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ODE À BUFFON – POÈME DE LEBRUN-PINDARE (1729-1807)

Ponce-Denis Écouchard-Lebrun,
dit Lebrun-Pindare
(11 août 1729 – 31 août 1807)

ODE I
À MONSIEUR DE BUFFON,
SUR SES DÉTRACTEURS



Buffon (1), laisse gronder l’Envie ;
C’est l’hommage de sa terreur :
Que peut sur l’éclat de ta vie
Son obscure et lâche fureur ?
Olympe, qu’assiège un orage,
Dédaigne l’impuissante rage
Des Aquilons tumultueux ;
Tandis que la noire Tempête
Gronde à ses pieds, sa noble tête
Garde un calme majestueux.

Pensais-tu donc que le Génie
Qui te place au trône des arts,
Longtemps d’une Gloire impunie
Blesserait de jaloux regards ?
Non, non, tu dois payer la Gloire ;
Tu dois expier ta mémoire
Par les orages de tes jours ;
Mais ce torrent qui dans ton onde
Vomit sa fange vagabonde,
N’en saurait altérer le cours.

Poursuis ta brillante carrière,
Ô dernier Astre des Français !
Ressemble au Dieu de la lumière,
Qui se venge par des bienfaits.
Poursuis ! que tes nouveaux ouvrages
Remportent de nouveaux outrages
Et des lauriers plus glorieux :
La Gloire est le prix des Alcides !
Et le Dragon des Hespérides
Gardait un or moins précieux.

C’est pour un or vain et stérile
Que l’intrépide fils d’Eson
Entraîne la Grèce docile
Aux bords fameux par la Toison.
Il emprunte aux forêts d’Épire
Cet inconcevable Navire
Qui parlait aux flots étonnés ;

Et déjà sa valeur rapide
Des champs affreux de la Colchide
Voit tous les monstres déchaînés.

Il faut qu’à son joug il enchaîne
Les brûlants taureaux de Vulcain :
De Mars qu’il sillonne la plaine
Tremblante sous leurs pieds d’airain.
D’un Serpent, l’effroi de la terre,
Les dents, fertiles pour la guerre,
À peine y germent sous ses pas,
Qu’une Moisson vivante, armée
Contre la main qui l’a semée,
L’attaque, et jure son trépas.

S’il triomphe, un nouvel obstacle
Lui défend l’objet de ses vœux :
Il faut par un dernier miracle
Conquérir cet or dangereux :
Il faut vaincre un Dragon farouche,
Braver les poisons de sa bouche,
Tromper le feu de ses regards ;
Jason vole ; rien ne l’arrête.
Buffon ! pour ta noble conquête
Tenterais-tu moins de hasards ?

Mais si tu crains la tyrannie
D’un monstre jaloux et pervers,

Quitte le sceptre du Génie,
Cesse d’éclairer l’Univers,
Descends des hauteurs de ton âme,
Abaisse tes ailes de flamme,
Brise tes sublimes pinceaux,
Prends tes envieux pour modèles,
Et de leurs vernis infidèles
Obscurcis tes brillants tableaux.

Flatté de plaire aux goûts volages,
L’Esprit est le dieu des instants,
Le Génie est le dieu des âges,
Lui seul embrasse tous les temps.
Qu’il brûle d’un noble délire
Quand la Gloire autour de sa lyre
Lui peint les Siècles assemblés,
Et leur suffrage vénérable
Fondant son trône inaltérable
Sur les empires écroulés !

Eût-il, sans ce tableau magique
Dont son noble cœur est flatté,
Rompu le charme léthargique
De l’indolente Volupté ?
Eût-il dédaigné les richesses ?
Eût-il rejeté les caresses
Des Circés aux brillants appas,
Et par une étude incertaine

Acheté l’estime lointaine
Des peuples qu’il ne verra pas ?

Ainsi l’active Chrysalide,
Fuyant le jour et le plaisir,
Va filer son trésor liquide
Dans un mystérieux loisir.
La Nymphe s’enferme avec joie
Dans ce tombeau d’or et de soie
Qui la voile aux profanes yeux,
Certaine que ses nobles veilles
Enrichiront de leurs merveilles
Les Rois, les Belles et les Dieux.

Ceux dont le Présent est l’idole
Ne laissent point de souvenir :
Dans un succès vain et frivole
Ils ont usé leur avenir.
Amants des roses passagères,
Ils ont les grâces mensongères
Et le sort des rapides fleurs.
Leur plus long règne est d’une aurore ;
Mais le Temps rajeunit encore
L’antique laurier des neuf Sœurs.

Jusques à quand de vils Procrustes (2)
Viendront-ils au sacré vallon,
Bravant les droits les plus augustes,
Mutiler les fils d’Apollon ?
Le croirez-vous, Races futures ?
J’ai vu Zoïle (3) aux mains impures,
Zoïle outrager Montesquieu !
Mais quand la Parque (4) inexorable
Frappa cet Homme irréparable,
Nos regrets en firent un Dieu.

Quoi ! tour à tour dieux et victimes,
Le sort fait marcher les talents
Entre l’olympe et les abîmes,
Entre la satire et l’encens !
Malheur au mortel qu’on renomme.
Vivant, nous blessons le Grand-Homme ;
Mort, nous tombons à ses genoux ;
On n’aime que la Gloire absente ;
La mémoire est reconnaissante ;
Les yeux sont ingrats et jaloux.

Buffon, dès que rompant ses voiles,
Et fugitive du cercueil,
De ces palais peuplés d’étoiles
Ton Âme aura franchi le seuil,
Du sein brillant de l’empyrée
Tu verras la France éplorée
T’offrir des honneurs immortels,
Et le Temps, vengeur légitime,

De l’Envie expier le crime,
Et l’enchaîner à tes autels.

Moi, sur cette rive déserte
Et de talents et de vertus,
Je dirai, soupirant ma perte :
Illustre Ami, tu ne vis plus !
La Nature est veuve et muette !
Elle te pleure ! et son Poète
N’a plus d’elle que des regrets.
Ombre divine et tutélaire,
Cette Lyre qui t’a su plaire,
Je la suspends à tes cyprès !

**

(1)
Buffon
Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon
naturaliste, mathématicien, biologiste, cosmologiste et écrivain français (1707 — 1788)

(2)
Procruste
Procuste est le surnom d’un brigand de l’Attique nommé Polypémon.
« Le Céphise a son cours beaucoup plus rapide à Éleusis que dans le reste de l’Attique. On donne le nom d’Erinéum (le figuier sauvage) à un endroit voisin par où Pluton descendit, dit-on, aux enfers après avoir enlevé Proserpine (Perséphone). C’est aussi auprès du Céphise que Thésée tua le brigand Polypémon, surnommé Procruste. »
(Pausanias – Description de la Grèce de Pausanias – Tome 1 – traduction nouvelle – 1821)

(3)
Zoïle
« Zoïle, fameux critique grec, connu par l’amertume de ses censures à l’égard d’Homère (d’où le surnom d’Homeromastix ou fouet d’Homère), né à Ephèse ou à Amphipolis, vivait à la fin du IVe s. av. J.-C. On a débité mille fables sur son compte : on a dit qu’il avait été condamné à mort par Ptolemée Philadelphe et crucifié ou lapidé par la foule enthousiaste d’Homère. Quoi qu’il en soit, son nom est resté synonyme de critique envieux et partial ; on l’oppose à celui d’Aristarque. On lui attribuait, entre autres ouvrages, 9 livres de Remarques hypercritiques sur Homère, une Hist. d’Amphipolis, une Hist. générale du monde jusqu’à Philippe (roi de Macédoine) : aucun n’est parvenu jusqu’à nous. »
Marie-Nicolas Bouillet – Alexis Chassang – Dictionnaire universel d’histoire et de géographie Bouillet Chassang (1878) -Librairie Hachette, 1878 (3, p. 2037).

(4)
Parques
« Déesses infernales, dont la fonction était de filer la trame de nos jours. Maîtresses du sort des hommes, elles en réglaient les destinées. Tout le monde sait qu’elles étaient trois sœurs, Clotho, Lachésis, & Atropos ; mais les Mythologues ne s’accordent point sur leur origine. Les uns les font filles de la Nuit & de l’Erebe ; d’autres de la Nécessité & du Destin ; & d’autres encore de Jupiter & de Thémis. Les Grecs les nommaient μοίραι, c’est-à-dire les déesses qui partagent, parce qu’elles réglaient les évènements de notre vie ; les Latins les ont peut-être appelées Parcæ, du mot parcus, comme si elles étaient trop ménagères dans la dispensation de la vie des humains, qui paraît toujours trop courte ; du moins cette étymologie est plus naturelle que celle de Varron, & supérieure à la ridicule antiphrase de nos grammairiens, quod nemini parcant. »
Louis de Jaucourt – L’Encyclopédie, 1re édition – 1751 (Tome 12, p. 80-81).




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La Vie de
Lebrun-Pindare

« Le Brun naquit à Paris en 1729. Ses dispositions poétiques se révélèrent de très bonne heure. Le prince de Conti, voyant qu’il s’annonçait avec éclat, voulut se l’attacher, et lui donna le titre de secrétaire de ses commandements, avec deux mille livres d’honoraires ; mais une protection qui lui fut plus utile ce fut celle de Louis Racine, qui ne lui épargna ni les avis ni les encouragements.
À vingt-six ans, Le Brun s’était déjà placé au premier rang parmi nos poètes lyriques.
L’amour le fit poète élégiaque.
Il épousa en 1760, la femme qu’il avait chanté sous le nom de Fanny. C’est dans le premier temps de cette union qu’il conçut l’idée de son poème de la Nature, poème que ses malheurs domestiques lui firent abandonner plus tard.
De maladroites attaques de Fréron forcèrent notre poète à s’essayer dans l’épigramme, où il y excella.
Une horrible banqueroute mit le comble à la misère de Le Brun, qui trouva dans M. de Vandreuil un protecteur intelligent et dévoué.
La révolution ayant éclaté, Le Brun en éprouva les principes et en embrassa les espérances. Lors de la formation de l’Institut, il fut l’un des premiers membres choisis par le directoire. Napoléon récompensa avec magnificence ses travaux et son patriotisme en lui accordant une pension de 6000 livres, dont il ne jouit pas très longtemps : il mourut pendant l’été de 1807. »
(Petits Poëtes Français depuis Malherbe jusqu’à nos jours –
Par Prosper Poitevin – Tome 1 – Paris –Chez Firmin Didot Frères, fils et Cie, Libraires – 1870)


OS LUSIADAS IV-63 LES LUSIADES – LUIS DE CAMOES – Passam também as ondas Eritreias

*

JEAN II DE PORTUGAL

Ferdinand de Portugal traduction Jacky Lavauzelle

OS LUSIADAS CAMOES CANTO IV
Os Lusiadas Les Lusiades
OS LUSIADAS IV-63 LES LUSIADES IV-63
LITTERATURE PORTUGAISE

JEAN II DE PORTUGAL Os Lusiadas Traduction Jacky Lavauzelle Les Lusiades de Luis de Camoes
Ferdinand de Portugal Os Lusiadas Traduction Jacky Lavauzelle Les Lusiades de Luis de Camoes



literatura português

Luis de Camões
[1525-1580]
Tradução – Traduction
texto bilingue

Luis de Camoes Les Lusiades Trad Jacky Lavauzelle

 Obra Poética  (1556)

OS LUSIADAS IV-63
A Epopeia Portuguesa

Traduction Jacky Lavauzelle

Ferdinand de Portugal Camoes Traduction Jacky Lavauzelle
Vasco de Gama
Traduction Jacky Lavauzelle

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JEAN II DE PORTUGAL

LE PRINCE PARFAIT
Lisbonne, 3 mars 1455 – Alvor, 25 octobre 1495
succède à Alphonse V

Jean II de Portugal

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La Naissance d’Adonis, gravure de Louis Desplaces d’après Carlo Cignani

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« Passam também as ondas Eritreias,
« Ils traversent également les vagues Érythréennes,
Que o povo de Israel sem nau passou;
Que le peuple d’Israël sans nul navire traversa ;…


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Ferdinand de Portugal Traduction Jacky Lavauzelle
Vasco de Gama par Gregorio Lopes

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LA MORT DU VETERAN CAMOES

Et puis, pour qu’un royaume ait des gens de lettres, il lui faut de l’argent pour les pensionner. Le Portugal, qui épuisait son épargne en flottes, en armées, en constructions de citadelles, ne pouvait avoir dans son budget un chapitre d’encouragemens aux lettres et aux arts. Bientôt même l’état ruiné par ses conquêtes, obéré par la victoire, n’eut plus de quoi suffire aux besoins de ses armées : il finit par ne pouvoir plus nourrir ceux qui l’avaient servi. Camoens mourut à l’hôpital, ou à-peu-près ; mais ce ne fut pas comme poète ; ce ne fut pas comme Gilbert et Maifilâtre à côté d’autres écrivains largement rentes: ce fut comme un vétéran dont la solde manque, ou dont la pension de retraite est suspendue.il mourut comme beaucoup de ses compagnons d’armes, comme mouraient les vice-rois eux-mêmes, qui n’avaient pas toujours (témoin dom Joâo de Castro) de quoi acheter une pouie dans leur dernière maladie.

« Qu’y a-t-il de plus déplorable que de voir un si grand génie si mal récompensé ? Je l’ai vu mourir dans un hôpital de Lisbonne, sans avoir un drap pour se couvrir, lui qui avait si bravement combattu dans l’Inde orientale et qui avait fait cinq mille cinq cents lieues en mer. Grande leçon pour ceux qui se fatiguent à travailler nuit et jour et aussi vainement que l’araignée qui ourdit sa toile pour y prendre des mouches. »
Il peut résulter de cette apostille que José Indio a vu Camoens à l’hôpital, sans qu’il faille prendre à la lettre les mots je l’ai vu mourir.
Ce fut dans ces circonstances que le désastre d’AIkacer Kébir (4 août 1578) frappa de mort le Portugal. Il restait encore à Camoens une larme pour sa patrie : Ah ! s’écria-t-il, du moins je meurs avec elle ! Il répéta la même pensée dans la dernière lettre qu’il ait écrite. « Enfin, disait-il, je vais sortir de la vie, et il sera manifeste à tous que j’ai tant aimé ma patrie, que non-seulement je me trouve heureux de mourir dans son sein, mais encore de mourir avec elle. »
Il ne survécut que peu de mois à ce désastre, et mourut au commencement de 1579, à l’âge de cinquante-cinq ans.
Il fut enterré très pauvrement dans l’église de Santa Anna, dit Pedro de Mariz, à gauche en entrant et sans que rien indiquât sa sépulture. Ses malheurs firent une impression si profonde, que personne ne voulut plus occuper la maison qu’il avait habitée. Elle est restée vide depuis sa mort. Les prévisions de Camoens ne tardèrent pas à s’accomplir. Le Portugal, ce royaume né d’une victoire et mort dans une défaite, tomba bientôt sous le joug de Philippe IL Ce monarque visitant ses nouvelles provinces, s’informa du poète, et, en apprenant qu’il n’existait plus, il témoigna un vif regret….

Charles Magnin
Luiz de Camoëns
Revue des Deux Mondes
Période Initiale, tome 6

*********************
Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO
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Ferdinand de Portugal Camoes Os Lusiadas IV Traduction Jacky Lavauzelle

JEAN II DE PORTUGAL
 OS LUSIADAS IV
LUIS DE CAMOES LES LUSIADES

LES LUSIADES II-12 OS LUSIADAS

LES LUSIADES II-12 OS LUSIADAS
LITTERATURE PORTUGAISE

Luis de Camoes Oeuvres obras Artgitato

literatura português

Luis de Camões
[1525-1580]

Tradução – Traduction
texto bilingue

Luis de Camoes Les Lusiades

 

Obra Poética

(1556)

LES LUSIADES II-12

OS LUSIADAS

A Epopeia Portuguesa

 

CHANT II
Canto Segundo

Traduction Jacky Lavauzelle

verso  12
Strophe 12

II-12

Image illustrative de l'article Vasco de Gama

Vasco de Gama

Vasco da Gama signature almirante.svg

Aqui os dous companheiros conduzidos
Ils conduisent alors les deux compagnons
Onde com este engano Baco estava,
Là où se tenait Bacchus,
Põem em terra os giolhos, e os sentidos…

Vasco de Gama par Gregorio Lopes

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LES LUSIADES II-12

Traduction Jacky Lavauzelle
ARTGITATO
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White_Fawn_Drawing Faon Diane

LA VIE DE LUIS DE CAMOES
par Charles Magnin

( Extrait )
Par En cherchant à montrer la différence qui sépare la vie aventureuse et active des écrivains portugais, notamment celle de Camoens, de la vie casanière et posée de la plupart de nos gens de lettres, je ne prétends pas élever par-là les œuvres des uns, ni déprimer les productions des autres. Je n’en crois pas les élégies de Camoens plus touchantes parce qu’elles sont datées d’Afrique, de la Chine et de l’Inde ; je n’en estime pas Polyeucte et Cinna moins admirables, parce que le grand Corneille n’a guère fait de plus longues pérégrinations que le voyage de Paris à Rouen. Je ne conseille à personne de louer un cabinet d’étude à Macao ; mais je crois que, généralement, si les ouvrages écrits au milieu des traverses et au feu des périls ne sont pas plus beaux, les vies de leurs auteurs sont plus belles. Indépendamment de la variété des aventures, on y trouve plus d’enseignements. J’admire et j’honore infiniment La Fontaine et Molière, mais j’honore et j’admire encore plus, comme hommes, Cervantès et Camoens. A mérite de rédaction égal, une histoire littéraire du Portugal serait un meilleur et plus beau livre qu’une histoire littéraire de notre dix-septième ou dix-huitième siècle. C’est une chose bonne et sainte que la lecture de ces vies d’épreuves, que ces passions douloureuses des hommes de génie, Je ne sache rien de plus capable de retremper le cœur. C’est pour cela que dans ce temps de souffrances oisives, de désappointements frivoles, de molles contrariétés et de petites douleurs, j’ai cru bon d’écrire l’étude suivante sur la vie de Luiz de Camoens.
….

CHARLES MAGNIN
Revue des Deux Mondes
1832
Tome 6
Littérature étrangère – Luiz de Camoëns