Traduction Jacky Lavauzelle
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Les Poèmes
de Catulle
Erato la Muse de la Poésie Lyrique
Simon Vouet
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Cui dono lepidum novum libellum
A qui dédier ce nouveau livre charmant
Arida modo pumice expolitum?
Que l’aride pierre ponce a lissé ?
Passer, deliciae meae puellae,
Passereau, délice de ma jeune amante,
Quicum ludere, quem in sinu tenere,
Avec qui elle joue et qu’elle tient sur son sein,
Lugete, O Veneres Cupidinesque,
Pleurez, O Amours
et quantum est hominum venustiorum:
et vous aussi hommes vénérables :
Phaselus ille, quem videtis, hospites,
Ce bateau, que vous voyez, à ce que l’on dit,
Ait fuisse navium celerrimus,
Etait le plus rapide des navires
Vivamus mea Lesbia, atque amemus,
Vivons, ma Lesbie, et aimons-nous,
Rumoresque senum severiorum
Les rumeurs de la sévère sénilité
Flavi, delicias tuas Catullo,
Flavius, à ton cher Catulle,
Ni sint illepidae atque inelegantes,
Sauf si ce sont des choses laides et inélégantes
Quaeris, quot mihi basiationes
Si tu me demandes combien de baisers
Tuae, Lesbia, sint satis superque.
De ta part, Lesbie, sont satisfaisants et sont assez.
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Catullus Building desinas ineptire,
Pauvre Catulle, cesse d’être stupide,
Perditum ducas quod inane pereundum.
Ce qui est perdu est mort à jamais .
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Verani, omnibus e meis amicis
Veranius , le premier de tous mes amis,
antistans mihi milibus trecentis,
Le plus cher de tous,
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Varus me meus ad suos amores
Varus m’entraîne vers l’objet de sa flamme
visum duxerat e foro otiosum,
M’ayant trouvé au milieu du forum ;
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Furi et Aureli comites Catulli,
Furius et Aurélius, compagnons de Catulle
sive in extremos penetrabit Indos,
Pénétrant les lointaines Indes,
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Marrucine Asini, manu sinistra
Asinus, toi le Marrucin*, à la main gauche
non belle uteris: in ioco atque vino
Si preste, frétillant gaiement sous les effets du vin
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Cenabis bene, mi Fabulle, apud me
Comme tu dîneras bien chez moi, mon cher Fabullus,
paucis, si tibi di favent, diebus,
Bientôt, si les dieux te sont favorables,
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Ni te plus oculis meis amarem,
Si plus que mes yeux je ne t’aimais,
iucundissime Calve, munere isto
Charmant Calvus, de ce cadeau
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Commendo tibi me ac meos amores,
Je te confie mes amours en Juventius,
Aureli. veniam peto pudentem,
Aurélius. Je te demande seulement une faveur ;
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Pedicabo ego vos et irrumabo,
Allez-vous faire foutre et bien d’autres choses encore
Aureli pathice et cinaede Furi,
Mauviette d’Aurèlius et Furius la lopette,
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O Colonia, quae cupis ponte ludere longo,
O ville de Colonia, tu souhaites un pont majestueux
et salire paratum habes, sed vereris inepta
Pour d’excessives fééries, car tu as peur que le tien,
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Aureli, pater esuritionum,
Aurélius, père des disettes,
non harum modo, sed quot aut fuerunt
Celles d’aujourd’hui comme celles d’hier
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Suffenus iste, Vare, quem probe nosti,
Ce Suffénius, Varus, que tu connais bien,
homo est venustus et dicax et urbanus,
Est un homme charmant, délicat et sociable,
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Furi cui neque servus est neque arca
Furius, toi qui n’as ni serviteur ni argent
nec cimex neque araneus neque ignis,
Pas une seule punaise, pas une pauvre araignée, pas un misérable feu,
O qui flosculus es Iuventiorum,
O, petite fleur des Juventius,
non horum modo, sed quot aut fuerunt
non seulement des anciens, d’aujourd’hui
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Cinaede Thalle, mollior cuniculi capillo
Sybarite Tellus, plus mou que la poil du lapin
vel anseris medullula vel imula oricilla
Plus flottant que le duvet de l’oie, que le lobe de l’oreille
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Furi villula vestra non ad Austri
Furius, votre maison de campagne ne souffre ni de l’Auster du midi
flatus opposita est neque ad Favoni
ni du zéphyr d’occident,
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Minister vetuli puer Falerni
Esclave, toi qui nous donne du vin de Falerne,
inger mi calices amariores,
Donne-nous un vin avec plus sévère,
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Pisonis comites, cohors inanis,
Compagnons de Pison, dont sa cour reste vide
aptis sarcinulis et expeditis,
d’argent et dépourvue de malles,
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Quis hoc potest videre, quis potest pati,
Quel homme peut voir et peut accepter
Nisi impudicus et vorax et aleo,
Sinon un impudique, un vorace et un voleur,
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Alfene immemor atque unanimis false sodalibus,
Amnésique Alfénus Varus envers tes compagnons,
iam te nil miseret, dure, tui dulcis amiculi?
Es-tu déjà aussi sans pitié, implacable, pour ton ami si tendre ?
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Paene insularum, Sirmio, insularumque
Joyau de toutes les presqu’îles et de toutes les îles, ô Sirmione
ocelle, quascumque in liquentibus stagnis
bénie par Neptune, seigneur des eaux stagnantes
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Amabo, mea dulcis Ipsitilla,
Je t’en prie, ma douce Ipsithilla,
meae deliciae, mei lepores,
ma joie et le délice de mon existence,
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o Furum optime balneariorum
Ô grands voleurs des bains publics,
Vibenni pater et cinaede fili
Vibennius père et fils débauché,
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Dianae sumus in fide
Nous qui sommes à Diane dévoués,
puellae et pueri integri:
jeunes filles et chastes garçons :
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Poetae tenero, meo sodali,
Au délicat poète, à mon ami,
velim Caecilio, papyre, dicas
A Cécilius, je voudrais, papyrus, que tu lui dises
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Annales Volusi, cacata carta,
Annales de Volusius, papiers juste bons à torcher,
Votum soluite pro mea puella.
Vous devez réaliser le vœu de mon aimée.
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Salax taberna vosque contubernales,
Vous les gaillards habitués de la paillarde taverne,
A pilleatis nona fratribus pila,
Au neuvième pilier après le temple de Castor et Pollux,
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Malest, Cornifici, tuo Catullo
Le malheur frappe, Cornificius, ton ami Catulle,
Malest, me hercule, et laboriose,
Le malheur, par Hercule, et la douleur
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Ameana puella defututa
Améana, flétrie par le stupre et la débauche,
Tota milia me decem poposcit,
M’a demandé dix mille sesterces,
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Jam ver egelidos refert tepores,
Déjà, le printemps apporte les premières chaleurs
Jam caeli furor aequinoctialis
Déjà, les fureurs des vents de l’équinoxe sont apaisées
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Porci et Socration, duae sinistrae
Porcius et Socration, les deux mains gauches
Pisonis, scabies famesque mundi,
De Pison, à la fois gale et famine du monde,
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Mellitos oculos tuos, Juventi,
Tes doux yeux mielleux, Juventius,
Si quis me sinat usque basiare,
Si je pouvais les embrasser
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Disertissime Romuli nepotum,
Toi le plus éloquent des fils de Romulus,
Quot sunt quotque fuere, Marce Tulli,
D’aujourd’hui et d’hier, Marcus Tullius,
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O rem ridiculam, Cato, et jocosam,
Ô qu’elle est étrange, Caton, et rigolote,
Dignamque auribus et tuo cachinno.
Digne de tes oreilles et de ta bonne humeur.
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In te, si in quemquam, dici pote, putide Vetti,
Il est en ce monde un adage, infâme Vectius,
Id quod verbosis dicitur et fatuis :
Que l’on réserve quand on parle des personnes stupides :
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LA LANGUE DE CATULLE
À propos d’une traduction de Catulle
1882
On a voulu faire de Catulle, sans arguments bien solides, un poète aristocratique, un poète du grand monde, comme de sa Lesbie, sur des inductions plutôt que sur des preuves, ce que Brantôme appelait « une grande et honnête dame. » Je persiste à ne pas croire, pour ma part, que Lesbie fût la célèbre Clodia, mais je crois que bon nombre des fréquentations de Catulle furent parmi la bohème littéraire de Rome. Au surplus, la conciliation n’est pas si difficile. Ce que nous savons, en effet, c’est que, lorsque l’adolescent de Vérone arriva de sa province dans la capitale, il y subsistait, sous le raffinement de quelques habitudes, sous l’étalage du luxe et sous l’apparence de la civilisation, un grand fonds d’antique brutalité romaine. Si nous en pouvions douter, nous rapprendrions au moins de certaines épigrammes de Catulle lui-même, plus grossières que mordantes, et dont l’outrageuse crudité passe tout. C’est bien fait à M. Rostand de nous les avoir traduites. On ne peut pas juger d’un poète en commençant par faire exception de toute une partie de son œuvre, qui peut-être est celle que les contemporains en ont presque le plus goûtée. Là où Catulle est bon, il va jusqu’à l’exquis, et c’est bien de lui que l’on peut dire aussi justement que de personne qu’il est alors le mets des délicats ; mais là où il est grossier, il l’est sans mesure, et c’est bien encore de lui que l’on peut dire qu’il est le charme de la canaille. Or, à Rome, en ce temps-là, dans le sens littéraire de l’un et l’autre mot, la canaille et les délicats, c’était presque tout un. On ne distinguait pas encore, selon le mot d’Horace, la plaisanterie spirituelle de l’insolente rusticité. La curiosité de l’intelligence, vivement éveillée, capable de goûter les finesses de l’alexandrinisme, était en avance, pour ainsi dire, sur la rudesse des mœurs et la vulgarité des habitudes mondaines. Quand on grattait ces soupeurs qui savaient apprécier les jolies bagatelles du poète, on retrouvait le paysan du Latium, qui s’égayait, au moment du vin, à faire le mouchoir. La raillerie, comme à la campagne, s’attaquait surtout aux défauts ou disgrâces physiques. Je sais bien que, jusque dans Horace, la grossièreté du vieux temps continuera de s’étaler, mais ce ne sera plus de la même manière naïvement impudente. Au temps de Catulle, la délicatesse n’avait pas encore passé de l’esprit dans les manières. Quand il s’élevait seulement un nuage sur les amours du poète et de sa Lesbie, le docte traducteur de Callimaque s’échappait en injures de corps de garde. Cette société très corrompue ne s’était pas encore assimilé la civilisation grecque. Elle s’essayait à la politesse, elle n’y touchait pas encore. Et sous son élégance toute superficielle, elle manquait étrangement de goût. — Il me paraît que, si l’on examinée quel moment de notre histoire la plupart de ces traits conviennent, on trouvera que c’est au XVIe siècle, dans le temps précis que le contact des mœurs italiennes opérait sur la cour des Valois le même effet qu’à Rome, sur les contemporains de César, le contact des mœurs de la Grèce.
Il est plus délicat de parler de la langue de Catulle. Si cependant nous y croyons discerner de l’archaïsme, nous pourrons bien nous tromper sur le choix des exemples ; nous ne nous tromperons pas au moins sur le caractère général du style, puisque nous en avons pour garant le témoignage d’Horace, en ses Satires. Et, tout de même encore, si nous nous permettons d’y signaler du néologisme, il n’importera guère que nous nous méprenions sur un point particulier ; nous ne nous méprendrons pas au moins sur le fait, puisque Catulle appartenait à l’école de ces νεὠτεροι, dont Cicéron se moque en plusieurs endroits de sa Correspondance. On reconnaît, à ce conflit de l’archaïsme et du néologisme, une langue incertaine encore de la direction qu’elle prendra. C’est ainsi qu’il y a dans notre Ronsard quelque résidu de la langue de Marot et de Villon, mais quelque promesse aussi de la langue de Malherbe et de Corneille. Tel madrigal de Catulle est tout à fait dans le grand goût de Tibulle et d’Horace, et telle de ses épigrammes dans le goût trop salé de Lucilius et de Plaute. Les éléments du grand style sont déjà comme en présence les uns des autres, et l’art de les juxtaposer, ou de les souder même, est déjà connu, mais ils ne sont pas encore fondus ensemble, l’alliage est imparfait, la substance du métal n’est pas encore et partout homogène. Un autre trait concorde à celui-ci. Les critiques signalent dans les vers de Catulle un nombre assez considérable de termes populaires qui, dans l’âge suivant, ont disparu du bon usage. Mais, d’autre part, ils y notent unanimement de la mignardise et de l’afféterie, par exemple dans un fâcheux abus qu’il se permet des diminutifs. C’est une preuve que, dans la langue de son temps, la séparation n’est pas encore faite entre l’idiome vulgaire et l’idiome littéraire. On sent le prix de la simplicité, d’une part et, faute d’y pouvoir toujours atteindre, on y supplée par la grossièreté. Mais, d’autre part, on sent le prix aussi de la distinction, et, faute d’y pouvoir atteindre, on y supplée par la recherche. C’est ainsi que, des hauteurs où la Pléiade, pindarisant et pétrarquisant, guindait son orgueilleuse prétention, nous la voyons quelquefois qui retombe de toute sa hauteur, à la grossièreté de l’ancien fabliau. Il est également demeuré dans Catulle quelque chose du parler des portefaix de Rome, tandis que, d’autre part, il dérobait à l’école d’Alexandrie ses plus subtils raffinements. Et ainsi, ce que nous pouvons juger de sa langue s’accorde avec ce que nous savons de son temps, pour nous faire voir en lui le représentant d’un art intermédiaire entre l’art qui vient de finir et celui qui n’est pas encore né : telle fut exactement, comme on sait, la situation de nos poètes du XVIe siècle.
Ferdinand Brunetière
(1849 – 1906)
Revue littéraire – À propos d’une traduction de Catulle
Revue des Deux Mondes
Troisième période
Tome 54 1882
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