LA POESIE D’EDGAR ALLAN POE
LITTERATURE AMERICAINE
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EDGAR ALLAN POE
1809-1849
Traduction – Translation
TRADUCTION JACKY LAVAUZELLE
French and English text
texte bilingue français-anglais
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LA POESIE D’EDGAR ALLAN POE
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A DREAM WITHIN A DREAM
UN RÊVE DANS UN RÊVE
1849
Take this kiss upon the brow!
Tiens ce baiser sur le front !
And, in parting from you now,
Et, en te quittant à présent,
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BRIDAL BALLAD
BALLADE NUPTIALE
The ring is on my hand,
L’anneau est à ma main,
And the wreath is on my brow;
Et la couronne à mon front ;
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EULALIE
(1845)
I dwelt alone
Je demeurais seul
In a world of moan,
Dans un monde de gémissements,
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THE HAPPIEST DAY
LE JOUR LE PLUS HEUREUX
1827
The happiest day – the happiest hour
Le jour le plus heureux – l’heure la plus heureuse
My sear’d and blighted heart hath known,
Mon coeur consumé et brisé l’a connue,
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THE HAUNTED PALACE
LE PALAIS HANTE
1839
In the greenest of our valleys
Dans la plus verte de nos vallées
By good angels tenanted,
Par de bons anges loués,
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SILENCE
1838
There are some qualities—some incorporate things,
Il y a certaines qualités – certaines choses incorporelles,
That have a double life, which thus is made
Avec une double vie, qui est faite
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TO HELEN
A HELENE
1831
Helen, thy beauty is to me
Hélène, ta beauté est pour moi
Like those Nicéan barks of yore,
Ces barques Nicéennes d’autrefois,
TO ONE IN PARADISE
À QUELQU’UN AU PARADIS
Amour, tu as été tout ce pour quoi
For which my soul did pine—
Mon âme a désiré ardemment –
LA VALLEE DES TROUBLES
The Valley of Unrest
Jadis un val silencieux souriait
Where the people did not dwell;
Que les gens avaient déserté ;
POE PAR BAUDELAIRE
LES PERSONNAGES DE POE
Les personnages de Poe, ou plutôt le personnage de Poe, l’homme aux facultés suraiguës, l’homme aux nerfs relâchés, l’homme dont la volonté ardente et patiente jette un défi aux difficultés, celui dont le regard est tendu avec la roideur d’une épée sur des objets qui grandissent à mesure qu’il les regarde, — c’est Poe lui-même. — Et ses femmes, toutes lumineuses et malades, mourant de maux bizarres et parlant avec une voix qui ressemble à une musique, c’est encore lui ; ou du moins, par leurs aspirations étranges, par leur savoir, par leur mélancolie inguérissable, elles participent fortement de la nature de leur créateur. Quant à sa femme idéale, à sa Titanide, elle se révèle sous différents portraits éparpillés dans ses poésies trop peu nombreuses, portraits, ou plutôt manières de sentir la beauté, que le tempérament de l’auteur rapproche et confond dans une unité vague mais sensible, et où vit plus délicatement peut-être qu’ailleurs cet amour insatiable du Beau, qui est son grand titre, c’est-à-dire le résumé de ses titres à l’affection et au respect des poëtes.
L’accord de l’homme et du poète
L’ardeur même avec laquelle il se jette dans le grotesque pour l’amour du grotesque et dans l’horrible pour l’amour de l’horrible, me sert à vérifier la sincérité de son œuvre et l’accord de l’homme avec le poëte. — J’ai déjà remarqué que, chez plusieurs hommes, cette ardeur était souvent le résultat d’une vaste énergie vitale inoccupée, quelquefois d’une opiniâtre chasteté, et aussi d’une profonde sensibilité refoulée. La volupté surnaturelle que l’homme peut éprouver à voir couler son propre sang, les mouvements soudains, violents, inutiles, les grands cris jetés en l’air, sans que l’esprit ait commandé au gosier, sont des phénomènes à ranger dans le même ordre.
la phosphorescence de la pourriture et la senteur de l’orage
Au sein de cette littérature où l’air est raréfié, l’esprit peut éprouver cette vague angoisse, cette peur prompte aux larmes et ce malaise du cœur qui habitent les lieux immenses et singuliers. Mais l’admiration est la plus forte, et d’ailleurs l’art est si grand ! Les fonds et les accessoires y sont appropriés aux sentiments des personnages. Solitude de la nature ou agitation des villes, tout y est décrit nerveusement et fantastiquement. Comme notre Eugène Delacroix, qui a élevé son art à la hauteur de la grande poésie, Edgar Poe aime à agiter ses figures sur des fonds violâtres et verdâtres où se révèlent la phosphorescence de la pourriture et la senteur de l’orage. La nature dite inanimée participe de la nature des êtres vivants, et, comme eux, frissonne d’un frisson surnaturel et galvanique. L’espace est approfondi par l’opium ; l’opium y donne un sens magique à toutes les teintes, et fait vibrer tous les bruits avec une plus significative sonorité. Quelquefois, des échappées magnifiques, gorgées de lumière et de couleur, s’ouvrent soudainement dans ses paysages, et l’on voit apparaître au fond de leurs horizons des villes orientales et des architectures, vaporisées par la distance, où le soleil jette des pluies d’or.
1856
Michel Lévy fr.