Archives par mot-clé : le parnasse contemporain

André Vermare – 1905 – Le Rhône et la Saône – PALAIS DU COMMERCE – LYON

ANDRE VERMARE
Le Rhône et la Saône – PALAIS DU COMMERCE
FRANCE – LYON

Photo Jacky Lavauzelle André Vermare Le Rhône et la Saône

 


 PHOTOS JACKY LAVAUZELLE

*************************

 Photo Jacky Lavauzelle

LYON

LE RHÔNE ET LA SAÔNE
Par
André Vermare
*1905*
PALAIS DU COMMERCE

****

ANDRE VERMARE

Né le 27 novembre 1869 à Lyon
Mort le 7 août 1949 à Bréhat
Sculpteur français
Elève de Charles Dufraine (1827 – 1900)
École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon

****

La sculpture d’André Vermare reprend le traditionnel contraste entre un Rhône puissant, musclé et masculin et une Saône, féminine, douce et soumise (main posée sur le torse du Rhône, yeux fermés). Nous sommes loin de l’égalité que l’on peut trouver dans les allégories des frères Coustou. Dans ces dernières, l’allégorie de Nicolas Coustou montre une Saône vigoureuse, couchée sur un lion et déversant une corne d’abondance (cf. http://artgitato.com/allegorie-de-saone-lyon-place-bellecour-nicolas-coustou-sculpteur/)
André Vermare laisse une Saône alanguie, presque inconsciente, se laissant guider par la puissance invincible et quasi-guerrière du Rhône.
Le Rhône avec ses 812 kilomètres reste géographiquement plus puissant par rapport à la Saône qui n’en compte que la moitié, 480 kilomètres.
Dans la littérature aussi les textes vigoureux ne manquent pas pour glorifier et illustrer la puissance du Rhône : « Le Rhône âpre et farouche… Le Rhône est fort. — Comme la mer…Mon grand fleuve rude aux flancs gris » (Édouard Pailleron)
Il apparaît cependant plus calme dans les Vers trouvés sur le pont du Rhône de Chateaubriand.
La Saône est bien moins souvent portée par la plume de nos écrivains. La Saône n’a visiblement pas le même attrait : Gabriel Vicaire : « La vieille fée en Saône a jeté sa béquille… »

 

   Photo Jacky Lavauzelle

André Vermare au Salon de 1905

Quand on entre dans le grand hall, avenue Nicolas II, où des centaines de statues faites pour humaniser des solitudes se confondent dans un indiscernable enchevêtrement de lignes, et gesticulent sans aucun égard à leurs attitudes réciproques, il semble qu’on entre dans une assemblée où tout le monde parlerait à la fois. Et cela rend le regardant très injuste. Mais, s’il s’applique à dégager par l’imagination et par quelque ingéniosité dans le point de vue la valeur propre et la silhouette de chaque figure et si, faisant un travail inverse de celui du jury, il parvient à isoler ce que l’Art n’a pas uni, peut-être jugera-t-il que quelques-unes de ces œuvres méritaient, en vérité, d’être créées pour la joie des âmes artistes et pour l’honneur de l’art français. Telles sont, par exemple, l’admirable Danse sacrée de M. Ségoffin, la gracieuse et harmonieuse Biblis pleure de M. Jean Camus, la Consolation de M. David et l’Été de M. Hippolyte Lefebvre. D’autres encore : le Baiser à la source de M. Couteilhas, le Rhône et la Saône de M. Vermare … »

Robert de La Sizeranne
Le Geste moderne aux Salons de 1905
Revue des Deux Mondes
Cinquième période, tome 27, 1905

******

Le Rhône par Chateaubriand

Vers trouvés sur le pont du Rhône

Il est minuit, et tu sommeilles ;
Tu dors, et moi je vais mourir.
Que dis-je, hélas ! peut-être que tu veilles !
Pour qui ?… l’enfer me fera moins souffrir.

Demain quand, appuyée au bras de ta conquête,
Lasse de trop d’amour et cherchant le repos,
Tu passeras ce fleuve, avance un peu la tête
Et regarde couler ces flots.

François-René de Chateaubriand
Poésies diverses
Vers trouvés sur le pont du Rhône

**

LA VIEILLE FEE EN SAÔNE A JETE SA BEQUILLE

Il soufflait cette nuit un grand vent de jeunesse.
Ah ! bonsoir aux soucis maintenant ! Notre Bresse
A mis à son corsage une fleur de pêcher.
La vieille fée en Saône a jeté sa béquille,
Et rit à pleine voix comme une jeune fille.
Hourrah ! l’amour au bois, l’amour va se cacher !

Gabriel Vicaire
En Bresse
Le Parnasse contemporain
Recueil de vers nouveaux
Slatkine Reprints, 1971, III. 1876

**

LE RHÔNE

Taillez en blocs forêts et monts,
Forgez des freins, scellez des ponts,
Comme un mors dans sa bouche,
Donnez-lui le roc à mâcher,
Mais empêchez-le de marcher,
Le Rhône âpre et farouche,

Qui descend des libres sommets
Et va, sans se tarir jamais,
Aux flots intarissables
Mêler ses flots par trois sillons,
Autant que l’ongle des lions
En creuse dans les sables !

Le Rhône est fier. — Comme le Rhin,
Il a ses vieux donjons d’airain ;
Comme un fleuve de neige,
Ses sapins verts au dur profil,
Et ses palmiers comme le Nil,
Et puis encor… que sais-je ?

Camargue fauve, taureaux noirs
Regardent vaguement les soirs
Couler l’onde sonore,…
Hérons pensifs, flamans rosés,
Dont le vol aux cieux embrasés
Est semblable à l’aurore.

Le Rhône est fort. — Comme la mer,
Il traîne des galets de fer
Avec un bruit de chaînes ;
Il a pour rives du granit
Si haut que l’aigle y fait son nid,
Et pour roseaux des chênes !

 Ah ! le vieux mâle ! sur son dos
Qu’on charge les plus lourds fardeaux,
Plomb ou pierre, qu’importe ?
Et qu’importe voile ou vapeur ?
Un vaisseau ne lui fait pas peur,
Il dit : Viens ! et l’emporte.

Tombe des pics, franchis le val !
Au grand galop comme un cheval
Rase la plaine immense,
Fends les lacs et fends les coteaux
De l’acier tranchant de tes eaux,
Mon grand fleuve en démence !

Mon grand fleuve rude aux flancs gris,
Que, dans l’écume, avec des cris,
Le mistral éperonne !
Passe magnifique, ô mon roi :
Nulle majesté mieux que toi
Ne porte sa couronne.

Passe et mire en ton cours fécond
Fillette brune et raisin blond,
Ceps rians, belles femmes ;
Heureux le peuple de tes bords !
Il a le vin, âme des corps,
Et l’amour, vin des âmes.

O fils des monts immaculés !
Tu roules toujours plus troublés
Tes flots de lieue en lieue ;
Rhône indigné, l’âme est ainsi,
L’âme qui se perd, elle aussi,
Dans l’immensité bleue !

Le Rhône
Édouard Pailleron
Avril
Revue des Deux Mondes
Tome 49 – 1864

****

LE RHÔNE PAR VOLTAIRE

Le Rhône sort en cascade de la ville pour se joindre à la rivière d’Arve, qui descend à gauche entre les Alpes ; au delà de l’Arve est encore à gauche une autre rivière, et au delà de cette rivière, quatre lieues de paysage. À droite est le lac de Genève ; au delà du lac, les prairies de Savoie ; tout l’horizon, terminé par des collines qui vont se joindre à des montagnes couvertes de glaces éternelles, éloignées de vingt-cinq lieues, et tout le territoire de Genève semé de maisons de plaisance et de jardins.

Voltaire
Correspondance  : année 1760
4107 À M. WATELET
Garnier (Œuvres complètes de Voltaire, tome 40)

****

Le Rhône et la Saône
André Vermare
*****


Photo Jacky Lavauzelle André Vermare Le Rhône et la Saône

MONTAIGU DE QUERCY, la clef de la vallée – Tarn-et-Garonne

FRANCEMontaigu de Quercy Jacky Lavauzelle

 Photo Jacky Lavauzelle


 PHOTOS JACKY LAVAUZELLE

 


************************* 





QUERCY

MONTAIGU DE QUERCY
La clef de la vallée

**

Montaigu de Quercy Photo Jacky Lavauzelle
« Il faisait un août à racornir les arbres, Les cieux semblaient plaqués de pierres & de marbres » Léon Cladel
Photo Jacky Lavauzelle
« Empourpré, le soleil allongeait en silence Ses grands dards trisaigus comme des fers de lance, Et le sol, assailli de toutes parts, fendu, S’ouvrait aux rayons chauds comme le plomb fondu  » Léon Cladel
Montaigu de Quercy Photo Jacky Lavauzelle
« Un mont qui, sous la voûte en feu du firmament, Flamboyait, chauve & nu, dans le rayonnement Immense des cieux. » Léon Cladel
Photo Jacky Lavauzelle
« Tout renaît & palpite, & tout, monts, plaines, eaux, » Léon Cladel
Photo Jacky Lavauzelle
« Et si tout respirait, on ne l’entendait pas » Léon Cladel
Photo Jacky Lavauzelle
Les cieux semblaient plaqués de pierres & de marbres, Rien ne bougeait en haut, rien ne bougeait en bas » Léon Cladel
Photo Jacky Lavauzelle
« un brave oiseau parla Dans un arbre ! » Léon Cladel
Photo Jacky Lavauzelle
« De ses langues de feu l’élémentaire flamme Ardait tout, m’arrivant, subtile, jusqu’à l’âme, » Léon Cladel
Photo Jacky Lavauzelle
 » Et je croyais qu’en proie à cet ardent baiser, J’allais m’évanouir & me vaporiser ; » Léon Cladel
Photo Jacky Lavauzelle
 » Et qu’altérés, chauffés au point de se dissoudre, Incendiés, noircis, calcinés, mis en poudre, » Léon Cladel
Photo Jacky Lavauzelle
 » Ravins & mamelons, encore tout fumants, Se désagrégeraient sous ces cieux incléments ; Et déjà je pleurais, hélas ! sur nos vallées… » Léon Cladel

Photo Jacky Lavauzelle  Photo Jacky Lavauzelle

**

LÉON CLADEL

EN QUERCY, L’ÉTÉ

La campagne éclatait, embrasée ; & les blés
Jaunis succombaient sous leurs épis d’or brûlés ;
Il faisait un août à racornir les arbres,
Les cieux semblaient plaqués de pierres & de marbres,
Rien ne bougeait en haut, rien ne bougeait en bas,
Et si tout respirait, on ne l’entendait pas ;
Empourpré, le soleil allongeait en silence
Ses grands dards trisaigus comme des fers de lance,
Et le sol, assailli de toutes parts, fendu,
S’ouvrait aux rayons chauds comme le plomb fondu ;
Pas d’air ; à l’horizon d’immenses prés, dont l’herbe
Ourlait une forêt immobile & superbe ;
Un grand fleuve arrêté, comme s’il était las,
Réverbérant du ciel les splendides éclats ;
Et plus loin, dévoré par les baisers de l’astre,
Un mont, dans la lumière ; un mont, tel qu’un pilastre ;
Un mont qui, sous la voûte en feu du firmament,
Flamboyait, chauve & nu, dans le rayonnement
Immense des cieux.
Immense des cieux. Or, étendu sous un orme
Dont le soleil trouait la frondaison énorme,
Je regardais la roche âpre, chauffée à blanc,
Corrodée à la cime & corrodée au flanc,
Et, sous elle, l’abîme intense de la plaine
Avalant tout le feu dont la nue était pleine ;
Et je voyais flamber dans le miroir de l’eau
Les cheveux du soleil & les bras du bouleau ;
Mais, si loin que mes yeux lassés pouvaient s’étendre,
Rien de vert, rien de doux, rien d’ombreux, rien de tendre
Ne se montrait parmi l’irradiation
De la nature, tout entière en fusion.
Nul souffle. Aucun bruit. Rien ne remuait. Les terres,
Au nord comme au midi, rutilaient, solitaires
Sous ce ciel implacable & rempli d’un éclair,
Qui n’avait pas de trêve & qui dévorait l’air.
De ses langues de feu l’élémentaire flamme
Ardait tout, m’arrivant, subtile, jusqu’à l’âme,
Et je croyais qu’en proie à cet ardent baiser,
J’allais m’évanouir & me vaporiser ;
Et qu’altérés, chauffés au point de se dissoudre,
Incendiés, noircis, calcinés, mis en poudre,
Ravins & mamelons, encore tout fumants,
Se désagrégeraient sous ces cieux incléments ;
Et déjà je pleurais, hélas ! sur nos vallées…
Sur ma vallée autour de laquelle, empilées,
S’étagent dans l’azur des crêtes de granit,
Où l’aigle farouche a ses petits & son nid
Royal !
Royal ! O joie !…
Royal ! O joie !… Émus, les cieux impérissables
Se mouillent tout à coup, &, sur l’éclat des sables,
Mille atomes d’or pur, par un souffle enlevés,
Miroitent en dansant dans les airs avivés.
En vain le grand soleil agrandit son cratère,
Les gramens, les gazons ondulent sur la terre :
Avoines, blés, maïs, redressent leurs cheveux,
Et le saule, oscillant sur ses orteils baveux.
Incline vers les eaux sa difforme ramure
Où le vent, revenu, pleure, rit & murmure…
Tout renaît & palpite, & tout, monts, plaines, eaux,
Se meut ! Yeuses, sapins, houx, chênes & roseaux,
Les grands bois font sonner leurs cimes inégales ;
Et l’on entend des chants incertains de cigales
Et mille bruits charmants errant par-ci par-là :
Soudain, — j’en pleure encore, — un brave oiseau parla
Dans un arbre !
Léon Cladel
En Quercy, l’été
Le Parnasse contemporain  : Recueil de vers nouveaux
1869-1871

**

LE QUERCY DANS
LA PREMIERE ENCYCLOPEDIE

QUERCY le (Géog. mod.) en latin Cardurcinus pagus, province de France dans le gouvernement de Guyenne ; elle est bornée au nord par le Limousin, au midi par le haut Languedoc, au levant par le Rouergue ; & au couchant par l’Agénois & le Périgord.
On divise le Quercy en haut & en bas ; le Lot en fait la séparation. Cahors est la capitale, & Montauban est le principal lieu du bas Quercy ; Cahors & Montauban sont deux évêchés.
Le Quercy est un pays peu commerçant, mais fertile en bled, en fruits & en excellens vins : voici l’histoire de cette province.
Le nom de Quercy ou Cahourcin, comme les anciens le nommoient, & celui de sa capitale, Cahors, sont venus de Cadurci, peuple célebre dans les commentaires de César, par sa valeur, & pour avoir tenu jusqu’à sa mort le parti de Vercingentorix. Ce peuple alors étoit du nombre des Celtes ; mais Auguste l’attribua à l’Aquitaine ; & depuis sous Valentinien, après la division de la Province en deux, c’est-à-dire en premiere & seconde, les Cadurci furent mis sous la premiere, & sous la métropole de Bourges. Les Visigots s’en rendirent les maîtres dans le cinquieme siecle, & ils en furent dépossédés au commencement du sixieme par les François. Les rois françois ayant partagé entr’eux l’Aquitaine, le Quercy échut aux rois d’Austrasie, qui ont possédé ce pays jusqu’au déclin de la race de Clovis, lorsqu’il n’y avoit plus qu’un prince qui avoit le titre de roi, mais dont l’autorité étoit entre les mains des maires du palais. Eudes, duc d’Aquitaine, dans le commencement du buitieme siecle, se rendit maître de Cahors, comme de tout le reste de l’Aquitaine, & ses descendans ont été en possession du Quercy jusqu’au tems du roi Pepin qui conquit toute l’Aquitaine.
Les rois de la France occidentale, depuis Charles le Chauve, jouirent du Quercy jusqu’au regne de Louis d’Outremer. Ce fut alors que les comtes de Toulouse, qui s’étoient rendus absolus dans leur comté, s’approprierent le Quercy. Ensuite cette contrée fut ôtée aux descendans de Raymond de Saint-Gilles, & adjugée par le haut domaine à saint-Louis, par une sentence que les légats du pape rendirent l’an 1228. Le Roi Jean fut contraint par le traité de Bretigny de céder aux Anglois le Quercy en toute souveraineté, & ils en jouirent à ce titre, jusqu’au regne de Charles V. qui reprit ce que son pere avoit perdu en Aquitaine. Depuis ce tems-là le Quercy est demeuré uni à la couronne de France. (D. J.)
Charles de Jaucour
Première Edition de l’Encyclopédie
1751 – Tome 13

FRANCEMontaigu de Quercy Jacky Lavauzelle

KL Forest Eco Park – Bukit Nanas Nature Reserve KUALA LUMPUR

Pelancongan di Malaysia
Voyage en Malaisie
PHOTO JACKY LAVAUZELLE

 




KL Forest Eco Park

 Visiter Kuala Lumpur
Meneroka kota Kuala Lumpur
Melawat Kuala Lumpur
吉隆坡
Куала-Лумпур

*








Bukit Nanas Nature Reserve
KL Forest Eco Park

Hutan Simpan Bukit Nanas, Jalan Raja Chulan-Kuala Lumpur

Au pied de la KL Tower, s’ouvre un écrin de verdure et de fraicheur sur une butte qui longe la Jalan Raja Chulan : le KL Forest Eco Park, entre China Town, le Bukit Bitang et les Petronas Twin Towers.

« Sous les rayons vivants de tes chaudes prunelles
Le jardin de mon cœur fleurit abondamment,
Et l’encens de ses fleurs transparentes et belles
Parfume la splendeur tiède du ciel charmant. »

Louis-Xavier de Ricard
Le Jardin -Le Parnasse contemporain : Recueil de vers nouveaux, Slatkine Reprints, 1971, I. 1866

« Et tout en l’écoutant, tu laisses tes mains blanches
Dont la chair diaphane est faite de clarté,
Courir dans l’émail jeune et délicat des branches,
Comme un rapide éclair dans le ciel de l’été. »

Louis-Xavier de Ricard
Le Jardin -Le Parnasse contemporain : Recueil de vers nouveaux, Slatkine Reprints, 1971, I. 1866

« Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres
D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux !
Ne retiendra ce cœur qui dans la mer se trempe
Ô nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,
Lève l’ancre pour une exotique nature !… »

Stéphane Mallarmé
Vers et Prose
Perrin et Cie, 1893

x

Achille Millien : Vie & Œuvre




 


ACHILLE MILLIEN
1838-1927
(Beaumont-la-Ferrière)

-Photos Jacky Lavauzelle-

Achille Millien par Paul Adolphe Rajon Artgitato Oeuvres et Poèmes

Achille Millien
Gravure de Paul Adolphe Rajon

************




1
CROQUIS DE JUILLET

2
À Camoëns

3
LABOUR

4
BRUIT DE CHAR
(Sonnet)

5
LE RIRE

6
LES TROIS FILLES

7
LA VIEILLE AVARE

8
L’INVALIDE

9
PAUVRES DIABLES

10
LA MORT DU CHAT

11
LE DERNIER SOUPIR DE L’ANNÉE

*

Annexe
Vie & Œuvre d’Achille Millien

********

1
CROQUIS DE JUILLET

Le soleil de juillet flétrit la marguerite
Et pèse lourdement au front du bouton d’or.
La brise au plus profond des bois muets s’abrite :
Le soleil luit toujours, le soleil luit encor !

Dans les prés à demi desséchés, rien ne bouge ;
Pas un bruit n’interrompt le sommeil des échos.
Les faucheurs sont couchés au bord du sainfoin rouge,
Marqué de traits de feu par les coquelicots.

Au cœur des charmes tors, penchés le long des orges,
Où nul épi tremblant ne frôle un autre épi,
Les oiseaux se sont tus, même les rouges-gorges ;
Et le grillon jaseur déjà s’est assoupi.

Les roseaux, dans le lit où bruissait la mare,
Quand le vent s’y baignait en passant autrefois,

Cachent trop aisément une eau dormante et rare
Où se blottit la raine immobile et sans voix.

La vie est ralentie et comme suspendue
Sous ce ciel d’azur clair, implacablement beau,
Qui verse aux champs, privés de l’ondée attendue,
Un calme où l’on pressent le calme du tombeau.

Ce silence m’effraie !… à ton vol, alouette !
Cigale, éveille-toi !… Mais d’un pli du terrain
Émerge tout à coup l’étrange silhouette
D’un être dont la voix écorche un gai refrain.

C’est un vieux mendiant, nu comme Diogène,
Qui s’abreuve à la source et qui loge au grand air,
Qui s’en va seul, toujours chantant, et que ne gêne
Ni l’ardeur de l’été ni le gel de l’hiver !

Le Parnasse contemporain
Recueil de vers nouveaux
1876

************

2
À Camoëns
[Luis de Camões]

 

I




Tout peuple a ses grands jours que burine l’Histoire,
Soit qu’après la bataille il fête la victoire,
Soit qu’à ses fils d’élite il dresse un monument
Ou que, tenant domptés les éléments esclaves,
D’un travail, dont sa force a vaincu les entraves,
Il célèbre l’achèvement.

 

Sans doute, au lendemain des heures meurtrières,
Il est beau d’applaudir les trompettes guerrières,
D’acclamer sous les plis du drapeau glorieux
Ces fiers soldats au front noir encore de poudre,
Qui couraient au combat aussi prompts que la foudre
Dont ils ont l’éclair dans les yeux ;

Mais dans ces rangs pressés sous nos regards avides,
La mort, la mort jalouse a creusé bien des vides :
Tous étaient au péril, tous sont-ils à l’honneur ?
Nos clameurs d’allégresse à beaucoup sont amères
Et le chant de triomphe éveille aux cœurs des mères
Des cris d’immortelle douleur.

Ah ! combien est plus douce et plus pure, la gloire
De ces grands et féconds esprits dont la mémoire
Rappelle un pas de plus fait par l’humanité
Sur le chemin étroit, mais lumineux, qui mène,
Loin de l’iniquité, de la nuit, de la haine,
À l’éternelle vérité !


II 


Pavoisez la place publique !
Voici qu’un large piédestal
Porte le héros pacifique
Dont s’illustre le sol natal.
La foule empressée et sereine,
Qui voit sa tête souveraine
Resplendir d’immortalité,
D’abord le contemple en silence ;
Puis l’applaudissement s’élance,
De tous les seins, dans la cité.Ô Camoëns, je te salue !
Ce feu qui brûle les grands cœurs
Avait trempé ton âme élue
Pour les plus sublimes labeurs.
L’Histoire aux mains impartiales
Fait aujourd’hui dans ses annales
Briller un nimbe sur ton nom,
Génie ardent, soldat fidèle,
Qui bondis d’un puissant coup d’aile
De l’hôpital au Panthéon !

 

 L’hôpital !… Après tant d’orages,
Injustement persécuté,
Souffrir les périls, les naufrages,
L’exil et la captivité ;
Chanter d’une voix surhumaine,
À laquelle répond la haine,
Le triomphe du Portugal ;
Vouer à ce but ton génie
Et mourir dans l’ignominie
Sur une couche d’hôpital !..

Mais sois vengé ! car ce génie
Si haut à nos yeux s’est placé
Que personne ne le dénie
Et que nul ne l’a dépassé !
Entends ce peuple qui t’acclame,
Qui pour te fêter n’a qu’une âme,
Offrir à ton nom rayonnant
Cette louange expiatoire ;
Vois-le, glorieux de ta gloire,
S’honorer en te couronnant !

III
 Ta patrie, ô poète, est ici tout entière ;
Ses enfants les plus chers te chantent à la fois ;
Ceux qui font son espoir et ceux dont elle est fière,
Eux tous pour te louer n’ont qu’une même voix. Dans ce pays, toujours à la muse fidèle,
Tous ceux qu’anime encor son souffle inspirateur
Reconnaissent en toi leur maître et leur modèle
Et te font en ce jour un cortège d’honneur. Au-dessus de la ville où les foules s’empressent,
Vision vague au fond de l’azur transparent,
Tes émules, les grands Portugais, m’apparaissent
Honorés, eux aussi, dans l’honneur qu’on te rend.Quebedo, Menezès, les chanteurs d’épopée,
Les voici ! Ribeiro près de Cortéréal ;
Ceux qui dans Alcaçar brisèrent leur épée ;
Toi, Bernardès, avec le pipeau pastoral ;Vicente, Miranda, Ferreira qui d’Horace
S’assimila le charme et s’appropria l’art ;
Lobo, qui du printemps rendit si bien la grâce ;
Manoël enfin, seul, seul et triste à l’écart.

 

  Et, groupe souverain que la lumière inonde,
— Descendus aujourd’hui des lieux supérieurs,
J’aperçois ces esprits qui sont l’orgueil du monde,
Tes frères en génie aussi bien qu’en malheurs,

Le Tasse, avec des pleurs sous sa paupière ardente,
Puis Homère et Milton aveugles tous les deux.
Et le rude exilé que l’on appelle Dante,
Qui fixa sur l’enfer son regard hasardeux.

Chacun veut, Camoëns, assister à ta fête ;
Ta fête, c’est la leur ; ta gloire et tes combats
Sont connus d’eux ; chacun effeuille sur ta tête
Un brin de ce laurier qui renaît sous leurs pas.


IV

Puissance du génie ! aux deux pôles du monde
Plus vive que l’éclair, la lumière féconde
De son flambeau sacré que Dieu même alluma,
Court et vole ! Il n’est point d’obstacle qui l’arrête,
Et le pauvre soldat a porté sa conquête
Plus loin que celle de Gama.

Les âmes sont à lui. Que sur la terre entière
Les cités d’aujourd’hui ne soient plus que poussière,
Tes plaintes, tendre Inès, se rediront encor
Partout, en quelque lieu qu’un cœur d’amant frissonne.
Et bien loin par-delà le rivage où résonne
L’éternel cri d’Adamastor.

Camoëns, du milieu de la France, un poète.
De même qu’un vassal qui vient, courbant la tête
Devant son suzerain témoigner de sa foi,
T’admire, te salue et t’envoie en hommage,
Au pied du monument qui porte ton image,
Ces vers trop peu dignes de toi.


V
 Portugal, Portugal, fertile et noble terre,
Où fleurit le rameau du progrès salutaire,
Où la muse est chérie, où règnent les beaux-arts,
Marche vers l’avenir dont l’appel te convie,
Marche en avant toujours sans que ton pied dévie
En dépit de tous les hasards.

Ton bras n’est point lassé ni ta veine tarie,
Espère et souviens-toi !.. Louange à la patrie
Qui, pour guider ses pas vers des jours triomphants,
Pour aller aux destins que le siècle lui garde,
Peut, vantant son passé, faire sa sauvegarde
De la gloire de ses enfants !

Alphonse Lemerre, Éditeur
pp. 1-8
****************

3

LABOUR

Par le champ qui décrit sa courbe dans l’azur,
Les six bœufs deux par deux vont d’un pas lent et sûr,
Traînant le soc où l’homme aux cheveux gris s’appuie
Et qui fend le sol dur tant assoiffé de pluie.
Matin ensoleillé de juin qui resplendit.
Un jeune paysan, toucheur de bœufs, brandit
L’aiguillon d’un geste ample et comme hiératique
Et chante à pleine voix selon le mode antique :

« Ho ! les beaux bœufs nourris par moi
 Dans les étables de la ferme,
 Tio ! tio ! holéha holé !
 Bons au labour, bons au charroi,
 Tirez bien droit, marchez bien ferme,
 Tio ! tio ! hip ! »

Les bœufs blancs, œil mi-clos, mufle rose et baveux,
En un commun effort tendent leurs cous nerveux.
Jusques au bas du champ droite descend la raie.
Un bref instant de pause à l’ombre de la haie,
Puis les couples vaillants vont, patients et doux,
Pour un autre sillon repartir… Etles jougs
Grincent sous la courroie, et le soc luisant crie
En pénétrant au sein de la terre meurtrie.

« Ho ! mes valets, mes compagnons
 De tous les temps, calme ou tempête,
 Tio ! tio ! holéha holé !
 Gentils et forts, fiers et mignons,
 Hardi ! mes bœufs que rien n’arrête,
 Tio ! tio ! hip ! »

Et toujours les six bœufs vont d’un pas régulier,
D’un bout à l’autre bout, par le champ familier,
le sol s’échauffe tel qu’un fourneau qu’on allume ;
Par essaims s’attachant au poil mouillé qui fume,
Le taon vorace fait rougir un point sanglant
Sur la rose blancheur du poitrail ou du flanc…
Et toujours le soc clair, sans hâte, sans secousse,
Soulève en frémissant la glèbe brune et rousse.

« Courage, amis ; tirez, mes bœufs !
 Encore un tour ou deux peut-être,
 Tio ! tio ! holéha holé !
 Et vous irez aux prés herbeux
 Jusqu’à demain dormir et paître,
 Tio ! tio ! bip ! »

L’attelage gravit la côte, raffermi
Au rythme caressant de ce langage ami
Qui berce doucement sa fatigue trompée.
Et le vieux laboureur, qu’aussi la mélopée
Ranime pour guider le soc d’un effort sûr,
Un pied dans le sillon, l’autre sur le sol dur,
Dans sa marche inégale aux bras de la charrue
Se courbe, en arrosant de sa sueur, accrue
Parle soleil qui monte au plein ciel de l’été,
Son œuvre de puissance et de fécondité.

[Aux Champs et au Foyer]

**************

4

BRUIT DE CHAR

(Sonnet)

L’horizon, lac de pourpre où le soleil se plonge,
Blesse par trop d’éclat mes yeux endoloris ;
Voici que des hauteurs l’ombre descend, s’allonge
Sur la plaine où déjà s’appellent les perdrix.

 Et d’instant en instant le crépuscule ronge
Les dernières lueurs au flanc des coteaux gris :
Heure du vol muet de la chauve-souris ;
Heure où dans l’âme en paix éclot la fleur du songe.

 Solitude et silence alentour… Seulement,
Du plus profond des bois obscurs un roulement
De chariot m’arrive en rumeur incertaine…

Sais-je pourquoi, le cœur serré sous un poids lourd,
Avec anxiété j’écoute ce bruit sourd
Et saccadé d’un char sur la route lointaine ?

[Aux Champs et au Foyer]

****************

5

LE RIRE

Le rire clair et sain ne hante plus nos lèvres.
Le rire large et haut, joyeusement vibrant,
Ne sait plus, comme aux jours de l’aïeul calme et franc,
S’envoler de nos cœurs brûlés de folles fièvres.

Le rire où se mêlait liesse et réconfort,
Le rire cordial pour la lutte prochaine,
Qui, détendant l’esprit oublieux de la peine,
Le rendait plus égal, plus tranquille et plus fort,

Lumineux, éclatant, plus vif qu’une fusée,
Sonore, épanoui, plus gai qu’un chant d’oiseau,
Plus frais que le premier bouton de l’arbrisseau ;
C’était comme la fleur de l’âme reposée.

Notre sombre gaité sonne faux. Aujourd’hui
Que nous errons sans but, privés d’espoirs suprêmes,
Inquiets, défiants de tous et de nous-mêmes,
Le rire, sous un vent d’âpre amertume, a fui ;

Et d’un ennui nouveau traînant le poids immense,
Nos fronts portent le sceau d’une morosité
Où — Dieu garde nos fils de cette hérédité ! —
Plus d’un voit en tremblant des germes de démence.

[Aux Champs et au Foyer]

*********

6

LES TROIS FILLES

Trois filles — c’est à l’heure où la journée expire —
S’en vont le long des prés et la main dans la main.
L’une chante gaiment en suivant le chemin,
L’autre rêve et sourit, la troisième soupire.

L’une dit : « Qu’est-ce donc que l’amour, ô mes sœurs ?
— Je l’ignore, répond la seconde ; en un livre
J’ai lu que sans l’amour un cœur ne saurait vivre.
— L’amour, je le connais, reprend l’autre, et j’en meurs !

[Chez nous]

***********

7
LA VIEILLE AVARE

(Sonnet)

 

Donc la vieille avare est au lit de mort,
L’agonie au cœur l’étreint et la mord :
A-t-elle un regret ? A-t-elle un remord ?
Ah ! quitter ses biens, c’est ce qui la navre.

 Elle a dès longtemps rompu tout lien ;
Parents, amis, rien ! elle n’a plus rien,
Pas un serviteur et pas même un chien
Pour veiller ce soir près de son cadavre.

 Sur une escabelle une lampe luit,
Tremblante clarté que l’ombre poursuit ;
Au dehors s’élève un étrange bruit :

 L’oiseau de la Nuit hulule à la porte,
L’oiseau de la Mort appelle la morte,
L’oiseau de l’Enfer attend qu’on l’emporte

[Chez nous]

**********

8
L’INVALIDE

Je sais tel homme ayant renom de débauché
Qui se pique, s’offense et fait l’effarouché
Sitôt qu’à son oreille arrive un mot trop libre.
Tel autre qui perdra volontiers l’équilibre
A force de vider ses flacons de bon vin,
Se scandalise à voir l’ivresse du voisin.
Leur indignation n’est pas hypocrisie,
Calcul intéressé ni simple fantaisie ;
La vertu qu’ils n’ont plus s’émeut sincèrement.
Or chacun sur leur cas émet son sentiment,
Les uns pour les blâmer, les autres pour en rire.
« Moi, je les comprends bien, très bien, se met à dire
L’invalide ; je souffre encor de temps en temps
Du bras que j’ai perdu depuis plus de trente ans ! »

[Chez nous]

**********

9

PAUVRES DIABLES

 

Les pauvres diables vont trimant
Vers un but qui toujours recule.
A l’aube comme au crépuscule
Et sous le soleil inclément,
Honteuse engeance à triste mine,
Dans la guenille et la vermine,
Les pauvres diables vont trimant.
Les pauvres diables vont peinant ;
Le fardeau leur courbe l’échine.
Dans la mine, avec la machine,
Sur la mer, sur le continent,
Dur est le pain, rude est la tâche,
Rare l’aubaine… Sans relâche,
Les pauvres diables vont peinant.
Les pauvres diables vont mourant.
Pour les consoler à cette heure,
La foi, l’espoir, rien ne demeure :
En maudissant, en exécrant
Le destin si peu tutélaire,
Fous de vengeance et de colère,
Les pauvres diables vont mourant.

[Chez nous]

**********

10

LA MORT DU CHAT

Sonnet

 

Cadet, le jeune chat, fin museau rose à peindre,
Dans sa robe tigrée au long velours soyeux,
Si vif et si mignon, si doux, si gracieux,
A senti, soudain triste, un mal cruel l’étreindre.

Il a passé six jours malade, sans se plaindre.
Malgré l’âpre douleur écrite en ses grands yeux
Attendant résigné, calme, silencieux,
La minute où la vie en lui devait s’éteindre.

Il a jeté trois fois un sec miaulement,
Une clameur d’angoisse et de déchirement,
Comme un mystérieux appel dont l’accent navre

Et c’est tout. Il est mort. Ses membres haletants
Se sont raidis… Et moi, je suis resté longtemps
Grave et sombre devant ce tout petit cadavre.

[Chez nous]

**********

11

LE DERNIER SOUPIR DE L’ANNÉE

 

L’aiguille au cadran d’albâtre
Va bientôt marquer minuit.
Décembre s’évanouit,
L’année expire ; dans l’âtre
Danse une flamme bleuâtre,
Et je rêve à l’an qui fuit.

L’espoir riait sur ta mine ;
Quoi lut ton œuvre, an qui meurs ?
llôlas ! tes rayons charmeurs
N’ont pas chassé la bruine,
Et toujours git la ruine

Dans le vide de nos cœurs.

Minuit sonne, voici l’heure :
J’entends, près de m’assoupir,
S’élever, hurler, glapir,
La bise sur ma demeure…
Pauvre année, au vent qui pleure
Jette ton dernier soupir !

[Chez nous]

 

***********

ANNEXE
Vie & Œuvre d’Achille MILLIEN

M. Achille Millien a donné des vers, des nouvelles, des articles de critique, etc., à des périodiques nombreux : la Revue Française, la Revue de la Province, le Mercure de France, l’Europe Littéraire, la Revue Indépendante, la Revue de Paris, la Semaine des Familles, la Gazette des Etrangers, la Suisse, le Cor’ respondant, la Vie Littéraire, le Musée Universel, la Revue Britannique, l’Art Universel, etc. ; il a collaboré à différents recueils collectifs : la Gerbe, l’Almanach du Sonnet, le Parnasse Contemporain, etc. En 1896, M. Achille Millien a fondé la Revue du Nivernais.

M. Achille Millien est né à Beaumont-la-Ferriere le 4 septembre 1838. Peu de temps après sa naissance, ses parents s’installèrent dans la maison qu’il occupe aujourd’hui et qu’il n’a guère quittée que tout jeune pour faire ses études au collège de Nevers.

Tout enfant, et dès l’âge de huit ans, — quoique très ardent au jeu, — il était déjà passionné de lecture. Il dut ses premières impressions littéraires au bon Florian, à la Jérusalem délivrée, au Roland furieux, et à toute cette bibliothèque de colportage qui allait de L’Enfant de la Forêt, de Ducray-Duminil, à Mathilde, de Mme Cottin. Et La Petite Fadette fut pour lui une révélation.

Après avoir subi l’épreuve du baccalauréat, M. Millien fut pendant quelque temps clerc de notaire dans l’unique étude de son village natal ; mais, cédant à sa vocation, il dit bientôt adieu au notariat. Vers cette même époque, il eut la douleur de perdre son père, et, dès lors, sa vive affection pour sa mère et les intérêts de son modeste patrimoine le retinrent plus que jamais au village.

En 1860, il publiait son premier recueil de vers .’ La Moisson’ qui, tout aussitôt, eut un succès éclatant. Hugo écrivait au jeune poète : « La senteur des prés et le souffle des bois sont dans vos charmantes géorgiques. » Le Morvan, au dire de la critique, avait trouvé « son Burns et son Brizeux ».

Encouragé par un tel accueil, M. Achille Millien fit paraître, en 1862, un second volume, Chants agrestes, qui confirma brillamment le succès du premier et dont Emile Deschamps disait : « Je recommande Chants agrestes comme une des plus heureuses et des plus hautes manifestations de la poésie actuelle. »

Le troisième volume de M. Millien, Poeme de la nuit (1863), couronné par l’Académie française, consacra définitivement la réputation de son auteur, qui, dès lors, se donna eutièrement aux lettres et s’occupa spécialement de recherches sur les légendes, les chansons, les mœurs et les coutumes de sa province. 

En 18S5, M. Millien perdit sa mère. « Du coup tout son être fut ébranlé. Sa veine poétique si riche, si féconde, parut épuisée… Pas d’autre travail possible que celui de ses explorations a travers le Nivernais… Sa santé s’altéra profondément… »

Cependant le ressort n’était pas brisé. Le poète finit par se remettre au travail, et, en peu d’années, publia, outre diverses brochures, plusieurs volumes d’une autre partie de son œuvre, traductions, prose et vers, de chants populaires ou de poètes étrangers. Il donnait aussi ses Etrennes nivernaises pour 1895 et pour 1896, et augmentait son bagage poétique d’un nouveau recueil : Chez nous (1896), voué à la glorification du terroir natal, des mœurs et des traditions ancestrales et que l’Académie couronna. Enfin, en 1900, parut Aux Champs et au Foyer, accueilli très favorablement, et qui faisait dire à M. Louis Tiercelin : « C’est une bonne fortune pour une province d’avoir pour défenseurs et pour apôtres des hommes comme Achille Millien… Robuste et sincère traducteur de la vie champêtre, Millien conserve dans ce décor profond toute l’indépendance de sa pensée, ne sert l’Idée que pour le grand profit des humbles de la glèbo, et non pour le sien. — Toute son ceuvre a un charme rayonnant qui a valu à ce fidèle du Nivernais la grande notoriété, la notoriété par infiltration, —pour ainsi dire, — la seule durable… » (Revue Nouvelle.)

Gérard Walch
Anthologie des poètes français contemporains
Ch. Delagrave, éditeur ; A.-W. Sijthoff, éditeur
1906
11e mille
Tome premier, pp. v-576