractères est recueilli dans leur grand vocabulaire, qu’ils nomment Hai pien. Et de même que parmi les Hébreux, il y a des lettres radicales, qui marquent l’origine des mots, et font connaître ceux qui en sont dérivés, lorsqu’on les cherche dans leur dictionnaire, selon l’ordre de ces lettres radicales ; il y a aussi parmi les Chinois des figures radicales, qui sont par exemple, les lettres de montagnes, d’arbres, d’homme, de terre, de cheval, etc. sous lesquelles il faut chercher tout ce qui appartient aux montagnes, aux arbres, à l’homme, à la terre, et au cheval. De plus, il faut savoir distinguer dans chaque mot ces traits ou figures, qui sont au-dessus, au-dessous, à l’un des cotés, ou dans le corps de la figure radicale.

Outre ce grand vocabulaire, ils en ont un autre plus court, qui ne contient que huit ou dix mille caractères, qui leur sert pour lire, écrire, entendre ou composer des livres. Que s’ils n’y trouvent pas certaines lettres, dont ils ont besoin, ils ont recours à leur grand dictionnaire. Nos missionnaires ont recueilli de la même façon tous les termes qui peuvent leur servir à instruire les peuples des mystères de la foi, et qui sont en usage dans les entretiens et livres ordinaires, même dans les livres classiques.

Comme Clément d’Alexandrie attribue aux Égyptiens trois sortes de caractères, les premiers qu’il nomme épistolographiques, c’est-à-dire, propres à écrire des lettres, comme sont ceux de notre alphabet ; les autres sacerdotaux, propres seulement à des prêtres, pour écrire les choses sacrées, de même qu’il y a des notes pour la musique ; et les derniers hiéroglyphiques, propres à être gravés sur les monuments publics ; ce qui se faisait en deux manières : l’une, par des images propres, ou qui approchaient des choses que l’on voulait représenter, comme quand ils exprimaient la lune par un croissant ; l’autre, par des images énigmatiques et symboliques, comme serait un serpent qui se mord la queue, et qui est plié en rond, pour signifier l’année ou l’éternité : les Chinois ont eu de tout temps une semblable diversité de caractères. Dès le commencement de leur monarchie, ils communiquaient leurs idées, en formant sur le papier les images naturelles des choses qu’ils voulaient exprimer : ils peignaient, par exemple, un oiseau, des montagnes, des arbres, des lignes ondoyantes, pour exprimer des oiseaux, des montagnes, une forêt, et des rivières.

Cette manière d’expliquer sa pensée était fort imparfaite, et demandait plusieurs volumes pour exprimer assez peu de choses. D’ailleurs il y avait une infinité d’objets, qui ne pouvaient être représentés par la peinture, tels que sont l’âme, les sentiments, les passions, la beauté, les vertus, les vices, les actions des hommes et des animaux, et tant d’autres, qui n’ont ni corps, ni figures. C’est pourquoi insensiblement ils changèrent leur ancienne manière d’écrire : ils composèrent des figures plus simples, et en inventèrent plusieurs autres, pour exprimer les objets qui ne tombent point sous les sens.

Les lettres chinoises ont chacune leur signification.

Mais ces caractères plus modernes ne laissent pas d’être encore de vrais hiéroglyphes : premièrement, parce qu’ils sont composés de lettres simples, qui retiennent la même signification des caractères primitifs. Autrefois, par exemple, ils représentaient ainsi le soleil par un cercleDu Halde - Description de la Chine - Vol 2 feuille 336 a.jpg et l’appelaient  : ils le représentent maintenant par cette figureDu Halde - Description de la Chine - Vol 2 feuille 336 b.jpg qu’ils nomment pareillement . Secondement, parce que l’institution des hommes a attaché à ces figures la même idée, que ces premiers symboles présentaient naturellement, et qu’il n’y a aucune lettre chinoise qui n’ait sa propre signification, et qui ne la conserve, lorsqu’on la joint avec d’autres. Tsai, par exemple, qui veut dire, malheur, calamité, est composé de la lettre mien, qui signifie maison, et de la lettre ho, qui signifie feu ; parce que le plus grand malheur, est de voir sa maison en feu. On peut juger par ce seul exemple, que les caractères chinois n’étant pas des lettres simples, comme les nôtres, qui séparément ne signifient rien, et n’ont de sens que quand elles sont jointes ensemble, ce sont autant de hiéroglyphes qui forment des images, et qui expriment les pensées.

Du style des Chinois

Le style des Chinois dans leurs compositions, est mystérieux, concis, allégorique, et quelquefois obscur à l’égard de ceux qui n’ont pas une parfaite connaissance des caractères. Il faut être habile, pour ne pas se méprendre dans la lecture d’un ouvrage : ils disent beaucoup de choses en peu de paroles : leurs expressions sont vives, animées, et semées de comparaisons hardies, et de métaphores nobles. S’ils veulent marquer par exemple, qu’on ne doit point songer à détruire la religion chrétienne, que l’empereur a approuvée par un édit : ils diront : l’encre qui a écrit l’édit de l’empereur en faveur de la religion chrétienne, n’est pas encore sèche, et vous entreprenez de la détruire.

Surtout ils affectent de mêler dans leurs écrits beaucoup de sentences et de passages, qu’ils tirent des cinq livres canoniques ; et comme ils comparent leurs compositions à un tableau, ils comparent de même les sentences qu’ils tirent de leurs livres, aux cinq principales couleurs qui entrent dans la peinture. C’est en cela principalement que consiste leur éloquence. Du reste ils se piquent tous d’écrire proprement, et de peindre exactement leurs caractères ; et c’est à quoi l’on a de grands égards, lorsqu’on examine les compositions de ceux qui aspirent aux degrés.

Ils préfèrent même un beau caractère à la plus admirable peinture, et l’on en voit souvent qui achètent bien cher une page de vieux caractères, quand ils sont bien formés. Ils honorent leurs caractères jusque dans les livres les plus ordinaires : et si par hasard quelques feuilles étaient tombées, ils les ramassent avec respect : ce serait, selon eux, une grossièreté, et une impolitesse d’en faire un usage profane, de les fouler aux pieds en marchant, ou de les jeter même avec indifférence. Souvent il arrive que les menuisiers et les maçons n’osent pas déchirer une feuille imprimée, qui se trouve collée sur le mur ou sur le bois. Ils craignent de faire une faute.

Ainsi on peut distinguer trois sortes de langage chez les Chinois : celui du peuple, celui des honnêtes gens, et celui des livres. Bien que le premier ne soit pas si peigné que les deux autres, il ne faut pas croire qu’il soit si fort au-dessous de nos langues d’Europe, puisqu’il n’a certainement aucun des défauts qu’on lui a quelquefois prêtés en Europe. Les Européens qui viennent à la Chine et qui ne sont pas encore versés dans la langue, trouvent des équivoques, où il n’y en pas seulement l’ombre. Comme ils ne se sont point gênés d’abord à bien prononcer les mots chinois avec leurs aspirations et leurs accents, il arrive qu’ils n’entendent qu’à demi ce que disent les Chinois, et qu’ils ont de la peine à se faire entendre. C’est une faute dans eux, et non pas un défaut de la langue. On trouve dans quelques mémoires, que les lettrés tracent souvent avec le doigt ou avec l’éventail, des lettres sur leurs genoux, ou en l’air : s’ils le font, c’est par vanité ou par coutume, plutôt que par nécessité ; ou parce que ce sera un terme et un caractère peu usité, comme nos termes de marine, de musique, de chirurgie, etc.

Au-dessus de ce langage bas et grossier, qui, quant à la prononciation, se varie en cent manières, et dont on se sert pour les livres, il y en a une autre plus poli et plus châtié, qui s’emploie dans une infinité d’histoires vraies ou feintes, d’un goût très fin et très délicat. L’esprit des mœurs, les peintures vives, les caractères, les contrastes, rien n’y manque. Ces petits ouvrages se lisent et s’entendent sans beaucoup de peine : on y trouve partout une netteté, une politesse, qui ne cède point aux livres d’Europe les mieux écrits.

Après ces deux manières de s’exprimer, l’une pour le petit peuple, qui a le moins de soin de l’arrangement de ses paroles, et l’autre qui devrait être celle des mandarins et des lettrés, vient le langage des livres qui ne sont point écrits en style familier, et il y a dans ce genre-ci bien des degrés où il faut s’élever, jusqu’à ce qu’on parvienne à la brièveté majestueuse et sublime des Kings.

Ce n’est plus ici une langue qui se parle dans le discours ordinaire, mais seulement qui s’écrit, et qu’on n’entendrait pas aisément sans le secours des lettres qu’on a sous les yeux, et qu’on lit avec plaisir. Car on trouve un style net et coulant : chaque pensée est ordinairement exprimée en quatre ou en six caractères ; on ne sent rien qui choque une oreille délicate, et la variété des accents ménagés avec art rend toujours un son harmonieux et doux.

La différence qui se trouve entre ces livres et les King, consiste dans la matière dont ils parlent, qui n’est ni si auguste ni si haute ; et dans le style qu’ils emploient, qui est, et moins laconique, et moins grand. Dans les matières sublimes on ne se sert ni de points ni de virgules ; comme ces compositions ne sont que pour les lettrés, c’est à eux à juger où le sens finit, et les gens habiles ne s’y trompent jamais.

Vossius avait raison de dire que l’abondance de la langue chinoise vient de la multitude des caractères ; il faut ajouter qu’elle vient aussi des sens divers qu’on leur donne, et de l’assemblage qu’on en fait, en les joignant le plus ordinairement deux à deux, assez souvent trois à trois, et même quelquefois quatre à quatre. On a un dictionnaire fait par les ordres du feu empereur : il ne comprenait pas toute la langue, puisqu’on a été obligé d’y ajouter un supplément en vingt-quatre volumes, et cependant il y avait déjà quatre vingt quinze volumes de compte fait, la plupart fort épais, et d’une écriture menue. Il n’y a pas de langue au monde qu’on ne pût épuiser en beaucoup moins de tomes. Il n’y a donc point de langue, ni qui soit plus riche que la langue chinoise, ni qui puisse se vanter d’avoir régné trois à quatre mille ans, comme elle règne encore aujourd’hui.

Parallèle de cette langue avec celles dÉurope.

Tout ce que nous venons de dire, paraîtra sans doute étrange à des Européens, accoutumés aux vingt-quatre lettres qui composent notre alphabet : mais peut-être sera-t-on moins surpris, quand on fera réflexion que notre langue et toutes les autres, ont une infinité de figures pour s’exprimer, quoiqu’elles le puissent faire par ces vingt-quatre lettres : chaque art et chaque profession a des caractères qui lui sont propres.

Outre nos vingt quatre lettres que nous diversifions en plusieurs manières, en majuscules ou capitales, qui sont différentes des communes et ordinaires, en italiques et romaines, etc. Nous en avons pour écrire des lettres rondes, carrées, bâtardes, financières, et italiennes. Noms avons de plus les figures des nombres ou les chiffres, les interponctions qui sont le point, la virgule, l’apostrophe, les accents, la cédille, le tiret, les parenthèses, le point interrogatif et l’admiratif, les abréviations qui sont autant de caractères dont nous nous servons, pour marquer le repos du discours, la prononciation, la continuation, etc. Les astronomes ont des caractères pour les douze signes, pour les divers aspects de la lune et des astres. Les géomètres ont leurs figures ; les musiciens ont leurs notes blanches, noires, crochues, doubles crochues, etc. Enfin il y a peu d’arts et de sciences qui n’aient des figures propres, qui leur tiennent lieu de caractères pour exprimer leurs pensées.

Les Chinois ont encore aujourd’hui une ancienne espèce de langue, et de caractères, qui ne sont plus en usage que pour les titres, les inscriptions, les cachets et les devises, et dont ils ont d’anciens livres qu’il faut que les savants entendent. Ils ont aussi des lettres courantes et usuelles, dont ils se servent pour les actes publics, les contrats, les obligations, et autres actes de justice, comme il y a parmi nous une espèce de lettre qu’on nomme financière. Enfin ils ont une lettre qui demande une étude particulière, pour la diversité des traits et de ses abréviations, ou enlacements qui la rendent difficile. On s’en sert surtout, lorsqu’on veut écrire promptement. Ce qui concerne la manière de prononcer les mots chinois, et de les orthographier en caractères d’Europe, donnera un nouveau jour à ce qui vient d’être dit sur le génie de cette langue.

Jean-Baptiste Du Halde
Description de la Chine
Scheuerleer
1736
2, pp. 268-275

******

Traduction Chinois

LU XUN Proses Poèmes & Analyses – 鲁迅 – 散文 诗

LITTERATURE CHINOISE
中国文学

LU XUN
鲁迅
散文 Prose
Poème 诗

1880-1936

 Traduction Jacky Lavauzelle

 Lu Xun Oeuvres Proses et Poésie Artgitato 2



texte bilingue

 

 

LU XUN
Proses et Poèmes
Analyses

Traduction Jacky Lavauzelle

PROSE

**

La Véritable histoire de Ah Q
阿Q正传
1921-1922
 Chapitre I
第一章
Préface
 序
la véritable histoire de Ah Q Lu Xun Artgitato

***
Analyse

*
LU XUN
Chirurgien de l’âme

La médecine et la littérature empreintent parfois des chemins inattendus. En partie par son impuissance, voire par un certain charlatanisme, la médecine a longtemps décu et a poussé à prendre l’encrier. Passer de la plaies à la plume. Toucher les consciences semble plus efficace que de recoudre, de soigner les infections, de recoudre.  « La médecine peut guérir le corps, elle ne peut guérir le cœur » disait  Saint Paul de Tarse.

Lu Xun Chirugien de l'Âme Artgitato

**

LU XUN
AU BANQUET DE LA DYNASTIE MING

Comme en France, cette fin de XVIIème en Chine est fleurissante. Nous sommes à la fin de la dynastie Ming. Même si c’est la technique de la porcelaine qui symbolise le mieux cette période, tous les arts, sans être totalement révolutionnaires, arrivent à une maturité certaine. Nous pensons à l’épopée, au XIVème siècle, des cent huit voleurs de Au bord de l’eau de Shi Nai’an, sortes de Robin des bois révoltés contre le pouvoir en place.

Lu Xun au banquet de la dynastie Ming Portrait de Yongle

***

 SOUS LA VOÛTE GLACEE DE LA MORT

Lu Xun écrit pour le présent. La postérité, il n’y pense pas. Tout au plus  il l’aborde comme quelque chose de tellement  loin. Ce n’est pas son but. Einstein disait que « celui qui ne peut plus éprouver ni étonnement ni surprise est pour ainsi dire mort : ses yeux sont éteints. »
Lu Xun a les yeux constamment ouverts. Ouverts sur son époque et ses contemporains.

Lu Xun Sous la voûte glacée de la mort Artgitato Le Monde illustré 1858 Supplice du lingtchi

**********

LuXun1930

LU XUN CHIRURGIEN DE L’ÂME

LU XUN 
鲁迅

 Le Chirurgien
de l’âme
 

Lu Xun Chirugien de l'Âme Artgitato

La médecine et la littérature empreintent parfois des chemins inattendus.

LA MEDECINE, IMPUISSANTE A GUERIR LE COEUR

En partie par son impuissance, voire par un certain charlatanisme, la médecine a longtemps décu et a poussé à prendre l’encrier. Passer de la plaies à la plume. Toucher les consciences semble plus efficace que de recoudre, de soigner les infections, de recoudre.  « La médecine peut guérir le corps, elle ne peut guérir le cœur » disait  Saint Paul de Tarse.  Déjà Rabelais, accaparé par l’écriture, délaisse ses patients et sera congédié par l’Hôtel-Dieu, trois ans après la publication de Pantagruel. N’oublions pas que James Joyce arrive à Paris pour poursuivre de rapides  études de médecine. Louis-Ferdinand Céline suivra une formation en médecine.  Nous retrouvons des auteurs comme Anton Tchekhov, Arthur Conan Doyle, médecin de bord de navire,  Georges Duhamel ou encore Friedrich von Schiller, médecin militaire à Stuttgart. Lu Xun appartient à ce groupe prestigieux des médecins des corps qui migrent vers les âmes. Il aurait pu prendre la robe et les habits du soignant, il a choisi de combattre d’autres souffrances  de la vie. Lu Xun plus que tous les autres amène ce combat sur le domaine politique. Vers une révolution profonde des mentalités.

Lu Xun par Tao Yuanqing

Ces premières œuvres  font référence à la médecine. Dans le Journal d’un fou, en 1918. «  Certaines parties n’étaient cependant pas tout à fait incohérentes et j’ai noté des passages qui aideront à la recherche médicale… Quant au titre, j’ai gardé celui choisi par l’auteur lui-même, après sa guérison. »  Les descriptions sont encore marquées par sa formation médicale : « les veines saillaient sur son front » (Kong Yiji, mars 1919). Les titres sont souvent évocateurs de sa formation comme dans Le remède, de 1919.

QUAND LE FEU L’EMPORTE SUR LE METAL

C’est dans sa nouvelle Demain, écrite en juin 1920, que l’on perçoit le mieux les insuffisances de la médecine et sa critique des médecins de son époque. La nouvelle se termine par la mort de l’enfant. La mère se tourne vers les dieux puis vers les médecins. « J’ai consulté les dieux, disait la mère. J’ai fait un vœu, je lui ai donné le remède qu’on m’a indiqué, que ferai-je si son état ne s’améliore pas ? Je devrai le mener chez le docteur Xiaoxian. Mais peut-être ira-t-il mieux demain : les malades sont souvent plus mal la nuit. La fièvre pourrait tomber au lever du jour et il respirera mieux… »  Le médecin ne fera pas plus de miracles que les dieux. Lors de la visite médicale, la mère est plus inquiète que le docteur. C’est elle qui voit juste, consciente de l’imminence du danger. « – Docteur, qu’est-ce qu’il a , Bao’er ? – Des embarras gastriques. – Ce n’est pas grave, n’est-ce pas ?…Est-ce qu’il…  – Faites-lui prendre deux potions pour commencer. – Il respire très difficilement, ses narines tressaillent.  – Chez lui, l’élément feu l’emporte sur le métal. » Elle part chercher ses médicaments qu’elle porte comme un fardeau, « chargée de médicaments et avec l’enfant qui se débattait dans ses bras » Puis le passage chez une tante pour avoir de meilleurs conseils. « J’ai plus confiance en vous que … ». Et la nouvelle se termine dans la nuit et le noir. Le noir de la connaissance. « Seule bougeait la nuit, en route vers demain, seul retentissait le cri des chiens blottis dans les ténèbres. »

JE DECIDAI DE CREER UN MOUVEMENT LITTERAIRE

Lu Xun est le chirurgien de la pensée chinoise de ce début du XXème siècle. Il observe, fait un diagnostic, observe à nouveau, propose un protocole de soins et d’action. Puis opère. L’écriture est ferme. Les positions aussi. Une de ses premières orientations dans sa jeunesse est médicale, à l’école de médecine de Sendai. Cette carrière médicale sera interrompue n’étant pas jugée assez efficace pour soigner les maux de cette société, la cause réelle de ces souffrances injustes et cruelles. Feng Xuefeng rapporte l’anecdote de 1906 dans Lu Xun, sa vie et son œuvre, de cette image de la guerre russo-japonaise et le bouleversement qui en suivit. Il rapporte les propos de Lu-Xun dans ce texte, qui participera, véritable électrochoc, à son changement d’orientation : « ‘cette image m’avait fait ressentir que la médecine n’est pas tellement importante après tout. Aussi vigoureuse et saine que soit la population d’un pays faible et arriéré, elle ne pouvait servir qu’à des exemples de ce genre ou de public à spectacle aussi absurde, et si, parmi elle, il s’en trouvait qui, en quelque nombre que ce soit, mourraient de maladie, ce n’était pas forcément à déplorer. La première chose à faire était de changer les mentalités et comme j’estimais que la littérature était le meilleur moyen pour y parvenir, je décidai de créer un mouvement littéraire ». Lu Xun avait vingt-cinq ans. Et déjà toute cette détermination qui le conduisit toute sa vie.

AUCUN ENNEMI NE PEUT ECHAPPER AU JAVELOT DE LU XUN

Il faut donc soigner les causes des problèmes. Soigner les esprits. Faire reculer l’ignorance et les croyances du peuple. Lu Xun a gardé les outils du médecin, prêt à opérer, notamment le scalpel.  « L’ennemi ne peut échapper au javelot de Lu Xun, au scalpel du chirurgien, avec lequel il dissèque posément le cœur humain » (Feng Xuefeng, Lu Xun : sa vie et son œuvre)

Il regarde les plaies de la société avec un microscope. Aller au plus près. Ne pas se disperser. Quand nous sommes sur le corps de la bête il ne faut plus la quitter des yeux. Comme la médecine, la littérature doit se spécialiser. Un ophtalmologiste n’est pas un oncologue. « Personne ne se spécialise, chacun fait un peu de tout – traduction, nouvelle, critique, même de la poésie. Il va de soi que le résultat est médiocre. La cause, c’est que nous sommes trop peu nombreux. En aurions-nous davantage, les traducteurs pourraient se concentrer sur la traduction, les écrivains sur la création, les critiques sur la critique ; et quand il s’agirait de combattre l’ennemi, nous disposerions de suffisamment de force pour le battre. » (Réflexions sur la Ligue des écrivains de gauche, allocution du 2 mars 1930 à la réunion inaugurale de la Ligue)

UN ECRIVAIN NE DOIT PAS TRANSIGER

Comme un médecin, la main ne doit pas trembler. L’écrivain doit s’engager. Il sait ce qu’il ne veut pas. Il sait aussi ce qu’il veut. Il est alors incorruptible, même avec les communistes ou les trotskystes. Il est critiqué, mais souvent admiré et convoité par chaque idéologie et école du moment. « Je ne prétends pas qu’un homme de lettres doit être fier ou que c’est son droit de l’être, je dis seulement qu’un écrivain ne doit pas transiger. De toute façon, il ne sait pas comment s’y prendre : seules le savent les âmes complaisantes. » (« Les lettrés se méprisent entre eux » (2), 5 mai 1935)

Jacky Lavauzelle

(Extraits de Lu Xun, oeuvres choisies, Editions en langues étrangères)

******
LU XUN chirurgien de l’âme

 

LU XUN AU BANQUET DE LA DYNASTIE MING

LU XUN
鲁迅

 Au Banquet
de la dynastie
Ming

Lu Xun au banquet de la dynastie Ming Portrait de Yongle

Comme en France, cette fin de XVIIème en Chine est fleurissante. Nous sommes à la fin de la dynastie Ming. Même si c’est la technique de la porcelaine qui symbolise le mieux cette période, tous les arts, sans être totalement révolutionnaires, arrivent à une maturité certaine. Nous pensons à l’épopée, au XIVème siècle, des cent huit voleurs de Au bord de l’eau de Shi Nai’an, sortes de Robin des bois révoltés contre le pouvoir en place.

UNE CHINE DEPRAVEE, DISLOQUEE, CRUELLE ET DESPOSTIQUE

Cette période revient régulièrement dans les écrits de Lu Xun et toujours avec une admiration évidente. Souvent, ses nouvelles s’amusent à des comparaisons avec son début de siècle agité. Cette période est comme sublimée par notre écrivain. « Notre Chine n’est pas tellement dépravée ni tellement disloquée, cruelle ou despotique si nous comparons notre temps avec la fin de l’ère des Ming – nous n’avons pas encore dépassé les bornes. Mais ni la dépravation ni la dislocation des dernières années de la dynastie des Ming n’ont dépassé les bornes. » (Réflexions impromptues n°4 du 16 février 1925)

LES SPECTACLES SPLENDIDES SOUS LA DYNASTIE MING

Il y a dans cette époque une sorte de supplément que Lu Xun ne trouve pas avec la même force dans les autres dynasties. Aller au-delà de la raison et du contrôle. Lu Xun exprime ce regret de cette perte de splendeur et de merveilleux.  » Qui pouvait ne pas être empoigné par le défilé en chair et en os de ces personnages des temps anciens ? Il est regrettable que spectacles aussi splendides aient disparu il y a longtemps, avec la dynastie des Ming. » (La foire aux Cinq Dieux Cruels)

BIENVENUE AU ROI-DRAGON

Le contraste s’opère quand Lu Xun dans La foire aux Cinq Dieux Cruels, nous porte à travers la lecture des Souvenirs de Zhang Daï, un écrivain du XVIIème siècle, donc de la fin de la dynastie Ming. La simplicité de Lu Xun s’inscrit dans celle de son époque. « Je suis frappé par la splendeur des foires du temple de son époque, même si les écrivains de la dynastie Ming avaient tendance à exagérer. Nous continuons à souhaiter la bienvenue au roi-dragon quand nous prions pour de la pluie, mais aujourd’hui cela se fait très simplement, avec une dizaine d’hommes, pas plus, qui portent un énorme dragon et le font onduler et se tordre, tandis que les garçons du village se déguisent en monstres marins. »

LE PAYS DE LA VENGEANCE DISAIT WANG SIREN

Il reviendra sur cette comparaison entre la simplicité de ce début du XXème et le faste et la faconde de la période Ming dans la Déesse de la pendaison. « C’est Wang Siren, je crois, qui disait vers la fin de la dynastie des Ming : ‘Kuaji’ (ancien nom de la ville de Shaoxing) est le pays de la vengeance, la souillure n’y est pas tolérée. La déclaration est très flatteuse pour nous, gens de Shaoxing, et j’éprouve grand plaisir à l’entendre. Mais elle n’est pas tout à fait vraie, car n’importe quelle autre formule conviendrait aussi bien à notre district. Il est néanmoins évident que l’homme moyen de Shaoxing ne nourrit pas autant d’aversion envers la vengeance que les écrivains ‘progressistes’  de Shanghai. »

Lu Xun est un peu comme Lin Chong dans Au bord de l’eau, trempé par les attaques de ses adversaires et voulant se réchauffer quelques instants au feu de cette dynastie. « – Mes habits sont trempés par la neige ; laissez-moi me sécher un peu devant votre feu ! J’espère que cela ne vous dérange pas ?  – Eh ! rétorqua le vieux, viens te sécher, voyons ! Quelle importance ? » (trad. Jacques Dard, éd. Gallimard)

La révolution peut attendre quelques heures …

 Jacky Lavauzelle

(Extraits de Lu Xun, oeuvres choisies, Editions en langues étrangères)

******

LU XUN – SOUS LA VOÛTE GLACEE DE LA MORT

LU XUN
鲁迅
Lu Xun Sous la voûte glacée de la mort Artgitato Le Monde illustré 1858 Supplice du lingtchi

 

 

 

 

 

SOUS LA VOÛTE
GLACEE DE LA MORT
Lu Xun la mort

Lu Xun écrit pour le présent. La postérité, il n’y pense pas. Tout au plus  il l’aborde comme quelque chose de tellement  loin. Ce n’est pas son but. Einstein disait que « celui qui ne peut plus éprouver ni étonnement ni surprise est pour ainsi dire mort : ses yeux sont éteints. »

MON LANGAGE EST CELUI DES COLPORTEURS ET DES TIREURS DE POUSSE-POUSSE

Lu Xun a les yeux constamment ouverts. Ouverts sur son époque et ses contemporains. Il pose les problèmes et cherche à apporter des solutions. « J’ai longtemps hésité, ce qui prouve que je ne suis pas de ceux qui écrivent pour passer à la postérité. Le pinceau immortel ne travaille que pour un homme immortel, dit-on…Un écrivain célèbre peut se permettre bien des choses que je ne puis me permettre… Mais mon style est grossier, que mon langage est celui des colporteurs et des tireurs de pousse-pousse, je n’osais adopter un titre aussi ronflant. » (La véritable histoire de Ah Q, 阿Q正传, chapitre 1) Son langage marque, frappe. I

UNE FOIS ECRIT, C’EST TERMINE

Lu Xun a donc un regard critique sur son œuvre. Il sait que son style n’est pas des plus précieux et que ces formules ne sont pas des plus recherchées. Mais qu’importe ? Il veut être efficace avant tout. Il est écrivain par nécessité. Il n’en tire nulle gloire. Il écrit et ce qui est écrit tombe comme une chose morte. Mes œuvres, dit-il, dans Non pas du bavardage (1925), « sont donc tout juste des ‘avortements’, ou tout au plus, ‘un chat en fait de prince’. Car, je cesse d’écrire dès que c’est terminé ! Que m’importe de savoir comment les éditeurs piratent mes livres ou ce qu’en disent les lettrés, je ne m’en soucie pas…Cela signifie-t-il que je ne suis pas sérieux quand j’écris ? Certainement pas… Dès que j’ai fini d’écrire, je ne me préoccupe guère de ce que j’ai fait, je ne veux pas ‘prendre mon balai cassé pour un trésor’. Car, je l’ai déjà expliqué, une fois écrit, c’est terminé ! Que m’importe ? Qui tient à perdre son temps avec des choses mortes et enterrées ? »

Lu Xun

Une nuance toutefois sur certains écrits  comme Le cri ou La véritable histoire de Ah Q. Il y reviendra à plusieurs reprises, les expliquant, les commentant et y apportant des conseils pour des adaptations théâtrales.

C’ETAIT UNE NUIT MORNE ET NOIRE

Dans ces nouvelles, Lu Xun décrit ces nuits agitées et cauchemardesques. La fantasmagorie et la poésie illuminent alors le récit. Lu Xun sort de son analyse et de la critique de la société.  C’est souvent du peu, du morne que surgit la beauté et le charme. « C’était une nuit morne, noire…Et c’est dans cet état somnolent que j’entrevis un joli récit. Il était beau, charmant, captivant…Je me souviens encore du joli récit de cette nuit morne et noire… » (Un joli récit) Le voilà parti, se détachant enfin de la réalité, souvent tout aussi morne.

J’AI A ME COLLETER AVEC LA NUIT NOIRE

Mais là, l’homme, le créateur reste dans sa solitude. Entre espoir, désespoir. « Mon cœur est singulièrement seul. Et cependant, il est en paix, sans amour ni haine, sans joie ni tristesse, sans couleur et sans bruit…Seul dans le vide, j’ai à me colleter avec la nuit noire…Le désespoir n’est que vanité, comme l’espoir. » (Espoir)

TOUT ETAIT D’UN FROID DE GLACE, TOUT ETAIT BLAFARD

L’écrivain reste cet homme qui court le long des montagnes de glace. Qui court et qui tombe. La chute est là. « Je rêvais que je courais le long des montagnes de glace. Elle était immense…Et tout était d’un froid de glace, tout était blafard. Soudain, je tombai dans la vallée des glaces. En haut, en bas, autour de moi, tout était d’un froid glacial, tout était blafard. Cependant, par-dessus la glace livide gisaient d’innombrables ombres rouges, entrelacées comme un filet de corail. Je regardai à mes pieds, il y avait un feu. C’était un feu mort. » (Le feu mort)

LES PAUVRES DAMNES ONT PERDU LEUR BEL ENFER

Parfois la mort et la porte de l’enfer. Tout à côté. Quelqu’un est là. A côté. C’est le diable qui nous regarde. « Je rêvais que j’étais allongé sur mon lit dans la solitude, du côté de l’enfer… Un homme se tenait devant moi, grand, beau, l’air bienveillant, et de la lumière rayonnait de tout son être ; mais je savais que c’était le démon. – C’est la fin! La fin de tout ! Les pauvres damnés ont perdu leur bel enfer. » (Le bel enfer perdu)

POUSSIERE, POUSSIERE…DE LA POUSSIERE

L’être est seul, entouré d’autres solitudes. Et l’être se désagrège. Pour finir à la poussière et revenir à la nature. Ce qui se lève ne tardera pas à retomber. « Je longe un haut mur croulant et chemine dans la fine poussière. D’autres vont seuls. La brise se lève et, tout en haut du mur, les branches des grands arbres aux feuilles encore souples remuent au-dessus de ma tête. La bise se lève, la poussière est partout…Le vent se lève, la poussière est partout. D’autres personnes vont seules. Poussière, poussière……….De la poussière… » (Les mendiants)

C’est la mort qui est au bout. « Dans cette plaine sans fin, sous la céleste voûte glacée, cette apparition étincelante et spiralée est comme le spectre de la pluie…Oui, cette neige solitaire est de la pluie morte, le spectre de la pluie… » (Neige)

*******LuXun1930