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FAUST (GOETHE) VORSPIEL AUF DEM THEATER – PROLOGUE SUR LE THEÂTRE

Johann Wofgang von Goethe

FAUST
VORSPIEL AUF DEM THEATER
PROLOGUE SUR LE THEÂTRE

Faust Goethe Eine Tragödie Argitato Théâtre VORSPIEL AUF DEM THEATER Prologue sur le théâtre

 Traduction Jacky Lavauzelle – artgitato.com

 

Direktor. Theatherdichter. Lustige Person

Le directeur, le poète et le bouffon

Direktor
Le directeur

Ihr beiden, die ihr mir so oft,

Vous deux, qui, avec moi, tant de fois,

In Not und Trübsal, beigestanden,

Dans la peine et dans l’épreuve, m’avez accompagné,

Sagt, was ihr wohl in deutschen Landen

Dîtes, que pensez-vous, en terres allemandes,

Von unsrer Unternehmung hofft?

De l’évolution de notre programme ?

Ich wünschte sehr der Menge zu behagen,

Je voudrais bien avoir l’opinion publique avec moi,

Besonders weil sie lebt und leben läßt.

Surtout parce qu’elle vit et qu’elle nous permet de vivre.

Die Pfosten sind, die Bretter aufgeschlagen,

Les affiches posées, les critiques avisées,

Und jedermann erwartet sich ein Fest.

Et chacun s’attend à une féerie.

Sie sitzen schon mit hohen Augenbraunen

Ils sont déjà assis, les yeux écarquillés

Gelassen da und möchten gern erstaunen.

Souhaitant être surpris et désirant être heureux.

Ich weiß, wie man den Geist des Volks versöhnt ;

Je sais comment de l’esprit du public on en fait un allié ;

Doch so verlegen bin ich nie gewesen :

Pourtant, je n’ai jamais été aussi embarrassé :

Zwar sind sie an das Beste nicht gewöhnt,

Il est vrai que du meilleur ils n’ont pas l’habitude,

Allein sie haben schrecklich viel gelesen.

Seulement, ils ont beaucoup lu.

Wie machen wir’s, daß alles frisch und neu

Comment allons-nous faire pour que tout soit frais, pour que tout soit nouveau

Und mit Bedeutung auch gefällig sei?

Et avec du sens aussi ?

Denn freilich mag ich gern die Menge sehen,

Pour sûr, je tiens à voir la foule,

Wenn sich der Strom nach unsrer Bude drängt,

Comme un torrent se fracasser à notre baraque,

Und mit gewaltig wiederholten Wehen

Et avec une douleur lancinante et puissante

Sich durch die enge Gnadenpforte zwängt ;

Se presser jusqu’au-devant du guichet salvateur ;

Bei hellem Tage, schon vor vieren,

Au grand jour, avant les quatre heures,

Mit Stößen sich bis an die Kasse ficht

Par saccades, se heurter à la caisse

Und, wie in Hungersnot um Brot an Bäckertüren,

Et, comme lors des famines devant la porte du boulanger,

Um ein Billet sich fast die Hälse bricht.

Pour un billet, pour un peu, se briser le cou.

Dies Wunder wirkt auf so verschiedne Leute

Un tel miracle ne peut se produire sur une foule éclectique

Der Dichter nur ; mein Freund, o tu es heute !

Que par le poète, uniquement ; mon ami, fais qu’il en soit ainsi aujourd’hui !

Dichter
Le poète

O sprich mir nicht von jener bunten Menge,

Oh! Ne me parle de cette foule bariolée,

Bei deren Anblick uns der Geist entflieht.

Qui par son seul aspect fait fuir mon esprit.

Verhülle mir das wogende Gedränge,

Aveuglé par les vagues de cette cohue,

Das wider Willen uns zum Strudel zieht.

Qui, contre ma volonté, m’entraîne dans son tourbillon.

Nein, führe mich zur stillen Himmelsenge,

Non, conduis-moi vers le calme d’un ciel irisé,

Wo nur dem Dichter reine Freude blüht ;

Où, pour le seul poète, la joie peut fleurir ;

Wo Lieb und Freundschaft unsres Herzens Segen

Où amour et amitié ont la faveur de notre cœur,  

Mit Götterhand erschaffen und erpflegen.

Avec le soutien de Dieu, créé et protégé.

Ach! was in tiefer Brust uns da entsprungen,

Ah ! Comme du plus profond de nous s’évade

Was sich die Lippe schüchtern vorgelallt,

Ce que nos lèvres timides susurrent,

Mißraten jetzt und jetzt vielleicht gelungen,

Dénaturé parfois et parfois plus fameux,

Verschlingt des wilden Augenblicks Gewalt.

Dévoré par la puissance et la sauvagerie du présent.

Oft, wenn es erst durch Jahre durchgedrungen,

Souvent, après bien des années durant,

Erscheint es in vollendeter Gestalt.

Elle apparaît alors dans une forme aboutie.

Was glänzt, ist für den Augenblick geboren,

Ce qui brille, n’existe que pour les yeux,

Das Echte bleibt der Nachwelt unverloren.

Le vrai, seul, passe à la postérité.

Lustige Person
Le Bouffon

Wenn ich nur nichts von Nachwelt hören sollte.

Je ne veux plus rien entendre sur cette postérité !

Gesetzt, daß ich von Nachwelt reden wollte,

Soit, vous désirez que je discoure sur la postérité,

Wer machte denn der Mitwelt Spaß ?

Qui s’occupera alors à divertir nos contemporains ?

Den will sie doch und soll ihn haben.

Car ils en veulent encore et nous leur en donnons.

Die Gegenwart von einem braven Knaben

La présence d’un brave garçon

Ist, dächt ich, immer auch schon was.

Est, je pense, toujours autant apprécié.

Wer sich behaglich mitzuteilen weiß,

Celui qui sait annoncer quelque chose de plaisant,

Den wird des Volkes Laune nicht erbittern ;

Par l’humeur du public ne sera pas exaspéré ;

Er wünscht sich einen großen Kreis,

Il souhaitera agrandir un plus grand le cercle,

Um ihn gewisser zu erschüttern.

Sachez l’étonner !

Drum seid nur brav und zeigt euch musterhaft,

Les tambours ne sont bons, montrez-vous exemplaire,

Laßt Phantasie, mit allen ihren Chören,

Laissez l’imagination, avec tous ses chœurs,

Vernunft, Verstand, Empfindung, Leidenschaft,

Raison, intellect, émotion, passion,

Doch, merkt euch wohl! nicht ohne Narrheit hören.

Mais, remarquez bien! N’attendez rien sans folie.

  Direktor
Le directeur

Besonders aber laßt genug geschehn!

Surtout, montrez en assez !

Man kommt zu schaun, man will am liebsten sehn.

On vient pour voir, on veut voir toujours plus.

Wird vieles vor den Augen abgesponnen,

Beaucoup devant des yeux fatigués,

So daß die Menge staunend gaffen kann,

Tellement que la foule en restera sans voix,

Da habt Ihr in der Breite gleich gewonnen,

Là, vous aurez gagné la partie,

Ihr seid ein vielgeliebter Mann.

Vous voici un homme considéré.

Die Masse könnt Ihr nur durch Masse zwingen,

La masse peut, elle seule, en rabattre à la masse

Ein jeder sucht sich endlich selbst was aus.

Chacun recherche en fait ce qui l’intéresse

Wer vieles bringt, wird manchem etwas bringen;

Qui apporte beaucoup, à chacun apporte quelque chose ;

Und jeder geht zufrieden aus dem Haus.

Et chacun rentrera heureux chez lui.

Gebt Ihr ein Stück, so gebt es gleich in Stücken!

Vous donnez une pièce, donnez-la en morceaux !

Solch ein Ragout, es muß Euch glücken ;

Ainsi qu’un ragoût, elle rendra tout le monde heureux ;

Leicht ist es vorgelegt, so leicht als ausgedacht.

Il est facilement servi, tout autant que facilement réalisé

Was hilft’s, wenn Ihr ein Ganzes dargebracht?

A quoi bon, si vous offrez tout dans sa totalité ?

Das Publikum wird es Euch doch zerpflücken.

Le public aurait vite fait de vous disséquer !

Dichter
Le poète

Ihr fühlet nicht, wie schlecht ein solches Handwerk sei!

Vous ne sentez pas, comme est méprisable cet artisanat !

Wie wenig das dem echten Künstler zieme!

Comme il correspond peu au véritable artiste !

Der saubern Herren Pfuscherei

Les belles prouesses de ces messieurs

Ist. merk ich. schon bei Euch Maxime.

Je le remarque. Vous en faites déjà votre maxime.

Direktor
Le directeur

Ein solcher Vorwurf läßt mich ungekränkt :

Une telle critique me laisse de marbre :

Ein Mann, der recht zu wirken denkt,

Un homme, qui souhaite travailler correctement,

Muß auf das beste Werkzeug halten.

Doit avoir les meilleurs outils.

Bedenkt, Ihr habet weiches Holz zu spalten,

Rappelez-vous, vous devez fendre du bois tendre,

Und seht nur hin, für wen Ihr schreibt !

Et regardez dehors, pour savoir à qui vous écrivez !

Wenn diesen Langweile treibt,

Quand l’un arrivera dépressif,

Kommt jener satt vom übertischten Mahle,

Les autres arriveront d’un festin trop copieux,

Und, was das Allerschlimmste bleibt,

Et, ce qui reste le pire,

Gar mancher kommt vom Lesen der Journale.

Plus d’un viendront à la lecture du journal.

Man eilt zerstreut zu uns, wie zu den Maskenfesten,

On se précipite vers nous, comme à une mascarade,

Und Neugier nur beflügelt jeden Schritt ;

Et la curiosité précipite chaque pas ;

Die Damen geben sich und ihren Putz zum besten

Les dames montrent d’elles leurs plus beaux atours

Und spielen ohne Gage mit.

Et jouent déjà pour le public, sans gages.

Was träumet Ihr auf Eurer Dichterhöhe?

A quoi rêvez-vous, poètes, sur vos sommets ?

Was macht ein volles Haus Euch froh?

Que rend joyeux une salle comble ?

Beseht die Gönner in der Nähe!

Gardez vos mécènes à proximité !

Halb sind sie kalt, halb sind sie roh.

La moitié est glaciale, l’autre est inculte.

Der, nach dem Schauspiel, hofft ein Kartenspiel,

Qui, après la pièce, espère une partie de cartes,

Der eine wilde Nacht an einer Dirne Busen.

Qui, une nuit sauvage dans les bras d’une prostituée.

Was plagt ihr armen Toren viel,

Que, pour eux, vous tourmentez,

Zu solchem Zweck, die holden Musen ?

Dans ce but, les douces muses ?

Ich sag Euch, gebt nur mehr und immer, immer mehr,

Je vais vous dire, donnez seulement plus et plus encore, toujours plus,

 

So könnt Ihr Euch vom Ziele nie verirren

Ainsi vous ne perdrez pas le but de vue

Sucht nur die Menschen zu verwirren,

Cherchez seulement à troubler les hommes,

Sie zu befriedigen, ist schwer — —

Les satisfaire, c’est plus compliqué

Was fällt Euch an? Entzückung oder Schmerzen?

Qu’en pensez-vous ? Exstase ou douleur ?

Dichter
Le poète

Geh hin und such dir einen andern Knecht !

Va et trouve-toi un autre valet !

Der Dichter sollte wohl das höchste Recht,

Le poète devrait probablement par cette loi suprême,

Das Menschenrecht, das ihm Natur vergönnt,

Des droits de l’Homme, de ce que la Nature permet,

Um deinetwillen freventlich verscherzen !

Y renoncer sans autres motifs !

Wodurch bewegt er alle Herzen ?

Comment pourrait-il faire frémir les cœurs?

Wodurch besiegt er jedes Element ?

Comment soumettrait-il chaque élément ?

Ist es der Einklang nicht, der aus dem Busen dringt,

N’est-ce-pas l’accord qui sort de sa poitrine,

Und in sein Herz die Welt zurücke schlingt  ?

Et en son cœur n’enveloppe-t-il pas le monde ?

Wenn die Natur des Fadens ew’ge Länge,

Si la nature démêle les longs fils éternels,

Gleichgültig drehend, auf die Spindel zwingt,

Indépendamment des rotations, de la puissance de la broche,

Wenn aller Wesen unharmon’sche Menge

Si pour tous les êtres d’une foule discordante

Verdrießlich durcheinander klingt-

Renfrognés pêle-mêle s’entrechoquant

Wer teilt die fließend immer gleiche Reihe

Partageant toujours le même courant

Belebend ab, daß sie sich rhythmisch regt ?

Vivifiant cela, n’est-ce point lui qui suscite le rythme?

Wer ruft das Einzelne zur allgemeinen Weihe,

Qui appelle le particulier à l’unification générale,

Wo es in herrlichen Akkorden schlägt ?

Qui y introduit de beaux accords?

Wer läßt den Sturm zu Leidenschaften wüten ?

Qui peut lâcher la tempête sur les passions ?

Das Abendrot im ernsten Sinne glühn ?

Le coucher de soleil dans une âme éplorée ?

Wer schüttet alle schönen Frühlingsblüten

Qui étale toutes les belles fleurs de printemps

Auf der Geliebten Pfade hin?

Sur les chemins d’une bien-aimée ?

Wer flicht die unbedeutend grünen Blätter

Qui tresse des feuilles vertes insignifiantes

Zum Ehrenkranz Verdiensten jeder Art ?

Pour honorer les mérites en couronnes de gloire ?

Wer sichert den Olymp? vereinet Götter ?

Qui assure l’Olympe? Qui assemble les dieux ?

Des Menschen Kraft, im Dichter offenbart.

Tout le pouvoir de l’homme, par le poète est révélé.

Lustige Person
Le Bouffon

So braucht sie denn, die schönen Kräfte,

Utilisez donc vos puissants dons,

Und treibt die dichtrischen Geschäfte,

Et continuez vos travaux poétiques,

Wie man ein Liebesabenteuer treibt.

Comme on conduit une histoire d’amour.

Zufällig naht man sich, man fühlt, man bleibt,

On regarde par hasard, on s’émeut, on reste,

Und nach und nach wird man verflochten;

Et peu à peu vous vous retrouvez prisonnier ;

Es wächst das Glück, dann wird es angefochten,

Il pousse le bonheur, mais il est bientôt contesté

Man ist entzückt, nun kommt der Schmerz heran,

On est ravi, mais maintenant la douleur est proche,

Und eh man sich’s versieht, ist’s eben ein Roman.

Et avant que vous le sachiez, c’en est maintenant un roman.

Laßt uns auch so ein Schauspiel geben !

Donnez-nous aussi un tel spectacle!

Greift nur hinein ins volle Menschenleben!

Puisez seulement dans toute la plénitude de la vie humaine !

Ein jeder lebt’s, nicht vielen ist’s bekannt,

Chacun la vit, peu la connaissent,

Und wo ihr’s packt, da ist’s interessant.

Et où vous l’empoignez, là est l’intéressant.

In bunten Bildern wenig Klarheit,

En images colorées et peu de clarté,

Viel Irrtum und ein Fünkchen Wahrheit,

Beaucoup d’erreur et un atome de vérité,

So wird der beste Trank gebraut,

Ainsi, la meilleure boisson est-elle brassée,

Der alle Welt erquickt und auferbaut.

Elle rafraîchie le monde entier et l’édifie.

Dann sammelt sich der Jugend schönste Blüte

Alors s’assemble la plus belle fleur de la jeunesse

Vor eurem Spiel und lauscht der Offenbarung,

Devant votre jeu et écoutant la révélation,

Dann sauget jedes zärtliche Gemüte

Alors chaque esprit tendre extrait

Aus eurem Werk sich melanchol’sche Nahrung,

De votre travail des aliments mélancoliques,

Dann wird bald dies, bald jenes aufgeregt,

Telle chose apparaît bientôt, bientôt remplacée par une autre ,

Ein jeder sieht, was er im Herzen trägt.

Tout le monde voit, ce qu’il porte dans son cœur.

Noch sind sie gleich bereit, zu weinen und zu lachen,

Pourtant, ils sont encore prêts à pleurer et à rire,

Sie ehren noch den Schwung, erfreuen sich am Schein ;

Ils honorent toujours l’enthousiasme, ils jouissent de l’apparence ;

Wer fertig ist, dem ist nichts recht zu Machen ;

Ce qui est terminé, n’est plus à faire ;

Ein Werdender wird immer dankbar sein.

Un esprit qui se cherche sera toujours reconnaissant.

Dichter

Le poète

So gib mir auch die Zeiten wieder,

Alors rend-moi donc à nouveau ce temps,

Da ich noch selbst im Werden war,

Depuis que je recherche ma voie,

Da sich ein Quell gedrängter Lieder

Depuis qu’une source a pénétré mes chansons

Ununterbrochen neu gebar,

Continuellement renouvelées,

Da Nebel mir die Welt verhüllten,

Là, le brouillard m’enveloppait le monde,

Die Knospe Wunder noch versprach,

Le bourgeon encore promettait des merveilles,

Da ich die tausend Blumen brach,

Là, je cueillais un millier de fleurs,

Die alle Täler reichlich füllten.

Qui tapissaient abondamment les vallées.

Ich hatte nichts und doch genug :

Je n’avais rien, et j’avais assez:

Den Drang nach Wahrheit und die Lust am Trug.

Le soif de vérité et la joie de mentir.

Gib ungebändigt jene Triebe,

Donne-moi ces instincts sauvages,

Das tiefe, schmerzenvolle Glück,

La profondeur d’un douleur bonheur,

Des Hasses Kraft, die Macht der Liebe,

La force de la haine, la puissance de l’amour,

Gib meine Jugend mir zurück!

Rends-moi ma jeunesse!

Lustige Person
Le Bouffon

Der Jugend, guter Freund, bedarfst du allenfalls,

La jeunesse, mon ami, tu en as toujours besoin,

Wenn dich in Schlachten Feinde drängen,

Quand tu es poussé par tes ennemis dans les batailles,

Wenn mit Gewalt an deinen Hals

Quand violemment autour de votre cou

Sich allerliebste Mädchen hängen,

Les belles filles se pendent,

Wenn fern des schnellen Laufes Kranz

Quant à l’écart de la course folle la couronne

Vom schwer erreichten Ziele winket,

Au loin, te montre l’objectif à atteindre,

Wenn nach dem heft’gen Wirbeltanz

Quand après la danse tourbillonnante

Die Nächte schmausend man vertrinket.

Les nuits se parfument de boissons.

Doch ins bekannte Saitenspiel

Mais faire vibrer la célèbre lyre

Mit Mut und Anmut einzugreifen,

Avec force et grâce,

Nach einem selbstgesteckten Ziel

Vers un objectif fixé par soi-même

Mit holdem Irren hinzuschweifen,

Par de charmants et déments vagabondages,

Das, alte Herrn, ist eure Pflicht,

C’est là, vieil homme, où est ton devoir,

Und wir verehren euch darum nicht minder.

Et nous ne vous en respectons pas moins.

Das Alter macht nicht kindisch, wie man spricht,

L’âge ne nous fait pas enfant, comme l’on dit,

Es findet uns nur noch als wahre Kinder.

Il nous trouve juste encore comme de vrais enfants.

Direktor
Le directeur

Der Worte sind genug gewechselt,

Assez de mots échangés,

Laßt mich auch endlich Taten sehn!

Laissez-moi voir enfin l’action!

Indes ihr Komplimente drechselt,

Pendant que vous peaufiniez les compliments,

Kann etwas Nützliches geschehn.

Quelque chose d’utile aurait pu voir le jour.

Was hilft es, viel von Stimmung reden?

N’est-ce pas ce qui aide le plus pour parler d’inspiration ?

Dem Zaudernden erscheint sie nie.

Elle n’apparaît jamais aux indécis.

Gebt ihr euch einmal für Poeten,

Vous vous dîtes des poètes,

So kommandiert die Poesie.

Alors commandez à la poésie.

Euch ist bekannt, was wir bedürfen,

Vous savez tous ce dont nous avons besoin,

Wir wollen stark Getränke schlürfen ;

Nous voulons siroter des boissons fortes,

Nun braut mir unverzüglich dran!

Maintenant, brassez-en immédiatement !

Was heute nicht geschieht, ist morgen nicht getan,

Ce qui n’est pas fait aujourd’hui, demain ne sera pas,

Und keinen Tag soll man verpassen,

Et pas un jour ne doit se perdre,

Das Mögliche soll der Entschluß

Le possible doit devenir le certain

Beherzt sogleich beim Schopfe fassen,

Il faut le saisir immédiatement avec courage des deux mains,

Er will es dann nicht fahren lassen

Et enfin ne pas le laisser filer

Und wirket weiter, weil er muß.

Et il continuera parce qu’il le doit.

Ihr wißt, auf unsern deutschen Bühnen

Vous savez, sur nos scènes allemandes

Probiert ein jeder, was er mag ;

Chacun essaie ce qu’il aime ;

Drum schonet mir an diesem Tag

N’épargner plus aujourd’hui

Prospekte nicht und nicht Maschinen.

Les décors ou les machines.

Gebraucht das groß, und kleine Himmelslicht,

Utilisez la grande et petite lumière céleste,

Die Sterne dürfet ihr verschwenden ;

Gaspillez à l’envi les étoiles ;

An Wasser, Feuer, Felsenwänden,

De l’eau, le feu, les parois rocheuses,

An Tier und Vögeln fehlt es nicht.

Les animaux et les oiseaux, il n’en manque pas.

Den ganzen Kreis der Schöpfung aus,

Sur les étroites planches traversez

So schreitet in dem engen Bretterhaus

Le cercle entier de la création

Und wandelt mit bedächt’ger Schnelle

Et marchez d’un pas rapide

Vom Himmel durch die Welt zur Hölle.

Du ciel à travers le monde jusqu’à l’Enfer.

FAUST de GOETHE – PROLOG IM HIMMEL – PROLOGUE AU CIEL

Goethe par Joseph Karl Stieler, 1828

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Prolog im Himmel
Prologue au Ciel
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Johann Wolfgang
von Goethe

 Faust Goethe Eine Tragödie Argitato Théâtre Prolog im Himmel Prologue au ciel

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Traduction Jacky Lavauzelle 
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Faust par Wilhelm Hensel.

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Der Herr. Die himmlischen Heerscharen.
Nachher Mephistopheles.
Le Seigneur, les Phalanges célestes. Puis Méphistophélès.

  

Die drei Erzengel
treten vor
ils s’avancent
.

 

RAPHAEL

Die Sonne tönt, nach alter Weise,

Le Soleil résonne, selon la vieille tradition,

In Brudersphären Wettgesang,

Dans la multitude des chants des sphères harmonieuses,

Und ihre vorgeschriebne Reise

Et le voyage, comme il est prescrit,

Vollendet sie mit Donnergang.   

Se termine dans le fracas du tonnerre.

Ihr Anblick gibt den Engeln Stärke,

Sa vue donne aux Anges la force,

Wenn keiner Sie ergründen mag ;

Quand bien même il reste à jamais insondable ;

Die unbegreiflich hohen Werke

Les œuvres sublimes et incompréhensibles,

Sind herrlich wie am ersten Tag.

Sont belles comme au premier jour.

 

GABRIEL

Und schnell und unbegreiflich schnelle

Et rapidement, avec une vitesse inouïe,

Dreht sich umher der Erde Pracht ;

Tourne autour de la splendeur de la terre ;

Es wechselt Paradieseshelle

Il fait se succéder la lumière paradisiaque

Mit tiefer, schauervoller Nacht.

A la profondeur et au frisson de la nuit.

Es schäumt das Meer in breiten Flüssen

Il écume la mer dans les flots puissants

Am tiefen Grund der Felsen auf,

Sur la base profonde des roches,

Und Fels und Meer wird fortgerissen

Et les rocs et la mer sont balayés

Im ewig schnellem Sphärenlauf.

Dans la course éternelle et folle des sphères.

 

MICHEL

Und Stürme brausen um die Wette

Et la tempête gronde autour de l’orage qui,

Vom Meer aufs Land, vom Land aufs Meer,

De la mer à la terre, de la terre à la mer,

Und bilden wütend eine Kette

forme dans cette chaîne colérique

Der tiefsten Wirkung rings umher.

Des profonds et insondables effets.

Da flammt ein blitzendes Verheeren

Les flammes de la foudroyante dévastation

Dem Pfade vor des Donnerschlags.

Suivent le chemin qu’ouvre l’éclat du tonnerre.

Doch deine Boten, Herr, verehren

Pourtant, vos messagers, Seigneur, vénèrent

Das sanfte Wandeln deines Tags.

Les douces variations de ton jour.

ZU DREI
Les trois ensemble

Der Anblick gibt den Engeln Stärke,

Ta vue donne aux Anges la force,

Da keiner dich ergründen mag,

Que personne ne peut sonder,

Und alle deine hohen Werke

Et toutes tes hautes œuvres

Sind herrlich wie am ersten Tag.

Sont belles comme au premier jour.

MEPHISTOPHELES

Da du, o Herr, dich einmal wieder nahst

Parce que, Seigneur, tu t’approches une fois de plus

Und fragst, wie alles sich bei uns befinde,

Et demandes comment tout se déroule,

Und du mich sonst gewöhnlich gerne sahst,

Et que d’ailleurs tu me vois volontiers,

So siehst du mich auch unter dem Gesinde.

Donc, me voici parmi tes serviteurs.

Verzeih, ich kann nicht hohe Worte machen,

Pardonne-moi, je ne peux pas faire de grands discours,

Und wenn mich auch der ganze Kreis verhöhnt;

Même si je dois-être moqué par tous,

Mein Pathos brächte dich gewiß zum Lachen,

Mon pathos sûrement te ferait rire,

Hätt’st du dir nicht das Lachen abgewöhnt.

Si seulement tu n’avais pas renoncé au rire,

Von Sonn’ und Welten weiß ich nichts zu sagen,

Des soleils et des mondes, je ne connais rien,

 

Ich sehe nur, wie sich die Menschen plagen.

Je vois  seulement, comment les gens se tourmentent.

 

Der kleine Gott der Welt bleibt stets von gleichem Schlag,

 

Le petit dieu du monde reste toujours de la même espèce,

Und ist so wunderlich als wie am ersten Tag.

Et fantasque comme au premier jour.

Ein wenig besser würd er leben,

Il vivrait un peu mieux,

Hättst du ihm nicht den Schein des Himmelslichts gegeben ;

Si tu ne lui avais pas donné un peu de la lumière du ciel ;

Er nennt’s Vernunft und braucht’s allein,

Il appelle cela la raison et ne l’utilise

Nur tierischer als jedes Tier zu sein.

Seulement que pour être plus bestial que chaque animal.

Er scheint mir, mit Verlaub von euer Gnaden,

Il ressemble, avec tout le respect dû à Votre Grâce,

Wie eine der langbeinigen Zikaden,

A une de ces cigales à longues pattes,

Die immer fliegt und fliegend springt

Qui toujours vole et saute en volant

Und gleich im Gras ihr altes Liedchen singt ;

Et aussitôt dans l’herbe chante une vieille chansonnette ;

Und läg er nur noch immer in dem Grase!

Et si seulement, s’il restait pour toujours dans cette herbe !

In jeden Quark begräbt er seine Nase.

Mais dans chaque crotte, il fourre son nez !

DER HERR
Le Seigneur

Hast du mir weiter nichts zu sagen?

N’as-tu rien d’autre à me dire ?

Kommst du nur immer anzuklagen?

Ne viens-tu pas seulement, comme toujours, m’accuser ?

Ist auf der Erde ewig dir nichts recht?

Sur la terre, jamais, ne trouveras-tu rien de bon?

 

MEPHISTOPHELES

Nein Herr! ich find es dort, wie immer, herzlich schlecht.

Non, Seigneur ! Je n’y trouve, comme toujours, sincèrement que du mauvais !

Die Menschen dauern mich in ihren Jammertagen,

Les gens m’attristent, leur misère est si grande,

Ich mag sogar die armen selbst nicht plagen.

Je n’ai même plus de plaisir à châtier ces pauvres malheureux.

DER HERR
Le Seigneur

Kennst du den Faust?

Connais-tu Faust ?

MEPHISTOPHELES

Den Doktor?

Le docteur ?

DER HERR
Le Seigneur

Meinen Knecht !

Mon serviteur !

 

MEPHISTOPHELES

Fürwahr ! er dient Euch auf besondre Weise.

En vérité ! Il vous sert de la plus singulière manière !

Nicht irdisch ist des Toren Trank noch Speise.

Le fou ne boit ou ne mange rien de comestible.

Ihn treibt die Gärung in die Ferne,

Il est entraîné par cette fermentation spirituelle dans les hauteurs,

Er ist sich seiner Tollheit halb bewußt ;

Il est à moitié conscient de sa folie ;

Vom Himmel fordert er die schönsten Sterne

Du ciel qu’il appelle, il demande les plus belles étoiles

Und von der Erde jede höchste Lust,

Et à la terre, des plaisirs suprêmes,

Und alle Näh und alle Ferne

Et tout ce qui est proche et tout ce qui est lointain,

Befriedigt nicht die tiefbewegte Brust.

Ne pas satisfait plus ce cœur exigeant.

 

DER HERR
Le Seigneur

Wenn er mir auch nur verworren dient,

S’il me sert ainsi, même dans la confusion,

So werd ich ihn bald in die Klarheit führen.

Je le conduirais vers la lumière.

Weiß doch der Gärtner, wenn das Bäumchen grünt,

Il sait, le jardinier, quand l’arbre devient vert,

Das Blüt und Frucht die künft’gen Jahre zieren.

Que les fleurs et les fruits l’orneront dès les prochaines années.

MEPHISTOPHELES

Was wettet Ihr? den sollt Ihr noch verlieren!

Qu’est-ce que vous pariez ? Vous le perdrez !

Wenn Ihr mir die Erlaubnis gebt,

Si vous me donnez la permission,

Ihn meine Straße sacht zu führen.

De le guider doucement sur ma route.

DER HERR
Le Seigneur

Solang er auf der Erde lebt,

Tant qu’il vivra sur la terre,

So lange sei dir’s nicht verboten,

Rien ne t’interdit d’essayer tout ce temps,

Es irrt der Mensch so lang er strebt.

L’homme erre tant qu’il est dans sa quête.

MEPHISTOPHELES

Da dank ich Euch; denn mit den Toten

Je te remercie ! Car avec les morts

Hab ich mich niemals gern befangen.

Je n’ai jamais eu d’attraits.

Am meisten lieb ich mir die vollen, frischen Wangen.

J’aime par-dessus tout les joues  pleines et fraîches.

Für einem Leichnam bin ich nicht zu Haus ;

Pour un cadavre, je ne suis pas à la maison ;

Mir geht es wie der Katze mit der Maus.

Pour moi, il y va comme du chat avec la souris.

DER HERR
Le Seigneur

Nun gut, es sei dir überlassen!

Bien !  Je te le laisse !

Zieh diesen Geist von seinem Urquell ab,

Détourne cet esprit de sa source,

Und führ ihn, kannst du ihn erfassen,

Et si tu le saisis, conduis-le avec toi,

Auf deinem Wege mit herab,

Sur ton chemin vers les abîmes,

Und steh beschämt, wenn du bekennen mußt :

Mais honte à toi, s’il te faut avouer

Ein guter Mensch, in seinem dunklen Drange,

Qu’un homme bon, dans sa sombre impulsion,

Ist sich des rechten Weges wohl bewußt.

Reste bien conscient de la bonne voie à suivre !

 

MEPHISTOPHELES

Schon gut ! nur dauert es nicht lange.

Bien ! seulement il ne faudra pas longtemps !

Mir ist für meine Wette gar nicht bange.

Je n’ai pas de crainte pour mon pari.

Wenn ich zu meinem Zweck gelange,

Si j’arrive à mon but,

Erlaubt Ihr mir Triumph aus voller Brust.

Vous permettrez que je triomphe à pleins poumons.

Staub soll er fressen, und mit Lust,

La poussière, il la dévorera, et avec délectation,

Wie meine Muhme, die berühmte Schlange.

Comme mon cousin, le fameux Serpent.

 DER HERR
Le Seigneur

Du darfst auch da nur frei erscheinen ;

Tu pourras aussi apparaître à ta guise ;

Ich habe deinesgleichen nie gehaßt.

Je n’ai jamais haï tes pareils.

Von allen Geistern, die verneinen,

De tous les esprits qui s’opposent,

Ist mir der Schalk am wenigsten zur Last.

C’est pour moi le Malin qui m’est le moins à charge.

Des Menschen Tätigkeit kann allzu leicht erschlaffen,

L’activité d’un homme peut trop facilement se distendre,

Er liebt sich bald die unbedingte Ruh ;

Il aime le repos inconditionnellement ;

Drum geb ich gern ihm den Gesellen zu,

Je vais donc, volontiers, lui envoyer ce compagnon,

Der reizt und wirkt und muß als Teufel schaffen.

Afin de l’irriter et de l’influer et que le Diable le besogne.

Doch ihr, die echten Göttersöhne,

Mais vous, les vrais fils de Dieu,

Erfreut euch der lebendig reichen Schöne !

Réjouissez-vous de la richesse de la beauté vivante !

Das Werdende, das ewig wirkt und lebt,

Que ce qui advient, soit éternellement agissant et vivant,

Umfass’ euch mit der Liebe holden Schranken,

Et vous prenne dans les douces limites de l’amour,

Und was in schwankender Erscheinung schwebt,

Et ce qui est fluctuant et fuyant,

Befestigt mit dauernden Gedanken!

Se fixe en pensées durables !

 

(Der Himmel schließt, die Erzengel verteilen sich.
Le Ciel se referme, les archanges se dispersent)

MEPHISTOPHELES
(allein – seul)

 

Von Zeit zu Zeit seh ich den Alten gern,

De temps en temps, je vois le vieil homme avec plaisir,

Und hüte mich, mit ihm zu brechen.

Et me garde, avec lui, de rompre les liens.

Es ist gar hübsch von einem großen Herrn,

C’est vraiment agréable, venant d’un aussi grand seigneur,

So menschlich mit dem Teufel selbst zu sprechen.

De parler humainement avec le Diable lui-même.

**********************

FAUST (GOETHE) : Der Tragödie erster Teil – La Tragédie Première Partie

Johann Wofgang von Goethe

FAUST

 Faust Goethe Eine Tragödie Argitato Théâtre la Nuit La Tragédie Der Tragödie

Der Tragödie erster Teil
La tragédie Première partie

(jusqu’à « Die ird’sche Brust im Morgenrot ! » )

Traduction Jacky Lavauzelle – artgitato.com

 

Nacht – La nuit

 

  In einem hochgewölbten, engen gotischen Zimmer Faust, unruhig auf seinem Sessel am Pulte.
Dans une étroite chambre gothique où apparaît une voûte élevée, Faust, inquiet, est assis devant son pupitre.

FAUST
seul.

Habe nun, ach! Philosophie,

Qu’ai-je maintenant ?  hélas! La philosophie,

Juristerei und Medizin,

Le droit et la médecine,

Und leider auch Theologie

Et malheureusement aussi la théologie

Durchaus studiert, mit heißem Bemühn.

Certes, j’ai étudié avec une ardeur torride.

Da steh ich nun, ich armer Tor!

Me voici maintenant, moi, pauvre fou!

Und bin so klug als wie zuvor ;

Et je ne suis pas plus sage que naguère ;

Heiße Magister, heiße Doktor gar,

On m’appelle Maître, on me nomme même Docteur volontiers,

Und ziehe schon an die zehen Jahr

 Et, je mène, depuis dix ans déjà

Herauf, herab und quer und krumm

A droite, à gauche, à tort et à travers

Meine Schüler an der Nase herum-

Mes étudiants par le bout du nez –

Und sehe, daß wir nichts wissen können!

Et je vois que nous ne pouvons rien connaître !

Das will mir schier das Herz verbrennen.

Ceci me dévaste le cœur.

Zwar bin ich gescheiter als all die Laffen,

Oui,  je suis bien plus intelligent que tous ces escrocs,

Doktoren, Magister, Schreiber und Pfaffen ;

Les médecins, enseignants, scribes et prêtres ;

Mich plagen keine Skrupel noch Zweifel,

Je ne m’encombre ni de scrupules ni de doutes,

Fürchte mich weder vor Hölle noch Teufel-

Je ne crains ni l’Enfer ni le Diable –

Dafür ist mir auch alle Freud entrissen,

Pour moi, toute joie m’a abandonné,

Bilde mir nicht ein, was Rechts zu wissen,

Je ne vois rien de bien à connaître,

Bilde mir nicht ein, ich könnte was lehren,

Je ne vois rien que je puisse enseigner

Die Menschen zu bessern und zu bekehren.

Pour améliorer les hommes et les convertir.

Auch hab ich weder Gut noch Geld,

Aussi n’ai-je ni argent ni trésors,

Noch Ehr und Herrlichkeit der Welt ;

Ni honneur et ni la gloire du monde ;

Es möchte kein Hund so länger leben!

Aucun chien ne vivrait vivre ainsi aussi longtemps !

Drum hab’ ich mich der Magie ergeben,

Voilà pourquoi  je me suis initiée à la magie,

Ob mir durch Geistes Kraft und Mund

Voir si à travers la puissance et la voix de l’Esprit

Nicht manch Geheimnis würde kund ;

Des secrets pourraient être dévoilés ;

Daß ich nicht mehr mit saurem Schweiß

Afin de ne plus avoir à porter cette sueur aigre

Zu sagen brauche, was ich nicht weiß;

Pour dire que je ne sais rien ;

Daß ich erkenne, was die Welt

Afin que je sache ce qu’est le monde,

Im Innersten zusammenhält,

Dans le plus profond de sa composition,

Schau alle Wirkenskraft und Samen,

Tout en contemplant les forces en action et les créations,

Und tu’ nicht mehr in Worten kramen.

Et ne plus avoir à creuser avec des mots vains.

 

O sähst du, voller Mondenschein,

Oh ! Si tu te fixais, toi la pleine lune,

Zum letztenmal auf meine Pein,

Une dernière fois encore sur ma peine,

Den ich so manche Mitternacht

Toi que, tant de fois à minuit,

An diesem Pult herangewacht :

Sur ce chapitre, j’ai espéré,

Dann über Büchern und Papier,

Entouré de livres et de papiers,

Trübsel’ger Freund, erschienst du mir!

Triste amie, que tu m’apparaisses!

Ach! könnt ich doch auf Bergeshöhn

Ah ! Si je pouvais sur le sommet des montagnes

In deinem lieben Lichte gehn,

Dans ton aimable lumière de votre amour déambuler,

Um Bergeshöhle mit Geistern schweben,

Planer avec les Esprits autour des grottes des montagnes,

Auf Wiesen in deinem Dämmer weben,

Tisser au-dessus des prairies  dans ton crépuscule,

Von allem Wissensqualm entladen,

Libéré de toute connaissance fumeuse,

In deinem Tau gesund mich baden!

Dans ta rosée, me baigner sainement!

 

Weh ! steck ich in dem Kerker noch?

Malheur ! Encore végéter dans cette geôle ?

Verfluchtes dumpfes Mauerloch,

Trou infâme au mur terne,

Wo selbst das liebe Himmelslicht

Où même la douce lumière du ciel

Trüb durch gemalte Scheiben bricht!

Se trouble à travers les vitraux !

Beschränkt mit diesem Bücherhauf,

Gardé par cette montagne de livres,

Den Würme nagen, Staub bedeckt,

Que les vers grignotent, que la poussière recouvre,

Den bis ans hohe Gewölb hinauf

Le chemin jusqu’à la haute voûte

Ein angeraucht Papier umsteckt;

Est entouré de papiers enfumés ;

Mit Gläsern, Büchsen rings umstellt,

Par des lunettes, des boîtes, entourés,

Mit Instrumenten vollgepfropft,

Au milieu d’instruments entassés,

Urväter Hausrat drein gestopft-

Un capharnaüm ancestral –

Das ist deine Welt! das heißt eine Welt!

C’est là ton monde! Ça s’appelle un monde!

 

Und fragst du noch, warum dein Herz

Et tu demandes encore pourquoi ton cœur

Sich bang in deinem Busen klemmt?

Est oppressé dans ta poitrine ?

Warum ein unerklärter Schmerz

Pourquoi une douleur inexpliquée

Dir alle Lebensregung hemmt ?

Inhibe en toi toute volonté de vie ?

Statt der lebendigen Natur,

Plutôt que la nature pleine de vie,

Da Gott die Menschen schuf hinein,

Là où Dieu mit sa créature humaine,

Umgibt in Rauch und Moder nur

Entourée seulement de fumée et moisissure

Dich Tiergeripp und Totenbein.

De squelettes bestiaux et d’ossements.

 

Flieh ! auf ! hinaus ins weite Land!

Fuyez ! Debout ! Vers le grand large !

Und dies geheimnisvolle Buch,

Et ce livre mystérieux,

Von Nostradamus’ eigner Hand,

De la main de Nostradamus,

Ist dir es nicht Geleit genug?

N’est-il pas pour toi une agréable compagne ?

Erkennest dann der Sterne Lauf,

Tu connaîtras l’intimité des étoiles,

Und wenn Natur dich Unterweist,

Et si la nature t’instruit,

Dann geht die Seelenkraft dir auf,

Alors la force de l’âme se révèlera,

Wie spricht ein Geist zum andren Geist.

Comme parle un esprit à un autre esprit.

Umsonst, daß trocknes Sinnen hier

Il est vain que nos sens ici asséchés  

Die heil’gen Zeichen dir erklärt :

Interprètent les caractères sacrés :

Ihr schwebt, ihr Geister, neben mir ;

Vous planez, Vous, Esprits, à côté de moi ;

Antwortet mir, wenn ihr mich hört !

Répondez-moi, si vous m’entendez !

 

(Er schlägt das Buch auf und erblickt das Zeichen des Makrokosmus.)
(Il ouvre le livre et voit le signe du Macrocosme)

Ha! welche Wonne fließt in diesem Blick

Ha! Quel bonheur coule dans cette vue

Auf einmal mir durch alle meine Sinnen!

Soudain à travers tous mes sens!

Ich fühle junges, heil’ges Lebensglück

Je me sens jeune, avec une joie de vivre

Neuglühend mir durch Nerv’ und Adern rinnen.

Qui ruisselle en à travers mes nerfs et mes veines.

War es ein Gott, der diese Zeichen schrieb,

Serait-ce Dieu qui a écrit ces caractères,

Die mir das innre Toben stillen,

Qui calme en moi cette rage silencieuse,

Das arme Herz mit Freude füllen,

Qui remplit ce pauvre cœur de joie,

Und mit geheimnisvollem Trieb

Et avec un instinct mystérieux

Die Kräfte der Natur rings um mich her enthüllen?

Les forces de la nature se révèlent en moi?

Bin ich ein Gott? Mir wird so licht !

Suis-je un Dieu?  En moi tout devient si clair !

Ich schau in diesen reinen Zügen

Je regarde dans ces purs traits

Die wirkende Natur vor meiner Seele liegen.

La nature créatrice devant mon âme.

Jetzt erst erkenn ich, was der Weise spricht :

Seulement maintenant, je comprends ce que le Sage dit:

« Die Geisterwelt ist nicht verschlossen ;

« Le monde de l’esprit n’est pas fermé ;

Dein Sinn ist zu, dein Herz ist tot!

Ta compréhension lui l’est,  ton cœur enfin est mort!

Auf, bade, Schüler, unverdrossen     

Lève-toi !, Va te baigner, disciple infatigable !

Die ird’sche Brust im Morgenrot ! »

La poitrine terrestre face à l’aurore ! « 

(er beschaut das Zeichen.)
(Il contemple les caractères)

JOURNAL D’UN VOLEUR (E. BRIEUX) : LE PORTEFEUILLE MAUDIT

Eugène BRIEUX
JOURNAL D’UN VOLEUR
LE PORTEFEUILLE
MAUDIT

 Eugène Brieux - Journal d'un voleur - L'Assiette_au_Beurre-1903 Dessin de Léon Fourment no 112 du 23 mai 1903

Pour Goethe, « la plus insupportable engeance de voleurs, ce sont les sots ; ils nous volent à la fois notre temps et notre bonne humeur. » Nous n’avons pas affaire ici à des sots,  mais à des hommes que le malheur frappe en ravissant une partie de leur jeunesse.

UN HABITUE DE LA MISERE
Accompagnons la lecture du Journal d’un voleur des sentences de Publilius Syrus. Et d’une pincée de Crime et Châtiment de Dostoïevski. Même si le vol de ce dernier reste plus tragique encore que celui de Brieux. Les deux sont pauvres, vivant dans une gargote ou dans une mansarde, broyés par la grande pauvreté. Notre homme du Journal est au chômage depuis deux ans déjà, vivant d’expédients. Raskolnikov aussi est un homme cultivé, un étudiant, seul « la pauvreté l’écrasait, mais depuis quelque temps l’angoisse de sa situation avait cessé de l’opprimer. Il avait renoncé à s’occuper des détails de la vie pratique et ne voulait même pas y penserIl était si mal habillé que même un habitué de la misère aurait eu honte de se promener avec de tels haillons sur le dos. »

Le vol sera la solution pour s’extraire de la misère qui leur colle à la peau. Simple chez Brieux. Tragique pour Raskolnikov. La question du bien et du mal parcourt ces romans. Les auteurs creusent dans l’âme, même si personne n’a pu aller aussi loin dans ses profondeurs et dans ses recoins que Dostoïevski. Avec Brieux, nous sommes plus dans le conte moral que dans la fresque existentielle. Même si notre héros vit dans une réelle souffrance.

VOUS ÊTES BON !
L’autre question qui accompagne la question morale est celle de la liberté. Les deux personnages sont prisonniers et le résultat de leurs actes, loin de les libérer, les enferme dans le sordide et  la prison ou le suicide. Un combat  extérieur dans Brieux. Une lutte intérieure pour Dostoïevski.

Le mal ne va jamais sans le bien. Notre héros brieusien entrevoit dans le restaurant d’aider son prochain plus malheureux que lui. « A la fin du repas, je me sentais rempli d’une grande bonté. J’aurais voulu trouver des misères à soulager ; j’aurais voulu inviter tous ces braves à prendre quelque chose et je regrettai sincèrement de ne pouvoir le faire. »  Raskolnikov, lui, aide Catherine Ivanovna et toute sa famille ; quand il apporte le corps du mari blessé avec sa poitrine enfoncée, « j’ai envoyé chercher un docteur, répétait-il à Catherine Ivanovna, ne vous inquiétez pas, je paierai. » Et devant Nicodème Fomitch : « Essayez de la réconforter un peu, si possible…Vous êtes bon, je le sais, ajouta-t-il avec un sourire, en le regardant droit dans les yeux… »

ENFIN ! J’AI VOLE !
Publilius Syrus soulignait que « Ce qui est réellement beau, ne peut se réaliser rapidement », « quicquid futurum egregium est, sero absolvitur. » Syrus disait aussi dans une de ses sentences : « Quid tibi pecunia opus est, si ea uti non potes ? », «  à quoi bon avoir de l’argent, si vous ne pouvez pas l’utiliser ? » C’est tout le sens du Journal d’un voleur d’Eugène Brieux. Un dicton populaire transforme la sentence en : « bien mal acquis ne profite jamais. »

« Enfin ! J’ai volé ! » sonne comme une délivrance. Voilà notre homme qui copie des pièces de théâtre, « à trois francs l’acte »,  riche d’un portefeuille bien garni, d’une richesse qu’il n’avait jamais espéré. Mais le voici inquiet, « pétrifié ».  Notre homme se retrouve seul et habillé pauvrement dans sa gargote avec cette immense fortune qui finira par avoir sa peau, finalement. L’argent ne fait pas le bonheur. Ou plutôt l’argent mal acquis. Un bonheur qui commence comme un combat au corps à corps avec lui-même  « trois coups de poing que j’aurais reçus au creux de l’estomac ».

« Combien est pesante notre conscience ! Quam consciencia animi gravis est servitus ! » (Syrus)

UN FROID MORTEL TOMBA SOUS LUI
Nous pouvons rapprocher son état de celui de Raskolnikov dans la deuxième partie de Crime et Châtiment : « Raskolnikov demeura très longtemps ainsi couché. De temps à autre il semblait sortir de sa torpeur et remarquait que la nuit était bien avancée mais pas une fois il ne lui vint à l’esprit l’idée de se lever…Il était étendu de tout son long, encore à demi-inconscient…Tout d’abord il crut qu’il devenait fou : un froid mortel tomba sur lui ; mais cela venait de la fièvre qui avait repris pendant son sommeil. Il se mit à grelotter violemment, ses dents claquaient et il tremblait de tous ses membres. »

Mais notre homme se croit si riche que tout doit s’arranger. « Quis pauper est ? videtur qui dives sibi. » (Syrus) « Qui est pauvre ? Celui qui se croit riche ! »

LA RESPIRATION DE CELUI QUI ETAIT LA
Les sens sont amplifiés. Il n’est plus le même, comme s’il avait acquis d’être pouvoir surhumain. Le corps devient présent, pressant, « le sang me battait les secondes à la tête ». Tout le corps est là en lui. Ces sens, non contents d’occuper son être, sont devenus hypersensibles. « Il me semblait entendre, de l’autre côté de la porte, la respiration de celui qui était là… Enfin, j’allai coller mon oreille à la serrure. J’entendis le sifflement du gaz qui brûlait dans l’escalier ; j’entendis des conversations dans les chambres voisines et le locataire du dessous qui rentra.»

Sans contrôler son corps. Celui-ci vibre, bouge. Il est devenu incontrôlable. «Malgré l’extrême lenteur de mes mouvements, j’ai fait tomber mon porte-plume. »

JE SUIS INTELLIGENT, JE SAIS REFLECHIR
Mais plus ses sens sont performants, plus son corps se fige, pour se statufier : « Le bruit m’a pétrifié… De nouveau, je suis resté sans un mouvement, plié en deux, n’osant même pas me redresser tout à fait… Toute la journée s’est passée sans que j’ose ouvrir le portefeuille

Comment cet homme devenu riche de 126000 francs peut s’enfermer dans la misère :  « Il s’agit maintenant de ne pas me faire arrêter. Je suis intelligent, je sais réfléchir, je n’ai pas de remords ; je me tirerai de là. » Mais l’intelligence ne fait rien à l’affaire. Et il faut élaborer un stratagème pour les dépenser. L’habit faisant le moine, ses hardes ne sont pas compatibles avec son nouveau statut. Raskolnikov n’était pas mieux habillé : « Il était si mal habillé que même un habitué de la misère aurait eu honte de se promener avec de tels haillons sur le dos. »

UNE ENORME IMPRUDENCE
Mais comment ne pas se faire remarquer. « Au moment où j’allais mettre la main sur le bouton de la porte de la crèmerie, j’ai pensé tout à coup que j’allais commettre une énorme imprudence. Je dois un mois de pension dans cette crèmerie. Si je paie, – et on me demandera de payer, – j’éveillerai des soupçons. J’ai passé. »

« Quicquid vis esse tacitum, nulli dixeris : ce que vous voulez garder secret, ne le dites jamais » (Syrus)

Notre héros se sent supérieur par sa richesse :  « Tout en mangeant, je regardais les malheureux qui remplissaient la salle et j’avais conscience de la supériorité que ma fortune, mes 126,000 francs, me donnait sur eux. » Mais aussi redevable et en empathie avec les plus pauvres :  « A la fin du repas, je me sentais rempli d’une grande bonté. J’aurais voulu trouver des misères à soulager ; j’aurais voulu inviter tous ces braves gens à prendre quelque chose et je regrettai sincèrement de ne pouvoir le faire. » Il devient tout-puissant, presque divin. « Quid est beneficium dare ? imitari Deum. », « Quel avantage donne la bienfaisance ? imiter Dieu ! » 

QUE FAIRE ?
Le temps passe. Les soupçons s’éloignent mais la pauvreté s’installe : « Depuis quinze jours, je n’ai pas commis une faute…  Sur mes deux cents francs, il ne me reste plus que trois francs cinquante. »

Il ne vit que par les petites coupures, ne sachant pas comment écouler les plus grosses sans se faire prendre. « Changer un billet de mille francs avec ce costume-là !…  Autant aller tout de suite chez le commissaire de police et lui dire :- Monsieur, j’ai volé ! Pas de bêtises…Je ne suis pas encore assez sot, Dieu merci, pour commettre de pareilles bourdes…  Mais que faire ? »

Les jours passent. La monnaie s’épuise. Et toujours la même question lancinante : « Comment ferai-je pour manger, demain ? » La fatigue s’installe. Le désespoir aussi. Les solutions se raréfient. Les billets sont là et lui restent collés à la peau, comme pour lui rappeler la faute qu’il a commise. La faim devient de plus en plus insupportable.

MAINTENANT, JE SUIS DECOURAGE
Une idée. Echanger un gros billet dans une gare pour prendre le train pour Moscou ! « Tout à coup j’eus une épouvantable déception. A chaque guichet, il y avait un employé qui examinait les voyageurs. Des sergents de ville se promenaient. Mon étourderie m’apparut. Il y a des agents de la sûreté dans les gares. J’aurais l’air d’un assassin qui veut passer la frontière. »

Il faut réfléchir, il y a sûrement une solution. « Qui timet insidias omnes, nullas incidit. Celui qui anticipe tous les pièges, ne tombe dans aucun. »

Autre stratagème. Se faire passer comme employé afin de récupérer de la monnaie dans une banque. « – Nous ne faisons le change or qu’à nos clients…  Je repris mon billet et je sortis, sans ajouter un mot… Maintenant, je suis découragé… »

Le tout ne vaut rien : « Je ne puis dormir. J’ai faim. Cette fortune que j’ai, et rien, c’est la même chose. »

A vouloir être trop sage, le voilà désespéré : «Sapientiae plerumque stultitia est comes. La sagesse et la folie, souvent, marchent côte à côte. » Raskolnikov, lui, s’écriait : « ça ne peut être déjà le commencement ! le commencement de mon châtiment ? Mais si ! »

JE N’Y FAIS PAS GRAND’CHOSE ET JE SUIS BIEN PAYE
Vient l’idée du suicide : « Délivré ! Je suis délivré !… Je suis heureux, je suis libre !… Je n’ai plus rien…. L’autre nuit, à bout de forces, dans un cauchemar causé par la faim, je me suis levé, j’ai pris le portefeuille où j’avais remis le billet de mille francs et j’ai été me jeter à la Seine. » Il en perd sa fortune. Mais le voilà repêché. « Un monsieur très bien s’apitoya sur mon sort, sur ma misère, sur le blanchiment à la craie de mon linge. Je lui contai que le manque de travail m’avait conduit là… Il me fit habiller à neuf et me prit dans son administration… Je n’y fais pas grand ‘chose et je suis bien payé… Et je ne pense plus à mes cent vingt-six mille francs. »

Le voilà redevenu dans le droit chemin. Le mal est effacé. « Quicquid fit cum virtute, fit cum gloria. Ce qui est fait avec vertu, est fait avec gloire. »

Jacky Lavauzelle