LE LIVRE DES CHANTS
LITTERATURE ALLEMANDE
Christian Johann Heinrich Heine
Deutsch Poesie
Deutsch Literatur
HEINRICH HEINE
1797- 1856
German poet
Poète Allemand
Deutsch Dichter
Übersetzung
Traduction Jacky Lavauzelle
Buch der Lieder
Die Heimkehr
VII
LE LIVRE DES CHANTS
LE RETOUR
1823-1824
Wir saßen am Fischerhause
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LA MAISON DU PÊCHEUR
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Wir saßen am Fischerhause,
Assis à la maison du pécheur,
Und schauten nach der See;
Regardant la mer ;
Die Abendnebel kamen,
La brume du soir s’annonçait
Und stiegen in die Höh’.
Qui vers le ciel s’élevait.
*
Im Leuchtthurm wurden die Lichter
Dans le phare, les lumières,
Allmählig angesteckt,
Les unes après les autres, s’allumèrent,
Und in der weiten Ferne
Et au loin, au large
Ward noch ein Schiff entdeckt.
Nous découvrîmes un bateau.
*
Wir sprachen von Sturm und Schiffbruch,
Nous évoquions la tempête, le naufrage,
Vom Seemann, und wie er lebt,
Le marin, et comment il vit,
Und zwischen Himmel und Wasser,
Entre ciel et eau,
Und Angst und Freude schwebt.
Entre peur et joie.
*
Wir sprachen von fernen Küsten,
Nous évoquions les lointains rivages,
Vom Süden und vom Nord,
Ceux du sud et ceux du nord,
Und von den seltsamen Menschen,
Et les étranges peuplades,
Und seltsamen Sitten dort.
Aux insolites coutumes.
*
Am Ganges duftet’s und leuchtet’s
Sur le Gange, fragrances et miroitements
Und Riesenbäume blüh’n.
Où des arbres géants fleurissent.
Und schöne, stille Menschen
Et beaux, des hommes sereins
Vor Lotosblumen knie’n.
S’agenouillent devant des fleurs de lotus.
*
In Lappland sind schmutzige Leute,
En Laponie, des gens sales,
Plattköpfig, breitmäulig und klein;
Crasseux, crânes plats et petite tailles ;
Sie kauern um’s Feuer, und backen
Se blottissent autour du feu et cuisent
Sich Fische, und quäken und schrei’n.
Leur pêche, et gloussent et crient.
*
Die Mädchen horchten ernsthaft,
Les filles écoutaient sérieusement,
Und endlich sprach Niemand mehr;
Et enfin le silence se fit ;
Das Schiff war nicht mehr sichtbar,
Le navire n’était plus visible,
Es dunkelte gar zu sehr.
Il faisait nuit, complétement.
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HEINRICH HEINE
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UNE HISTOIRE DE SOUFFRANCE
Les Mains & La Beauté musicale de Heine
Mais ce qui m’intéressait plus encore que les discours de Heine, c’était sa personne, car ses pensées m’étaient connues depuis longtemps, tandis que je voyais sa personne pour la première fois et que j’étais à peu près sûr que cette fois serait l’unique. Aussi, tandis qu’il parlait, le regardai-je encore plus que je ne l’écoutai. Une phrase des Reisebilder me resta presque constamment en mémoire pendant cette visite : « Les hommes malades sont véritablement toujours plus distingués que ceux en bonne santé. Car il n’y a que le malade qui soit un homme ; ses membres racontent une histoire de souffrance, ils en sont spiritualisés. » C’est à propos de l’air maladif des Italiens qu’il a écrit cette phrase, et elle s’appliquait exactement au spectacle qu’il offrait lui-même. Je ne sais jusqu’à quel point Heine avait été l’Apollon que Gautier nous a dit qu’il fut alors qu’il se proclamait hellénisant et qu’il poursuivait de ses sarcasmes les pâles sectateurs du nazarénisme : ce qu’il y a de certain, c’est qu’il n’en restait plus rien alors. Cela ne veut pas dire que la maladie l’avait enlaidi, car le visage était encore d’une singulière beauté ; seulement cette beauté était exquise plutôt que souveraine, délicate plutôt que noble, musicale en quelque sorte plutôt que plastique. La terrible névrose avait vengé le nazarénisme outragé en effaçant toute trace de l’hellénisant et en faisant reparaître seuls les traits de la race à laquelle il appartenait et où domina toujours le spiritualisme exclusif contre lequel son éloquente impiété s’était si souvent élevée. Et cet aspect physique était en parfait rapport avec le retour au judaïsme, dont les Aveux d’un poète avaient récemment entretenu le public. D’âme comme de corps, Heine n’était plus qu’un Juif, et, étendu sur son lit de souffrance, il me parut véritablement comme un arrière-cousin de ce Jésus si blasphémé naguère, mais dont il ne songeait plus à renier la parenté. Ce qui était plus remarquable encore que les traits chez Heine, c’étaient les mains, des mains transparentes, lumineuses, d’une élégance ultra-féminine, des mains tout grâce et tout esprit, visiblement faites pour être l’instrument du tact le plus subtil et pour apprécier voluptueusement les sinuosités onduleuses des belles réalités terrestres ; aussi m’expliquèrent-elles la préférence qu’il a souvent avouée pour la sculpture sur la peinture. C’étaient des mains d’une rareté si exceptionnelle qu’il n’y a de merveilles comparables que dans les contes de fées et qu’elles auraient mérité d’être citées comme le pied de Cendrillon, ou l’oreille qu’on peut supposer à cette princesse, d’une ouïe si fine qu’elle entendait l’herbe pousser. Enfin, un dernier caractère plus extraordinaire encore s’il est possible, c’était l’air de jeunesse dont ce moribond était comme enveloppé, malgré ses cinquante-six ans et les ravages de huit années de la plus cruelle maladie. C’est la première fois que j’ai ressenti fortement l’impression qu’une jeunesse impérissable est le privilège des natures dont la poésie est exclusivement l’essence. Depuis, le cours de la vie nous a permis de la vérifier plusieurs fois et nous ne l’avons jamais trouvée menteuse.
Émile Montégut
Esquisses littéraires – Henri Heine
Revue des Deux Mondes
Troisième période
Tome 63
1884
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