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A NAPOLEON – LE CINQ MAI – POEME DE ALESSANDRO MANZONI – Il Cinque Maggio -1821

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Alessandro Manzoni

Traduction – Texte Bilingue
Poesia e traduzione

LITTERATURE ITALIENNE

Letteratura Italiana

ALESSANDRO MANZONI
 7 mars 1785 à Milan — 22 mai 1873 à Milan


Alessandro Manzoni par Francesco Hayez

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Traduction Jacky Lavauzelle

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Il Cinque Maggio
Le cinq mai

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Édouard Detaille, Bonaparte pendant le siège de Toulon , musée de l’Armée

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Ei fu. Siccome immobile,
Il fut. Comme immobile,
dato il mortal sospiro,
dans son dernier soupir,
stette la spoglia immemore
un corps sans mémoire
orba di tanto spiro,
sans la force de tant d’esprit,
così percossa, attonita
laissant abattue, stupéfaite
 a terra al nunzio sta,
la terre à cette annonce,
l muta pensando all’ultima
pensant à la dernière
ora dell’uom fatale;
heure fatale de cet homme ;
né sa quando una simile
ne sachant si une telle
orma di pie’ mortale
  empreinte de mortel
la sua cruenta polvere
  sa poussière sanglante
 a calpestar verrà.
viendra fouler.
Lui folgorante in solio
Quand il éblouissait sur son trône
vide il mio genio e tacque;
mon esprit le vit et resta silencieux ;
 quando, con vece assidua,
quand, par un sort assidu,
cadde, risorse e giacque,
il tomba, à l’agitation et à l’émoi,
 di mille voci al sònito
aux mille voix venimeuses
 mista la sua non ha:
jamais je ne mêlai la mienne :
  vergin di servo encomio
ni à l’éloge servile
 e di codardo oltraggio,
ni à la lâche indignation,
  sorge or commosso al sùbito
après ce long essor subitement
 sparir di tanto raggio;
tant de lumières se sont éteintes ;
e scioglie all’urna un cantico
et un cantique se diffusa de l’urne
che forse non morrà.
qui peut-être jamais ne mourra.
Dall’Alpi alle Piramidi,
Des Alpes aux Pyramides,
dal Manzanarre al Reno,
du Manzanares au Rhin,
di quel securo il fulmine
avec quel assurance la foudre
tenea dietro al baleno;
suivait la lumière de l’éclair ;
scoppiò da Scilla al Tanai,
Eclatant de Scylla à Tanaïs [Le Don],
dall’uno all’altro mar.
de l’une à l’autre mer.
Fu vera gloria? Ai posteri
Était-ce la véritable gloire ? À la postérité
l’ardua sentenza: nui
la difficile sentence : nous
chiniam la fronte al Massimo
inclinons le front devant le Grand
Fattor, che volle in lui
Maître, qui voulait
del creator suo spirito
par l’ingéniosité de son esprit
più vasta orma stampar.
marquer d’une empreinte plus vaste.
La procellosa e trepida
La tempêtueuse et fervente
gioia d’un gran disegno,
joie d’un grand dessein,
l’ansia d’un cor che indocile
l’anxiété d’un cœur indocile
serve, pensando al regno;
qui sert, en pensant au royaume ;
e il giunge, e tiene un premio
et il y parvient, et trouva la récompense
ch’era follia sperar;
qu’il était insensé d’espérer ;
tutto ei provò: la gloria
éprouvant tout : la gloire
maggior dopo il periglio,
si majestueuse après le péril,
la fuga e la vittoria,
la fuite et la victoire,
la reggia e il tristo esiglio;
le règne et le triste exil ;
due volte nella polvere,
deux fois dans la poussière,
due volte sull’altar.
deux fois sur l’autel.
Ei si nomò: due secoli,
Il s’est nommé : deux siècles,
l’un contro l’altro armato,
l’un contre l’autre armé,
sommessi a lui si volsero,
soumis à lui, se tournèrent,
come aspettando il fato;
comme s’il attendait le destin ;
ei fe’ silenzio, ed arbitro
et lui, silencieux, arbitre
s’assise in mezzo a lor.
assit au milieu d’eux.
E sparve, e i dì nell’ozio
Et il disparu, et ces jours oisifs
chiuse in sì breve sponda,
s’enferma en ces étroits rivages,
segno d’immensa invidia
réceptacle d’une immense envie
e di pietà profonda,
d’une profonde pitié,
d’inestinguibil odio
d’une haine inextinguible
e d’indomato amor.
et d’un indomptable amour.
Come sul capo al naufrago
Comme sur la tête du naufragé
 l’onda s’avvolve e pesa,
la vague s’enroule et le coule,
 l’onda su cui del misero,
la vague sur laquelle le malheureux,
alta pur dianzi e tesa,
s’élevant au-dessus d’elle,
scorrea la vista a scernere
lui, discernait de sa longue vue
prode remote invan;
vainement les braves loin de lui ;
tal su quell’alma il cumulo
ainsi sur cet âme, une multitude
delle memorie scese.
de souvenirs descendit.
Oh quante volte ai posteri
Ah combien de fois à la postérité
narrar se stesso imprese,
il narra lui-même son entreprise,
e sull’eterne pagine
et sur les pages éternelles
cadde la stanca man!
l’homme fatigué s’écroula !
Oh quante volte, al tacito
Ah combien de fois, en silence
morir d’un giorno inerte,
dans la fin inerte du jour,
chinati i rai fulminei,
s’inclinaient ses puissants rayons,
le braccia al sen conserte,
les bras croisés,
stette, e dei dì che furono
il se posait, et les jours passés
l’assalse il sovvenir!
revenaient dans sa mémoire !
E ripensò le mobili
Et il pensait à toutes ces multiples
 tende, e i percossi valli,
campements, aux vallées traversées,
 e il lampo de’ manipoli,
aux éclatantes armures,
 e l’onda dei cavalli,
aux flots de cavaliers,
e il concitato imperio
à l’empire bouillonnant
e il celere ubbidir.
et au commandement éclatant.
Ahi! forse a tanto strazio
Hélas ! peut-être sur une telle agonie
cadde lo spirto anelo,
sur son esprit nostalgique s’est abattue,
e disperò; ma valida
qui le désespéra ; mais puissante
venne una man dal cielo,
vint une main du ciel,
e in più spirabil aere
et vers des airs moins viciés
pietosa il trasportò;
il se trouva transporté ;
e l’avviò, pei floridi
et suivit les florissants
sentier della speranza,
sentiers de l’espérance,
ai campi eterni, al premio
vers les champs éternels, vers cette récompense
che i desideri avanza,
qui devance les désirs,
 dov’è silenzio e tenebre
où règne le silence et l’obscurité
la gloria che passò.
de la gloire qui passa.
Bella Immortal! benefica
Belle immortelle ! charitable
Fede ai trionfi avvezza!
Foi aux triomphes habitués !
Scrivi ancor questo, allegrati;
Ecris encore ceci, sois heureux ;
ché più superba altezza
quelle hauteur plus superbe
al disonor del Gòlgota
vers le déshonneur du Golgotha
giammai non si chinò.
jamais ne se pencha.
Tu dalle stanche ceneri
Des cendres fatiguées
sperdi ogni ria parola:
écarte cette parole :
il Dio che atterra e suscita,
le Dieu qui terrasse et ressuscite,
che affanna e che consola,
qui précipite et qui console,
sulla deserta coltrice
sur ce lieu désert
accanto a lui posò.
à côté de lui posa.



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LA POÉSIE DE ALESSANDRO MANZONI – LA POESIA DI ALESSANDRO MANZONI

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Alessandro Manzoni

Traduction – Texte Bilingue
Poesia e traduzione

LITTERATURE ITALIENNE

Letteratura Italiana

ALESSANDRO MANZONI
 7 mars 1785 à Milan — 22 mai 1873 à Milan


Alessandro Manzoni par Francesco Hayez

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Traduction Jacky Lavauzelle

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EN ATTENDANT LA TEMPÊTE
ATTESA DEL TEMPORALE

Il fascino e l’angoscia del tempo foriero di burrasca, in cui la natura par che opprima ogni vivente.
Fascinante et angoissante s’annonce la tempête, dans laquelle la nature semble opprimer tout être vivant.

Chaïm Soutine, Le Grand Arbre, 1942, huile sur toile,99 × 75 cm, musée d’art de São Paulo, Brésil

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Illuminez-les de votre obscurité !
Occupati dei guai

Occupati dei guai, dei problemi
Prenez soin des problèmes
del tuo prossimo.
de votre voisin.

Raphaël, Autoportrait avec un ami, 1518, musée du Louvre, Paris

A NAPOLEON
LE CINQ MAI
Il Cinque Maggio
1821

Ei fu. Siccome immobile,
Il fut. Comme immobile,
dato il mortal sospiro,
dans son dernier soupir,

Édouard Detaille, Bonaparte pendant le siège de Toulon , musée de l’Armée

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Alessandro Manzoni

LE REQUIEM DE VERDI
Composé en 1874
en mémoire d’Alessandro Manzoni,
mort en 1873

Affiche annonçant l’exécution du Requiem de Verdi à
La Scala
le 25 mai 1874.
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MANZONI
SA VIE ET SES ŒUVRES

par
Marc-Monnier
Paru dans la Revue des Deux Mondes
Seconde période
tome 106
1873

Manzoni vient de mourir après quatre-vingt-huit années de vie et un demi-siècle de gloire, et l’Italie entière a voulu honorer cette mort triomphale par un déploiement exceptionnel de vénération. Les princes du sang ont suivi le convoi du poète, les grands corps de l’état figuraient officiellement aux obsèques avec des députations des cent villes italiennes ; les universités, les simples écoles, les associations ouvrières, étaient du cortège avec leurs drapeaux. Le dôme de Milan suffisait à peine pour contenir la foule des conviés, la ville entière était sur pied, les fenêtres pavoisées de bannières en deuil, les boutiques fermées ; les assistants se comptaient par cent mille, et, le front découvert, la tête baissée, saluaient avec un silence religieux cette apothéose de l’illustre mort. Ce ne fut pas seulement la fête d’un jour : l’ovation continue avec une constance remarquable ; on a donné le nom de Manzoni à une rue, à un théâtre de Milan ; on a ouvert une souscription pour ériger un monument «au grand Lombard» ; la commune a voulu acheter l’appartement qu’il habitait pour en faire une sorte de musée littéraire ; Florence a réclamé, mais inutilement, le glorieux cercueil pour le placer dans le panthéon de Santa-Croce auprès des monuments de Dante, de Galilée et de Machiavel. Les villes qu’il a traversées, les maisons où il a vécu, l’école même où il apprit à lire, ont déjà immortalisé son passage par une plaque de marbre ornée d’une inscription. Les journaux retentissent de ce nom, plus sonore que jamais, les brochures naissent par centaines, les poèmes, les sonnets surtout par milliers au bord de la fosse auguste ; tel poète qui avait cru pouvoir s’abstenir de chanter au milieu de ce tumulte enthousiaste a soulevé contre lui des imprécations, et on lui a mis de force la lyre à la main. Mais ne raillons pas, même dans ses tons un peu criards, l’acclamation unanime et spontanée de l’Italie entière : il est beau de voir cette nation débridée et non stimulée par l’éperon officiel rendre pour la première fois à un poète des honneurs qu’elle n’a jamais rendus encore à un roi.
Quelle différence pourtant entre l’emphase de ces démonstrations et la simplicité de l’homme de bien qui vient de disparaître ! Ceux qui l’ont vu l’autre jour encore dans la chambre où il avait fermé les yeux nous le montrent couché sur un lit de fer peint en rouge, le front très beau, le visage calme, le menton retenu par un mouchoir. Le corps reposait sur une couverture blanche avec une grande croix d’ivoire et d’ébène sur la poitrine, et sans autre ornement funèbre que deux candélabres allumés et posés sur une table de nuit. La chambre était vaste, mais modestement tapissée d’un papier jaunâtre à fleurs ; un bouquet de roses peintes s’épanouissait au centre du plafond. Quelques petits tableaux de dévotion, un crucifix pendu au mur près du lit, le portrait sans cadre du meilleur ami de Manzoni, le professeur Rossari, mort il y a deux ans, puis quelques sièges çà et là, un canapé en laine blanche et bleue, une petite table ronde en bois de noyer, avec un marbre jaune, enfin le vieux fauteuil préféré garni de cuir, voilà tout l’ameublement, toute la décoration de cette chambre patriarcale ; mais l’âme du maître était là. Était-elle aussi bien dans les funérailles fastueuses que les journaux nous ont décrites ? On peut en douter ; il est certain que Manzoni, si modeste et si aisément effarouché, eût été étourdi par tant de fanfares. Il l’eût été davantage encore par les hyperboles de ces récents admirateurs, qui le proclament tout à la fois le premier lyrique, le premier tragique et le premier romancier du siècle. Un Allemand que nous pourrions citer ne va pas jusqu’à le comparera Goethe, mais le place très certainement (ganz gewiss) au-dessus de Boccace, de Pétrarque et de l’Arioste ; cet Allemand est cependant un homme instruit et suffisamment informé. C’est ainsi qu’un fanatisme maladroit s’évertue à vouloir exhausser la réputation du poète au risque de la déraciner ; heureusement elle tient bon et peut résister aux plus robustes extases. Nous ne craignons donc pas de la diminuer en combattant ceux qui l’enflent outre mesure, et en tâchant de nous renfermer dans le juste et dans le vrai. Nous dirons franchement ce qui reste, à notre avis, d’une œuvre littéraire déjà ancienne, mais si fraîche encore dans ses parties les plus belles. Il ne sera pas sans intérêt de revoir à distance la muse qui a chastement ému plusieurs générations de lecteurs. L’homme aussi veut être étudié : il nous offre le spectacle intéressant d’une rare longévité sans défaillance. Sa vie de repos a été aussi longue que sa vie de travail, mais l’une n’a pas fait oublier l’autre ; il a pu se taire quarante ans sans se survivre, et il est mort intact, en pleine gloire, objet d’une dévotion qui allait croissant de jour en jour. Il y a là un fait à expliquer, peut-être une leçon à prendre ; aussi ne perdrons-nous pas notre temps en abordant encore, avec la respectueuse sincérité qu’il mérite, cet homme de génie qui fut un homme de bien…

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