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LE NUAGE EN PANTALON (MAÏAKOVSKI – 1915) DEUXIEME PARTIE

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Владимир Маяковский

русский поэт- Poète Russe
русская литература
Littérature Russe
 

 





 

Владимир Владимирович Маяковский
Vladimir Maïakovski

1893-1930

TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE
стихотворение Лермонтова

 




 Théâtre de Vladimir Maïakovski

VLADIMIR MAÏAKOVSKI
1915
Облако в штанах
LE NUAGE EN PANTALON

Тетраптих – Tétraptyque

II


DEUXIEME PARTIE



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Славьте меня!
Grâce !
Я великим не чета.
Je ne fais pas le poids.
Я над всем, что сделано,
Moi, sur tout ce qui est fait,
ставлю «nihil».
Je mets un «nihil».

….

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VLADIMIR MAÏAKOVSKI
1915




DANTE LA VITA NUOVA II- LA VIE NOUVELLE (1292)

DANTE LA VITA NUOVA LA VIE NOUVELLE
Traduction – Texte Bilingue
LITTERATURE ITALIENNE
Letteratura Italiana

DANTE ALIGHIERI
Firenze 1265 Florence – Ravenna 1321 Ravenne

chapelle du Palais de Bargello Florence
Cappella del Podestà Firenze
attribué à Giotto di Bondone
Il ritratto di Dante in un’elaborazione grafica
Détail

Traduction  Traduzione Jacky Lavauzelle

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DANTE ALIGHIERI

LA VITA NUOVA
1292
II

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II

 

Nove fiate già appresso lo mio nascimento era tornato lo cielo de la luce quasi a uno medesimo punto, quanto a la sua propria girazione, quando a li miei occhi apparve prima la gloriosa donna de la mia mente, la quale fu chiamata da molti Beatrice, li quali non sapeano che si chiamare.
Depuis ma naissance, neuf fois le ciel de la lumière s’était retrouvé sur un seul et même point, dans sa propre évolution, quand mes yeux aperçurent la dame glorieuse de mon esprit, qui était appelée par beaucoup Beatrice, ne sachant pas comment l’appeler.
Ella era in questa vita già stata tanto, che ne lo suo tempo lo cielo stellato era mosso verso la parte d’oriente de le dodici parti l’una d’un grado, sì che quasi dal principio del suo anno nono apparve a me, ed io la vidi quasi da la fine del mio nono.
Elle était à ce moment de sa vie où le ciel étoilé s’est déplacé vers le côté oriental d’une douzaine de degrés, de sorte que presque dès le début de sa neuvième année elle m’apparut, et moi j’étais presqu’à la fin de ma neuvième année.
Apparve vestita di nobilissimo colore, umile ed onesto, sanguigno, cinta e ornata a la guisa che a la sua giovanissima etade si convenia.
Elle m’est apparue vêtue d’une noble couleur, humble et honnête, rouge sang, qui seyait bien à son jeune âge.
In quello punto dico veracemente che lo spirito de la vita, lo quale dimora ne la secretissima camera de lo cuore, cominciò a tremare sì fortemente che apparia ne li mènimi polsi orribilmente;
À ce moment-là,  je dis sincèrement que l’esprit de vie, à travers lequel habite la chambre secrète du cœur, se mit à trembler si fort faisant battre mes membres horriblement ;
e tremando, disse queste parole:
et tremblant, dit ces paroles :
«Ecce deus fortior me, qui veniens dominabitur mihi».
« Voici là un dieu plus fort que moi, qui vient me dominer »
 In quello punto lo spirito animale, lo quale dimora ne l’alta camera ne la quale tutti li spiriti sensitivi portano le loro percezioni, si cominciò a maravigliare molto, e parlando spezialmente a li spiriti del viso, sì disse queste parole:
A ce moment, l’esprit animal qui habite la maison supérieure, dans laquelle tous les esprits sensibles portent leurs perceptions, commença à admirer intensément, et s’adressa plus particulièrement aux esprits de la vision en disant ces mots :
«Apparuit iam beatitudo vestra».
« Ce qui apparaît, c’est votre béatitude »
In quello punto lo spirito naturale, lo quale dimora in quella parte ove si ministra lo nutrimento nostro, cominciò a piangere, e piangendo, disse queste parole:
À ce moment, l’esprit naturel, qui habite dans cette partie où notre nourriture se dépose, se mit à pleurer, et pleurer encore et dit ces mots suivants :
«Heu miser, quia frequenter impeditus ero deinceps!».
«Misérable que je suis, je vais être troublé bien souvent !»
D’allora innanzi dico che Amore segnoreggiò la mia anima, la quale fu sì tosto a lui disponsata, e cominciò a prendere sopra me tanta sicurtade e tanta signoria per la vertù che li dava la mia imaginazione, che me convenia fare tutti li suoi piaceri compiutamente.
Depuis ce temps, je dis que l’Amour est maître de mon âme, qu’ils sont à jamais liés, et qu’il commença à prendre sur moi, tant et si bien par la vertu que lui donnait mon imagination, un tel pouvoir que je devais, par la suite, m’en remettre à lui entièrement.
Elli mi comandava molte volte che io cercasse per vedere questa angiola giovanissima;
Il me commanda de nombreuses fois de voir ce jeune ange ;
onde io ne la mia puerizia molte volte l’andai cercando, e vedèala di sì nobili e laudabili portamenti, che certo di lei si potea dire quella parola del poeta Omero:
ainsi, depuis mon enfance, souvent, je suis allé à sa recherche, et je lui trouvais des comportements si nobles et si louables que l’on aurait pu dire ces mots du poète Homère [NdT : à propos d’Hélène] :
Ella non parea figliuola d’uomo mortale, ma di Deo.
Elle ne semblait pas être une fille de mortel, mais une fille de Dieu.
E avegna che la sua imagine, la quale continuamente meco stava, fosse baldanza d’Amore a segnoreggiare me, tuttavia era di sì nobilissima vertù, che nulla volta sofferse che Amore mi reggesse sanza lo fedele consiglio de la ragione in quelle cose là ove cotale consiglio fosse utile a udire.
Et même si son image était constamment à mes côtés, me donnant l’audace d’avoir Amour comme seigneur, elle avait de si nobles vertus, qu’elle ne souffrît pas que l’Amour règne seul sans le conseil fidèle de la raison, qui, dans ces choses-là, sont bien utiles à entendre.
E però che soprastare a le passioni e atti di tanta gioventudine pare alcuno parlare fabuloso, mi partirò da esse;
Et bien que cela paraisse fabuleux que ces passions et ces actions aient pu être maîtrisées par tant de jeunesse, je n’en dirai pas plus ;
e trapassando molte cose, le quali si potrebbero trarre de l’esemplo onde nascono queste, verrò a quelle parole le quali sono scritte ne la mia memoria sotto maggiori paragrafi.
et laisserai beaucoup de choses qui pourraient être tirées de mon esprit, j’en viendrai désormais à ces mots qui sont gravés intensément dans ma mémoire.

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DANTE ALIGHIERI
DANTE LA VITA NUOVA
II

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LA VITA NUOVA
Une plainte après la mort de Béatrice
par
Saint-René Taillandier

La Vie nouvelle a été composée avant 1292, selon M. Fauriel, en 1290, selon M. Delécluze. M. Wegele affirme, et sur bonnes preuves, qu’elle n’a été écrite que vers l’année 1300. Les dates sont précieuses ici. La Vie nouvelle est précisément le résumé de ces dix années qui nous occupent, le symbolique récit de ce travail intérieur retrouvé par la sagacité allemande. Qu’est-ce que la Vie nouvelle pour la plupart des érudits modernes ? Une plainte à l’occasion de la mort de Béatrice. M. Witte et M. Wegele, à l’aide de maintes indications fournies par l’histoire de l’époque, l’ont découvert la confession même de Dante sur une crise profonde que traversa son âme. Le poète, en ces pages tour à tour si bizarres et si gracieusement mystiques, nous parle d’une jeune dame qui essaya de le consoler après la mort de Béatrice. Elle était belle, noble, sage, et elle venait à lui, dit-il, pour rendre quelque repos à sa vie. Partagé d’abord entre l’attrait que cette dame lui inspire et le souvenir de Béatrice, il se laisse aller bientôt au charme de ces consolations, jusqu’à l’heure où Béatrice lui apparaît vêtue de rouge, dans l’éclat de son enfance radieuse, telle enfin qu’il l’avait aperçue en sa première extase. Ce souvenir des ferventes années le ramène à l’amour véritable ; ces sonnets et ces canzoni qu’il avait consacrés pendant quelque temps à la dame des consolations moins hautes, il les rend à l’âme sublime qui est devenue le flambeau de sa vie, et, récompensé de ce retour par une vision extraordinaire, il s’écrie : « Les choses dont j’ai été témoin m’ont fait prendre la résolution de ne plus rien dire de cette bienheureuse jusqu’à ce que je puisse parler d’elle plus dignement. » Cet épisode, trop peu remarqué jusqu’ici, signifie, selon MM. Witte et Wegele, l’affaiblissement de la foi dans l’âme de Dante, son ardeur à interroger la philosophie, et finalement, après bien des combats, son retour à la religion de son enfance. Racontée brièvement dans les dernières pages de la Vita nuova la lutte dont nous parlons paraît avoir agité sa jeunesse, et ce n’est que vers l’année 1300 que Dante a pu jeter son cri de victoire. C’est aussi à l’année 1300 qu’il assigne le pèlerinage retracé dans son poème : la Divine Comédie est la continuation immédiate de la Vita nuova. Ainsi ces mots, vita nuova, ne signifient pas souvenirs d’enfance, souvenirs de jeunesse, vita juvenilis, comme le veulent quelques commentateurs modernes, entre autres M. Pietro Fraticelli et M. Emile Ruth ; ils signifient, et avec une exactitude parfaite, la vie nouvelle, la vie fortifiée par l’épreuve et illuminée de clartés plus pures.

La découverte de M. Witte résout incidemment une question jusque-là fort obscure. Tant qu’on ne voyait dans la Vita nuova que le tableau des enfantines amours du poète, tant qu’on n’y avait pas de couvert ces luttes de l’âge virile la lutte de la philosophie qui s’éveille et de la foi du moyen âge, on ne pouvait raisonnablement traduire vita nuova par vie nouvelle. Vita nuova, dans ce système d’interprétation, c’était la vie au moment où elle s’ouvre comme une fleur, à l’âge où elle est toute neuve et toute fraîche, et si l’on préférait absolument la traduction littérale, il fallait expliquer du moins dans quel sens particulier on l’employait. La Fontaine a dit :

Si le ciel me réserve encor quelque étincelle
Du feu dont je brillais en ma saison nouvelle.

La saison nouvelle dont parle le fabuliste, c’est le printemps de l’existence, il n’y a pas de doute possible sur ce gracieux vers. Les traducteurs de Dante qui employaient les mots vie nouvelle auraient dû aussi faire en sorte que cette traduction ne produisît pas d’équivoque, c’est-à-dire qu’elle signifiât le premier épanouissement de la vie, et non pas la vie renouvelée et transformée. Faute de cette précaution, ils manquaient de logique dans leur système, et tombaient sous le coup des critiques de M. Fraticelli. J’ai peine à comprendre qu’un esprit aussi ingénieux, aussi pénétrant que Fauriel, n’ait pas été averti par cette contradiction. Je m’étonne aussi que M. Delécluze, dans sa traduction d’ailleurs si estimable, ait conservé un titre dont le sens n’a aucun rapport avec l’œuvre telle qu’il l’interprète. Le dernier traducteur anglais, M. J. Garrow, a été plus conséquent ; décidé à ne voir aucune allégorie dans le livre de Dante, mais seulement un récit des extases de son enfance, il traduit simplement early life.

Dégageons des formes symboliques la scène qui couronne la Vita nuova : Dante, après la mort de Béatrice et avant d’être élu prieur de Florence, c’est-à-dire de 1290 à 1300,- cherche une consolation à sa douleur en même temps qu’un emploi à son activité dans l’étude de la philosophie. À une époque où la raison s’essayait déjà à secouer le joug de la foi, où les plus libres esprits se produisaient à côté de saint Thomas d’Aquin, où des réformateurs audacieux, un Joachim de Flores, un Jean d’Olive, un Guillaume de Saint-Amour, s’élevaient du sein même de l’église, où des discussions à outrance passionnaient les écoles, où Simon de Tournay, après avoir prouvé la divinité du Christ devant un immense auditoire, enivré tout à coup de sa logique, s’écriait : « Petit Jésus, petit Jésus, autant j’ai exalté ta loi, autant je la rabaisserais, si je voulais ! » à une époque enfin où l’auteur de l’Imitation, fatigué de tout ce bruit, jetait ce vœu du fond de son âme : « Que tous les docteurs se taisent, ô mon Dieu ! parlez-moi tout seul ; » à une telle époque, Dante, avec son esprit subtil et son impétueuse avidité, avait-il pu ne s’abandonner qu’à demi aux entraînemens de la science ? Nous savons qu’il vint à Paris, qu’il parut dans le champ-clos de la scolastique et y soutint une lutte mémorable. Des recherches récentes nous ont appris que son maître, Siger de Brabant, celui qu’il retrouve plus tard dans le paradis, avait été obligé de se défendre contre des accusations d’hérésie. Dante avait-il su s’arrêter à temps ? N’avait-il pas senti s’ébranler les principes de ses premières croyances ? Il est difficile de ne pas admettre ce fait, lorsqu’on lit les dernières pages de la Vita nuova à la lumière de la critique et de l’histoire ; mais Dante, avide d’amour, visité sans cesse par les extases de sa jeunesse, ne trouva pas dans la science le repos qu’il y cherchait. Sa foi reparut bientôt ; il la vit revenir, dit-il, sous les traits de Béatrice enfant, montrant bien que Béatrice n’est plus ici la jeune femme de vingt-six ans dont il pleura si tendrement la mort, mais le symbole de son amour et de sa foi avant que nulle étude étrangère n’en eût altéré la candeur.

Voilà la crise que l’esprit de Dante a subie, et dont il a laissé la trace dans les dernières pages de la Vita nuova. Croit-on que ce soit seulement une conjecture ? Aux arguments de M. Wegele je pourrais en ajouter un qui me semble décisif : le fils même du poète, Jacopo Dante, nous parle en son commentaire de toute une période de désordre qui troubla la vie de son père, et il la place avant l’année 1300. Mais laissons là les preuves extérieures, c’est Dante seul qui va nous répondre. On sait que le Convito est comme la suite de la Vita nuova ; ouvrez-le, vous y verrez sous la forme la plus claire l’explication que nous venons de résumer. Cette dame qui l’avait consolé après la mort de Béatrice, il déclare expressément que c’est la philosophie. Quand il écrit la Vita nuova, à peine échappé au péril, il en parle en termes discrets, comme un homme qui craint de rouvrir une blessure mal fermée ; dans le Convito, au contraire, il en décrit les phases ; ce n’est plus un nuage qui a voilé un instant l’âme du poète, c’est toute une crise intérieure où il s’est longtemps débattu.

Saint-René Taillandier
Dante Alighieri et la Littérature dantesque en Europe au XIXe siècle, à propos d’un livre du roi de Saxe
Revue des Deux Mondes
Deuxième période
Tome 6
1856

 

CAMOES OS LUSIADAS III-13 LES LUSIADES

Luís Vaz de Camões Les Lusiades
OS LUSIADAS III-13 LES LUSIADES III-13
LITTERATURE PORTUGAISE

Luis de Camoes Oeuvres obras Artgitato

literatura português

Luis de Camões
[1525-1580]

Tradução – Traduction
texto bilingue

Luis de Camoes Les Lusiades

 

Obra Poética

(1556)

LES LUSIADES III-13

OS LUSIADAS III-13

A Epopeia Portuguesa

 

CHANT III
Canto Terceiro

Traduction Jacky Lavauzelle

verso  13
Strophe 13

III-13

Image illustrative de l'article Vasco de Gama

Vasco de Gama

Vasco da Gama signature almirante.svg

 

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Luís Vaz de Camões Les Lusiades
OS LUSIADAS III-13
LES LUSIADES III-13

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« Logo de Macedónia estão as gentes,
« Ensuite nous avons les Macédoniens,
A quem lava do Axio a água fria;
  Qui vivent au bord des eaux froides d’Axios* ;…

 

Vasco de Gama par Gregorio Lopes

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Luís Vaz de Camões Les Lusiades
OS LUSIADAS III-13 LES LUSIADES III-13
Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO
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White_Fawn_Drawing Faon Diane

LA VIE DE LUIS DE CAMOES

DANGEREUSE GERMAIN NOUVEAU POEME

 DANGEREUSE GERMAIN NOUVEAU
LITTERATURE FRANCAISE
SYMBOLISME

germain-nouveau-poemes-poesie-artgitato

Germain Nouveau

31 juillet 1851 Pourrières (Var) – 4 avril 1920 Pourrières

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POEMES
VALENTINES ET AUTRES VERS

LA POESIE DE
GERMAIN NOUVEAU
DANGEREUSE

Valentines et autres vers

Texte établi par Ernest Delahaye
Albert Messein, 1922
*
dangereuse-germain-nouveau-artgitato-jean-baptiste-greuze-le-chapeau-blanc-1780-bostonJean-Baptiste Greuze
Le Chapeau blanc
1780
Musée des beaux-arts de Boston
Museum of Fine Arts, Boston
*

DANGEREUSE

Vous dangereuse ? mais sans doute !
Très dangereuse, c’est certain ;
Comme la peur que l’on écoute,
Comme le bois près de la route
Vers les six heures du matin ;

Comme l’éloquence imagée,
Comme un titre sur parchemin,
Comme le vin et la dragée,
Ou comme l’arme trop chargée
Qui vous éclate dans la main ;

Car toute femme est dangereuse,
Très dangereuse et c’est charmant,
Comme la mer… que le vent creuse ;
Comme la fillette de Greuze,
Qui ne s’en doute aucunement ;

Comme la petite Ingénue
Quand la cruche… va se casser,
Comme une veuve toute nue,
Comme une femme dans la rue,
Une femme qu’on voit passer ;

Oui, toute femme est dangereuse,
Soit qu’elle allaite ses enfants
Avec sa mamelle amoureuse,
Soit qu’elle ait la cruche de Greuze
A ses petits doigts triomphants ;

Qu’elle soit grave ou qu’elle joue,
Plus à craindre encor que le feu,
Que l’aviron ou que la roue,
Que le commandement : en joue !
Que le cri : commencez le feu !

Dangereuse comme la plume,
La plume au vent, et l’eau qui dort,
Et l’obus… un obus qui fume ;
Comme la guerre qu’elle allume,
Elle peut amener la mort.

Si vous êtes la plus aimée,
Ne seriez-vous point ici-bas
Plus dangereuse… qu’une armée
Victorieuse et parfumée
Des lauriers de trois cents combats ?

Vous êtes la plus redoutable,
Moi, c’est pour cela que je veux…
C’est pour ta grâce… épouvantable
Qui ferait à la Sainte Table
Tous les saints se prendre aux cheveux.
Oui, vous êtes la plus à craindre,
Car votre lit est le plus doux,
C’est pour ça que j’aime à T’étreindre,
Toi qu’un Homère pourrait peindre
Avec du sang jusqu’aux genoux !

*

DANGEREUSE GERMAIN NOUVEAU

OS LUSIADAS II-33 LES LUSIADES

OS LUSIADAS II-33 LES LUSIADES II-33
LITTERATURE PORTUGAISE

Luis de Camoes Oeuvres obras Artgitato

literatura português

Luis de Camões
[1525-1580]

Tradução – Traduction
texto bilingue

Luis de Camoes Les Lusiades

 

Obra Poética

(1556)

LES LUSIADES II-33

OS LUSIADAS II-33

A Epopeia Portuguesa

 

CHANT II
Canto Segundo

Traduction Jacky Lavauzelle

verso  33
Strophe 33

II-33

Image illustrative de l'article Vasco de Gama

Vasco de Gama

Vasco da Gama signature almirante.svg

LES LUSIADES II-33
OS LUSIADAS II-33

Ouviu-lhe essas palavras piedosas
Elle entendit ces paroles pieuses
A formosa Dione*, e comovida,
La juste Dioné, et en fut émue,
 Dentre as Ninfas se vai, que saudosas…


Vasco de Gama par Gregorio Lopes

*********************
LES LUSIADES II-33
OS LUSIADAS II-33

Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO
*********************

White_Fawn_Drawing Faon Diane

LA VIE DE LUIS DE CAMOES
par Charles Magnin

( Extrait )
Par En cherchant à montrer la différence qui sépare la vie aventureuse et active des écrivains portugais, notamment celle de Camoens, de la vie casanière et posée de la plupart de nos gens de lettres, je ne prétends pas élever par-là les œuvres des uns, ni déprimer les productions des autres. Je n’en crois pas les élégies de Camoens plus touchantes parce qu’elles sont datées d’Afrique, de la Chine et de l’Inde ; je n’en estime pas Polyeucte et Cinna moins admirables, parce que le grand Corneille n’a guère fait de plus longues pérégrinations que le voyage de Paris à Rouen. Je ne conseille à personne de louer un cabinet d’étude à Macao ; mais je crois que, généralement, si les ouvrages écrits au milieu des traverses et au feu des périls ne sont pas plus beaux, les vies de leurs auteurs sont plus belles. Indépendamment de la variété des aventures, on y trouve plus d’enseignements. J’admire et j’honore infiniment La Fontaine et Molière, mais j’honore et j’admire encore plus, comme hommes, Cervantès et Camoens. A mérite de rédaction égal, une histoire littéraire du Portugal serait un meilleur et plus beau livre qu’une histoire littéraire de notre dix-septième ou dix-huitième siècle. C’est une chose bonne et sainte que la lecture de ces vies d’épreuves, que ces passions douloureuses des hommes de génie, Je ne sache rien de plus capable de retremper le cœur. C’est pour cela que dans ce temps de souffrances oisives, de désappointements frivoles, de molles contrariétés et de petites douleurs, j’ai cru bon d’écrire l’étude suivante sur la vie de Luiz de Camoens.
….

Polyphème Apel·les Fenosa Le CYCLOPE de BARBEROUSSE – Dole- Jura

Polyphème Apel·les Fenosa Dole Place Barberousse Artgitato Ulysse 5

Polyphème Apel·les Fenosa
Le Cyclope de Barberousse Jura Dole
——

 

 

Photo Jacky Lavauzelle

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Polyphème Apel·les Fenosa
LE CYCLOPE
PLACE BARBEROUSSE
DOLE
Jura

 

Apel·les Fenosa i Florensa
1899-1988
Sculpteur Espagnol
Catalan sculptor

 

1949 Polyphème
Installé à Dole en 1972

Polyphème Apel·les Fenosa Dole Place Barberousse Artgitato Ulysse 11 Polyphème Apel·les Fenosa Dole Place Barberousse Artgitato Ulysse 10 Polyphème Apel·les Fenosa Dole Place Barberousse Artgitato Ulysse 9 Polyphème Apel·les Fenosa Dole Place Barberousse Artgitato Ulysse 8 Polyphème Apel·les Fenosa Dole Place Barberousse Artgitato Ulysse 7 Polyphème Apel·les Fenosa Dole Place Barberousse Artgitato Ulysse 6 Polyphème Apel·les Fenosa Dole Place Barberousse Artgitato Ulysse 1 Polyphème Apel·les Fenosa Dole Place Barberousse Artgitato Ulysse 2 Polyphème Apel·les Fenosa Dole Place Barberousse Artgitato Ulysse 3 Polyphème Apel·les Fenosa Dole Place Barberousse Artgitato Ulysse 4

Le Cyclope

Le Cyclope, dont on ignore également la date, mais qui vaut infiniment mieux dans son genre que le Rhésus dans le sien, mérite de nous arrêter un instant, puisqu’il est le seul de tous les drames satyriques qui nous ait été conservé.
C’est l’aventure d’Ulysse dans la caverne de Polyphème. Mais Euripide a égayé la légende fournie par le neuvième chant de l’Odyssée, en y introduisant l’élément indispensable à tout drame satyrique, à savoir les satyres. Les satyres, avec Silène leur père, sont tombés entre les mains de Polyphème, tandis qu’ils couraient sur les mers à la recherche de Bacchus, qu’avaient enlevé des pirates. Polyphème en a fait ses esclaves. Ils sont occupés à paître ses troupeaux, à bien tenir en ordre son habitation ; et l’on voit, au début de la pièce, le vieux Silène armé d’un râteau de fer, et s’apprêtant à nettoyer l’antre ou plutôt l’étable du cyclope. Ulysse, aidé de ses compagnons, les délivre de leur captivité, par les mêmes moyens dont il se sert dans l’Odyssée.
Polyphème est bien tel que l’a peint Homère ; mais à ses traits connus Euripide a ajouté une sorte de jovialité grossière, qui ne lui messied point. Avant même de s’être enivré, et avant d’avoir aperçu Ulysse, il ne dédaigne pas de plaisanter avec les satyres : « Mon dîner est-il prêt ? — Oui. Pourvu seulement que ton gosier le soit aussi. — Les cratères sont-ils pleins de lait ? — Oui ; en boire, si tu veux, tout un tonneau. — De lait de brebis ou de vache, ou de lait mélangé ? — A ton choix ; seulement ne m’avale pas moi-même. — Je n’ai garde ; vous me feriez périr, une fois dans mon ventre, par vos sauts et vos gambades. » Un peu plus tard, dans ses réponses au fils de Laërte, qui demande la vie pour lui et les siens, il expose avec une verve bouffonne les principes de sa philosophie d’anthropophage, et il va jusqu’à l’impiété et à l’ordure, quand il se compare à Jupiter et qu’il exprime à sa manière l’estime qu’il fait du bruit de la foudre. Mais, après qu’il a bu, il se déride tout à fait ; et le terrible personnage dépasse de beaucoup les bornes de cette plaisanterie décente que permettait, suivant Horace, la gaieté du drame satyrique.
Silène, voleur, ivrogne et menteur, au demeurant aimable compagnon, et qui se signale, pendant le festin du cyclope, par plus d’une espièglerie, n’est pas dessiné non plus conformément au type quelque peu sévère que préfère Horace, et qu’avaient sans doute réalisé Sophocle ou Eschyle.
Les satyres n’ont pas les défauts de leur père ; ils en ont un autre, qui n’est pas fort noble non plus, mais qui les rend plus divertissants encore que Silène : ils sont poltrons à merveille. Il faut les voir et les entendre au moment décisif, après qu’ils ont promis à Ulysse de le seconder dans son entreprise, quand le tison est prêt, et qu’Ulysse les appelle à l’œuvre :
« ULYSSE. Silence, au nom des dieux, satyres ! Ne bougez ; fermez bien votre bouche. Je défends qu’on souffle, ou qu’on cligne de l’œil, ou qu’on crache : gardons d’éveiller le monstre, jusqu’à ce que le feu ait eu raison de l’œil du cyclope.
LE CHOEUR. Nous faisons silence, et nous renfonçons notre haleine dans nos gosiers.
ULYSSE. Allons, maintenant, entrez dans la caverne, et mettez la main au tison. Il est bien et dûment enflammé.
LE CHOEUR. Est-ce que tu ne régleras pas quels sont ceux qui doivent saisir les premiers la poutre brûlante et crever l’œil du cyclope ? car nous voulons avoir part à l’aventure.
1er DEMI-CHŒUR. Quant à nous, la porte est trop loin pour que nous poussions d’ici le feu dans cet œil. —
2e DEMI-CHŒUR. Et nous, nous voilà tout à l’instant devenus boiteux. —
1er DEMI-CHŒUR. C’est le même accident que j’éprouve aussi. Debout sur nos pieds, nos nerfs nous tiraillent je ne sais pourquoi. —
2e DEMI-CHŒUR. Vraiment ? —
1er DEMI-CHŒUR. Et nos yeux sont pleins de poussière ou de cendre, venue je ne sais d’où. »
Ulysse gourmande leur lâcheté : ils répondent en invoquant l’intérêt de leur peau ; ils disent connaître un chant d’Orphée, qui suffira d’ailleurs à l’affaire, et qui mettra seul le tison en branle. Ulysse les quitte, et court dans la caverne. Alors ils retrouvent toute la bravoure de leurs paroles, et ils encouragent, par de vives exhortations, ceux qui font pour eux la besogne. Ils s’amusent ensuite du cyclope aveuglé, et ils tirent bon parti de l’équivoque inventée par Ulysse. Le nom de Personne fournit une scène d’un comique fort gai, que complète le tableau des tâtonnements du cyclope et de ses fureurs impuissantes.
Je ne prétends pas mettre cette bluette dramatique au rang des chefs-d’œuvre. Mais la marche de la pièce est vive, les caractères nettement esquissés, la diction pleine d’entrain. C’est une lecture fort agréable, et qui n’exige aucun de ces efforts auxquels nous sommes réduits à nous condamner pour pénétrer le sens des vers d’Aristophane, trop souvent impénétrable à notre ignorance. Ce n’est pas tout à fait de la comédie ; c’est encore moins de la tragédie, malgré les noms des personnages : c’est un je ne sais quoi qui n’est ni sans mérite ni sans charme.
Revenons aux tragédies.

Alexis Pierron
Histoire de la littérature grecque
Librairie Hachette et Cie, 1875 pp. 292-310
Chapitre XX – Euripide

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L’ODYSSEE
LE NEUVIEME CHANT
CHANT IX

RÉCITS D’ULYSSE PREMIER RÉCIT LA CYCLOPÉE

L’ingénieux Ulysse aussitôt répondit :
« Monarque Alcinoüs, entre tous vénérable,
Certe il est beau d’ouïr ce chanteur érudit
Qu’aux habitants du ciel sa voix rend comparable.
Rien, j’ose l’affirmer, n’est doux comme de voir
Un peuple réuni que la gaîté possède,
Des convives royaux écoutant un aède,
Tous assis au banquet qu’on eut soin de pourvoir
De pain, de mets choisis, cependant qu’au cratère
L’échanson puise un vin qui passe aux gobelets.
Oui, de tous les plaisirs c’est le plus salutaire.
Mais ton cœur sur mes maux veut des récits complets,
Afin que je m’afflige et pleure davantage.
Par où donc commencer, par quel détail finir,
Lorsque tant de malheurs m’échurent en partage ?
Sachez d’abord mon nom, pour vous en souvenir,
Et pour que, si j’échappe encore au jour funèbre,
Je vous accueille aussi, malgré l’éloignement.
Je suis le Laërtide Ulysse, si célèbre

Par ses ruses ; ma gloire atteint le firmament.
J’habite la fameuse Ithaque, où se profile
Le Nérite élevé, ceint d’arbres murmureux.
Autour, et se touchant, on distingue mainte île,
Dulichium, Samé, Zacynthe aux bois nombreux.
Ithaque, la plus basse en la mer orageuse,
Gît au Nord, et ses sœurs vers l’Aube et le Soleil ;
Âpre, mais de garçons nourrice courageuse,
Elle garde à mes yeux un charme sans pareil.
Dans sa grotte isolée, adorable déesse,
Calypso m’arrêta, m’offrant sa douce main.
En son palais d’Éa, Circé l’enchanteresse
Me retint à son tour, désirant notre hymen.
Mais nulle ne fléchit mon cœur dans ma poitrine ;
Car rien ne vaut pour l’homme et patrie et parents,
Quand même, loin des siens, sur des bords différents,
Il jouirait en paix d’une maison divine.
Maintenant écoutez les rudes contre-temps
Qu’au sortir d’Ilion Jupiter me prépare.

Le vent me met d’abord chez les Cicons d’Ismare ;
Là j’emporte la ville, occis les habitants.
Nous prenons leurs trésors, leurs épouses timides ;
Le partage se fait, chacun a son butin.
J’exhorte mes soldats à s’éloigner rapides,
Mais sans persuader leur contingent mutin.
Ils boivent follement, et le long du rivage
Égorgent mille agneaux, force bœufs alourdis.
Or des Cicons fuitifs appellent au carnage
D’autres Cicons voisins, plus nombreux, plus hardis,
Gens de l’intérieur habiles à défaire,
En selle ou même à pied, des corps de combattants.

Ils viennent dès l’aurore, épais comme au printemps
Les feuilles et les fleurs ; mais Zeus, déjà contraire,
Pour accroître nos maux contre nous se raidit.
Vers nos vaisseaux légers ils portent la bataille ;
Du javelot d’airain des deux parts on s’assaille.
Tant que le matin dure et que le jour grandit,
Nous contenons le choc en dépit de la masse.
Mais lorsque du soleil décline le flambeau,
Les Cicons triomphants des Grecs domptent l’audace.
Six braves bien guêtrés ont péri par bateau ;
Le reste heureusement échappe aux défilades.

Nous reprenons la mer, charmés de vivre encor,
Mais tristes du trépas de nos bons camarades.
Pourtant aux fins voiliers nous ne rendons l’essor
Qu’après avoir trois fois appelé chaque frère
Dans la plaine tombé sous le fer des Cicons.
Soudain Zeus de Borée excite la colère,
Déchaîne un ouragan, de nuages profonds
Couvre la terre et l’eau ; puis du ciel la nuit tombe.
Nos bâtiments surpris s’égarent, les autans
Déchirent toute voile en lambeaux palpitants ;
Dans la cale on les met, de peur qu’on ne succombe,
Et vers le continent on manœuvre d’entrain.
Là deux jours et deux nuits nous restons sur la plage,
Brisés par la fatigue, accablés de chagrin.
Mais, au troisième éclat de l’Aube au doux visage,
Les mâts étant dressés, nos ailes se rouvrant,
On repart ; le zéphyr, les nochers sont nos guides.
Sauf, je crois pour mon sol quitter ces champs liquides,
Quand, au cap Maléen, la vague, le courant
Et Borée en courroux m’écartent de Cythère.

Neuf jours je vogue en proie à ce rude souffleur;
Le dixième venu, nous abordons la terre
Des Lotophages, qui subsistent d’une fleur.
Vite de débarquer, de puiser de l’eau fraîche ;
Près des nefs mes compains font ensuite un repas.
De boire et de manger lorsque nous sommes las,
Je choisis deux guerriers qu’en avant je dépêche,
Sous l’ordre d’un héraut, afin de découvrir
Quelle espèce de peuple enferment ces parages.
Ils courent se mêler aux hommes Lotophages ;
Ceux-ci loin de songer à les faire mourir,
Leur offrent du lotus l’étrange régalade.
À peine ont-ils goûté de ce fruit merveilleux,
Voilà mes éclaireurs du retour oublieux,
Tout prêts à demeurer parmi cette peuplade
Pour cueillir son trésor et vivre sans guignons.
À bord, malgré leurs cris, ma vigueur les ramène,
Et je les fais lier au mât d’une carène ;
Puis j’ordonne au restant de mes chers compagnons
De remonter de suite à nos promptes galères,
Crainte de s’oublier en mangeant du lotus.
À leurs bancs aussitôt mes suivants sont rendus ;
Ensemble ils tordent l’eau sous leurs rames céléres.

De nouveau nous allons, le cœur très soucieux,
Et nous touchons le sol des Cyclopes superbes.
Libres, se confiant à la grâce des dieux,
Leurs mains ne hersent pas, ne sèment jamais d’herbes.
Tout sans grains ni labeur pour leur table fleurit,
Les orges, le froment, et la vigne qui porte
Des grappes de raisin qu’en pleuvant Zeus mûrit.
Ils n’ont point d’agoras, de lois d’aucune sorte ;

Mais ils vivent épars sur la crête des monts,
Dans le creux des rochers : maître en sa grotte obscure,
Chacun régit les siens et des autres n’a cure.

Une îlette se dresse en face des limons
Du port cyclopéen ; ni proche, ni distante.
Boisée, elle nourrit d’innombrables chevreaux
Sauvages ; car du pied nul ne les épouvante :
Les chasseurs coutumiers de périlleux travaux,
À travers bois et rocs, ignorent ces retraites.
Point de pâtre en leur sein, point d’ouvreur de sillons ;
La terre sans culture est vide de colons
Et ne sert qu’au brouter des bêlantes chevrettes.
Les Cyclopes n’ont pas de navires rougis,
N’ont pas de charpentiers qui sachent leur construire
De solides bateaux, propres à les conduire,
Pour leurs besoins communs, vers les humains logis,
Comme tant de mortels qu’à se voir l’eau provoque ;
Ils manquent d’ouvriers pour enrichir l’îlot.
Sol propice, il rendrait des fruits à toute époque.
Une molle prairie au bord du vaste flot
Se déroule, et la vigne y pousserait durable.
D’un facile labour, l’humus, chaque saison,
Donnerait, étant gras, des épis à foison.
Le port n’exige pas d’amarre secourable ;
Sans le soutien de l’ancre et des câbles jetés,
Les marins peuvent là faire un séjour placide,
Au gré de leur désir, jusqu’aux vents souhaités.
Dans le fond de la rade une source limpide
Jaillit d’un antre frais d’aunes environné.
Un dieu vers cet abri, pendant une nuit sombre,
Dirige mes rameurs : rien ne perçait dans l’ombre ;

Le brouillard étreignait la flotte, et Séléné,
Au lieu de resplendir, se couvrait de nuages.
Personne alors ne voit l’îlette de ses yeux,
Ni les lames roulant à l’assaut des rivages,
Avant que nos vaisseaux atterrissent joyeux.
Tout navire au mouillage, on range la voilure,
Puis on descend au bord de l’humide séjour;
Et nous nous endormons, en attendant le jour.

Dés que reparaît l’Aube à la rose figure,
Nous circulons dans l’île avec ravissement.
Les Nymphes de l’endroit, filles du Porte-égide,
Font lever des chevreaux bons pour notre aliment.
Sur l’heure arcs recourbés, épieux au bois solide,
Viennent de chaque barque et travaillent, brandis
Par trois groupes ; un dieu nous fournit mainte proie.
Douze nefs me suivaient : à chacune on octroie
Neuf de ces animaux ; la mienne en reçoit dix.
On passe tout le jour, jusqu’au soir incolore,
À savourer des mets de vin pur arrosés ;
Car nos vins n’étaient pas tout à fait épuisés.
Il en restait beaucoup dans telle et telle amphore
Soustraite par ma bande aux murs saints des Cicons.
Mais l’on voit s’allumer les feux du bord Cyclope ;
Nous entendons bêler ses chèvres, ses moutons.
Le soleil s’est couché, la nuit nous enveloppe ;
Derechef nous donnons sur le sable épaissi.

Lorsque a reparu l’Aube à la face pourprine,
Je réunis mes gens et les harangue ainsi :
« Demeurez à présent, chère troupe marine ;
Moi, je vais sur ma nef, suivi de mes guerriers,

Reconnaître là-bas ces nouveaux insulaires,
Savoir s’ils sont méchants, injustes et colères,
Ou bien religieux, partant hospitaliers. »
Alors me rembarquant, j’ordonne à mon élite
D’accourir au tillac, de larguer le câbleau ;
Mes hommes à leurs bancs se réinstallent vite,
Et de l’active rame ensemble ils frappent l’eau.

Quand nous avons atteint cette rive assez proche,
Nous voyons près des flots, à ses confins derniers,
Une caverne haute et noire de lauriers.
Chèvres, brebis en foule ont leur parc sous sa roche.
La cour ronde a pour murs d’immenses blocs pierreux,
Entremêlés de pins, d’ormeaux à vaste cime.
Là réside un pasteur, de stature altissime,
Qui paît seul son bétail, des autres dédaigneux,
Et dans l’isolement pratique l’injustice.
C’est un monstre effroyable ; il ne ressemble pas
Au commun des mortels, mais au mont qui hérisse
Son cône chevelu sur des sommets plus bas.

J’invite les garçons de mon cher équipage
À garder le bateau près du bord écumeux,
Et je pars, emmenant douze hommes de courage.
J’emportais dans une outre un vin noir et fameux
Dont m’avait honoré Maron, le fils d’Évanthe,
Pontife d’Apollon, d’Ismare citoyen.
Lui, sa femme et son fils, nous les avions d’entente
Protégés par respect, car il était gardien
Du saint bois de Phœbus. J’en reçus des dons rares :
Sept talents d’or massif, d’un travail souverain ;
Ensuite un bol d’argent ; finalement sa main

Avait puisé pour nous, au sein de douze jarres,
Un vin pur, généreux, céleste. En sa maison
Nul ne le connaissait, ni servant ni servante
Seuls y touchaient Maron, sa femme et l’intendante.
Quand on devait goûter cette riche boisson,
Dans vingt mesures d’eau l’on en noyait un verre ;
Et du cratère alors montaient mille fumets,
Si divins que de boire on ne s’abstenait guère.
À l’outre de nectar j’avais joint force mets,
En un sac ; car mon cœur pressentait la rencontre
D’un homme possédant un biceps indompté,
Rebelle au frein des lois, plein de férocité.

À l’antre nous voici : le géant ne se montre ;
Il menait ses troupeaux tondre l’émail des prés.
Nous entrons, et nos yeux admirent toute chose :
Fromages dans l’osier, étables où repose
L’agneau, puis le chevreau, tous pourtant séparés,
Les vieux au premier rang, les jeunes à la suite,
Plus loin les nouveau-nés ; d’abondant petit-lait,
Vase à traire ou bassin, l’argile ruisselait.
Mes compagnons d’abord m’excitent à la fuite,
Quelques fromages pris et le bétail chassé
En hâte hors des parcs vers l’agile trirème,
Qui nous eût ramenés dans notre rade même :
Je méprise l’avis, quoiqu’il fût très sensé.
Je veux voir le Cyclope, et ses dons, les surprendre.
Las ! comme ce doucet doit nous gratifier !

Nous allumons du feu, puis de sacrifier,
D’écorner maint fromage, enfin, assis, d’attendre
Son retour du pâtis. Il arrive portant,

Pour cuire son repas, une énorme broussaille ;
Il la décharge au seuil, et la grotte en tressaille.
Au fond, épouvantés, nous fuyons à l’instant.
Le pasteur pousse alors ses troupeaux gras dans l’antre,
Les femelles du moins, pour les traire, empêchant
Que nul mâle au bercail, bouc ou bélier, ne rentre.
Puis à l’entrée il roule un bloc effarouchant,
Masse que vingt-deux chars à la quadruple roue
Ne pourraient déplacer en leurs efforts subits :
Tel est le bloc fermant qu’à sa porte il échoue.
Bientôt assis, il trait ses chèvres, ses brebis,
Comme il convient, et rend leurs petits aux nourrices.
Ensuite il fait cailler la moitié du lait blanc,
Le dépose et l’entasse au milieu des éclisses,
Versant l’autre moitié dans maint vase au gros flanc,
Pour le prendre et le boire à son souper tranquille.
Après avoir fini cette œuvre en un moment,
Il allume un grand feu, nous voit, et vivement :
« Étrangers, nommez-vous ! qui vous pousse en mon île ?
Est-ce une affaire ? ou bien errez-vous, comme font
Ces pillards qui, sur mer jouant leur existence,
Écument un pays, le ruinent à fond ? »

Il dit, et nous sentons une frayeur intense,
À cette voix terrible, à cet air monstrueux.
Cependant je réponds, raffermissant mon âme :
« Nous sommes des Grégeois revenant de Pergame ;
Égarés sur les flots par l’air tempétueux,
Nous cherchions nos rochers et trouvons d’autres croupes ;
Sans doute c’était là de Zeus la volonté.
Nous nous glorifions d’appartenir aux troupes
D’Atride Agamemnon, ce chef partout vanté ;

Car il prit d’altiers murs, une contrée entière.
Maintenant à tes pieds nous venons en amis,
Et réclamons de toi la table hospitalière,
Ou quelque doux présent, suivant l’usage admis.
Homme bon, pense au ciel, exauce ma supplique :
Zeus qui guide les pas du timide étranger,
Zeus, ce dieu xénien, ne tarde à les venger. »

Je dis, et le barbare en ces termes réplique :
« Guerrier, tu perds la tête ou tu viens de très loin,
Toi qui parles d’aimer, de craindre un ciel rigide.
Un cyclope se rit du Maître de l’égide
Et des dieux immortels : il les dompte au besoin.
Je ne t’épargnerai ni toi ni ton escorte
Pour fuir les traits de Zeus, si mon cœur n’y consent.
Mais conte où tu laissas ton bateau valissant.
Est-ce loin ? Près d’ici ? Ce détail-là m’importe. »

Il voulait m’éprouver, mais je sais plus d’un tour ;
Aussi je lui réponds ces mots pleins d’artifice :
« Neptune ébranle-sol, à l’extrême contour
De votre île, a rompu mon flottant édifice
Sur les écueils d’un cap ; la mer a ses débris.
Intact, avec mes gens, d’échapper j’eus la chance. »

J’ai dit, et lui se tait dans un cruel mépris ;
Mais sur mes compagnons, bras tendus, il s’élance,
En saisit deux, les choque, ainsi que d’humbles faons,
Contre terre ; en bouillie éclate leur cervelle.
Il les coupe en morceaux, les mange pêle-mêle.
Comme un lion sorti des déserts étouffants,
Il baffre tout, les chairs, les os moelleux, les tripes.

À ce spectacle affreux, nous levons en pleurant
Les mains vers Jupiter ; le désespoir nous prend.
Lorsque de corps humains ce monstre aux vastes lippes
S’est bourré l’estomac, il boit des flots de lait,
Puis parmi ses moutons pesamment il s’allonge.
Dans mon cœur magnanime au même instant je songe
À dégainer mon glaive, à le frapper d’un trait,
En le tâtant d’abord, au point juste où le foie
Se joint au diaphragme : un penser me retient.
De la mort nous étions par avance la proie ;
Jamais du lourd rocher qui dedans nous maintient
Tous nos bras n’auraient pu déranger la barrière.
Donc il faut jusqu’à l’Aube attendre en gémissant.

Quand elle teint les cieux de sa rose lumière,
Il rallume un grand feu, trait son bétail puissant,
Rend aux seins nourriciers leur jeunette phalange.
Après avoir fini promptement ces travaux,
Derechef il saisit deux des miens et les mange.
Son repas fait, il chasse au dehors ses troupeaux,
En déplaçant le bloc sans peine ; mais de suite
Il le remet, tout comme un couvercle au carquois.
Le Cyclope, à grand bruit, pousse sa herde instruite
Vers les monts ; moi, je reste à rêver des exploits,
Désirant me venger, si m’exauce Minerve.
Or, voyez le parti que j’adopte soudain.
Le pâtre dans un coin avait mis en réserve
Un tronc vert d’olivier pour s’en faire un gourdin,
Une fois desséché ; nous comparions sa taille
À celle du grand mât d’un vaisseau de transport
Qui, de vingt avirons, aux flots livre bataille :
Tels étaient sûrement son volume et son port.

J’en coupe sans tarder la longueur d’une brasse
Et la livre à mes gens afin de l’amincir.
Ils vont la polissant ; moi, j’affile tenace
Un des bouts, qu’au feu vif après je fais durcir.
J’enfouis prudemment cette partie insigne
Sous les tas de fumier dont s’encombre le lieu ;
Ensuite je prescris que le sort nous désigne
Ceux qui devront m’aider à planter notre pieu
Dans l’œil du monstre, quand le vaincra le doux somme.
Les quatre élus au sort sont ceux-là justement
Qu’avec moi j’aurais pris ; je suis le cinquième homme.
Au soir rentrent le maître et son bétail gourmand.
Le géant pousse au fond toute la bande grasse,
Et dans la cour ne laisse aucun sujet pelu,
Soit qu’il ait des soupçons, soit qu’un dieu l’ait voulu ;
Puis soulevant le bloc, il le remet en place.
Bientôt assis, il trait ses chèvres, ses brebis,
Comme il convient, et rend les agneaux à leurs mères.
Sitôt qu’il a mis fin à ces préliminaires,
Il saisit, mange encor deux des miens ébaubis.
Moi, tenant de vin pur une écuelle pleine,
Au Cyclope je vais, et dis à ce bourreau :
« Tiens donc, Cyclope, et bois sur cette chair humaine.
Pour savoir quel bon vin contenait mon vaisseau.
Je t’en rapporterais, si par miséricorde
Tu me laissais partir ; mais ta rage est sans frein.
Ô fou ! comment veux-tu que désormais t’aborde
Un des nombreux mortels, puisque ainsi bat ton sein ?

Je dis ; il prend la coupe et boit ; ce fin breuvage
L’égaie, il m’en demande une seconde fois :
« Verse encor de bon cœur, et dis-moi sans ambage

Ton nom, pour que je t’offre un don des plus courtois.
Pour le Cyclope aussi ce doux sol entrecroise
De beaux ceps que mûrit l’arrosage divin ;
Mais ton jus semble fait de nectar et d’ambroise. »

Dans sa coupe aussitôt je rajoute du vin ;
Trois fois je la remplis, trois fois le sot la vide.
Dès que mon vin de flamme a troublé sa raison,
Je lui lâche ces mots d’une douceur perfide :
« Cyclope, tu t’enquiers de mon illustre nom ?
Eh bien, à ta promesse en retour sois fidèle.
Je me nomme Personne, oui Personne vraiment ;
Père et mère, et compains, chacun ainsi m’appelle. »

Le glouton me riposte impitoyablement :
« Après ses compagnons je mangerai Personne,
Les autres avant lui ; ce sera mon cadeau. »

Il dit, et se renverse, et tombe, et s’abandonne,
Son gigantesque cou penché ; d’un lourd bandeau
Le sommeil l’enténèbre ; en masse on le voit rendre
Du vin, d’horribles chairs; puis il rote ivre-mort.
Je glisse alors le pieu sous une chaude cendre
Jusqu’à ce qu’il soit rouge, et j’encourage fort
Mes quatre aides, craignant que l’un d’eux ne recule.
Quand le bois d’olivier menace, quoique vert,
De s’allumer, qu’autour une flammette ondule,
Du feu je le retire, et mes preux de concert
M’entourent : un démon les vigorise encore.
Empoignant l’arme aiguë, au plein de l’œil baissé
Ils l’enfoncent, et moi, sur mes orteils dressé,
Je la tournoie. Ainsi, quand l’artisan perfore

Un madrier, sous lui d’autres mains font mouvoir
La tarière creusante avec un cuir agile.
De même nous tournions dans l’orbite fragile
Ce tison embrasé d’où ruisselle un sang noir.
La prunelle en feu brûle et sourcils et paupières ;
Les racines de l’œil pétillent bruyamment,
Comme lorsque en l’eau froide un forgeur véhément
Fait siffler une hache ou des lames guerrières,
Procédé qui fournit les fers les mieux trempés.
Ainsi l’œil du colosse autour du bois crépite.
Il lance un hurlement dont les airs sont frappés ;
Nous de fuir, pris de peur. Cependant de l’orbite
Ses mains ôtent le pal souillé d’amas sanguins ;
Puis, outré de fureur, au loin il le rejette.
Il appelle à grands cris les Cyclopes voisins
Qui sur les caps venteux ont leur roche secrète.
Leur foule à son appel accourt de tous côtés,
Et, debout prés du seuil, l’interroge anxieuse :
« Polyphème, pourquoi ces longs cris répétés ?
Pourquoi nous réveiller pendant la nuit joyeuse ?
T’aurait-on, malgré toi, dérobé ton troupeau ?
Quelqu’un t’occirait-il par ruse ou violence ? »

La brute leur répond, du sein de son caveau :
« Personne, ô mes amis ! par dol, non par vaillance. »

Les Cyclopes alors, sans plus ample discours :
« Puisque dans ton abri personne ne t’afflige,
Accepte résigné les maux que Zeus inflige ;
De Neptune, ton père, invoque le secours. »

Ils disent, s’en vont tous, et je me réconforte

Au succès de mon nom, de mon tour des meilleurs.
L’aveuglé, soupirant et rongé de douleurs,
En marchant à tâtons va débloquer la porte.
À l’entrée il s’assied, les deux bras étendus,
Pour happer tel de nous qui fuirait joint aux bêtes,
Tellement il croyait mes esprits confondus.
Je cherche cependant quelles mesures nettes
Pourront nous affranchir d’un trépas redouté.
Je combine des plans, des trucs de toute espèce ;
Notre vie en dépend, un grand péril nous presse.
Or, sachez le parti qu’à la fin j’adoptai.

Des béliers étaient là, d’une rondeur sensible,
Beaux, grands, et que recouvre une épaisse toison.
Je les lie en silence avec l’osier flexible
Où dormait ce géant, type de trahison.
Je les mets trois par trois ; le central porte un homme ;
Les deux autres devront protéger en flanquant.
Donc pour un guerrier seul trois animaux de somme.
Restait un gros bélier, de tous le plus marquant ;
Au dos je le saisis, me roule sous son ventre,
Et m’accrochant des mains à son manteau fourré,
Dans un calme absolu d’aguet je me concentre.
Nous attendons ainsi le jour, d’un cœur navré.

Quand l’Aurore effeuilla ses roses matinières,
Les béliers diligents coururent aux paissons.
Dans l’étable bêlaient leurs femmes routinières,
Le sein dur et pendant. Agité de frissons,
Le Cyclope tâtait les houleuses échines
Du bétail mâle ; mais l’ahuri ne sent pas
Mes compagnons blottis sous de sombres poitrines.

Enfin le grand bélier après tous vient au pas,
Chargé de son lainage et de mon être habile.
Polyphème lui dit, l’ayant bien caressé :
« Cher bélier, pourquoi donc, toi le vieux chef de file,
Venir en queue ? Avant, loin d’être devancé,
Le premier tu savais brouter la fleur champêtre ;
Des fleuves le premier tu sondais le courant,
Et le premier rentrais au bercail attirant.
Aujourd’hui te voilà le dernier. De ton maître
Regretterais-tu l’œil ? Un méchant l’a crevé,
Aidé d’affreux soldats, me domptant par l’ivresse.
C’est Personne ; il n’est pas certe encore sauvé.
Ah ! si, doué de sens, d’une parole expresse,
Tu me disais quel coin à mes coups le soustrait,
Écrasée aussitôt, sa cervelle brouillonne
Irait joncher le sol ! cela mitigerait
Les maux que m’a causés l’exécrable Personne. »

À ces mots au dehors il lâche le bélier.
Parvenus loin de l’antre et de la cour ovine,
Je reprends terre, et cours mes compains délier.
Lestement nous poussons, par sentier et ravine,
Le troupeau bon marcheur jusqu’au navire ancré.
Nous revoir sains et saufs pour ma troupe a des charmes,
Mais luctueusement chaque mort est pleuré.
Moi, fronçant les sourcils, j’interromps toutes larmes,
Et prescris d’embarquer en hâte les captifs
À la belle toison, puis de repasser l’onde.
Mes rameurs vont s’asseoir à leurs bancs respectifs ;
D’un aviron rapide ils creusent l’eau profonde.

Lorsque du large encor peut s’entendre ma voix,

Je darde au vil pasteur cette railleuse insulte :
« Cyclope tu n’as point, dans ta demeure occulte,
Mangé violemment les amis d’un pantois.
Le châtiment devait t’atteindre, misérable
Qui de tes suppliants t’es fait le dévoreur.
C’est pourquoi Jupiter, tout l’Olympe, t’accable. »

L’apostrophe ironique augmente sa fureur.
D’une haute montagne il arrache la crête
Et la lance en avant du bleuâtre vaisseau ;
Peu s’en faut qu’à la proue elle n’ôte un morceau.
La mer bouillonne au choc de la masse concrète ;
Le flot en refluant remporte notre nef
Vers la côte inondée, au rivage l’affale.
Prenant à pleines mains une pique navale,
Du bord je la repousse et somme, d’un ton bref,
Mes robustes nageurs d’accélérer leurs rames,
Afin de réchapper ; ils redoublent d’élans.

Quand nous sommes deux fois aussi loin sur les lames,
Je veux recommencer mes adieux virulents.
Tous m’adjurent en chœur de garder le silence :
« Téméraire, pourquoi courroucer ce cruel ?
Déjà, nous ramenant aux profondeurs de l’anse,
Son roc nous menaça d’un trépas mutuel.
S’il entend de nouveau des cris, une parole,
Il brisera nos fronts, notre mince plancher,
Sous d’autres blocs précis, telle est leur parabole. »

Ces prudentes raisons ne sauraient me toucher,
Et je recrie au monstre en ma rage frondeuse :
« Cyclope, si quelqu’un de ce monde animé

Te demande d’où vient ta cécité hideuse,
Dis-lui que t’aveugla l’assiégeur consommé,
Ulysse, roi d’Ithaque, engendré par Laërte. »

Le sauvage en hognant a soudain reparti :
« Grands dieux ! l’oracle ancien n’avait donc pas menti.
Chez nous fut un devin à la pensée alerte,
Télème Eurymidés, dont l’art fit notre orgueil,
Et qui mourut prophète au milieu des Cyclopes.
Tout devait arriver d’après ses horoscopes,
La main d’Ulysse un jour devait m’extirper l’œil !
Mais quoi ! je m’attendais toujours à voir paraître
Un homme grand et beau, de force revêtu ;
Et voilà qu’un vilain, un nabot, un fétu,
M’enlève la lumière à l’aide d’un vin traître.
Ulysse, viens ici, mon offrande t’attend.
J’inviterai Neptune à choyer ton navire ;
Je suis son tendre fils, il se plaît à le dire.
Seul il me guérira, si son cœur le prétend,
Et non pas ceux d’en haut ou l’humaine science. »

Je lui riposte alors d’un formidable ton :
« Puisse-je, t’arrachant et l’âme et l’existence,
Te faire voltiger aux gouffres de Pluton,
Aussi vrai que ton dieu ne te rendra la vue ! »

Je dis ; lui de prier son divin géniteur,
En élevant les mains vers l’astrale étendue :
« Écoute-moi, Neptune, ô noir agitateur !
Si je naquis de toi, si tu te dis mon père,
Fais qu’Ulysse jamais, ce foudre ithacéen
Par Laërte engendré, ne retourne en sa terre.

Mais si le sort là-bas le ramène à dessein,
S’il lui rend ses amis, son paternel empire,
Qu’il rentre tard et mal, sans un seul partisan,
Sur un pont mercenaire, et que son deuil soit pire ! »

Tel gronde son souhait qu’exauça le Tyran.
Notre ennemi soulève une plus vaste pierre,
La balance, et sur nous l’envoie à tour de bras.
De la poupe azurée elle frise l’arrière ;
Le timon a failli voler en mille éclats.
La mer se gonfle au choc de la masse compacte,
Mais cette fois nous pousse et nous laisse à bon port.

De retour dans l’îlette où ma flottille intacte
Stationnait toujours, tandis qu’au long du bord
La troupe gémissait lasse et désespérée,
Notre nef sur le sable achève ses trajets,
Et nous-mêmes foulons la grève désirée.
Du Cyclope on débarque ensuite les sujets ;
On en fait plusieurs lots, chacun a part égale.
Des bons distributeurs, moi, je reçois en plus
Le grand bélier ; ma main le tue et le régale
À Zeus, l’altier Kronide aux décrets absolus.
Je brûle les fémurs ; mais le dieu n’y prend garde :
Il ne songe qu’à perdre, en ses ressentiments,
Mes braves compagnons, mes fermes bâtiments.
Nous passons tout le jour, jusqu’à l’heure blafarde,
À savourer des mets de vin pur arrosés.
Quand le soleil s’éteint et que règnent les ombres,
Nous nous endormons tous auprès des vagues sombres.
Mais lorsque reparaît l’Aurore aux doigts rosés,
Stimulant mes marins, vite je leur ordonne

De monter aux tillacs, de larguer les câblots.
À leurs bancs vont s’asseoir les zélés matelots,
Et sous les avirons l’onde écume et résonne.

Nous reprenons la mer, heureux d’être sauvés,
Mais tout bas regrettant nos amis enlevés. »

L’Odyssée
Traduction Séguier
9

Le temple d’Esculape – Villa BORGHESE

ROME – ROMA
LA VILLA BORGHESE

Armoirie de Rome

 Photos Jacky Lavauzelle

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Flag_of_Lazio

Giardino del Lago
Le Jardin du Lac


LE TEMPLE D’ESCULAPE
Aedes Aesculapii
Tempio di Esculapio

Ἀσκληπιός

Asclepio o Esculapi
Ἀσκληπιός
Asclépios ou Esculape
Divinité très vénérée par le peuple
Dieu de la médecine
« Le médecin irréprochable » Iliade – Homère
Accompagné d’un bâton doté du pouvoir de guérison

Stile Ionico
Style Ionique

portico con 4 capitelli ionici che sorreggono un frontone triangolare
Portique avec quatre chapiteaux ioniques soutenant un fronton triangulaire

 realizzato nel 1786
Réalisé en 1786
da Antonio e Mario Asprucci e da Cristoforo Unterperger
par Antonio et Mario Asprucci et Christopher Unterperger

Mario Asprucci (1764-1804)
Christophe Unterperger (1732-1798)

Villa Borghese Villa Borghèse Rome Roma Temple d'Esculape Tempio di Esculapio artgitato 1 Villa Borghese Villa Borghèse Rome Roma Temple d'Esculape Tempio di Esculapio artgitato 2 Villa Borghese Villa Borghèse Rome Roma Temple d'Esculape Tempio di Esculapio artgitato 3 Villa Borghese Villa Borghèse Rome Roma Temple d'Esculape Tempio di Esculapio artgitato 4 Villa Borghese Villa Borghèse Rome Roma Temple d'Esculape Tempio di Esculapio artgitato 5 Villa Borghese Villa Borghèse Rome Roma Temple d'Esculape Tempio di Esculapio artgitato 6

Villa Borghese Villa Borghèse Rome Roma Temple d'Esculape Tempio di Esculapio artgitato 7

JULES GIRARD
Les mimes Grecs – Théocrite, Hérondas
LA REVUE DES DEUX MONDES
Tome 116
1893

 Le quatrième mime met en scène deux femmes du commun apportant une offrande à Esculape dans un temple que le dieu avait à Cos, pour le remercier d’une guérison. On voit comment les choses se passaient en pareil cas. Elles arrivent au petit jour ; en entrant, l’une d’elles, celle que la guérison intéresse le plus directement et qui offre le sacrifice, adresse un salut à Esculape et aux divinités avec qui il est en rapport, et expose l’objet de leur visite : Salut, divin Paeon, qui règnes sur Tricca et qui as habité la douce Cos et Epidaure, et, avec toi, salut à Coronis qui t’a enfanté et à Apollon ! salut à Hygie, que touche ta main droite, et à celles dont voici les autels vénérés, Panacé, Épio et Iaso ! Salut aussi aux destructeurs du palais et des murs de Laomédon, guérisseurs des cruelles maladies, Podalire et Machaon, et à tous les dieux et à toutes les déesses qui habitent ton foyer, ô vénérable Paeon ! Montrez-vous favorables, acceptez les morceaux les plus délicats de ce coq, héraut de ma maison, que je sacrifie. Car nous ne puisons pas en abondance ni à notre gré ; autrement, ce serait, au lieu d’un coq, un bœuf ou une truie chargée de graisse, qui serait notre offrande pour les maladies que tu as guéries, ô dieu, en étendant tes douces mains. — Coccalé, dresse la table votive à droite d’Hygie. — « Ah ! ma chère Cynno, les belles statues ! »

LES LUSIADES – OS LUSIADAS -Traduction du Poème de Luis de Camões – Livre I – Canto Primeiro – strophe 12- Verso 12

LES LUSIADES – OS LUSIADAS
LITTERATURE PORTUGAISE

literatura português

Luis de Camões
Tradução – Traduction
texto bilingue

Luis de Camoes Les Lusiades

OS LUSIADAS

Obra Poética

(1556)

LES LUSIADES

A Epopeia Portuguesa

CHANT I
Canto Primeiro

Traduction Jacky Lavauzelle

verso 12
Strophe 12

I-12

Por estes vos darei um Nuno fero,
Pour cela, je vais te donner un féroce Nuno,
Que fez ao Rei o ao Reino tal serviço,
Qui a rendu à son roi et au Royaume de tels services,
 Um Egas, e um D. Fuas, que de Homero…

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Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO
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luis de camoes literatura português os lusiadas
les Lusiades

 

RAPT de Lucas BELVAUX

Lucas BELVAUX

 PA050019 L’Odyssée humaine

C’est en entrant dans la noirceur du monde, dans l’univers de la séquestration que Stanislas Graff (Yvan Attal) va s’ouvrir en découvrant sa lumière intérieure. Il est le Président. Il est l’être lisse, sans contours et sans corps. Les portes s’ouvrent à son passage. Rien ne le retient et il ne retient rien. Il est l’air, informel et triste. Son ombre se faufile à travers des pièces immenses, dorées et appropriées par l’argent et le pouvoir. Il croit pouvoir, il croit être et être le pouvoir. Mais il n’est rien. Il ne le sait pas encore. Il n’est que du vent. Sans odeurs et sans douleurs. Il n’est pas humain et l’odyssée qui l’attend, à travers le rapt, va lui faire découvrir toute son humanité enfouie. Il va découvrir son corps, à travers l’amputation et la douleur, la vraie valeur des plaisirs, à partir du manque, la valeur de sa famille à partir de son absence et dans la réalité  lourde du retour. En un mot, il va redevenir un homme, fragile et charnel, inquiet et lâche. CE N’EST PAS UN HOMME COMME LES AUTRES ! Au commencement, était la perfection du surhomme comme le décrit sa femme : « Je ne lui ai rien reproché parce que ce n’est pas un homme comme les autres. Il a plus d’énergie que les autres, plus d’appétit, plus d’envie ! Je n’ai pas pu le suivre et j’en ai souffert !…On pardonne tout à un homme comme lui ! Est-ce que vous vous rendez compte ce que c’est que de diriger un groupe de 130 000 personnes, en être responsable. Vous imaginez le poids qu’il avait sur les épaules ! » Il n’a pas de vision morale du monde. Il est flux. Il n’est qu’un flux. Tout passe, tout s’écoule. Un flux financier, de pouvoir, d’influence. Entre Les Etats-Unis et la Chine. Entre la présidence de la République et ses actionnaires. Il joue avec les êtres et avec l’argent, capable de claquer au poker en quelques heures ce qu’un ouvrier de son entreprise ne gagnera pas dans une année. Les 50000€ d’une nuit ne sont qu’un chèque, un morceau de papier pour une nuit où il a pu enfin sentir ses veines, son cœur battre. Où il a eu la sensation si brève d’être dans ce monde et de ce monde. Il cherchait des bribes d’humanité, comme le souligne un des policiers à sa femme : « la nouveauté, le plaisir d’une rencontre immédiate, fugitive, le besoin de séduire aussi… » CETTE DEMEURE AUTREFOIS HONOREE L’Odyssée, commence comme toutes les odyssées, à partir d’un port, d’un havre, et Stanislas, comme les autres avant lui, comme Ulysse et son Ithaque : « Cette demeure fut autrefois riche et honorée, tant que le héros habita le pays ; mais aujourd’hui, les Dieux, source de nos maux, en ont décidé autrement, et ils ont faits de lui le plus ignoré de tous les hommes. » (Homère, Odysée, Chant I, trad. Leconte de Lisle) ET AUCUN NE VÎT L’ÎLE DE SES YEUX ! Le plus ignoré des hommes, il deviendra. Cette vide existence, entre des rapports charnels creux, tarifés et sans lendemains et des repas familiaux où plus rien ne se dit, va se combler dans cette tente au fond d’une cave inhospitalière. Les geôliers, l’emmène dans un fond, tel Ulysse sur l’île de Calypso : «c’est là que nous fûmes poussés, et un Dieu nous y conduisit pendant une nuit obscure, car nous ne pouvions rien voir. Et un épais brouillard les nefs étant couvert de nuages. Et aucun de nous ne vît l’île de ses yeux, ni les grandes lames qui roulaient vers le rivage. » (Chant IX) et découvrir le ‘visage’ de ses tortionnaires, tel Ulysse découvrant le monstrueux Cyclope : « Cet homme géant, doué d’une grande force, sauvage, ne connaissant ni la justice ni les lois Et les coupant, membre à membre, il prépara son repas. Et il les dévora comme un lion montagnard, et il ne laissa ni leurs entrailles, ni leurs chairs, ni leurs os pleins de moelle. » (Chant IX) C’EST BIEN ! ON DIRAIT DES SANGLOTS ! Attaché, il va de la tente à la cave. La longueur de la chaine se rallonge. Les tortionnaires découvrent de l’émotion dans un des écrits : « C’est bien ! La main tremble, on dirait des sanglots, c’est bien ! » Sa tête, il la baisse et les yeux, il les cache. Il se soumet et demande. Il n’exige plus. Son corps est dans l’attente. Il découvre son rapport à l’autre dans ce qu’il a de tension, d’exigence, de souffrance, d’interdit et de lutte. DECOUVRIR SA LUMIERE INTERIEURE Et c’est dans cette ombre qu’il découvre sa flamme et sa lumière intérieure. Lorsqu’enfin cette confiance absolue s’abîme dans l’inquiétude et dans l’incertitude de ce que peut réserver la minute suivante. Après la conscience de la perte de son monde, la perte physique d’un de ses doigts, vient le moment du questionnement et de la reconstruction. De chien dans sa tanière, il se redresse. Il va lui redonner goût aux valeurs humaines  et le plaisir de savourer les petits instants quand la chaîne se desserre, ou quand le plateau servi est un peu plus chaud, un peu plus cuisiné ou l’eau coule enfin pour laver des plaies vives  ou quand un de ses geôliers (Gérard Meyland) lui parle avec des mots presque tendres et chaleureux :   « tiens Stanislas, regarde ! Ça va un peu changer de l’ordinaire. Je t’ai mijoté quelque chose de pas mauvais. Il n’y a pas de raisons de bouffer mal, en plus ! Allez ! Bon appétit ! Et le doigt, ça va ? Il pique encore ? », « Entre hommes, on peut se parler de ces choses-là ! Entre chasseurs ! Bon, j’arrête si ça te gêne ! » Et par ce long voyage immobile de son être, la découverte de son moi le plus intime. Jusqu’à cette vie, un instant, mise dans l’angoisse de son assassinat imminent. ILS NOUS ONT VITE OUBLIES ! Sans rancœur ni haine pour ses bourreaux. La délivrance qui s’ensuit porte plus haut le plaisir et le bonheur d’exister, la présence de son être dans le monde. Il découvert éberlué que les médias ne parlent plus de lui, que plus personne ne fait de son cas un événement important. Il tombe dans l’anecdotique, dans l’anonymat, dans la réalité.  « Eh oui ! Il y a plus rien sur nous ! Ils nous ont vite oubliés ! Pas vrai, Stanislas ? Quelques mois sans se manifester, et voilà, nous ne sommes plus aux infos ! » Il n’est plus dans la lumière, mais il est debout.  En terminant son odyssée, Stanislas n’est plus reconnu par sa famille. Il fait presque peur à sa femme quand il montre sa fragilité en pleurant sur son épaule (Anne Consigny). Elle comprend qu’il a changé. L’homme n’est plus dans l’énergie mais dans le souffle. Il ressemble plus à un SDF qu’à un patron de grande entreprise. Dans cet homme de chair de souffrance visible, il effraie. Sa fille cadette, n’ose même pas l’embrasser et retourne dans sa chambre. Il n’est qu’un étranger qui ne contrôle plus rien, ni la presse, ni sa sortie, ni son couple. On s’en méfie déjà. Déjà le monde s’était fait à sa disparition et s’en était arrangé. Maintenant, il dérange. IL DORMAIT DANS LA GROTTE SANS DESIR Ses ravisseurs avant de le libérer, lui donne un mot codé : CALYPSO. Homère une fois nous donne sa lecture et son éclairage dans le Chant V « Elle le trouva assis sur le rivage, et jamais ses yeux ne se tarissaient de larmes et sa douce vie se consumait dans le désir du retour, car la Nymphe n’était point aimée de lui. Certes, pendant la nuit, il dormait contre sa volonté dans la grotte creuse, sans désir, auprès de celle qui le désirait ; mais le jour, assis sur les rochers et les rivages, il déchirait son cœur par ses larmes, les gémissements et les douleurs et il regardait la mer indomptée en versant des larmes. Et l’illustre Déesse, s’approchait, lui dit : – Malheureux, ne te lamente pas plus longtemps ici, et ne consume point ta vie, car je vais te renvoyer promptement. » C’EST LE CHIEN D’UN HOMME MORT AU LOIN En terminant son odyssée, Stanislas retrouve son port d’attache, mais lui a changé. Seuls, quelques-uns le reconnaissent, à commencer par son épagneul, comme Ulysse reconnu par Argos. « Et ils se parlaient ainsi, et un chien, qui était couché là, leva la tête et dressa les oreilles. C’était Argos, le chien du malheureux Ulysse qui l’avait nourri lui-même autrefois, et qui n’en jouit pas, étant parti pour la Sainte Ilios…Et maintenant, en l’absence de son maître, il gisait, délaissé, sur l’amas de fumier…Et le chien gisait là, rongé de vermine. Et aussitôt, il reconnut Ulysse qui approchait, et il remua la queue et dressa les oreilles, qui, l’ayant vu, essuya une larme…et le porcher lui répondit : C’est le chien d’un homme mort au loin… » (Chant XVII) PROFITEZ-EN POUR PRENDRE UN PEU DE RECUL ! Les « prétendants injurieux » ne convoitent plus le reine Pénélope, mais son pouvoir, en lui subtilisant sa société. « Faites d’autres repas, mangez vos biens en vous recevant tour à tour dans vos demeures. » (Chant I). A la tête des conjurés, bien entendu, un de ses plus anciens fidèles et amis (André Marcon), le premier à lui planter un couteau dans le dos, afin de devenir Calife à la place du Calife : « maintenant, c’est votre retour qui pose problème ! Il y a la réalité et la perception qu’en ont les gens ! Votre image est très altérée ! Une espèce de play-boy, héritier, incapable, paresseux, vantard, joueur, plus intéressé par la jet-set que par son entreprise ! …Vous devez changer ! …Profitez-en pour prendre un peu de recul. Je crois que vous en avez besoin ! » Il va perdre son prestige mais gagner sa vie d’humain en toute incertitude. En ouvrant une lettre, le mot CALYPSO lui rappelle ses engagements. Mais il n’a plus rien. Plus d’argent, plus de pouvoir, plus de famille. Et ses ravisseurs attendent de lui les 50 000 000€. Comme Ulysse demandant à Calypso à son départ : « Je ne montrai point, comme tu le veux, sur un radeau, à moins que tu ne jures par le grand serment des Dieux que tu ne jures point mon malheur et ma perte. » MA VIE M’APPARTIENT ! Ce n’est pas Calypso, mais Stanislas qui a juré et qui s’est engagé. Sa fragilité est totale, comme Ulysse avant son retour à Ithaque : « J’ai déjà beaucoup souffert sur les flots et dans la guerre ; que de nouvelles misères m’arrivent, s’il le faut. » (Chant V) Et Stanislas réplique : « De quoi on parle ? De qui ? Quelqu’un m’a demandé si je souffrais ? Si j’avais souffert ? Qui m’a demandé à quoi ou à qui j’avais pensé à ce moment-là ? Qui m’a demandé si j’avais eu peur ? Qui m’a demandé si j’avais pleuré ? Si je m’étais senti seul ? Tu me l’as demandé, toi ? Et elle ? Elle me l’a demandé ? Personne ! Personne, pas une fois ! Tout ce qu’on m’a demandé, c’est de m’expliquer, que je dise avec qui j’avais couché et combien j’avais perdu au poker ! Je n’ai aucun compte à rendre ! Ma vie m’appartient comme ta vie t’appartient ! Ça ne m’empêche pas de vous aimer ! Plus que tout ! » Jacky Lavauzelle